La course à la présidentielle entre dans le sprint final. En marche à Sarcelle jeudi 27 avril, Emmanuel Macron a donné le ton en qualifiant son adversaire de « menteuse » et « xénophobe ». La veille, Marine Le Pen avait accouru à l’usine Whirpool d’Amiens dans ses pas. Alors que l’ex-ministre de l’Économie prenait place à une table avec les syndicats, la candidate frontiste paradait à l’extérieur. Voilà qui promettait pour le traditionnel débat d’entre-deux-tours, mercredi 3 mai, au cours duquel tous deux ont bien été obligés de se faire face, assis. Alors qu’en 2002 Jacques Chirac avait refusé à Jean-Marie Le Pen un dialogue, l’extrême-droite a finalement pris part à ce rituel républicain pour la première fois. Quelle fut l’importance de ce duel à couteaux tirés ? Pour le savoir, il faut remonter le fil des petites phrases, de Valéry Giscard-d’Estaing à Nicolas Sarkozy en passant par François Mitterrand et Jacques Chirac, et s’inviter dans les coulisses de près d’un demi-siècle de joutes cathodiques.
Services et méthodes
Le roi est nu. À son retour au pouvoir, en 1958, le général de Gaulle s’offre aux caméras pour une première allocution télévisée. Le plus illustre des Français parle aux Français, comme il savait le faire sur Radio Londres. Mais cette fois, l’image change tout. Son éloquence se dérobe derrière une attitude hiératique, sa stature disparaît sous la statue de marbre. Quand, enfin, il décide de faire un mouvement, la perspective le travestit : on ne peut voir que deux des trois doigts brandis par le président pour introduire autant d’affaires à évoquer. « Sa première rencontre avec les téléspectateurs est, au plan télégénique, un échec », écrit Danielle Bahu-Leyser, enseignante de l’université Paris 2 et de l’Institut français de presse. « Il lit son texte, comme s’il était dans un studio de radio. » Pour conclure, le général en appelle aux citoyens : « Il faisait bien sombre, hier. Mais, ce soir, il y a de la lumière. Françaises, Français, aidez-moi ! » Il a hélas encore tout à apprendre pour bien prendre la lumière. Le face-à-face politique envahit la radio en 1962. Trois ans plus tard, alors que l’ORTF fête son premier anniversaire, les caméras de télévisions ne sont toujours pas familières au chef d’État. À l’occasion de la première élection présidentielle au suffrage universel, les deux candidats du second tour ont droit à deux heures d’antenne pour présenter leurs programmes. Sûr de lui, Charles de Gaulle ne daigne pas passer tout ce temps en studio. « Vous voulez que j’aille à la télévision en pyjama ? » reprend-il son ministre de l’Information, Alain Peyrefitte. Ses rivaux, pourtant, ne se sont pas fait prier. Au moment où fleurissent les sondages, le député de centre-droit Jean Lecanuet (MRP) est le premier à prendre conseil auprès d’un spécialiste de la communication, le publicitaire Michel Bongrand, dont l’agence s’appelle « Services et méthodes ». « Il a essayé d’importer des méthodes américaines », explique l’historien Christian Delporte, directeur de la revue Le Temps des médias. « Aux meetings, les spectateurs étaient accueillis par des jeunes filles très souriantes. Ils recevaient des produits dérivés Lecanuet, des foulards, des stylos, des porte-clés. »
Relativement méconnu, ce jeune audacieux ne peut cependant faire mieux que troisième, derrière l’inamovible homme de Colombey-les-Deux-Églises et son principal opposant, François Mitterrand. Les méthodes du « Kennedy français », comme il se proclame, commencent à infuser mais elles n’atteignent pas encore les hautes sphères. Désigné président par intérim après le retrait du général en 1969, Alain Poher « juge la discrétion électorale plus conforme à ses hautes fonctions, à son tempérament et ses intérêts », selon Jean et Monica Charlot, auteurs du livre Persuasion et politique. L’autre prétendant à la magistrature suprême, Georges Pompidou, n’est pas moins frileux. Il n’accepte de dialoguer, à la radio, qu’avec un allié, le leader centriste Jacques Duhamel. « Le pays », dit-il aux députés UDR, « est saturé de luttes électorales, il est saturé de débats à la radio et à la télévision… Je dis que le public fermera les postes – donc je dis qu’il faut que la campagne soit modérée ; il ne faut pas de campagne à l’Américaine, je ne le crois pas ; d’ailleurs nous n’en aurions pas les moyens. » L’ancien Premier ministre perd au jeu des prédictions mais remporte le scrutin.
