Il y a environ cinq ans, à bord d’un bus qui traversait les hauts plateaux déserts au centre des États-Unis en direction de l’ouest, une jeune femme était si défoncée que le conducteur l’a faite descendre à Laramie, une petite ville du Wyoming. La police locale l’a enfermée dans une cellule, et la jeune femme n’a pas tardé à retirer de son vagin plusieurs petits sachets qui contenaient à eux tous près de deux grammes d’héroïne. « Nous étions sous le choc », raconte Josh Merseal, un jeune procureur du comté d’Albany, où se situe Laramie. « On s’est dit : “De l’héroïne, vraiment ?!” Nous n’en avions encore jamais vu. »
Les autorités de Laramie n’en reverraient plus des années durant. La fille du bus, simplement de passage, était en quelque sorte une anomalie, mais aussi un genre de présage. Lorsque Marseal m’a parlé d’elle en août dernier, il y avait eu tellement de saisies qu’il en perdait le compte : « Depuis 2013, le comté d’Albany a engagé des poursuites en justice pour dix… non, attendez, onze cas de trafic d’héroïne impliquant cinquante… disons une cinquantaine de suspects. » Le chef de la police de Laramie, lui, dit que l’héroïne est la « drogue dure la plus en vogue du coin » – le coin, c’est sa petite ville de 31 814 habitants. Un procureur fédéral de Cheyenne, cinquante kilomètres plus à l’est, commente impassiblement : « C’est le cas dans tous les coins de l’État. » L’héroïne est une fâcheuse tendance américaine qui se retrouve partout : dans les grandes villes, bien sûr, mais aussi dans les petites, au milieu de nulle part, comme ici dans le sud du Wyoming. Sauf qu’elle n’apparaît pas par magie, comme de la poussière de fées. Quelqu’un doit l’acheminer jusqu’aux patelins et dans les endroits les plus reculés. Quelqu’un doit répondre à la demande. Merseal se souvient de ce quelqu’un: « Avant Ory », dit-il, « nos plus grosses prises concernaient principalement des saisies de méthamphétamine et de marijuana, achetées par petits sachets. Après Ory ? Il y avait de tout. »
Ground zero
Ory, c’est Ory Joe Johnson, dont, par souci d’équité, il faut dire quelques mots d’entrée de jeu. Ory n’a pas introduit l’héroïne ou toute autre drogue à Laramie, sans même parler de l’État du Wyoming. Il n’a jamais traîné aux abords des cours d’école ou dans les ruelles, à appâter les gosses et les badauds. Il n’est associé à aucun cartel meurtrier – du moins pas directement –, et il est loin d’être ce qu’on pourrait appeler un baron de la drogue.
Ory est plutôt un homme travailleur doté d’un sens considérablement aiguisé de l’entrepreneuriat. Âgé de 37 ans, il est originaire de Torrington, la moitié d’un village à la frontière du Nebraska, où son père officiait comme vétérinaire. C’était un garçon populaire, aimable et brillant, délégué de classe en primaire et au lycée. Il chassait et pêchait, et faisait de la lutte et du baseball dans le cadre de l’école. Il jouait parfaitement du piano et se débrouillait si bien au trombone – en fanfare et dans un groupe de jazz – qu’une université de l’est du pays lui a offert une bourse d’études. Bourse qu’il a refusée, ne se prédestinant pas à devenir musicien. Ory s’est vu pendant un moment en dentiste, comme le meilleur ami de son père. Un samedi d’été 1996, alors qu’il avait 19 ans, Ory a passé la journée à écluser des bières au Springer Reservoir, un lac au sud de Torrington. Puis il a conduit jusque chez lui en état d’ivresse et s’est endormi sur un chemin de terre à environ 1,5 km de chez lui. Sa Suburban a alors percuté de plein fouet le garde-corps d’un pont à grande vitesse, écrasant l’avant, cassant le nez d’Ory, sa mâchoire et sa clavicule, endommageant un poumon et un rein, brisant sa cheville droite. Un juge l’a condamné à deux ans en liberté conditionnelle pour conduite sous l’empire d’un état alcoolique, et un médecin lui a prescrit du Vicodin pour le reste. Une fois à court de pilules, il s’en procurait toujours un peu plus, et la vitesse à laquelle il tombait en rade n’avait l’air de déranger personne.
