Afin d’étudier le cerveau des hommes de Néandertal, des scientifiques ont imaginé une nouvelle solution. En faisant pousser des bouts de tissu cérébral génétiquement modifié, donnant vie à des « mini-cerveaux », ils ont pu en savoir plus sur leur façon de penser, rapportait CNN le 11 février.
« La question ici est de savoir ce qui fait de nous des humains », explique Alysson Muotri, directeur du programme sur les cellules souches à l’Institut de médecine génomique de l’université de Californie à San Diego. « Pourquoi nos cerveaux sont-ils si différents de ceux des autres espèces, y compris ceux de nos propres ancêtres disparus ? »
Le travail combine trois domaines scientifiques de pointe : le séquençage de l’ADN ancien, l’édition de gènes avec l’outil CRISPR, et les organoïdes – ces derniers étant des organes miniatures fabriqués à partir de cellules souches d’individus. Bien que la recherche en soit à un stade très précoce, des changements significatifs ont pu être observés dans la façon dont le cerveau est organisé et câblé.
Les organoïdes cérébraux « néandertalisés » ont une forme de pop-corn, là où les cerveaux humains modernes sont plus arrondis. Les chercheurs ont également observé que les neurones des organoïdes mûrissaient plus rapidement que les neurones humains modernes. « Chez les neurones de la version organoïde archaïque, nous voyons plus d’activité dans les tout premiers stades de développement que chez les neurones humains modernes. Nous ne nous attendions certainement pas à cela », poursuit le chercheur.
Le professeur avait déjà observé une activité similaire dans ses travaux précédents sur les organoïdes de chimpanzés. « Un bébé chimpanzé peut s’avérer plus malin qu’un nouveau-né humain. Nous avons besoin de temps pour éduquer nos bébés jusqu’à ce qu’ils deviennent indépendants. Nous ne voyons pas ça chez les autres espèces. Je pense que c’est quelque chose de similaire que nous voyons ici. » Mais ces résultats sont à prendre avec précaution, car un cerveau « connecté » avec le reste du corps pourrait compenser une partie des différences observées, ajoute tout de même le spécialiste.
Grâce à cette technique, la « neuroarchéologie » va continuer de progresser. Sans fossile à disposition – le cerveau disparaissant très vite avec les autres tissus mous –, ces mini-cerveaux sont peut-être la seule façon de comprendre l’évolution de notre cortex et la spécificité d’Homo sapiens dans le monde animal.
Source : CNN