Il est installé à l’arrière d’un 4×4 sombre – café en main, vêtu de noir, ses cheveux nettement divisés – et lit, pour la première fois de sa vie, sa page Wikipédia. George Timothy Clooney (né le 6 mai 1961) est un acteur, réalisateur, producteur et scénariste américain. Il est devenu célèbre grâce à son rôle du docteur Doug Ross dans la série télévisée Urgences (1994-99). Il marque une pause. « Oui, c’est exact. » Il est allé à l’école Ste Susanne… Là, il a développé une passion pour le théâtre. « Quelque chose comme ça… » C’était un élève moyen. « À ce propos, j’ai retrouvé mes bulletins, dit Clooney. J’étais un bien meilleur élève que je ne pensais l’être. Je n’avais que des A et un B. Ce qui n’est pas mal. »
Clooney s’est blessé sur le tournage de Syriana, durant une scène de torture, en 2004. Il a souffert de terribles maux de tête et de pertes de la mémoire à court terme. « Et », ajoute-t-il en me regardant, « j’ai aussi souffert de pertes de la mémoire à court terme. » S’il peut vous arriver de rechercher votre nom sur Google de temps à autre, ce n’est pas le cas de George Clooney. Comment le pourrait-il ? C’est différent pour lui. Vertigineux. Un torrent de folie qui pourrait désintégrer la personnalité d’un homme. « George Clooney » apparaît sur près de onze millions de sites, rien que sur l’Internet américain. Passez une journée à écumer ces sites et vous rencontrerez autant de haine insondable que d’admiration déconcertante. Vous verrez l’Amérique parée de toutes les couleurs de son insanité, réfléchies à travers le prisme de George Clooney. Mais George Clooney est également un homme courageux, et il a accepté aujourd’hui de passer deux heures à regarder ce qu’Internet a à dire à propos de George Clooney. Une porte entrebâillée sur son existence virtuelle. Aujourd’hui, il va voir des choses qui vont le choquer, l’effrayer et le faire pleurer de rire. Il verra des choses si dérangeantes qu’il quittera la pièce, horrifié. Oh, et il verra aussi ses propres tétons. Mais pour l’heure, peu après 9 h du matin, alors que nous nous rendons depuis le FDR Drive jusqu’au loft où nous attend l’équipe de photographes, il reprend la lecture à voix haute de sa biographie, relativement amicale, générée par les utilisateurs : Il a secrètement financé et produit un thriller politique, film court intitulé The Endgame Study, en 2006. « C’était tellement secret que je n’en ai jamais entendu parler. Je ne vois pas à quoi ils font référence. » Une rumeur dit que Clooney a été celui qui a fait circuler la cassette de “L’Esprit de Noël” (la carte de visite vidéo qui a donné naissance à South Park) à Los Angeles en 1995. « Il y a du vrai là-dedans. »
« Où diable sommes-nous ? demande Clooney. C’est une embuscade, c’est ça ? »
Michelle Pfeiffer et Nicole Kidman ont chacune parié 10 000 dollars qu’il serait père avant d’avoir 40 ans. « Je vous répondrai quand j’aurai 40 ans. » Clooney a provoqué la controverse avec ses remarques à propos de Charlton Heston, disant qu’il avait “encore annoncé aujourd’hui qu’il souffre de la maladie d’Alzheimer”. « Je lui ai écrit une lettre où je lui disais que j’évitais généralement de faire des blagues sur les gens à leurs dépens, et donc que je lui présentais mes excuses. J’ai reçu en retour une lettre très sympathique de sa femme. » Sa page s’achève sur l’ « affaire » Heston. « Ha. Bonne façon de conclure », dit Clooney dans un soupir. Mais globalement, il doit admettre que la biographie donne une image plutôt favorable de sa vie – même si elle n’est pas totalement exacte. « Le plus dur, c’est d’essayer de ne pas rectifier tout ce qui se dit sur Internet. Ce serait un travail à plein temps – faux, faux, faux, faux. Il faut juste vous dire : “Ok, je m’en fiche, allez-y.” » Le 4×4 s’arrête devant le studio photo. Ou ce qui est supposé être un studio photo. C’est une porte marron sans la moindre indication dans une rue déserte de Brooklyn. « Où diable sommes-nous ? demande Clooney. C’est une embuscade, c’est ça ? »
Sa carrière
Il n’y a personne d’embusqué à l’intérieur, juste une équipe photo, accompagnée de café et de gâteaux. Clooney et moi nous retirons dans une pièce aux murs nus, industrielle, à l’arrière du bâtiment. Nous nous asseyons sur des chaises à dossier bas, devant un MacBook. Je me dis qu’il est trop tôt pour alarmer Clooney avec les détails sordides de ses habitudes intimes. Restons-en à sa carrière pour le moment. Je clique sur IMDb et scrolle jusqu’à sa première apparition à l’écran : un rôle en 1978 dans un téléfilm sur l’histoire du Colorado. Andy Griffith y interprétait le rôle d’un professeur. Clooney, lui, se distinguait dans le rôle d’un figurant villageois.
