La bande s’organise dans les vestiaires du stade Vélodrome. SCH, Kofs, Jul, Naps, Soso Maness, Elams, Solda et Houar, en uniformes bleu et blanc, attendent dans les vestiaires de faire leur entrée dans l’arène phocéenne. C’est sur la pelouse du stade mythique que les huit rappeurs marseillais clippent leur morceau « Bande organisée », qui est dans toutes les têtes depuis sa sortie le 15 août. À voir leurs sourires triomphants, ils savent déjà que leur réunion au sein de 13’Organisé ne peut être qu’un succès.
Ils ont raison, puisque c’est l’un des leurs qui enflamme les réseaux depuis la sortie du clip. « Et ça fait : zumba cafew, cafew carnaval » est repris chaque jour par des milliers d’internautes, qui ne peuvent plus se défaire de cette rengaine entêtante. « Bande organisée », produit par Jul et extrait de la compilation 13’Organisé, vient tout juste d’être certifié single de platine avec 30 millions de streams. En seulement 25 jours, un record en France. Si pour Jul, ce single représente la 22e certification de platine de sa carrière, c’est la première pour Soso Maness, qui exhibe un disque d’or dans le clip.
En boucle dans ma tête c’est horrible à tout moment de la journée je lâche des Zumba Cafew https://t.co/ClOgqw4Zgq
— YoungCharlesAznavour (@FlxKhl) August 21, 2020
L’engouement pour son « Zumba Cafew » a même engendré la sortie d’un café colombien du torréfacteur Hayuco en édition très limitée. Le « Zumba Cafew » est désormais en vente sur son site internet au prix de 10 euros les 250 grammes. « 100 % Arabica de Colombie. Café avec accent, sucré et chocolaté. Blend spécial torréfié spécialement pour l’occasion (… en hommage au déjà iconique “Eh ça fait Zumba cafew, cafew carnaval” », peut-on lire en description du produit. Mais comment se fait-il que cette phrase, dont le sens n’est pas évident, nous obsède tant ?
J'écoute beaucoup de rap, jsuis torréfacteur de café avec @hayuco_coffee, c'est donc tout naturellement que j'fais un café en édition très limitée "Zumba Cafew" de @sosomaness !
Un café 100% arabica de Colombie.Je mettrai ça en vente ce soir ici.#Zumbacafe pic.twitter.com/yMG7syJH8V
— Karim Boukercha (L'autre). (@Karim_Boukercha) August 26, 2020
Selon Jean-Marie Jacono, musicologue de l’université Aix-Marseille, lorsqu’on entend Zumba Cafew, l’empreinte affective de notre cerveau s’active et on s’évade sur les plages de Rio. C’est le fait de références culturelles liées à la joie et à la fête. « La force de ces musiques c’est d’être axées sur le rythme, qui fait appel au corps », ajoute le chercheur, qui fait écho au déhanché de Soso Maness dans le clip. Même s’il évoque le carnaval de Rio bien que la zumba soit originaire de Colombie, le morceau n’en devient pas moins une valeur de référence qui appelle à la danse et à la fête dans une ambiance estivale.
La zumba n’a du reste certainement pas été choisie au hasard. Cette danse inventée par le Colombien Beto Perez dans les années 1990 est un mix des principales danses latines que sont la salsa, le merengue, la samba, le tango ou encore le flamenco. On l’imagine à des années-lumière du hip-hop et pourtant, ce n’est pas la première fois qu’elle fait son incursion dans l’univers du rap français.
En 2013, Rohff utilise la « zumba » pour la première fois pour qualifier la musique de Maitre Gims, qu’il juge être davantage de la variété que du rap. La même année, Jul fait son apparition sur la scène rap marseillaise. Il y fait sensation avec ses mélodies entraînantes et ses paroles simples relevées à l’autotune, méthode encore peu employée en 2013. Sept ans plus tard, le rap marseillais devient l’incarnation-même de ce que Rohff critiquait, le lieu par excellence de la zumba. Un rap où les mélodies viennent d’ici et d’ailleurs, du raï maghrébin, aux sonorités nigériennes en passant par les mélodies latines.
D’après Jean-Marie Jacono, cette musique s’adresse à notre « subconscient affectif », à une part de notre cerveau propice à écouter des mélodies sans réfléchir au sens des paroles. « Tout est fait pour créer une ambiance affective et sécurisante », explique le chercheur. Pour Tom Mébarki, lui aussi musicologue de l’université Aix-Marseille, il faut plusieurs techniques pour qu’une musique devienne un tube. Les paramètres musicaux doivent être simples et répétitifs, afin qu’on puisse les fredonner simplement. « Si les paroles montent à la tête c’est que notre cerveau a eu la capacité de les mémoriser », dit-il. C’est bien ce qu’il se passe avec « zumba cafew, cafew carnaval ». Le rythme est contagieux, et ces trois mots ont la formule secrète pour nous faire danser.
Couverture : Soso Maness danse la zumba dans « Bande organisée ».