Secret défense
Devant les restes du royaume nabatéen, dans le désert d’Arabie saoudite, de grosses gouttes de sueur perlent sur le front dégarni de Jean-Yves Le Drian. Aveuglé par le soleil d’Al-Ula, au nord-ouest du pays, il plisse les yeux malgré de grandes lunettes noires. Il fait très chaud, en ce mois de janvier 2020, sur le site archéologique de Mada’in Saleh, mais le ministre de la Défense français ne grimace peut-être pas pour ça. Selon une source bien informée, les discussions avec son homologue saoudien, le prince Faisal ben Farhan al-Saoud, n’ont pas été très fructueuses avant cette visite. Le Drian aurait aimé vendre plus de matériel militaire au premier importateur d’armes au monde.
Dans un rapport publié lundi 9 mars 2020, l’Institut international de recherche pour la paix de Stockholm (Sipri) place Riyad en tête des acheteurs de canons, avec 12 % de parts de marché sur la période 2015-2019. L’Inde est deuxième (9,2 %), suivie de l’Égypte (5,8 %), de l’Australie (4,9 %) et de la Chine (4,3 %). Quant à la France, elle est sur le podium des exportateurs. Le lobbying de Jean-Yves Le Drian n’est pas sans effet puisqu’elle vient de gagner deux places en vendant 7,9 % des missiles, avions de chasse et navires de guerre au monde, soit une hausse de 72 % par rapport à la période 2010-2014. Dans le même temps, les emplettes saoudiennes grimpaient de 130 %.
D’après le Sipri, Riyad a acheté « 30 chasseurs et un grand nombre de missiles en provenance des États-Unis, des véhicules blindés venant du Canada et de France, des patrouilleurs de France ainsi que des missiles et avions d’entraînement britanniques. » Au total, 73 % de ses importations viennent des États-Unis, 13 % du Royaume-Uni et 4,3 % de la France. Et ce matériel se retrouve immanquablement en zone de guerre.
En septembre 2019, Amnesty International a lancé une campagne intitulée « Silence on arme ! » pour dénoncer l’utilisation d’armes françaises contre des civils. Elle s’appuyait notamment sur une note de la Direction du renseignement militaire (DRM) dévoilée le 15 avril 2019 par le média d’investigation Disclose, qui énumère une série d’armes françaises longue comme les malheurs yéménites : chars Leclerc, obus flèches, Mirage 2000-9, radar Cobra, blindés Aravis, hélicoptères Cougar et Dauphin, canons Caesar…
En consultant ce rapport rédigé le 25 septembre 2018, le président Emmanuel Macron et la ministre de la Défense Florence Parly ont pu avoir le détail de l’équipement exporté par Paris et désormais utilisé dans la guerre au Yémen. Ses acheteurs, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, y mènent des frappes à l’origine de « l’une des plus graves crises humanitaires au monde » selon les Nations unies. Quelque 68 000 personnes ont déjà perdu la vie.
Le 20 janvier 2019, sur France Inter, Florence Parly refuse pourtant d’admettre l’implication du matériel français. « Je n’ai pas connaissance du fait que des armes [françaises] soient utilisées directement dans ce conflit. » Neuf jour après les révélations de Disclose, le 24 avril 2019, l’AFP apprend la convocation de trois journalistes par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Le service de renseignement souhaite les interroger dans le cadre d’une enquête pour « compromission par personne dépositaire et compromission par un tiers » ouverte par le Parquet de Paris dès le 13 décembre 2018.
« Cette procédure pénale n’a d’autre objectif que de tenter de connaître nos sources », s’insurge Geoffrey Livolsi, un membre de Disclose interrogé par Mediapart. « C’est de fait une atteinte à la liberté de la presse qui suppose le secret des sources. Le pouvoir exécutif a donc choisi de répondre à nos révélations par la menace juridique. »
Placés sous le statut de « suspects libre » en vue de leur entretien le 14 mai prochain, Geoffrey Livolsi et Mathias Destal (Disclose) et Benoît Collombat (Radio France) sont largement soutenus par la profession. Une quarantaine de medias expriment leur solidarité avec eux. Dans un communiqué, les partenaires de leur enquête, Arte Info, Mediapart, Radio France, The Intercept et Konbini news rappellent que les documents dévoilés « présentent un intérêt public majeur ». Car alors qu’elle figure parmi les premiers vendeurs d’armes au monde, la France refuse d’être pleinement transparente.