« Ils n’ont pas ma première apparition », commente-t-il. Il a fait ses véritables débuts dans un film sur les courses de chevaux intitulé Et c’est parti. « Je ne voulais même pas devenir un acteur, dit-il. Je traînais juste dans le coin avec mon cousin. » Le film a été tourné dans l’État de naissance de Clooney, le Kentucky, et son cousin Miguel Ferrer y tenait un rôle. « Je leur louais ma voiture, une Monte Carlo, et je me faisais 50 dollars par jour. Ils m’ont donné un rôle de figurant. Et Miguel m’a dit : “Viens à L.A. et deviens acteur.” J’avais passé l’été à couper du tabac, un travail très pénible. C’est ce qui m’a fait m’envoler pour Hollywood. » Celui-là a l’air intéressant : un thriller de 1993 intitulé The Harvest. Clooney est crédité comme le « travesti doubleur ». Oui, il s’en rappelle. Il aimerait que ce ne soit pas le cas. Il est allé rendre visite à des amis sur le plateau de tournage au Mexique, et le réalisateur lui a demandé de se tenir à l’arrière-plan, vêtu d’une robe en lamé or et mimant les paroles d’une chanson en remuant les lèvres. « Ce n’était pas supposé apparaître au générique, et puis soudain cet idiot de réalisateur met votre nom là-dessus. Merci, mec. Cela n’avait aucune importance quand personne ne savait qui j’étais, mais maintenant c’est revenu me hanter. » Nous allons sur YouTube, qui contient des dizaines d’extraits de son travail protégé par le copyright. Il y a notamment une brillante publicité pour du vermouth italien, réalisée par Robert Rodriguez. Et puis il y a la scène d’amour non-linéaire de Hors d’atteinte – Clooney en boxers blancs, Jennifer Lopez dans les sous-vêtements de grand-mère les plus sexy de l’histoire. Un commentateur de YouTube a écrit : Je trouve cette scène parfaitement horrible… =( « C’est marrant, dit Clooney, on y fait généralement référence comme à une excellente scène d’amour. Steven Soderbergh a fait un putain de bon boulot de mise en scène dans ce film. On le retient. J’essaie d’en tourner quelques uns dont on se souviendra avec les années. On retient O’Brother. On retiendra Les Rois du désert. Les Rois du désert est vraiment novateur je crois. » Il fait une pause. « Et Le Pacificateur, évidemment.
Un jour, des gens découvriront celui-là et me donneront une récompense posthume pour ça. » Je lui dis que, sans aucun doute, quelque part sur Internet, nous pouvons trouver un fan club de son flop de 1997 sur les armes nucléaires russes. « Aucune chance que cela existe », insiste-t-il. Après quelques minutes, je m’avoue vaincu. Le mieux que je puisse trouver est une poignée de bonnes critiques du DVD du Pacificateur sur Amazon. Je tombe également sur cette critique, que Clooney lit à haute voie : George Clooney est à peu près aussi divertissant à regarder que Michael Jackson se faisant violer par le Capitaine Igloo. « Wow, en voilà un qui est en colère », commente Clooney. On pourrait arguer que ce serait fort divertissant à regarder – mais je suis d’accord pour dire que le commentaire se voulait insultant. « Si vous voulez voir des gens en colère, jetons un œil à Batman & Robin », suggère Clooney. Il a raison. Voici la critique la plus populaire sur Amazon : J’ai finalement compris ce film. C’est le genre de trucs qu’Ed Wood aurait réalisé si quelqu’un lui avait filé un paquet de millions de dollars sans un adulte pour superviser le tout. Clooney éclate bruyamment de rire. « C’est hilarant. »
La définition d’une mauvaise année pour Clooney inclue une nomination aux Oscars et 311 millions de dollars engrangés par Ocean’s Thirteen.
