À l’étage du musée Otago de Dunedin, en Nouvelle-Zélande, sont exposés des lions de cirque empaillés, toutes sortes de créatures des mers et certains des requins les plus grands jamais capturés par l’homme. Au milieu de toutes ces splendeurs figées dans leur ultime expression se trouve un pot de verre sur lequel est inscrit « roi-de-rats ». À l’intérieur, huit rats inertes sont plongés dans un liquide jaunâtre qui empêche leur putréfaction. Au-dessus des corps blottis au fond flotte un amas de nœuds formé par les queues entortillées des rongeurs. À première vue, on se demande quel énergumène a bien pu réaliser une composition si macabre. Mais cet écheveau de queues de rats serait apparemment un phénomène naturel, ledit roi-de-rats. Crédits : Otago Museum Depuis sa découverte au XVIe siècle, le roi-de-rats fascine autant qu’il répugne et désarçonne les chercheurs, tandis qu’il est devenu un symbole de peste et de maléfice dans les légendes populaires. L’expression vient de l’allemand Rattenkönig, héritée d’une légende qui raconte l’histoire d’un prince rat nommé Nerub, qui subtilise la couronne de son père et fusionne avec les rats de sa cour pour défaire l’armée de l’araignée Große Spinne. L’histoire aurait été inspirée par l’observation du premier cas de roi-de-rats de l’histoire, en 1551. Une bonne partie des chercheurs inclinent à penser que c’est une histoire montée de toutes pièces par des plaisantins. Leur farce macabre aurait peu à peu gagné le statut de mythe. On peut observer des rois-de-rats en France à Châteaudun, au musée zoologique de la ville de Strasbourg, ainsi qu’au Muséum d’histoire naturelle de Nantes. Mais qu’en pensent les autres scientifiques ? « Les rats noirs » – ou Rattus rattus – « selon certaines théories, sont des rats “grimpeurs” et leurs queues sont dotées d’un réflexe de préhension », explique Emma Burns, du musée Otago. « Dans le nid, ils sont blottis les uns contre les autres. » C’est là qu’ils seraient susceptibles de s’attacher les uns aux autres. Le phénomène, hélas, causerait leur mort tandis que leur environnement, leurs urines et leurs défécations rendraient le nœud vite inextricable. D’autres sont d’avis que les rois-de-rats sont plus répandus qu’on ne le pense jusqu’ici. Quand les températures refroidissent, les rats noirs se blottissent les uns contre les autres pour se réchauffer. Il se pourrait qu’alors, leur queue forme des nœuds, mais qu’ils se défassent rapidement lorsque les températures remontent. Les spécimens exposés dans les musées seraient un coup de malchance pour les rongeurs. Crédits : Musée de Nantes Cependant, pour en avoir le cœur net, il faudrait dépenser du temps et de l’argent pour examiner en détail la composition et le processus de formation des nœuds, un luxe que les chercheurs ne peuvent pour le moment pas s’offrir. Pendant encore quelques temps, le roi-des-rats restera donc un mystère associé au mauvais augure et à la sorcellerie. Source : Otago Museum