Sans l’enquête de Disclose, le public n’aurait peut-être jamais su qu’une cinquantaine de canons Caesar, sortis des usines de l’industriel français Nexter, ont été déployés le long de la frontière séparant l’Arabie saoudite et le Yémen pour « appuyer les troupes loyalistes, épaulées par les forces armées saoudiennes, dans leur progression en territoire yéménite », selon la note ; ni que des navires français participent au blocus naval qui freine le ravitaillement des civils. L’un d’eux contribue « à l’appui des opérations terrestres menées sur le territoire yéménite ».
Les promesses de l’obus
Sur les berges d’Hodeïda, à l’ouest du Yémen, le ciel dégagé de ce mois de novembre 2018 forme un dégradé turquoise avec la mer Rouge, hérissé çà et là par les grues du port. Il y a encore quelques jours, cette toile harmonieuse était déchirée par les obus. Le calme règne aujourd’hui, mais pour combien de temps ? À la remorque d’un pick-up, des hommes armés de Kalachnikov filent sous les câbles électriques suspendus comme des toiles d’araignées entre les maisons encore debout. Plus loin, des lance-roquettes aux airs de fusées se promènent à l’arrière de motos. Personne n’y prête vraiment attention. Car les armes de ces rebelles houthis ne sont rien à côté des bombes saoudiennes.
Bientôt, implacables, elle reviendront s’écraser sur cette ville où transite 70 % de l’aide humanitaire. « Des opérations militaires sont en cours et chaque opération a ses particularités et son rythme propre », a déclaré jeudi 15 novembre le colonel saoudien Turki al-Maliki à l’AFP. Qu’importe les cinq millions d’enfants menacés de famine. Au début du mois, une fillette de sept ans, Amal Hussain, a succombé à la malnutrition. La « pire situation au monde » dénoncée par les Nations Unies a des chances d’empirer. Depuis le début du conflit, en 2015, quelque 50 000 personnes ont été tuées. Parmi elles, il faut compter les 40 mineurs frappés « par erreur » à Saada au mois d’août, a reconnu le commandement saoudien de la coalition alliée aux loyalistes.
Pour accomplir cette œuvre funeste, Riyad peut compter sur le gouvernement des États-Unis, premier armurier mondial. « Au Yémen, il y a surtout des missiles américains », observe Georges Berghezan, expert du Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (Grip). Sans convaincre, Washington « certifie » que tout est mis en œuvre pour épargner les civils. Ce rôle incombe notamment au troisième exportateur d’armes du monde : la France. « Les avions de la coalition utilisent du matériel de ciblage français », dénonce justement le député LREM de Haute-Garonne Sébastien Nadot. Ce membre de la commission des affaires étrangères plaide pour l’ouverture d’une commission d’enquête parlementaire sur les exportations d’armes aux belligérants du conflit. En vain.
Contrairement aux Pays-Bas, à la Suède, à l’Espagne et à l’Allemagne, qui ont remis en cause des contrats d’armements passés avec le royaume saoudien, la France fait toujours affaire. Elle a envoyé pour 1,4 milliard d’euros d’armes à Riyad en 2017, « sans complexe », tacle Aude Fleurant, chercheuse à l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri). « Si Paris transfère habituellement à Riyad autour de 400 à 500 millions d’euros d’armes chaque année, les livraisons ont augmenté peu avant et pendant le conflit : 644 millions en 2014, 900 millions d’euros en 2015, 1 milliard en 2016 », note un long rapport rendu en avril 2018 par la Fédération internationale des Ligues des droits de l’homme (FIDH), l’Observatoire des armements (Obsarm), la Ligue des droits de l’homme (LDH) et Sisters Arab Forum for Human Rights.