À cause de ses nombreuses bagarres avec les tabloïds, j’avais toujours imaginé que Clooney était allergique à la critique. Mais je ne suis pas sûr que ce soit le cas. Par certains côtés, il est la célébrité la plus consciente de ce qu’il est, et il sait que se faire traîner dans la boue fait partie du jeu. Il a vu sa tante Rosemary passer du statut de superstar à celui de ringarde puis de patiente en psychiatrie pour finir en aînée respectée. Il a vu la carrière de son père se faire et se défaire. Il comprend la célébrité. Je lui demande : « — Vous avez déjà entendu parler de la Bourse d’Hollywood ? C’est un site de transactions sur lequel les gens s’échangent des célébrités en guise d’actions. — Vraiment ? Je dois être trèèèès à la baisse. L’année n’a pas été bonne. » Apparemment, la définition d’une mauvaise année pour Clooney inclue une nomination aux Oscars pour Michael Clayton et 311 millions de dollars engrangés par Ocean’s Thirteen. Sans parler de la sortie prochaine de Jeux de dupes, le premier film qu’il réalise depuis Good Night, and Good Luck et ses six nominations aux Oscars en 2005. L’action de Clooney s’échange à 46 dollars, plus bas qu’au pic de sa carrière en 2000, l’année de La Tempête du siècle et O’Brother. « À combien est Damon ? demande-t-il. Il doit être bien plus haut. Forbes a récemment fait quelque chose sur lui dans lequel ils disaient qu’il était la star la plus bankable. » Je tape Matt Damon. « Damon est à 83 dollars. Damon Wayans est à 1,54 dollars. » « Aïe, dit-il, c’est injuste pour Damon Wayans. » Nous jouons à deviner qui est le plus haut placé : Hanks culmine à 139 dollars. Cruise est à 116 dollars. Depp à 115 dollars. Et Will Smith remporte le match avec 168 dollars l’action. « Ce n’est pas nécessairement en rapport avec les salaires », remarque-t-il, peut-être soulagé. « Car si c’était le cas, Johnny Depp anéantirait tout le monde. »
Son physique
Le fait que George Clooney est beau est une vérité a priori. Les triangles ont trois côtés, et George Clooney est beau. Et pourtant, ce qu’il y a de terrible avec Internet, c’est que même les vérités a priori y sont remises en question. Nous nous trouvons à présent sur un groupe Facebook intitulé « George Clooney N’EST PAS l’homme le plus sexy du monde ». « 94 membres », dit Clooney alors qu’il contemple sa photo barrée d’un X rouge. « Qu’est-ce que c’est que ce bordel ? » Il lit à haute voix le manifeste du groupe : Une bonne fois pour toutes, j’en ai ras-le-bol et ça me rend malade que George Clooney pense qu’il est l’homme le plus sexy au monde, il est tellement vieux comme Jésus ! C’est juste faux. Cet homme est tellement imbu de lui-même que c’en est drôle. Rejoignez ce groupe si vous êtes carrément d’accord avec moi.