Étape numéro un pour devenir le dealer d’une petite ville : développer une dépendance sous prescription – donc tout à fait légale – aux opiacés. Chose étrangement répandue chez les acheteurs comme chez les fournisseurs. Six mois plus tard, clopinant en béquilles et avalant toujours son Vicodin, Ory s’est rendu à une fête. Un type avait du crank sur lui, un précurseur de la méthamphétamine élaboré par une poignée de rednecks et autres motards. Ory en a sniffé une ligne. C’était magique. « C’était la première fois que je marchais depuis l’accident, avoue-il. Je ne mettais aucun poids sur mon pied, j’ai pu poser mes béquilles ce soir-là. À partir de là, j’ai remarché. » Cependant, pour des cerveaux câblés d’une certaine manière (comme celui d’Ory, visiblement) le crank est réputé pour être très addictif. Dès là fin février 1997, il en prenait deux à trois grammes par jours, ce qui, à environ 100 dollars le gramme, est intenable pour un jeune homme qui ne veut pas se lancer dans le vol de voitures ou le cambriolage. Car Ory n’est pas un voleur. Étape numéro deux pour devenir le dealer d’une petite ville : comprendre comment faire marcher les affaires.
La troisième étape requiert d’être un homme prêt à plonger dans l’inconnu.
L’ami grâce auquel Ory s’approvisionnait lui a dit qu’une eight ball (le huitième d’une once, soit 3,5 g, et le nom de la bille 8 au billard américain, ndt) se vendait pour 200 dollars à Scottsbluff, un patelin de 15 000 habitants situé de l’autre côté de la frontière du Nebraska. « Et là, eurêka ! » s’exclame Ory. « J’achète une eight ball pour 200 dollars. Je connais des gens qui en veulent, alors j’y vais et je vends un gramme à un gars, un gramme à un autre. Après quoi il me reste un gramme et demi, gratos. » Il marque une pause. « Putain, c’était tellement simple. » Tellement simple, tellement évident qu’Ory est allé trouver directement le contact de son ami quelques jours plus tard. Il ne le connaissait pas, mais le type était une marche plus haut sur l’échelle de la distribution. « J’ai 450 dollars, lui a lancé Ory. Qu’est-ce que je peux avoir pour ça ? » Ory a conduit l’homme jusqu’à Scottsbuff et s’est arrêté devant une maison située dans un quartier délabré. Sa nouvelle connaissance a pris ses 450 dollars, lui a dit d’attendre ici et a disparu derrière la porte d’entrée. Ory a poireauté une heure dans la voiture. Il a roulé dans Scottsbuff pendant un moment, et il s’est posé dans un parc pendant un moment de plus. C’est pas normal, a-t-il fini par se dire. Cela faisait trois heures qu’il n’avait pas revu son contact – ni son argent ou sa poudre. Il est descendu de voiture et s’est approché de la porte.
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D’aucuns pourraient rétorquer qu’il est aisé de franchir les deux premières étapes : la première est une addiction involontaire, et l’autre tient du calcul niveau primaire. Mais la troisième, en revanche, demande un certain cran : elle requiert d’être un homme prêt à plonger dans l’inconnu. Ory ne connaissait rien au trafic de drogue, au-delà de la petite vente au détail de Torrington. Il ne savait pas qui vivait dans cette maison ni comment cette personne réagirait à la présence d’un inconnu frappant à sa porte.