Au moment où paraissait ce document, le prince héritier d’Arabie saoudite Mohammed ben Salmane était à Paris. Il ne s’est pas contenté de visiter la capitale. À en croire différents quotidiens, sa signature figure au bas d’un contrat prévoyant la livraison de 39 bateaux d’interception, construits par le groupe hexagonal CMN (Constructions mécaniques de Normandie), et de canons Caesar, sortis des usines de la société Nexter. Deux mois plus tard, le ministère de la Défense rendait son rapport au Parlement sur les exportations d’armement. En introduction, la ministre Florence Parly se félicitait que la France eût reçu pour 7 milliards d’euros de commandes en matériel de guerre l’an passé. Près de 60 % viennent du Moyen-Orient.
Ses entreprises sont présentes « à environ 30 % dans l’aéronautique, 30 % dans l’électronique, 20 % dans le domaine naval », y apprend-on. « Les domaines terrestre, spatial et missiles se partagent les 20 % restants. » Entre 2008 et 2017, leurs carnets de commandes ont surtout été remplis par l’Inde, puis par l’Arabie saoudite, le Qatar, l’Égypte, le Brésil et les Émirats arabes unis. Pour la période 2013-2017, le rapport du Sipri met l’Égypte, la Chine et l’Inde dans le trio de tête. « Le principal produit d’exportation, c’est l’avion Rafale », indique Georges Berghezan. « Les navires Mistral coûtent aussi très cher. Puis il y a les sous-marins. La France produit en revanche assez peu d’armement léger. » En 2017, l’Arabie saoudite n’a ainsi reçu que 19 pistolets semi-automatique (9 mm), huit carabines semi-automatique et cinq fusils à pompe calibre 12 en provenance de Paris.
Dans le rapport au Parlement, ce niveau de détail ne concerne que les armes de poing. À sa lecture, on ignore quels appareils ont été transférés – c’est-à-dire l’essentiel. Les sociétés d’armement doivent pourtant demander l’aval du gouvernement avant de vendre à l’étranger. Une fois qu’elles ont obtenu cette licence, une commission interministérielle étudie les commandes. « Elle est composée de techniciens qui ont des informations précises sur ce qui est vendu », remarque Sébastien Nadot. Hélas, le Parlement n’a pas de droit de regard ou de contrôle sur ce travail. Cette opacité nourrit la suspicion, regrette le député. D’autant que « des chars Leclerc ont été vus à proximité d’Houdeida », note-t-il. Leur présence témoigne de l’ancienneté et de l’opacité des ventes d’armes de la France aux pays du Moyen-Orient.
Dans la ligne des émirs
En ce mois de septembre 2018, dans le désert du Rub al-Khali, 800 soldats avancent péniblement, pris en étau entre le sable plat et le soleil écrasant. Quand les ordres retentissent, en français en anglais ou en arabe, des regroupements se forment derrière les canons Caesar construits par Nexter. Un à un, les appareils font feu, envoyant leurs projectiles se perdre dans le lointain. Et à la nuit tombée, un escadron de chars Leclerc se lance à la recherche d’ennemis invisibles. L’exercice franco-émirien « El-Himeimat » a pour objectif de « renforcer la coopération franco-émirienne et l’interopérabilité des deux armées », décrit le ministère de la Défense.
Pour la France, c’est une manière de respecter son engagement. « Dans un contrat, il y a plus que la vente de plate-formes et de systèmes », souligne Aude Fleurant. « Cela comprend de l’entraînement, des pièces de rechange, voire la création d’usines, de sites d’assemblages ou des transferts de technologie. Comme les contrats sont confidentiels, on ne sait pas exactement ce qui s’y trouve. Les demandes de déclassification du Sipri ont été repoussées. » Ces services ont permis aux Émiratis de prendre possession de ports stratégiques dans le sud du Yémen, à Aden, Mukalla, et sur l’île de Socotra, contre la volonté du gouvernement du pays qu’ils sont censés soutenir.
En dehors du désert, les Français et les Émiratis montrent de bons signes de coopération. Il y a neuf ans, la première armée d’Europe a implanté une base dans le pays du Golfe, où ses sociétés Airbus, Safran, les CMN et Thales ont du reste investi. L’ancien président de cette dernière, Luc Vigneron, est aujourd’hui à la tête de l’Emirates Defense Industries Company. À l’été 2018, ce mastodonte de la défense s’est emparé du constructeur de munitions français Manurhin. Belle prise pour un petit État qui n’existe que depuis 1971.
