François Hollande (2012-2017)

« Aujourd’hui, je suis conscient des risques que ferait courir une démarche, la mienne, qui ne rassemblerait pas largement autour d’elle. Aussi, j’ai décidé de ne pas être candidat à l’élection présidentielle. » En prononçant ces mots à la télévision, le jeudi 1er décembre 2016, François Hollande est devenu le premier président de la VRépublique à renoncer à briguer un second mandat. Mais a-t-il été aussi le pire chef d’État français de son temps ? C’est ce que suggère un sondage réalisé en 2014 par l’institut BVA, qui établissait un classement des Présidents depuis 1958. En tête se trouvait Charles de Gaulle, couronné « meilleur président de la VRépublique » par 36 % des sondés. Arrivait ensuite François Mitterrand (27 %), loin devant Nicolas Sarkozy (10 %). Puis, dans un mouchoir de poche, Valéry Giscard d’Estaing (8 %), Jacques Chirac (8 %) et Georges Pompidou (7 %). Et enfin, François Hollande, bon dernier avec 0,5 % des voix. Alors bien sûr, les personnalités au pouvoir ont toujours tort, et les électeurs ont notoirement la mémoire courte. Mais François Hollande a tout de même réussi la prouesse de se couper de son propre électorat. Selon le sondage de BVA, 1 % des sympathisants de gauche salue son action, contre 62 % pour François Mitterrand, seul autre président socialiste de la VRépublique. Il a pourtant tenu la majorité de ses promesses de campagne, à en croire le site Lui président, qui a analysé son action tout au long du quinquennat. « Ça ne veut pas dire que la mesure promise est efficace », nuance le journaliste Maxime Vaudano, cofondateur du site, en prenant l’exemple des « contrats de génération ». « Ni que la mesure est valorisée. On peut dire que Hollande a été le pire président de la Ve République en termes de communication. Au lieu de souligner les aspects positifs de son travail, il s’est enlisé dans les polémiques. » Et des polémiques, il y en a eu. En décembre 2012, son ministre du Budget Jérôme Cahuzac est accusé par Mediapart d’avoir possédé des fonds non-déclarés sur un compte en Suisse. En janvier 2014, Closer révèle sa liaison avec l’actrice Julie Gayet. Puis le livre de Valérie Trierweiler enfonce le clou. Cette année-là, il est lâché par les écologistes et trois ministres socialistes, Benoît Hamon, Arnaud Montebourg et Aurélie Filippetti. La « fronde » s’organise, les contestations se multiplient au sein de la majorité, jusqu’à ce que la division devienne insoluble. Au lendemain des attentats du 13 novembre 2015, François Hollande reprend carrément un thème cher à l’extrême droite, la déchéance de nationalité, proposant de l’inscrire dans la Constitution et de l’étendre. Cette fois, c’est Christiane Taubira, considérée comme la dernière caution de gauche du gouvernement, qui claque la porte. Deux ans plus tard, le Président n’a plus qu’une idée en tête selon Le Canard Enchaîné : ne pas rester dans l’Histoire comme celui qui a donné les clefs de l’Élysée à Marine Le Pen.

René Coty (1954-1959)

Au cours de la IVe République, le nombre de prétendants au trône de pire Président est réduit, car il n’y en eut que deux : Vincent Auriol et René Coty. Républicain modéré originaire du Havre, ce dernier passait pour un homme simple et digne. Lui et son épouse formaient un couple très populaire. La nouvelle du décès de Germaine Coty, le 12 novembre 1955, suscita beaucoup d’émotion à travers le pays. En apprenant l’élection de son mari, elle se serait très pragmatiquement exclamée : « Et dire que je viens de rentrer mon charbon pour l’hiver ! »

