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Demain le monde
Le dimanche matin, le venture capitalist, kitesurfeur et cofondateur de MaiTai Global Bill Tai nous a fait le récit de sa carrière et de la façon dont il avait connu cinq vagues de technologies successives. Il avait commencé par la fabrication de puces avant de se lancer dans la commercialisation de matériel électronique comme les PC. Puis il est passé à l’Internet public, aux interfaces web et mobile simples à utiliser et enfin à la science des données. Il pressent la venue d’une sixième vague avec l’essor des marketplaces et la fluidification des mouvements d’actifs. Il insiste sur la nécessité pour les technologies bâties sur un code en blockchain de créer des interfaces simples à utiliser pour tous, comme cela a été le cas pour Internet il y a des années.
Après lui, Vinny Lingham, cofondateur de Civic – une start-up basée sur la blockchain spécialisée dans la protection d’identité –, a parlé des problèmes qui se posent lorsqu’on veut travailler en collaboration avec le gouvernement. En moyenne, les start-ups réalisent leurs projets en un an, un an et demi, alors que cela prend des années aux agences gouvernementales. Les nombreuses personnes proches de Washington présente dans la salle lui ont signifié que le gouvernement américain prenait très à cœur la culture des start-ups. D’après eux, il vaut mieux travailler avec les spécialistes de la question, dont le travail bénéficiera l’utilisation de la blockchain, puis louer la technologie, plutôt que d’attendre que le gouvernement n’achète tout le système. Alex Tapscott, coauteur d’un livre sur la « révolution de la blockchain », a ensuite fait une présentation durant laquelle il a démontré comment la blockchain pouvait encourager l’inclusion financière. Son speech a donné lieu à un débat sur le prix élevé des services d’envois de fonds – environ 8 % de la somme en moyenne, bien que certains services puissent être encore plus cher. Une membre du staff de Necker Island (qui a refusé d’être nommée) a confié qu’elle payait 30 dollars pour envoyer 100 dollars à sa mère en Jamaïque. Rebondissant sur le sujet, Elizabeth Rossiello, CEO de BitPesa, a expliqué que les sociétés d’envois de fonds traditionnelles comme MoneyGram et Western Union passaient généralement des contrats avec les services postaux qui leur garantissent un quasi-monopole dans certains pays.
Puis ce fut le tour de Brian Forde, le directeur du projet sur la monnaie numérique du MIT Media Lab. Il voyait dans la blockchain une technologie extrêmement stimulante. « Quand nous sommes passés de l’analogique au numérique, nous avons perdu notre capacité à disposer de notre contenu – vous pouvez revendre ou emprunter un livre que vous possédez, mais ce n’est pas le cas avec un ebook », a-t-il commencé. Selon lui, les gens qui se reposent sur des sociétés pour gérer leurs biens ne les contrôlent pas réellement. Il a donné l’exemple de la marketplace de revente Stubhub, sur laquelle un client a acheté quatre billets pour un match des Lakers. Lorsque Kobe Bryant a annoncé qu’il s’agirait de son dernier match et que le prix des billets a grimpé de 664 %, Stubhub a annulé la transaction pour les garder. Avec un site de revente de billets basé sur la blockchain, après le virement, seul le nouveau propriétaire des billets aurait ce pouvoir.
Durant la première session de conférences, qui avait pour thème la FinTech, le groupe s’est engagé dans un débat houleux sur le besoin de réglementations. Vinny Lingham soutenait un point de vue qui l’a mis en porte-à-faux avec les nombreux partisans des réglementations dans la salle. « La blockchain n’est qu’une base de données. Quel besoin a-t-on de réglementer une base de données ? » Pour lui, ce serait comme de soumettre le système de gestion de base de données Oracle à des réglementations. La politicienne néerlandaise et députée européenne Marietje Schaake lui a signalé que la réglementation était une question clé. Imaginons qu’un État ne reconnaisse pas une solution de protection d’identité basée sur la blockchain comme Civic, ses citoyens ne pourront pas y avoir recours pour demander leurs allocations. Au cours des deux conférences portant sur la sécurité, les intervenants ont parlé de l’utilité de la blockchain dans la lutte contre la criminalité. L’un d’eux était Kathryn Haun. C’est elle qui a été chargée de l’affaire contre ces agents de la DEA et du FBI qui ont volé des bitcoins durant leur enquête sur Silk Road, la première marketplace en ligne basée sur le bitcoin. « Quant à la blockchain, je n’aurais jamais pensé qu’il était bon de continuer dans cette direction », a-t-elle dit.
Elle s’est prononcée en faveur du crowdsourcing comme moyen de combattre le crime grâce à la blockchain. Elle a également suggéré l’emploi de hackers professionnels pour tenter de pirater la blockchain du bitcoin afin d’en améliorer la sécurité. Enfin, une série de conférences sur la musique incluait une session Skype avec la chanteuse-compositrice anglaise Imogen Heap, qui a lancé l’année dernière Mycelia. Il s’agit d’une fondation visant à créer une base de données pour les créateurs de musique, leur travail et leurs collaborateurs. Elle imagine un monde dans lequel il est possible de consommer du contenu sans la moindre friction. « Si l’on devait faire des micropaiements à chaque fois qu’on utilise quelque chose, je ne sais pas où on en serait », a-t-elle commenté. « J’aimerais qu’on puisse ne jamais penser à l’argent, de la même façon que nous buvons sans hésiter l’eau du robinet. Je me demande si nous arriverons un jour au point où l’écoulement de l’argent sera si fluide que nous n’aurons plus besoin de nous connecter nulle part. » Un des challenges posés par un tel système, selon Keating, serait d’identifier qui crée et contrôle le travail. Elle a pris l’exemple de Sound Exchange, qui distribue les royalties sur leurs performances numériques aux créateurs. Chaque année, il leur reste des millions sur les bras car personne ne peut déterminer qui sont les ayants droit.