« Je devrais me défendre pour cette fois, non ? » Clooney dicte et je tape : C’est des conneries. Il est canon pour un sexagénaire. Clooney adore plaisanter sur le fait qu’il est un vieux schnock. Cela aide, bien sûr, lorsque les ravages de l’âge se bornent à quelques cheveux gris. C’est aussi plus facile quand on s’est fait refaire les yeux. C’est du moins ce que clament un certain nombres de sites sur les célébrités. Clooney lit à voix haute sur l’un deux : Dans un geste audacieux et sans précédent pour une célébrité, George Clooney a admis publiquement qu’il avait recours à la chirurgie esthétique. « J’adore celle-là, dit-il. On a entendu ça partout. Oprah a fait une émission durant laquelle Julia Roberts et moi nous interviewions l’un l’autre. Julia a demandé : “Envisagerais-tu un jour d’avoir recours à la chirurgie plastique ?” Et j’ai répondu : “Je me suis fait refaire les yeux, qu’est-ce que tu en dis ?” » Clooney ouvre grand les yeux et bat des paupières, comme Betty Boop. « J’étais en Italie quand l’émission a été diffusée, et soudainement c’était partout dans la presse italienne. Une fois que c’est traduit et que tout sens de l’ironie a été perdu, ça rebondit partout… Dans le temps, on disait qu’on ne pouvait pas faire de blague sur papier, mais qu’on pouvait s’en tirer sur pellicule. Mais maintenant ce n’est même plus le cas. » Il marque une pause. « Je me suis fait refaire les boules, cela dit. Je les ai faites dérider. C’est la nouvelle tendance à Hollywood – le lissage de boules. » Clooney a également été accusé d’avoir des implants capillaires. La rumeur est apparue après son rôle dans Syriana, pour lequel – pour avoir l’air négligé – il a rasé les cheveux sur ses tempes. En fait, il affirme qu’il a l’exact problème inverse, une chevelure trop avancée : il a un pic de veuve qu’il rase. « Juste là, dit-il. Touche. » Je n’ai jamais touché le pic de veuve rasé d’un autre homme avant cela. Mais Clooney vous y invite avec tant d’aise et d’assurance qu’il semblerait impoli de refuser. « Chouette, n’est-ce pas ? » Je décide de faire monter les enchères : www.celebheights.com Le site comporte un débat bizarrement passionné autour de la taille de Clooney – ses participants se disputent entre 1 m 75 et 1 m 85, analysent sa pointure et comparent sa carrure à celle de Javier Bardem. Deadman15 écrit : Ce que j’ai remarqué, c’est qu’il n’a pas la meilleure des postures (comme cela a déjà été dit de nombreuses fois ici avant), et qu’il fait beaucoup ce truc où il incline la tête. « Oui, je suis nonchalant, confirme Clooney. Ma mère me le dit. » Alors, quelle est la vérité ? Selon l’intéressé, il mesure 1 m 81,5. « Je suis tombé sur Donald Trump dans l’émission de Larry King, et il disait (Clooney se lance alors dans une imitation de Trump) : “Clooney est un type très petit. Vraiment, c’est un petit gars… Je ne veux pas l’enfoncer, mais il est vraiment minus.” J’ai rencontré Donald Trump une seule fois, et j’étais assis à une table. Il s’est approché, m’a serré la main, et s’est éloigné. J’imagine que je devais avoir l’air de mesurer 1 m assis à cette table. »
Son intimité
L’agent de Clooney est assis sur un long canapé qui s’étend à travers la pièce. Il écrit des messages depuis toute à l’heure, essayant d’éteindre un feu. Il semble qu’un imposteur a crié sur tous les toits que Clooney venait à la soirée Ford Models de ce soir. Ce n’est pas le cas. Mais question canulars, celui-là est plutôt crédible. Je décide que Clooney est prêt à en apprendre un peu plus sur sa vie sulfureuse de célibataire. Nous commençons avec un article paru dans un journal sud-africain intitulé « J’étais l’amour vierge de George Clooney ». Il lit à voix haute :
L’acteur sexy George Clooney a enlacé une jeune femme vierge de 18 ans tremblante entre ses bras, l’a étendue sur son lit, et lui a fait l’amour sans la pénétrer avec tant de douceur passionnée que, dix jours plus tard, elle frémit encore au souvenir de cet orgasme incroyable. L’actrice Claudia Wells… s’est confiée à News of the World : “Je sais que beaucoup de femmes vont penser que je suis folle de n’avoir pas couché avec lui, mais je ne l’ai jamais regretté. Même sans passer à l’acte, c’était fabuleux.” Il s’interrompt. « Je connais Claudia Wells. Je ne peux pas croire qu’elle ait dit cela. » Serait-il en train de nier qu’il lui a donné un orgasme à en frémir ? « Je ne crois pas que ce soit vrai. Mais c’était il y a vingt ans, donc peut-être que si. » Je confesse à Clooney que