Dès sa naissance, Abou Dhabi commande deux hélicoptères de combat français, l’Alouette-3 et le Puma. Il s’offre même un avion Mirage-5 et un Matra R550 Magic l’année suivante. À cette période, les sociétés françaises se tournent justement vers les pays arabes pour exporter. Le matériel français utilisé par Israël pendant la Guerre des Six Jours (1967) a été si efficace que les autres États de la région veulent pouvoir rivaliser. Principal client de la France jusqu’ici, l’État hébreu développe de son côté sa propre industrie. La Libye s’équipe du Mirage en 1970, suivie deux ans plus tard par l’Irak. La recomposition du paysage de l’armement français s’achève dans le même temps par la naissance de grands groupes : SNECMA et Thomson CSF en 1968, Aérospatiale en 1970, et Dassault-Bréguet aviation en 1971.
Si l’Égypte est un client historique, « la France a commencé à transférer des équipements en Arabie saoudite à la fin des années 1960 », constate Aude Fleurant. Durant la décennie suivante, Dassault, la SNECMA et Thomson entendent apporter leur concours à l’ « organisation industrielle arabe », esquissée par l’Égypte avec des capitaux saoudiens et émiratis. Le projet fait long feu mais Paris demeure un des grands fournisseurs des pays de la région. C’est un moyen de maintenir à flot un secteur d’activité confronté à une demande interne fléchissante. Et cela donne un levier en cas de crise. Lors de l’insurrection de la Grande Mosquée de la Mecque, en 1979, le Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) livre des grenades lacrymogènes aux autorités saoudiennes.
En 1980, la moitié de la production de matériel aéronautique, le tiers des armements terrestres et 17 % des armements partent à l’étranger. Une série impressionnante de frégates et de lanceurs de missiles prennent le chemin de Riyad, de même que des formateurs du Commandement des opérations spéciales. Les Émirats arabes unis ne sont pas en reste. En février 1992, ils signent même un contrat historique d’une valeur de 3,6 milliards de dollars, portant notamment sur la vente de 436 chars Leclerc. Seulement, dans ce genre d’engagements, « il y a un écart entre les annonces de ventes et les ventes », pointe Aude Fleurant. « Une licence d’exportation est délivrée par le gouvernement sur la base d’une hypothèse. Mais les négociations concernant tout ce qui accompagne la plate-forme cédée peuvent durer des années. »
Aussi, près d’une dizaine d’année plus tard, en 2001, le groupe public d’armement Giat Industries annonce-t-il la suspension des livraisons pour une « divergence » des termes de l’accord. En réalité, note alors Libération, les problèmes viennent « des commissions exorbitantes versées aux intermédiaires, à Taïwan et en Arabie saoudite pour des frégates de Thomson, ou des faveurs consenties aux clients, aux Émirats arabes unis (UAE) pour les chars Leclerc. » Et le quotidien est encore loin de connaître l’ampleur de la corruption.
Le mur
Le « contrat du siècle », comme l’appelle alors une partie de la presse, n’est pas arrivé tout seul en France. Il a été apporté sur un plateau en argent plaqué par un intime de l’émir d’Abou Dhabi, Abbas Ibrahim Yousef al-Yousef. Dans des documents obtenus par Wikileaks, publiés par Mediapart le 28 septembre 2018, cet ancien pilote de chasse apparaît comme le destinataire, à travers la société offshore Kenoza Industrial Consulting & Management Inc., de commissions occultes de près de 200 millions de dollars. Cette fois, c’est le Giat qui a payé. Mais « d’après un capitaine d’industrie français qui l’a bien connu », l’homme a déjà intercédé en faveur de « Thalès, Dassault ou Airbus ».
Rien que de tout à fait légal. En France, il faut attendre la transposition d’une convention anti-corruption de l’OCDE, en juin 2000, pour que ces commissions deviennent contraires à la loi. Les intermédiaires comme Abbas Ibrahim Yousef al-Yousef « étaient nombreux », se souvient Georges Berghezan. Sous le parrainage du chef des services secrets français Alexandre de Marenches, l’homme d’affaires Bernard Cheynel met de l’huile dans les contrats en Libye, au Pakistan et en Afrique du Sud. Le Syrien Akkram Ojjeh a lui été « largement utilisé comme négociateur des contrats entre l’Arabie saoudite et la France », cite l’historien Jacques Frémaux. Sans oublier Ziad Takkiedine, cité dans les affaires Karachi et Sarkozy-Khadafi.
