La Camorra, la ‘Ndrangheta, la Cosa Nostra et la Sacra corona unita constituent les quatre mafias italiennes les plus influentes. Qui dit mafia dit forcément mystère, discrétion, jeux d’influence et zones d’ombre. Difficile ainsi d’évaluer les sommes astronomiques que de telles organisations peuvent engranger. Certains y vont tout de même de leurs estimations, avançant des chiffres allant de 150 milliards pour les quatre organisations à 53 milliards pour une seule. Francesco Calderoni est criminologue, professeur à l’università cattolica del Sacro Cuore de Milan en Italie et chercheur au Transcrime, un centre de recherche sur le crime international implanté au sein de l’université. Il a élaboré un système de calcul complexe qui permettrait d’évaluer de façon précise le chiffre d’affaires annuel des quatre plus grandes organisations mafieuses italiennes. Chaque groupe est implanté dans différentes branches d’activités, qui génèrent chacune des revenus très variables. Corleone, en Sicile — Crédits : DR Selon lui, les « chiffres mythiques » avancés par les uns et les autres participent à « véhiculer des stéréotypes au sein des populations, stimulent la xénophobie, augmentent la peur du crime et affectent la perception de ce que sont les problèmes réels ». Le chercheur précise que la plupart des études sont biaisées d’avance parce qu’elles envisagent les mafias selon un modèle économique spécifique, tout en considérant certaines variables structurelles. Il en ressort un chiffre d’affaires plus ou moins sorti de nulle part et très souvent éloigné de la réalité. Au sein du Transcrime, Calderoni s’est donc focalisé sur la mafia, les marchés illégaux et les politiques qui luttent contre le crime organisé. Afin d’organiser ses calculs, il a établi une sélection des neuf principales activités criminelles grâce auxquelles la mafia génère de l’argent : exploitation sexuelle des femmes, trafic d’armes à feu, trafic de drogue, contrefaçon, vente illicite de cigarettes, paris illégaux, traitement illégal des déchets, prêts et extorsion de fonds. Il a ensuite étudié séparément chaque activité. Avec cette méthode, Calderoni est arrivé à la conclusion suivante : la Mafia générerait approximativement 10,7 milliards d’euros par an, soit 0,7 % du PIB italien, l’extorsion de fonds constituant son activité principale. La Camorra et la ‘Ndrangheta sont les groupes mafieux aux plus hauts revenus, avec respectivement 3,3 et 3 milliards d’euros. Elles totaliseraient 68 % des activités mafieuses en Italie. Un membre de la Cosa Nostra interrogé en 1983 — Crédits : DR La présence de chacune de ces mafias est tout particulièrement importante dans leurs régions d’origine : l’ouest de la Sicile et la Catane pour la Cosa Nostra, les provinces de Naples et de la Caserte pour la Camorra, le sud de la Calabre pour la ‘Ndrangheta. Même si le crime organisé italien constitue avant tout un problème national, il est souvent comparé à une pieuvre titanesque dont les tentacules s’étendent sur de nombreux autres pays : l’Espagne, l’Allemagne et les Pays-Bas en premier lieu, mais également l’Albanie, la Belgique, la Suisse en encore la France. Francesco Calderoni souligne également le fait que contrairement aux croyances populaires, la majorité des pays dans lesquels d’importantes mafias sont implantées sont des démocraties, des États de droit aux faibles niveaux de corruption et aux systèmes juridiques avancés. « En Italie, je pense que la majorité des revenus des mafias proviennent de extorsion de fonds, de la protection privée et des prêts. Ces activités sont étroitement associées à la zone d’influence de chacune des mafias. Les connections des groupes mafieux avec la politique et le monde des affaires leur permettent de maintenir leur emprise sur leurs territoires », explique enfin Calderoni. Il déclare implicitement que la prépondérance du crime organisé en général reste très difficile à endiguer, tant au niveau local qu’aux niveaux national et international. Sources : Transcrime Pour aller plus loin >>>>>>>>>>> Comment la mafia napolitaine a donné le cancer aux Italiens.