René Coty remet la croix de guerre TOE au drapeau du Prytanée National Militaire

Mais René Coty fut aussi le premier président de la guerre d’Algérie. En 1958, le conflit s’intensifie. Au mois de mai, le ministre des Affaires économiques Pierre Pflimlin s’apprête à prendre la présidence du Conseil, où bat le véritable cœur du pouvoir exécutif sous la IVe République. Soupçonné de vouloir négocier un cessez-le-feu avec le Front de libération national (FLN), il est détesté par les partisans de l’Algérie française. Et la veille de son investiture, une manifestation dégénère à Alger. Des cris fusent. « Pflimlin à la mer ! » « L’Armée au pouvoir ! » Entraînée par l’ancien parachutiste Pierre Lagaillarde, la foule assaille le siège du gouvernement local. Le général Raoul Salan en profite pour y constituer un « comité de salut public ». Depuis le balcon, il proclame son attachement à l’Algérie française et son soutien au général Charles de Gaulle. Celui-ci s’est retiré dans sa célèbre propriété de Colombey-Les-Deux-Eglises. Mais ses fidèles sont encore nombreux et certains d’entre eux figurent justement parmi les putschistes d’Alger : Jacques Massu, Lucien Neuwirth et Léon Delbecque. Le 19 mai, Charles de Gaulle convoque les journalistes pour annoncer qu’il se tient prêt à assumer les pouvoirs de la République. À ceux qui s’inquiètent de la tournure des événements, qui ressemblent à une manœuvre de reconquête fort peu démocratique, il rétorque : « Ai-je jamais attenté aux libertés publiques ? Je les ai rétablies ! Pourquoi voulez-vous qu’à 67 ans je commence une carrière de dictateur ? »

Coty et De Gaulle

À Paris, c’est l’affolement. Des troupes militaires venues d’Algérie débarquent en métropole. La rumeur d’un raid parachutiste sur la capitale enfle de plus en plus. Face à un tel danger, René Coty appelle Charles de Gaulle à la rescousse. Celui-ci accepte de former un nouveau gouvernement. Mais le risque est grand de voir l’Assemblée nationale rejeter cette aide « providentielle », et Coty en est réduit à la menacer de démissionner sur le champ. « Si l’échec de la tentative que j’ai effectuée devait faire apparaître que dans un moment aussi critique je me suis trompé, je ne manquerais pas d’en tirer aussitôt les conséquences inéluctables », déclare-t-il le 29 mai 1958. Le 8 janvier 1959, il transmet ses pouvoirs à De Gaulle. « C’est parce que le Parlement s’est couché qu’il n’y a pas eu de coup d’État ! » estime Pierre Mendès France. Piteuse fin de mandat de René Coty, qui n’aurait d’ailleurs peut-être jamais commencé sans une opération de la prostate. Elle l’a en tout cas empêché de participer au vote sur la création d’une armée commune européenne, question qui divisait déjà profondément la classe politique et l’opinion publique. Tout le monde ignorait donc sa position, un atout essentiel lors de l’élection du 23 décembre 1953.

Albert Lebrun (1932-1940)

Les présidents de la IIIe République sont beaucoup plus nombreux que ceux de la IVe. Le plus célèbre d’entre eux est sans doute Félix Faure, mort suite à une rencontre avec sa maîtresse au palais de l’Élysée, le 16 février 1899. Selon la légende, le prêtre venu lui administrer les derniers sacrements aurait demandé : « Le Président a-t-il toujours sa connaissance ? » et se serait entendu répondre : « Non, elle est sortie par l’escalier de service ! » Une histoire qui aurait inspiré cette formulaire lapidaire à Georges Clémenceau : « Il voulait être César, il ne fut que Pompée. »  Mais Félix Faure n’est pas le seul des présidents de la IIIe République à décéder au cours de son mandat.

Doumer, 14e président de la République française

Le 6 mai 1932, Paul Doumer inaugure une exposition consacrée aux écrivains de la Première Guerre mondiale à l’hôtel Salomon de Rothschild. Parmi les visiteurs s’est glissé Paul Gorgulov, Russe blanc réfugié en France. Aux alentours de 15 heures, il ouvre le feu sur le président de la République, déterminé à punir la France pour ne pas avoir soutenu l’Armée blanche contre les bolcheviques. Paul Doumer est touché à la tête et à l’aisselle. Il laisse échapper un « Tout de même ! » scandalisé, et s’effondre au milieu d’une assistance stupéfaite. Transporté à l’hôpital Beaujon, il succombe à ses blessures quelques heures plus tard. Une élection est organisée dans la hâte, et remportée par Albert Lebrun. D’après le poète Saint-John Perse, également secrétaire général du ministère des Affaires étrangères de 1933 à 1940, le nouveau Président est « mou, effrayé comme le lièvre par son ombre ». Dans son ouvrage La Décadence, l’historien Jean-Baptiste Duroselle écrit : « À aucun moment, même grave, on ne décèle aucune action d’Albert Lebrun. » Et les moments graves ne manquent pas. Le 6 février 1934, les gardes mobiles doivent tirer sur des émeutiers pour protéger le Palais Bourbon.