Ory a toqué. Un Mexicain immense lui a ouvert la porte. Le colosse lui a lancé un regard noir : « — C’est pour quoi ? — Salut, j’ai déposé un mec ici avec tout mon argent il y a genre trois heures, a dit Ory. Je veux lui parler. » Le Mexicain l’a étudié un moment avant d’observer la rue d’un bout à l’autre, cherchant à voir s’il avait été envoyé par des policiers ou si ce n’était qu’un imbécile. « Entre », a-t-il finalement lâché. Il a passé un coup de téléphone, parlé en espagnol – qu’Ory ne comprend pas –, puis il a raccroché. « — Le mec est entré, a-t-il dit à Ory. Il est entré et il est ressorti par la fenêtre de la salle de bain avec ton matos il y a trois heures environ. — C’était mon argent, a répliqué Ory. Je suis venu pour acheter, il venait chercher la came ici. » Le Mexicain a haussé les épaules. Ce n’était pas son problème.
« Peut-être qu’il était surpris de me voir débarquer comme un cheveu sur la soupe, présume Ory. Mais je ne pensais qu’à amortir mes 450 dollars. Alors je suis revenu le lendemain avec 600 ou 700 dollars, et j’ai acheté 14 g. J’ai tout vendu en une heure ou deux. J’y suis retourné le jour même, et c’est comme ça que tout a commencé. » La suite, c’est du gâteau, surtout pour un homme blanc et propre sur lui qui se plie scrupuleusement aux règles du trafic. Les drogues se vendent d’elles-mêmes. « Je n’arrivais pas à y croire la première fois que j’ai eu mes 28 g de crank », se souvient Ory. « J’ai passé moins d’une heure à Wheatland et un type a tout écoulé pour moi. En moins d’une heure, j’ai fait plus de 1 000 dollars. Et il devait me rester cinq ou six grammes en poche. J’hallucinais complet. C’est une ville de 3 500 habitants. En à peine un mois, la bourgade engloutissait huit fois 28 g toutes les semaines et demi. »
Crystal
Quelque temps après, le crank a été remplacé par de la véritable crystal meth, un produit de bien meilleure qualité livré sous forme d’un cristal clair. Ory s’est alors débarrassé d’une nouvelle étape dans la chaîne de distribution et a commencé à acheter au Colorado, d’abord à Greeley, puis à Denver. Sans surprise, et pour des raisons plus qu’évidentes (Ory pense qu’il était « trop jeune. Je ne savais pas ce que je faisais, je planais complètement »), il a commencé à avoir des ennuis avec la justice. Pas tant avec la vente de drogues qu’avec sa consommation. Comme pour la plupart des postes de cadres intermédiaires, être dealer de crystal meth dans le Wyoming n’est pas un métier particulièrement lucratif, surtout quand il faut financer sa propre addiction. Ory a commencé à remplir des chèques sur le compte de son frère, sept dollars par-ci, 250 par-là, quelques milliers au total. Un juge l’a envoyé en cure de désintoxication, ce qui n’a pas arrangé les choses et lui a valu deux condamnations avec sursis et mise à l’épreuve, qu’il a enfreintes à plus de deux reprises. Il a été arrêté avec une glacière remplie de champignons hallucinogènes dans sa voiture (il n’a pas manqué de confier à l’officier de police qu’il en avait pris « un p’tit peu » parce que cela l’aidait à mieux conduire), émis davantage de chèques en bois et sectionné le bracelet émetteur à sa cheville, avant de se faire la malle de la maison de transition – ce qui, à son grand étonnement, a été considéré comme une « évasion » par les autorités. Sa mise à l’épreuve révoquée le 2 mai 2002, il a été envoyé dans la prison de Rawlins pour deux à cinq ans d’incarcération, en comptant ses 322 jours passés dans les prisons de comté pour toutes les fois où il s’était fait arrêter. C’est ainsi qu’après près d’une décennie, la carrière de dealer de petite ville d’Ory Joe Johnson a pris fin.