Les dents longues
Le duel cathodique naît dans l’émission À armes égales, lancée en 1970. Valéry Giscard-d’Estaing prend part au deuxième numéro. Il est interrogé sur le thème de l’égalité des chances par un certain Alain Duhamel, fils de Jacques. François Mitterrand attendra un an avant de s’y montrer. « Giscard était un homme de la télévision », rappelle Christian Delporte. « En revanche, Mitterrand était beaucoup moins à l’aise. » En 1974, ce dernier accepte à contrecœur le principe d’un débat d’entre-deux-tours proposé par les anciens producteurs de l’émission, rebaptisée Les trois vérités. Le 10 mai, sur les deux chaînes de l’ORTF, les téléspectateurs voient apparaître les noms de Valéry Giscard-d’Estaing et de François Mitterrand en blanc sur fond bleu. Ces couleurs royales sont accompagnées d’une musique classique tout ce qu’il y a de plus solennelle. On croirait entrer à Versailles. Passée l’introduction, l’émission peut commencer. Deux costumes gris surmontés de calvities sont filmés de profil devant un rideau non moins terne. Au centre, un duo de journalistes est là pour présenter ce « grand événement sans précédent à la télévision française », selon les mots de Jacqueline Baudrier, accompagnée par Alain Duhamel. Quelque 25 millions de personnes sur 29 millions d’électeurs inscrits allument leur poste.
Le concept vient des États-Unis, où, dès 1960, John Fitzgerald Kennedy a pris le dessus sur Richard Nixon devant environ 70 millions de personnes. Dans The Making of the President, l’historien Theodore H. White constate que « selon certains sondages, ceux qui ont écouté le débat à la radio estiment que les deux candidats étaient à peu près ex æquo. En revanche, tous les sondages réalisés auprès des téléspectateurs » donnaient Nixon perdant. « Cela est dû à l’effet de la télé. » En France, la victoire est attribuée à Valéry Giscard-d’Estaing. Peu importent les programmes, les querelles partisanes et les banderilles envoyées pendant près de 1 h 40. Tout s’est décidé en quelques secondes, estime après coup le candidat de l’UDF. « Je crois », raconte-t-il dans le premier tome de Le Pouvoir et la vie, publié en 1988, « que j’ai été élu président de la République grâce à une phrase de dix mots : “Monsieur Mitterrand, vous n’avez pas le monopole du cœur.” Les études faites par les politologues ont abouti à la conclusion que la phrase que j’ai prononcée ce soir-là m’a fait gagner aux alentours de 500 000 voix. J’ai conservé ces voix par la suite et ce sont elles qui ont assuré ma victoire finale. En même temps, sans le savoir, j’étais entré dans le monde de la communication moderne, où selon les spécialistes, le message doit être court, indéformable, accessible davantage à la sensibilité qu’au raisonnement et surtout intensément vécu. »
Une version réfutée par Christian Delporte : « C’est ce qu’on appelle une légende urbaine. Le lendemain, personne n’a remarqué cette phrase-là, qui était préparée à l’avance. Giscard a fait croire qu’il avait gagné le débat grâce à elle, en fait ce n’est pas le cas puisque les sondages n’ont pas bougé. Mais même Mitterrand y a cru. » Le premier secrétaire du Parti socialiste retient la leçon. Dès 1971, il engage un conseiller pour l’audiovisuel, l’acteur Serge Moati. Mais rien n’y fait. Le socialiste se casse les dents sur une discussion avec le chef du gouvernement Raymond Barre, diffusée en 1977. Dont acte, le publicitaire Jacques Séguéla lui conseille de les faire limer et de changer de style. « Le public n’entendra jamais votre message de solidarité si vous continuez à vous fringuer comme un banquier », lui dit-il d’après le livre du journaliste Philip Short, Les derniers secrets de Mitterrand. « Vous ne serez jamais élu à la présidence de la République avec une denture pareille. »
