Crédits : Gage Skidmore Les Américains sont bien en peine de savoir quelles sont les positions du candidat républicain à l’élection présidentielle Donald Trump sur la justice pénale. Ils savent qu’il est « un grand fan » de la police et qu’il voudrait se débarrasser de l’injection létale – il la trouve « trop confortable » –, mais à part cela il est resté évasif sur la question. Et malgré ces propos sans équivoque, il a fait preuve d’une grande tolérance à l’égard du crime durant sa carrière. Ses relations avec la mafia en attestent, et cela peut sans doute aider à déterminer ce qu’il pense réellement de la question, une fois les micros rangés et les caméras éteintes. C’est ce qu’on se dit à la lecture d’un article du journaliste Tom Robbins qui retrace l’histoire pour VICE. « J’ai côtoyé des types très coriaces avec les années », a confié Trump au journaliste de la chaîne MSNBC Chris Matthews en février dernier. « J’ai connu des gens qui font passer les politiciens auxquels vous et moi avons à faire tous les jours pour des petits bébés. » Trump ne peut pas s’empêcher de s’en vanter. Les « types coriaces » en question, Trump disait ne pas les connaître en 1981, l’année où il a ouvert son casino Trump Plaza à Atlantic City, une ville réputée pour son activité mafieuse. Elle est célèbre pour avoir accueilli en mai 1929 les membres les plus éminents de la mafia italienne du pays pour un sommet légendaire : Al Capone, « Lucky » Luciano, Meyer Lansky, Frank Costello et Vito Genovese étaient notamment de la partie. Une histoire dont Trump prétendait n’avoir qu’à peine entendu parler. « Trump a informé les agents qu’il a lu dans la presse et qu’il a entendu parler du fait que des éléments du crime organisé opéreraient à Atlantic City », dit un mémo du FBI datant de 1981. Trump, alors âgé de 35 ans, avait rencontré des agents fédéraux car il voulait bâtir un casino en ville mais tenait à les assurer qu’il ne salirait pas son nom en trempant dans des affaires louches. Les agents du FBI avaient quelques raisons d’en douter. Pour commencer, le mentor de Trump de l’époque concernant les questions politiques était son avocat, Roy Cohn, qui comptait parmi ses autres clients les boss de deux des cinq familles de la mafia new-yorkaise : les Genovese et les Gambino. Outre la protection qu’il leur offrait, les gangsters avaient pour habitude de parler affaires dans son bureau afin d’être sûrs qu’ils ne seraient pas écoutés par le FBI. Roy Cohn, le journaliste Edward Kosner au centre, et Donald Trump Mais ce n’est pas tout. Pour aider à la construction de son grand projet immobilier à Manhattan, l’hôtel Grand Hyatt New York, Trump a tout d’abord fait appel à une entreprise de démolition détenue en partie par un gros bonnet de Philadelphie qui avait également des attaches à Atlantic City. Et pour se charger du béton de l’immeuble, il a engagé une société dirigée par un certain Biff Halloran, condamné quelques années plus tard pour son implication dans un réseau criminel qui faisait grimper les prix du secteur de la construction à New York. Enfin, il y avait Daniel Sullivan, l’un des conseillers de Trump à l’époque. Sullivan était en affaires avec un gangster d’Atlantic City du nom de Kenneth Shapiro, qui avait la main sur le marché de la ferraille local. Il était également informateur pour le FBI, auquel il transmettait ce qu’il savait sur les différents mafieux dont il croisait la route. Entre les années 1970 et 1990, il était difficile de se lancer dans le business de la construction à New York et Atlantic City sans devoir traiter avec la mafia, et Trump n’a pas échappé à la règle. Mais il y a d’autres raisons de penser que Trump connaît mieux la mafia qu’il ne le prétend. La fois où il a prêté son nom à une ligne de limousines, par exemple. Ce n’est pas lui qui a eu l’idée mais John Staluppi, un entrepreneur de Long Island qui était également, d’après le FBI, un membre de la famille Colombo – l’organisation criminelle. Les voitures ont été présentées en 1988 à Atlantic City, et après que Staluppi a été interrogé par le FBI sur ses relations avec le boss de la famille Colombo Carmine Persico, dit Le Serpent, Trump a lourdement insisté sur le fait qu’il n’était au courant de rien avant de commander une vingtaine de véhicules pour son casino. Les organismes de réglementations des casinos ont également épinglé Trump pour avoir accédé aux souhaits de Robert LiButti, mafieux infâme qui avait exigé de tenir éloignés les croupiers et les clients noirs de sa table lorsqu’il jouait au craps. Trump a dû payer une amende de 200 000 dollars pour avoir accepté. Néanmoins, quand on a demandé à ce dernier s’il connaissait LiButti – le plus gros joueur de son casino –, Trump a répondu qu’il ne le reconnaîtrait pas même s’il l’avait en face de lui… Le candidat républicain démontre qu’en s’astreignant à faire preuve d’une extraordinaire mauvaise fois jour après jour, on peut réussir beaucoup de choses, y compris à s’inventer un personnage de justicier incorruptible. Et peu importe que personne n’y croie. Source : VICE Un portrait de Donald Trump dans les années 1990. ↓