j’aimerais beaucoup être en position d’ignorer que j’ai donné un orgasme incroyable à quelqu’un. « Oui, je comprends. Mais il y a vingt ans… j’ai du mal à me souvenir des aventures que j’ai eues. » (Pour information, Wells intervient : « J’essaie de leur faire retirer l’article depuis des années », mais il refuse autrement de commenter la chose.) Je clique sur un site sur lequel Clooney est en train de faire l’amour, mais celui-ci est ouvertement imaginaire. C’est un site de fan-fiction – un endroit où les admirateurs de Clooney publient des nouvelles torrides à son sujet. Cette histoire implique le personnage que Clooney interprète dans Urgences, Doug Ross, l’infirmière jouée par Julianna Margulies, un jacuzzi, et des mots comme « agrippé », « caressée » et « gémissement ». L’action de la bouche de Carol autour de ses tétons gagnait en frénésie… Leurs langues s’enlacent férocement, comme dans une compétition pour départager celui qui pourra s’enfoncer le plus loin dans la bouche de l’autre. « Tu sais quoi ? dit Clooney. On dirait que ce passage est tiré tout droit du roman de Bill O’Reilly. » O’Reilly – qui a conspué le travail caritatif de Clooney – a écrit en 2004 un thriller intitulé Those Who Tresspass. « Fais-toi un cadeau un jour, lis ce roman, dit Clooney. C’est fantastique. Ça sonne comme : “Il a délicatement pris dans ses mains sa petite poitrine souple.” » (Le texte d’O’Reilly dit en réalité : « Ashley sentit deux larges mains envelopper ses seins et un souffle chaud courir sur sa nuque… Tommy O’Malley était nu et aux aguets. ») Revenons aux vraies petites amies. J’ouvre un site qui dresse une liste des conquêtes de Clooney, accompagnées de photos sensuelles. Je remarque qu’il en a beaucoup. « Eh bien, je suis vieux. Cela fait longtemps que je suis dans le métier. » Clooney fait le fact-checking du site : Vendela – « Non. » Celine Balitran – « Oui. » Salma Hayek – « Non. » Brooke Langton – « Oui. » Traylor Howard – « Oui. » Lucy Liu – « Non. » Julia Roberts – « Non. » Renee Zellweger – « Un tout petit peu. » Jenifer Siebel – « Juste une minute. » Hillary Rowland – « Je ne sais pas qui c’est. » Teri Hatcher – « Non. » Ellen Barkin – « Jamais, mais je l’adore, c’est une grande amie. » Je lui montre un article paru dans un journal canadien dans lequel un médium prédit que 2008 est l’année durant laquelle Clooney va se marier. Il sort avec l’ancienne compétitrice de Fear Factor Sarah Larson depuis cinq mois – assez pour attirer des remarques sournoises et jalouses sur les sites de fans de Clooney.
« Si j’étais une fille et que Brad Pitt était une fille, que j’étais lesbienne et qu’il était lesbienne, je serais tout le temps sur lui. »
« Je crois que cette histoire de mariage est un peu prématurée », dit Clooney. L’année dernière, dis-je, le médium en question a prédit la mort de Steve Irwin. Il n’est pas impressionné. « Il est vraiment très difficile de prédire la mort du Chasseur de Crocodiles… “Je prédis la mort du type qui se couche sous un éléphant.” » Mais peut-être y a-t-il une autre raison au fait qu’il ne veuille pas s’engager ? Je lui montre un site appelé « George Clooney est GAY GAY GAY. » Il commence à lire : La vie de George Clooney est trop semblable à celle de Rock Hudson pour que ce soit une coïncidence. Il a été marié une fois à une actrice inconnue… Il interrompt sa lecture : « Non, Talia n’est pas inconnue. Elle a d’ailleurs beaucoup de succès… » Il poursuit : Il sort avec de belles femmes et rien ne se passe, et puis elles tombent dans l’oubli. « Ça c’est parce que je les mange. » Alors… y a-t-il du vrai là-dedans ? « Non. Je suis gay, gay. Le troisième “gay”, c’était un peu fort. »
Son engagement
Nous finissons tout juste notre discussion à propos de son degré d’homosexualité lorsque quelqu’un demande à Clooney où il compte se rendre après son passage à New York. « Je vais au Darfour. » Clooney, qui a co-fondé l’œuvre de charité Not On Our Watch, a été nommé messager de la paix par les Nations Unies, et il part pour un voyage de quinze jours en Afrique et en Asie. C’est son deuxième voyage au Darfour mais son premier à Khartoum, la capitale hautement instable du Soudan. Est-il nerveux ? « Je suis nerveux car les Nations Unies le sont, dit-il. Je m’y rends accompagné d’une femme des Nations Unies, vétéran de l’armée américaine. C’est une dur à cuire. Mais c’est l’un de ces moments où vous vous dites : “J’ai une jolie maison en Italie, est-ce que je veux vraiment…” » Sa voix s’éteint.