À couteaux tirés
Lorsqu’il se présente pour un nouveau duel, en 1981, le Sphinx ne rayonne pas de confiance. Il pose ses conditions. « Mitterrand voulait des journalistes qui interviennent vraiment, que ce ne soit pas un corps à corps mais un tête à tête », explique Christian Delporte. « Avec Robert Badinter et Serge Moati, il a fait imposer des règles de prise d’image contraignantes. Tout a été discuté, jusqu’à la couleur du décor. » Fixée par le CSA, cette réglementation exclut les plans sur la personne qui n’est pas en train de s’exprimer car « les mimiques de l’auditeur ont un effet sur la manière avec laquelle on perçoit le discours du parleur », explique Catherine Kerbrat-Orecchioni, chercheuse en linguistique et auteure du livre Les Débats de l’entre-deux-tours des élections présidentielles françaises. « Les téléspectateurs ne doivent pas être influencés par celui qui écoute. » À l’écran, François Mitterrand fait bien meilleure figure que sept ans auparavant. Il use d’images pour dénigrer son adversaire (« un conducteur qui vient de verser sa voiture dans le fossé, et qui viendrait me demander de repasser mon permis ») et en parle à la troisième personne. « C’est ce qu’on appelle la “délocution” », analyse Catherine Kerbrat-Orecchioni. « Mitterrand ne l’avait pas fait du tout en 1974, mais il s’en sert en 1981. Tout le monde a signalé l’amélioration considérable de sa maîtrise. Il détestait le média télévisuel mais il a appris le métier. » À son tour, le candidat socialiste a préparé ses attaques. Qualifié d’homme du passé par Giscard lors de leur premier débat, il prend sa revanche : « Vous ne voulez pas parler du passé, je comprends bien, naturellement et vous avez tendance à reprendre le refrain d’il y a sept ans, “l’homme du passé”. C’est quand même ennuyeux que dans l’intervalle vous soyez devenu, vous, l’homme du passif. »
Cantonnés au rôle de chronomètres en 1974, les animateurs « participent plus au débat en 1981 et 1988, posant même parfois des question gênantes », note la linguiste. Et les contradicteurs ne font rien pour apaiser l’ambiance. « Mitterrand ne voulait pas serrer la main de Giscard », se souvient Serge Moati. « Je lui demande pourquoi, il me dit : “On ne peut pas détester quelqu’un à qui l’on serre la main.” » Au sortir de son premier mandat, le président de la République n’a pas besoin de trouver des raisons de haïr celui qui se dresse en face de lui. Il voue déjà une haine coriace à Jacques Chirac, qu’il a désigné Premier ministre après la victoire de la droite aux législatives de 1986. « Il y a eu de l’émotion, de la dramatisation », décrit Christian Delporte. « Il étaient d’accord sur la couleur du plateau, qui devait être bleu. Mais ils se sont battus pour savoir si ce serait un bleu foncé ou un bleu clair. » Afin d’intimider son chef de gouvernement, Mitterrand lui rappelle par tous les moyens la hiérarchie de la Ve République. La table a ainsi une longueur identique à celle de l’Élysée, où Chirac vient prendre des consignes chaque mercredi. Cette attitude entraîne une passe d’armes historique. « Permettez-moi juste de vous dire que ce soir, je ne suis pas le Premier ministre et vous n’êtes pas le président de la République », lance Chirac dans un sourire. « Nous sommes deux candidats, à égalité, et qui se soumettent au jugement des Français, le seul qui compte. Vous me permettrez donc de vous appeler M. Mitterrand. » Réponse de l’intéressé, pleine de morgue : « Mais vous avez tout à fait raison M. le Premier ministre. » Le patron du RPR a beau lui contester la fonction, Mitterrand reste finalement à la magistrature suprême.