Au printemps 1936, Adolf Hitler remilitarise la Rhénanie. Cette année-là, la France refuse d’intervenir dans le conflit qui oppose les franquistes aux républicains en Espagne. En septembre 1938, les accords de Munich livrent la Tchécoslovaquie à l’Allemagne nazie. Un an plus tard, Hitler attaque la Pologne. C’est le début de la Seconde Guerre mondiale. Le 23 octobre 1939, Albert Lebrun passe en revue les chars de l’unité de Charles de Gaulle en Moselle. Ce dernier écrira dans ses Mémoires de guerre : « Au fond, comme chef de l’État, deux choses lui avaient manqué : qu’il fût un chef ; qu’il y eût un État. » Le 14 juin 1940, le gouvernement français est contraint de se replier à Bordeaux. Là, Albert Lebrun va refuser la démission du vice-président du Conseil, le maréchal Philippe Pétain. Puis lui demander de former un nouveau gouvernement, contre l’avis des présidents des deux Assemblées. Ces mêmes Assemblées octroieront les pleins pouvoirs au maréchal le 10 juillet. Une peine qui semble presque inutile tant Lebrun lui a laissé le champ libre. Mais s’il manque de caractère, le dernier président de la IIIe République ne manque pas de principes. Hostile au régime de Vichy, il se retire à Vizille, avant d’être enlevé par la Gestapo et un temps emprisonné au château d’Itter, en Autriche.

Portrait d’Albert Lebrun

Le premier président (1848-1852)

Louis-Napoléon Bonaparte est le premier président de l’histoire des Républiques françaises, car la Ie ne prévoyait pas cette fonction. Le 4 novembre 1848, l’élection au suffrage universel direct masculin est instauré. Malgré une réputation d’ « imbécile », le neveu de Napoléon Bonaparte remporte l’élection. Mais il n’en était pas à son premier tour de piste. Le 30 octobre 1836, il avait essayé de renverser le roi Louis-Philippe Ier depuis Strasbourg. Son plan était de soulever une garnison et de marcher sur la capitale en entraînant la population avec lui, sur le modèle du retour de l’île d’Elbe de Napoléon Ier en 1815. C’est un échec total, et le conspirateur est enfermé à la préfecture de police, puis exilé aux États-Unis.

Portrait de Louis-Napoléon Bonaparte (1852)
Première photographie officielle d’un chef de l’État français

Dans la nuit du 5 au 6 août 1840, il débarque de nouveau en France, en compagnie de quelques amis, dans l’espoir de rallier le 42e régiment à sa cause. Nouvel échec, nouvelle arrestation. Mais cette fois, Louis-Napoléon Bonaparte est jugé, et condamné à l’emprisonnement à perpétuité. Il s’attelle alors à la rédaction de son Extinction du paupérisme, qui connait un certain succès à sa parution en 1844 et le pose en socialiste. La fièvre de l’aventure ne le reprend que deux ans plus tard, et le pousse à s’évader sous le déguisement d’un ouvrier. Le 20 décembre 1848, il est enfin aux portes du pouvoir et prête serment devant l’Assemblée constituante : « En présence de Dieu et devant le peuple français, représenté par l’Assemblée nationale, je jure de rester fidèle à la République démocratique, une et indivisible et de remplir tous les devoirs que m’impose la Constitution. » Un serment bafoué en 1851, lorsque Louis-Napoléon Bonaparte confisque tout pouvoir à l’Assemblée. Dans la nuit du 1er au 2 décembre, des troupes armées prennent possession de Paris. La capitale réagit malgré le caractère conservateur de l’Assemblée, qui venait d’abroger le suffrage universel direct masculin. Un peu partout dans le pays, les républicains se soulèvent pour défendre la Constitution. La répression est sanglante. Une fois rétabli le suffrage universel direct masculin, un plébiscite est organisé dans une atmosphère délétère les 20 et 21 décembre. Louis-Napoléon Bonaparte avait même envisagé d’abolir le vote secret pour l’occasion, mais renoncera devant les protestations. « Plus de sept millions de suffrages viennent de m’absoudre », déclare Louis-Napoléon Bonaparte, qui reconnaît ainsi, sans même y prendre garde, sa culpabilité.

Un an plus tard, il devient Napoléon III en proclamant le Second Empire. Avoir été élu Président pour finir vingt ans plus tard Empereur déchu par l’Assemblée et « responsable de la ruine, de l’invasion et du démembrement de la France » vaut sans doute à Louis-Napoléon Bonaparte le titre de pire président de la République de l’histoire de France. Pour l’ensemble de son œuvre, mais avant tout pour avoir été le seul homme à volontairement saborder la jeune République qu’il avait juré d’incarner : Louis-Napoléon Bonaparte, unique président de la IIe République.

14 juillet 1883, inauguration de la Place de la République


Couverture : Certains des concurrents. (Ulyces)