Je montre à Clooney un site qui propose huit t-shirts différents l’appelant à se présenter aux élections. « Clooney 2008 ». « Obama/Clooney ». « Sexiest Prez Alive ». Il y a aussi un groupe Facebook dont les 357 membres l’implorent de concourir pour le Sénat au Kentucky. Est-ce que cela pourrait être la prochaine étape ? Il dit que non, ce qui soulagera les gens de celebpolitics.com, un site qui garde un œil attentif sur les acteurs libéraux. Je fais remarquer à Clooney qu’il a un taux de compatibilité avec les conservateurs de -14. C’est un « gros taré de libéral » (même si Alec Baldwin le bat avec un taux de -21). Le site met en exergue une citation de Clooney datée de 2003 : Le problème, c’est que nous avons élu un manager quand nous avions besoin d’un leader. Regardons la vérité en face : Bush est juste un imbécile. « C’était en 2003 ? dit-il à présent. Oh mince alors, j’avais tort à ce propos. Bush s’est révélé très fort à ce petit jeu. » Je lui dis qu’ils notent aussi ses films. « Oh, parfait. Je peux te dire celui qu’ils aiment le plus : O’Brother. Je parie sur celui-là. Quand je me trouve en compagnie de conservateurs, ils font comme ça (il prend l’accent sudiste) : “J’aime bien vot’ film là, O’Brother.” » Et non, celui-ci est noté Déchet Toxique Libéral. Comme la plupart de ses autres films. Nous allons sur whitehouse.gov. Nous avons de la chance, le président Bush répondra à des questions posées par les internautes plus tard dans la journée. « Il y en a une que je veux poser depuis des semaines. » Je la tape pour lui : Où est Dick Cheney ? « Il y a deux options, avance Clooney. Soit ils le gardent à distance parce qu’il est la seule personne à être plus impopulaire que Bush. Soit il est dehors à chasser des avocats. » (Bush n’a pas répondu à la question, optant plutôt pour celle-ci, posée par Gioia : « Qui choisit vos tenues pour tous les événements importants auxquels vous assistez ? J’adore vos cravates. » Réponse : « Chère Gioia, je choisis moi-même mes costumes et mes cravates. Merci pour votre compliment à propos des cravates, et merci pour votre question. »)
Son traumatisme
Pour un type si amical, Clooney donne toujours l’impression d’être confronté à quelqu’un. Même ses amitiés sont perçues comme des rivalités bouillonnantes. Je lui montre un site qui déclare qu’il entretient une amitié compliquée avec Brad Pitt : Ils sont tous deux très célèbres et ont tous deux été élus Homme le plus sexy du monde, ils vont donc vraiment bien ensemble. « Tu sais, si j’étais une fille et qu’il était une fille, et que j’étais lesbienne et qu’il était lesbienne, je serais tout le temps sur lui », explique Clooney.
