Le Assassin’s Creed nouveau est arrivé ce mardi 10 novembre 2020. Au programme, une vaste épopée dans l’Angleterre du IXe siècle sous les traits d’un.e Viking assoiffé.e de conquête. Là où Odyssey proposait aux joueur.ses de choisir entre incarner Alexios ou Kassandra pour se lancer dans l’aventure, Valhalla ne suit les pas que d’Eivor. Mais libre à vous de choisir si Eivor est une femme ou un homme, car Ubisoft, très à cheval sur la crédibilité historique de sa franchise, sait que les femmes vikings pouvaient être de féroces guerrières. Cette égalité se retrouvait-elle au-delà du champ de bataille chez les Vikings ?
Les guerrières
On sait aujourd’hui que les femmes avaient du pouvoir dans les sociétés vikings, qui prospérèrent en Europe du Nord entre le VIIIe et le XIe siècle. En novembre 2019, l’université britannique de Dundee, en Écosse, a travaillé sur la reconstruction faciale d’une femme ayant vécu il y a plus de 1 000 ans. Le squelette de celle-ci, conservé au musée d’histoire culturelle à Oslo, a révélé une blessure grave sur son front. Certains estiment qu’il pourrait s’agir d’une commandante militaire, tandis que d’autres scientifiques la voient plutôt comme une guerrière.
En septembre 2017, des scientifiques scandinaves ont publié une étude menée sur la dépouille d’un viking. Le squelette avait été déterré en 1878 à côté de matériel de combat comme par exemple un bouclier, une hache, une épée ou encore une lance. Tout le monde pensait qu’il s’agissait d’un guerrier. Mais une analyse ADN appuyée par des recherches historiques ont montré qu’il s’agissait en fait d’une guerrière.
Dans la mythologie nordique, les skjaldmös étaient des femmes guerrières armées d’un bouclier. À l’image de Brida, Þórunn ou Lagertha, elles étaient reconnues pour leur courage et leur vaillance au combat, au même titre que les hommes. Les skjaldmös partaient en raid pour conquérir de nouveaux territoires et pouvaient prétendre aux plus hautes fonctions d’un royaume. La mythologie nordique parle aussi de divinités guerrières appelées valkyries.
Dans le livre Les Vikings, premiers Européens écrit sous la direction de Régis Boyer, un chapitre entier est dédié à la femme viking, qui était « en avance » sur son temps. Jenny Jochens y explique qu’elles avaient un rôle plus important que les autres Européennes concernant « la propriété, la vie économique et la vie culturelle ». Par exemple, leur travail de fabrication et d’utilisation de la laine était essentiel à la vie des familles nordiques et a contribué à la place importante du royaume des vikings dans le commerce international.
Égale jusqu’à l’os
En décembre 2019, la Finlande a nommé Sanna Marin au poste de Première ministre. La femme de 34 ans a ainsi rejoint la Norvégienne Erna Solberg, la Danoise Mette Frederiksen et l’Islandaise Katrín Jakobsdóttir au rang des cheffes de gouvernements de pays nordiques. Ces États sont les mieux classés au monde sur l’indice de l’écart entre les sexes, avec un indice autour de 0,83 là où la France occupe la 15e place, avec un indice de 0,78.
Or selon une étude publiée en août 2019 par le journal Economics & Human Biology, pareille hégémonie trouve ses racines dans l’époque viking. Les découvertes archéologiques menées par les scientifiques de l’université de Tubingue dans le cadre de cette étude ont montré une certaine équité au niveau de la santé et de la nutrition : l’email des dents de squelettes datant de plus d’un millénaire était similaire quel que soit le genre, tout comme la longueur du fémur. « Nous pensons que si les femmes recevaient moins de nourriture et de soins que les hommes dans la société, elles auraient présenté plus de dommages », explique la scientifique Laura Maravall.
Cela ne signifie pas pour autant qu’il n’y avait aucune différence entre le masculin et le féminin. Lorsque les hommes partaient en expédition par exemple, les femmes devaient généralement s’occuper de la maison ainsi que de la ferme. Elles avaient la responsabilité de la récolte et leur rôle majeur était celui d’une femme au foyer. Spécialistes du textile, elles maîtrisaient des techniques que les hommes n’avaient pas. Cependant, il est fort probable que tous les membres d’une maison, peu importe leur âge et leur sexe, participaient aux tâches quotidiennes.
Les femmes vikings avaient plus de liberté mais elles étaient tout de même considérées comme inférieures aux hommes sur plusieurs points. Elles ne pouvaient pas paraître devant le tribunal et ne bénéficiaient d’aucune part de l’héritage d’un homme. Enfin, les vikings rendaient surtout hommage aux défunts masculins. En effet, 93 % des inscriptions runiques découvertes honorent des hommes et seulement 4 % des femmes. L’homme détenait le pouvoir politique, mais certaines femmes faisaient preuve d’une telle puissance qu’elles pouvaient l’influencer voire le renverser.
Les femmes pouvaient choisir avec qui elles voulaient se marier et étaient libres de demander le divorce. Des lois les protégeaient déjà contre les violences conjugales. Si leurs statuts, leurs libertés et leurs interdictions n’étaient pas les mêmes selon la classe sociale à laquelle elles appartenaient, c’est que les femmes pouvaient atteindre différents statuts dans une société, allant de l’esclavage à la noblesse. Même si les sociétés vikings n’étaient pas parfaitement égalitaires, loin s’en faut, elles ne réservaient ni la force ni le pouvoir aux hommes. À travers le mythe des skjaldmös ou celui des valkyries, cette ouverture d’esprit a traversé les siècles pour faire des pays nordiques des régions plus égalitaires.
Couverture : History Channel