« Pendant la guerre froide, les services secrets entraient en jeu », résume Georges Berghezan. « Ce genre de choses est un peu plus contrôlé maintenant. » Craignant des poursuites, le Giat interrompt le versement des commissions à Al-Yousef en 2000. Moins farouche, le porteur d’affaires saisit le tribunal arbitral de Paris pour réclamer les 39 millions de dollars d’impayés sur les 234 promis. Devant cette justice privée, le groupe français reconnaît que l’Émirati s’est livré à des « des actes de corruption ». Mais, ajoute-t-il, il existe « une disproportion entre le montant des commissions et les services fournis ». En 2010, les arbitres donnent raison au Giat.
L’année suivante, de nouveaux fronts s’ouvrent en Libye et en Syrie. À cette occasion, Paris parachute des armes aux opposants de Mouammar Kadhafi et en livre clandestinement aux insurgés syriens. François Hollande le reconnaîtra plus tard. « Rarement un pays s’est vanté de son illégalité », s’étonne Georges Berghezan. « Il est possible que la même chose se déroule au Yémen mais je ne pense pas. » Les affaires de Paris dans la région ne sont cette fois-ci pas secrètes. « Pour ce qui est des chars Leclerc, je vous confirme que leur implication au Yémen a fortement impressionné les militaires de la région », déclare en mars 2016 le président de Nexter (ex-Giat), Stéphane Mayer, devant la représentation nationale.
Un an plus tard, Sébastien Nadot arrive sur les bancs de l’Assemblée « sans connaissance particulière sur le sujet ». Alerté par des associations, cet historien de formation découvre avec horreur le drame des Yéménites. Au gouvernement ou du côté des conseillers ministériels, personne ne semble s’en émouvoir. En tout cas, ses questions restent sans réponse. « On a une relation trop forte avec l’Arabie saoudite et les Émirats arabe unis qui sont parties prenantes », conclue-t-il face à ce mur. Le traité sur le commerce des armes ratifié par la France en 2014 somme pourtant les États de suspendre leurs exportations d’armes, s’ils apprennent qu’elles sont utilisées en infraction avec le droit international.
Le rapport de la FIDH rendu en avril 2018 liste une quinzaine d’indices de présence d’armes françaises au Yémen : des canons Caesar (Nexter), Mirage 2000 (Dassault), Crotale Shanine (Thales), drones Sperwer/SDTI (Safran), drones Airbus DRAC, avions Airbus A330-MRTT, hélicoptères Airbus Cougar, véhicules ACMAT Bastion Patsas, chars Leclerc (Nexter), hélicoptères Dauphin (Sud Aviation), une radio Thales, des frégates et une corvette de Naval Group.
Les contrats continuent d’être signés. À l’hiver 2017-2018, les Émirats arabes unis commandent des corvettes Gowind 2500 et l’Arabie saoudite se procure des patrouilleurs de type Combattante FS56. Le 20 mars, les Chantiers Couach acceptent de transférer des technologies à la société émiratie ADD military Supplies. « Qui pouvait savoir qu’éclaterait un conflit au Yémen ? » se défend contre l’évidence la ministre de la Défense Florence Parly dans la foulée. À la commission des affaires étrangères du Parlement, l’enquête réclamée par Sébastien Nadot est bloquée. Sa présidente, Marielle de Sarnez, « estime que ça n’a pas à être à l’ordre du jour », peste-t-il. Elle a en revanche fini par promettre une mission d’information.
« Mon souhait le plus cher, c’est qu’on ne découvre pas que la France a participé à des crimes de guerre », poursuit l’élu. Mais pour l’heure, « on a un rapport d’experts de l’ONU qui dit qu’il y a crime de guerre et nous on continue à vendre des armes ».
Couverture : Une formation de Mirage 2000. (Ministère de la Défense/Ulyces)