Clooney pleure de rire. « Il se contente de le sentir et fait wouaaah ! avant de tomber à la renverse. Ça me tue à chaque fois. »
Alors je lui montre quelque chose d’un peu plus musclé. Apparemment, sa plus récente brouille a eu lieu avec Fabio, avec qui il s’est disputé dans un restaurant. Quelque chose à propos des fans de Fabio qui prenaient des photos et Clooney qui ne voulait pas être vu à l’arrière-plan des clichés. Fabio s’est exprimé à ce propos dans GQ. Clooney lit en prenant l’accent de Schwarzenegger : Il aboie plus fort qu’il ne mort. « Il a vraiment dit cela ? Je suis sûr que ce n’est pas vrai. » Il a eu les yeux plus gros que le ventre. « On dirait un sketch du Saturday Night Live. Personne ne dit des choses pareilles. » J’aurais pu lui faire mordre la poussière. « Oui, c’est probablement vrai. C’est un type costaud. Je n’en doute pas une seconde. Il y a un moment pendant que vous vous disputez où vous vous dires : “Si je me fais effectivement casser la gueule par Fabio, ce sera pire que la douleur.” Je ne m’y risquerais pas. » Cela semble rappeler autre chose à Clooney. « Quelqu’un d’autre m’a cherché des noises, dit-il. Un acteur qui a voulu s’embrouiller avec moi en racontant n’importe quoi. J’aimerais me rappeler qui c’était, ce serait marrant de retrouver ça. » Après quelques minutes, on finit par retrouver qu’il s’agit de l’acteur britannique Rupert Everett. Je recherche la page et nous commençons à lire : Clooney pense que, puisqu’il fait des films engagés politiquement, il a le droit de faire Ocean’s 11, 12, 13. Mais la série des Ocean’s est un cancer pour la culture mondiale. Ils nous détruisent, a déclaré Everett à The Independent. « C’est quoi son problème ? dit-il. Si tu veux, mec… tu jouais pas dans Dunston : Panique au palace ? »
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Clooney s’est montré très à l’aise avec tout cela jusqu’ici. Il est difficilement déconcerté par sa propre célébrité ou par les critiques brutales adressées par ceux que la célébrité obsède. Mais qu’en est-il des dangers plus grands d’Internet ? Je réalise que j’ai passé deux heures à montrer à Clooney des sites à propos de Clooney, mais je ne lui ai pas posé la question : Va-t-il parfois sur Internet ? « Je vais sur YouTube quand quelqu’un me recommande de regarder une vidéo, répond-il. Il y en a une il y a quelques années qui m’a tué. Tape “monkey smells butt”. » Je tape. Une vidéo ressort sur laquelle un chimpanzé se gratte le cul avec un doigt, le sent, et semble s’évanouir dans l’instant. Clooney pleure de rire. « Il se contente de le sentir et fait wouaaah ! avant de tomber à la renverse. Ça me tue à chaque fois. » À ce moment-là, j’ai enchaîné sur quelque chose qui me semblait pertinent sur le moment mais qui rétrospectivement était probablement une très mauvaise idée.
« — Tu sais, lui dis-je, j’ai demandé au mec qui gère le site d’Esquire quelle vidéo je devrais montrer à George Clooney et il m’a dit : “Montre-lui 2 Girls 1 Cup.” — C’est quoi ? — C’est la vidéo la plus dérangeante de l’histoire des vidéos. — Montre-la moi. — Vraiment ? Je ne sais pas. — Je peux le supporter, dit Clooney. Je suis un adulte. Nous le sommes tous. — C’est traumatisant. Cela va te marquer à jamais. — C’est long ? demande-t-il. — Non, lui dis-je, mais c’est très dérangeant. Je l’ai vue une fois et je ne parviens pas à me la retirer de la tête. Je ne peux pas la revoir. — Je veux la voir. » Bon, il a demandé après tout. Je finis par retrouver le lien et je clique. Après quelques secondes : « Ce n’est pas si terrible », dit-il. Trois secondes plus tard : « Oh. » Deux autres secondes : « Oh, mon DIEU ! Oh, mon Dieu ! Oh, mon Dieu ! » Clooney met sa main devant sa bouche comme s’il allait vomir. Il se lève de sa chaise et quitte la pièce. L’attaché de presse de longue date de Clooney, Stan Rosenfield, veut savoir ce que signifie tout ce vacarme. Clooney lui dit qu’il vient juste de voir la vidéo la plus répugnante qu’il a jamais vu. Rosenfield veut la voir. « — Je veux tenir au moins une seconde de plus que George. — Il faut que je regarde Stan la regarder », dit Clooney, reprenant contenance. « C’est comme un rodéo, voyons combien de temps tu peux tenir. » Rosenfield tient trois secondes entières avant de quitter la pièce. Clooney, après s’être regardé toute la matinée, se contente maintenant de regarder, plié en deux de rire.
Traduit de l’anglais par Nicolas Prouillac et Arthur Scheuer d’après l’article « The 9:10 to Crazyland », paru dans Esquire. Couverture : George Clooney par Yann Gar.