La ligne rouge
La tension retombe sitôt qu’il faut lui trouver un successeur. « En 1988, on a beaucoup discuté du nom des journalistes. En 1995, un accord est trouvé tout de suite », remarque Christian Delporte. Alain Duhamel revient à la présentation aux côtés de Guillaume Durand. L’ère des arbitres interventionnistes que Mitterrand avait promu se clôt, les deux hommes demeurant relativement effacés. C’est aussi le cas des favoris, Edouard Balladur et Jacques Delors, dont les candidatures ne verront jamais le jour. Fait inattendu, Jacques Chirac et Lionel Jospin en profitent. « Au fond du trou » en 1995, dixit l’historien, le premier est tancé par Arlette Chabot dans Édition spéciale, sur France 2. « Quoi qu’il arrive, vous irez jusqu’au bout dans cette campagne présidentielle ? » demande la journaliste. Interdit, le maire de Paris esquisse un mouvement de la tête. « Vous n’avez pas l’intention de renoncer ? » relance Arlette Chabot, à quoi Chirac finit par rétorquer : « Vous parlez sérieusement ou vous faites de l’humour ? » Dans la dernière ligne droite, juge Christian Delporte, « le fait de ne plus être favori, d’être un peu retiré des affaires, dans une traversée du désert, a peut-être révélé un autre Chirac. » Peu à l’aise à la télévision, le député de Corrèze « sourit devant la caméra lorsqu’elle est éteinte mais dès qu’elle s’allume, ça ne va plus. » Son côté bonhomme prend finalement le pas sur la rigidité.
Lionel Jospin a plus de mal à se relaxer. En 1995, il découvre un statut de leader de la gauche dont il était à mille lieux un an plus tôt. Non seulement ses chances sont minces, mais il n’éprouve pas d’hostilité à l’égard de Jacques Chirac. Aussi, le ton des échanges est-il cordial. Un « débat de Premiers ministres », dira Arlette Chabot. Ses collègues journalistes font état d’échanges assommants. « Les candidats doivent être suffisamment offensifs, pugnaces, sinon on dit que c’est ennuyeux », décrypte Catherine Kerbrat-Orecchioni. « Cependant, ils doivent sans cesse négocier avec une ligne rouge entre les attaques licites et illicites. Dans les débats d’entre-deux-tours, on ne trouve pas de marqueurs de violence verbale comme des injures, des invectives, des mots vulgaires ou du tutoiement, alors que ça peut arriver entre hommes politiques à la télévision. » Étant donné la solennité du moment et son caractère exceptionnel, la teneur des échanges est compassée. « C’est toujours le même dispositif très formaté », observe la linguiste. Christian Delporte ne dit pas autre chose. « Il n’y a pas particulièrement d’évolution. Les télévisions font monter la mayonnaise, on a les déclarations de soutiens, etc. On voit les mêmes images tous les sept ans avant et après. Les textes après le débat auraient pu être préparés avant. » En 2002, alors que le sidérant résultat du premier tour laisse augurer d’une lutte féroce entre Jacques Chirac et Jean-Marie Le Pen, le président sortant annule ce rendez-vous incontournable depuis 1974. « Face à l’intolérance et à la haine, il n’y a pas de transaction possible, pas de compromission possible, pas de débat possible », déclame-t-il le 23 avril. « Pas plus que je n’ai accepté dans le passé d’alliance avec le Front national, et ceci quel qu’en soit le prix politique, pas plus que je ne l’ai accepté dans le passé, je n’accepterai demain de débattre avec son représentant. Je ne peux pas accepter la banalisation de l’intolérance et de la haine. » Une décision que personne ne conteste sinon le frontiste.
Improvisation
Cinq ans plus tard, Jacques Chirac décline de nouveau le débat, cette fois avant même le lancement de la campagne. En mars, il annonce qu’il ne « solliciter[a] pas les suffrages pour un nouveau mandat. » Les profils qui se dégagent pour lui succéder sont inédits, pas simplement parce qu’ils concourent pour la première fois mais car ils ne cadrent pas avec un certain nombre de codes. Pugnace, Sarkozy l’est sans conteste. L’ex-Premier ministre s’est constitué une réputation de bateleur nerveux au registre de langage « relâché », d’après Catherine Kerbrat-Orecchioni. « Il n’y a rien d’inédit dans ce que fait Sarkozy, mais il augmente la fréquence » avec laquelle il use de techniques rhétoriques. Face à Ségolène Royal, l’ancien maire de Neuilly donne du « madame Royal » plus souvent qu’à son tour. Laquelle présente la particularité d’être la première femme à ce stade. Homme de télévision, le candidat de l’UMP craint toutefois qu’on lui reproche d’être agressif à l’égard de sa concurrente. Sans doute a-t-il beaucoup travaillé la maîtrise de soi. Pour finir, « il a résisté, elle s’est finalement énervée », synthétise l’historien.