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Ory a été libéré de prison le 17 mars 2005, lavé de la méthamphétamine et réhabilité. Après avoir déménagé à Laramie, où sa mère s’était installée après son divorce d’avec son père, il s’est trouvé un travail dans la coulée de béton. Il a appris les ficelles du métier, puis de l’entreprise : comment rédiger des factures, équilibrer le budget, lire les plans et proposer des emplois. « Je m’en suis sorti, je n’ai fait aucune erreur, je n’ai rien fait de mal, assure-t-il. Et vers fin 2006, j’ai monté ma propre société. »
En l’espace de cinq ans, Ory s’est bâti une vie confortable dans la légalité. Johnson Concrete LLC a construit des routes, des trottoirs et des bords de trottoirs, quelques casernes de pompiers et un centre de loisirs à Baggs. Habituellement, huit hommes travaillaient sous ses ordres, le double pour les grands travaux, et il gagnait assez bien sa vie pour se payer argent comptant un pick-up Dodge, une remorque pour ses chevaux et une maison située juste en dehors des limites de la ville. Il a appris à chasser à l’arc, car les criminels condamnés ne peuvent pas porter d’armes à feu, et Ory met un point d’honneur à respecter les règles. Chaque automne, il prenait la tête de chasses au mouton et à l’élan dans les environs de Cody, et il s’envolait régulièrement pour l’Afrique de Sud afin d’aller chasser le zèbre, le kudu, l’impala, le phacochère, le chacal, et cette antilope aux superbes cornes en spirales et aux pattes jaunes qu’on appelle le nyala. En août 2011, le gouvernement du Tadjikistan lui a accordé un permis pour tuer un mouflon Marco Polo (coût : 38 000 dollars), considéré comme le plus beau trophée de chasse d’Asie centrale. « Tout allait bien », renchérit Ory. C’était un homme d’affaires respecté. « J’aurais été ami avec lui », confesse Josh Merseal, le procureur. « J’aurais bu une bière en sa compagnie dans un bar, sans problème. » Et puis tout n’est plus allé aussi bien. Il n’y a pas eu de catastrophe. Lorsque Ory tente de l’expliquer à présent, il fait mention du fait qu’un ami à lui est décédé à l’automne 2011, qu’il a rompu avec une femme qu’il fréquentait à Minneapolis, qu’il s’est peut-être tué au travail, et… En définitive, rien de tout cela ne l’explique vraiment.
Voici ce qui s’est passé : au mois de février 2012, il a rencontré quatre étudiantes de l’université locale. Il était lui-même encore jeune (34 ans), célibataire, et il avait de l’argent à dépenser, Johnson Concrete frôlant le demi-million à l’année. Bref, il a rencontré ces filles un soir et a atterri dans leur appartement, ou l’un de leurs appartements, qui renfermait un tas de cocaïne. Ory s’est fait une ligne. Et il a décidé de redevenir trafiquant de drogues. « C’était étrange, dit-il. Enfin pas tant que ça : je savais que ça arriverait. Mais je l’acceptais sereinement. » Il a continué à traîner avec des étudiantes, et il a continué à taper de la cocaïne. En l’espace de quelques jours, il s’est fait de nouveaux contacts à Denver et s’est mis à descendre au sud avec du cash pour remonter au nord avec de la coke. « Un tas, précise-t-il. Je veux dire, bien plus que je n’aurais jamais dû transporter. » « Ça ne rigole pas avec Ory », assure Tom Fleener, son avocat. « Il travaillait très, très dur et il a monté une entreprise prospère dans le ciment. Quand il a repris le trafic de drogues, il a travaillé très, très dur. C’est tout ou rien avec lui. »
Le seul souci, bien sûr, c’est que dans une petite ville on attire facilement l’attention. Les usagers et les petits dealers, des types à un niveau ou trois en-dessous d’Ory, se font arrêter assez régulièrement. Certains d’entre eux parlent, et c’est ainsi qu’au printemps déjà, le nom d’Ory était sorti assez souvent pour qu’il parvienne aux oreilles de Fleener. « Tom m’a convoqué dans son bureau, à l’improviste, et il m’a dit : “Il faut que tu arrêtes de vendre de la coke” », raconte Ory. Il a feint l’innocence, et protesté mollement. