Sauriez-vous décrire comment votre cerveau traite les informations qu’il reçoit ? Pour les scientifiques du MIND, il procède par « hallucination contrôlée ». Le MIND est un groupe fondé en 2015 par le philosophe allemand Thomas Metzinger, qui rassemble la crème des chercheurs en neuroscience pour pénétrer les secrets du fonctionnement de notre cerveau. Ils travaillent sur des sujets aussi marrants que la nature de la conscience et les rêves lucides. Dans leur nouvelle publication, intitulée Philosophy and predictive processing (« philosophie et traitement prédictif »), ils s’intéressent exclusivement à la théorie selon laquelle notre perception est le fruit de prédictions constantes de notre cerveau sur la nature de notre environnement. Ainsi, nos connaissances acquises sur le monde influencent la perception qu’on en a à l’instant t et la façon dont on y réagit (ou dont il nous force à réagir). En clair, si cette fleur a cette forme, cette qualité au toucher et ce parfum délicat, ce n’est pas nécessairement parce que c’est la réalité : c’est avant tout parce que notre cerveau ajuste notre perception afin qu’elle colle à son idée de la réalité. Naturellement, cette apparente fainéantise cérébrale s’accompagne de corrections immédiates de la part du cerveau pour restituer fidèlement la réalité à son hôte. Mais les chercheurs du MIND (issus d’universités prestigieuses comme celles d’Édimbourg ou de Monash, en Australie) expliquent que le cerveau crée des modèles de notre environnement et de notre corps sur lesquels il s’appuie pour formuler des hypothèses sur la source de nos sensations. Et ce sont ces hypothèses qui deviennent notre perception de la réalité extérieure. Dans le cas où il se tromperait, le cerveau effectue des corrections qui améliorent la précision de ses modèles et par conséquent la justesse de nos futures perceptions. Mais ce n’est pas toujours le cas. La revue New Scientist explique que le cerveau est incapable de changer certains modèles. Celui de nos organes internes, par exemple. Notre corps doit être maintenu à une température proche de 37°C pour bien se porter. À cette fin, le traitement prédictif considère notamment que les sensations sur notre peau doivent être en phase avec la température normale du corps. Mais quand ces sensations ne sont pas précisément harmonisées avec ses estimations, le cerveau ne change pas son modèle interne : il nous force à rechercher la chaleur ou le froid, en infléchissant notre état psychologique. Ce qui n’est pas très sympa de sa part. Thomas Metzinger et ses acolytes en concluent simplement que tout ce que nous percevons – y compris nous-mêmes – est un simulacre de réalité. Mais il y a peut-être quelque chose d’étrangement rassurant dans le fait de penser qu’on vit dans une hallucination perpétuelle, n’est-ce pas ? Source : New Scientist