Après une dispute sur la température des studios, les aspirants prennent place. Le mercure grimpe à mesure qu’ils se rendent coup pour coup sous le regard de Patrick Poivre-d’Arvor, d’Arlette Chabot et de 20 millions de Français. Catherine Kerbrat-Orecchioni se souvient : « Quand il avait débattu avec Le Pen, Nicolas Sarkozy n’arrêtait pas de le pointer du doigt. Mais cette fois, on lui avait dit : “Attention, tu es devant une femme, la pugnacité peut être prise pour de la violence.” Il s’en est donc gardé. À un moment, c’est elle qui le fait et Sarkozy répond : “Arrêtez de me montrer avec votre doigt pointé.” Il ne supporte pas qu’elle le fasse car lui-même se l’interdit. » Le candidat de la droite privilégie des moyens de déstabilisation plus retors. Il prend les animateurs à témoin, regarde ailleurs quand sa rivale parle, hausse les épaules et répète sept fois : « Ne vous énervez pas », avant que ne surgisse la fameuse scène de la « colère saine » de Ségolène Royal, requalifiée en « indignation » a posteriori car « la colère est mal perçue », selon Catherine Kerbrat-Orecchioni.
Cinq ans plus tard, dans une interview à Libération, l’ancienne ministre des gouvernements de Pierre Bérégovoy et Lionel Jospin reconnaîtra avoir été prise de court et agacée dès les premières secondes : « Il ne me regardait pas, il ne regardait que les journalistes. Il y avait en permanence dans sa posture le procès en incompétence, le petit fiel de la condescendance. Il était étonnamment calme. D’ailleurs, son équipe ne l’a pas reconnu.» Ségolène Royal doit improviser. « On m’avait préparé des petites phrases. Mais dans le feu de la conversation c’est compliqué de les placer. Et puis ce n’est pas mon style. » Tout ne se passe pas comme prévu, mais elle imagine s’en tirer à bon compte. « J’avais fait mon travail, je maîtrisais mes dossiers. J’en garde plutôt un bon souvenir. En sortant, on pensait tous l’avoir gagné. » Pourtant, « la séquence de la saine colère lui a été très dommageable », considère Catherine Kerbrat-Orecchioni.
Reste que ces débats d’entre-deux-tours n’ont qu’une influence marginale. « Je ne pense pas que les Français choisissent pour cinq ans un président de la République sur la seule impression qu’ils auront d’un débat de deux heures, même si celui-ci est important », déminait Nicolas Sarkozy sur France Inter, peu avant le duel de 2007. Un avis partagé par Catherine Kerbrat-Orecchioni et Christian Delporte. « Si on regarde les sondage avant et après l’émission, ils sont les mêmes », pointe ce dernier. « Le favori l’emporte toujours sur le challenger. » Cinq ans plus tard, Nicolas Sarkozy ne pourra rien pour renverser la domination de François Hollande dans les enquêtes d’opinion. Pire, il fait les frais de l’anaphore de Hollande : « Moi, président de la République. » Une réplique que l’intéressé prétend ne pas avoir préméditée. « Il ne faut pas oublier », note Catherine Kerbrat-Orecchioni, « que même s’ils sont préparés, ce sont des débats fondés sur l’improvisation. C’est un discours pré-construit mais aussi co-construit. La qualité principale dont ils doivent faire preuve est l’à-propos. » Qualité pour laquelle les médias ont une certaine appétence. « On retient ce qui va pouvoir faire les gros titres et être repris en boucle », explique Christian Delporte. « En fait, on attend un match. À défaut de chaos, parce qu’on n’a jamais vu un candidat s’effondrer, on cherche l’uppercut. » Celui du 3 mai pourrait faire mal.
Couverture : Le bureau présidentiel à l’Élysée. (Laurent Grassot Studio/Galerie Perrotin)