En avril dernier, l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies a rendu son rapport annuel. Il fournit des perspectives étonnantes sur la façon dont les trafiquants acheminent la drogue vers le très lucratif marché européen. Le rapport inclut notamment de nombreux détails sur les routes clés et les techniques de contrebande utilisées par les trafiquants. L’Amérique latine a toujours un rôle extrêmement important dans l’industrie européenne de la cocaïne. La Colombie, le Brésil et le Venezuela sont aujourd’hui les points de départs clés pour l’envoi de la drogue en Europe. C’est au départ de ces trois pays que la cocaïne est expédiée. Les techniques et les routes utilisées pour faire traverser l’Atlantique à la drogue sont nombreuses : dans des conteneurs, dans des yachts privés et parfois même par les airs. Le marché de la drogue en Europe — Crédits : Observatoire européen des drogues et des toxicomanies L’importance grandissante du Brésil dans le trafic de drogue suggère que la Bolivie et le Pérou ont étendu leur rôle de fournisseur pour le marché européen. Le trafic de cocaïne colombienne, via le Venezuela (grâce à la porosité de la frontière entre les deux pays) a augmenté de façon similaire. L’Équateur et l’Argentine sont également d’autres points de départs importants pour toutes sortes de drogues. Pour déplacer la cocaïne à travers l’Atlantique, les trafiquants utilisent principalement comme plaques tournantes les Caraïbes et l’Afrique de l’Ouest. À cela, il faut ajouter l’Amérique centrale, qui est en train de devenir un lieu de dépôt extrêmement important. La diversité et le nombre important de possibilités qu’offrent les routes maritimes font du transport par bateau l’option privilégiée des organisations criminelles pour transporter la drogue d’Amérique du Sud en Europe. Les trafiquants cachent notamment la cocaïne dans des containers, eux-mêmes éparpillés sur des navires commerciaux, ce qui rend la détection par les autorités extrêmement difficile. En Europe, certains pays sont plus concernés que d’autres par le trafic de drogue. En 2014, la France, l’Espagne, la Belgique et les Pays-Bas comptabilisaient 80 % des 61,6 tonnes de cocaïne saisies dans l’Union européenne. Les plus grands ports du continent – Rotterdam en Hollande et Antwerp en Belgique – sont des points d’entrée cruciaux pour la cocaïne. À Rotterdam, par exemple, 50 000 containers sont scannés chaque année, mais cela représente seulement 0,45 % des 11 millions de containers qui y transitent chaque année. Rotterdam n’est cependant pas le seul port européen touché par le trafic de drogue, Valence en Espagne et Hambourg en Allemagne, pour ne citer qu’eux, font également partie des ports les plus utilisés par le crime organisé. Les organisations criminelles colombiennes et italiennes continuent à dominer le commerce de la cocaïne en Europe, en coopération avec des groupes hollandais, anglais, espagnols et nigérians. Les Pays-Bas et l’Espagne sont les principaux centres de distribution de l’Europe. Les plus grosses saisies de cocaïne dans le monde. Crédits : Observatoire européen des drogues et des toxicomanies. Il semble que les trafiquants préfèrent désormais transiter par les Caraïbes plutôt que par l’Amérique centrale avant d’aller en Europe, tandis que par le passé les organisations criminelles préféraient se tourner vers l’Amérique centrale avant de traverser l’Atlantique. La théorie selon laquelle les Caraïbes redeviennent le lieu de transit privilégié par rapport à l’Amérique Centrale date au moins de 2010. Des preuves ont depuis à la fois confirmé et réfuté cette théorie récente. Depuis quelques années, les autorités mettent une pression de plus en plus forte sur les organisations criminelles en Amérique centrale et au Mexique. C’est ce qui semble être la raison pour laquelle les Caraïbes redeviennent le lieu favori de transit de la cocaïne, après avoir été populaire dans les années 1980. Pourtant, si la route des Caraïbes apparaît comme la plus importante pour le fret en Europe, l’Amérique centrale reste le principal corridor pour l’envoi de stupéfiants vers l’Amérique du Nord. Aujourd’hui, les techniques de trafic utilisées par les organisations criminelles pour contourner les efforts d’interdictions mis en place sont de plus en plus nombreuses et complexes. L’utilisation grandissante des conteneurs maritimes pour déplacer la cocaïne démontre la façon dont les organisations criminelles profitent de l’augmentation globale du trafic maritime pour gérer leur business. Parmi les nouvelles tendances, une technique appelée « rip-on/rip-off » est de plus en plus populaire. Elle repose sur l’utilisation d’agents portuaires corrompus qui glissent de la drogue dans des conteneurs légaux, en brisant le sceau de sécurité et en le remplaçant par un autre, identique à celui d’origine. Dissimuler la cocaïne dans des marchandises périssables assure aussi à la drogue un passage des contrôles beaucoup plus rapide. Les routes utilisées par les trafiquants — Crédits : Observatoire européen des drogues et des toxicomanies Il n’est d’ailleurs pas surprenant que les trafiquants de drogue profitent des routes maritimes, tant le commerce maritime est un secteur négligé dans la lutte contre le crime organisé, ce qui leur fournit une couverture parfaite. En outre, la décontraction, la corruption et le manque de moyens de nombreux ports rend les choses plus faciles encore pour les contrebandiers qui veulent faire passer leur marchandise par bateaux. C’est le cas notamment au Pérou, ou les trafiquants mexicains contrôlent les routes de la drogue du Pacifique vers l’Europe. La plus grande sévérité des autorités et les contrôles de plus en plus fréquents obligent les organisations criminelles à être créatives en permanence pour survivre. Parmi les nouvelles techniques de contrebandes, on relèvera par exemple l’ingestion de liquide plutôt que de cocaïne en poudre et la dissimulation des drogues dans des implants mammaires. L’importance de l’Europe dans le commerce mondial de la cocaïne n’est pas à prendre à la légère. Les marges sont de plus en plus élevées pour les trafiquants et le marché américain est saturé, ce qui risque d’augmenter encore son importance dans les années à venir. Source : EMCDDA, Europol Juarez → Brooklyn. ↓