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À l’aube du dernier jour, les participants se sont retrouvés pour déjeuner. Ils ont pris les planches de kite pour une dernière sortie sur l’eau et ont profité d’un dernier bain dans les eaux thermales. Cela ne les empêchait pas de continuer à discuter de l’utilité de la blockchain dans la gestion des droits musicaux, la vérification de la provenance des médicaments et bien d’autres applications.
Puis il a été temps de se dire au revoir. À chaque départ, une volée de tongs et de sandales résonnaient jusqu’en bas de l’escalier en pierre de la grande maison. Après leurs adieux, les convives embarquaient pour un voyage en poupées russes : d’abord une jeep décapotée, puis un zodiac suivi d’un avion à turboréacteur et, enfin, un petit avion de ligne qui les raccompagnait chez eux. Là-bas, ils pourraient communiquer leur enthousiasme à propos de la blockchain à leurs amis, leur famille et leur voisinage. L’onde se propagera peut-être au sein de plus vastes organisations, d’industries toutes entières et de réseaux tentaculaires jusqu’à ce qu’elle ait un jour totalement conquis le monde.
Traduit de l’anglais par Antonin Padovani et Nicolas Prouillac d’après l’article « On Sir Richard Branson’s Necker Island, ‘Bitcoin Illuminati’ Reassess Blockchain Strategies », paru dans Forbes. Couverture : Richard Branson et les participants du Blockchain Summit.
ET RICHARD BRANSON VOULUT ENVOYER DES TOURISTES DANS L’ESPACE
Avec Virgin Galactic, Richard Branson s’est imposé comme le pionnier du tourisme spatial. Un projet pharaonique qui allait devoir braver l’adversité.
Parfois, elle semble presque disparaître dans le désert. Conçue comme un tour de magie architectural et topographique, la Passerelle vers l’Espace de Virgin Galactic dresse sa courbe sinueuse hors de la poussière du Nouveau-Mexique, ses surfaces d’acier démultipliées dans un mirage rouge-brun vibrionnant sur l’horizon. Au crépuscule, la silhouette du premier spatioport construit dans un but commercial se fond doucement dans la ligne de faîte des montagnes de San Andres, à trente kilomètres de là. L’itinéraire qu’emprunteront demain les astronautes tour-opérateurs à travers le bâtiment a été méticuleusement élaboré par les architectes de Foster + Partners pour préfigurer le voyage spatial qu’ils s’apprêtent à accomplir : une rampe de béton monte doucement vers le centre de la construction – une fente étroite qui forme un petit rectangle de ténèbres parfaites en dépit de l’aveuglante lumière du jour. L’étiquette magnétique que porte chacun des passagers déclenche l’ouverture de lourdes portes d’acier donnant sur un passage étroit et faiblement éclairé, dont les murs se courbent jusqu’à un autre portail sombre. Il s’ouvre sur un nouveau passage offrant une vue sur les 4 300 mètres carrés du hangar qui abrite la flotte d’engins spatiaux dans lesquels ils voyageront, quatre étages plus bas.
Puis c’est le finale : les dernières portes donnent sur le salon des astronautes, un vasteopen space baigné d’une lumière naturelle venue d’un mur de fenêtres elliptique offrant une vue d’ensemble sur la piste de l’aéroport spatial, longue de trois kilomètres, et sur le ciel au-delà. L’effet produit est celui que recherchaient les architectes : malgré le fait que le bâtiment ne soit pas tout à fait terminé, lorsqu’un groupe témoin de touristes de l’espace y a été conduit, ils ont trouvé l’expérience si bouleversante qu’ils ont été émus aux larmes.
Un énorme enjeu se joue ici dans le désert. Neuf endroits aux États-Unis sont aujourd’hui désignés sous l’appellation de spatioports, mais le complexe du Nouveau-Mexique – Spaceport America – est le seul à avoir été construit à partir du néant et conçu pour accueillir un service régulier de transport de passagers. Il a été édifié sur une plaine isolée située à cinquante kilomètres de la ville la plus proche. Et sa création n’a pas été bon marché : jusqu’ici, il aura coûté presque un quart de milliard de dollars (environ 200 millions d’euros), ses ingénieurs ont bitumé seize kilomètres de route simplement pour connecter le site au monde extérieur et la facture pour la piste seule s’élève à 37 millions de dollars. Et même si le bâtiment, qui a été conçu selon les exigences de la compagnie, arbore en son centre le nom de Virgin Galactic, il a été payé par l’État du Nouveau-Mexique, dont les citoyens ont voté pour une taxe de vente destinée à financer sa construction.
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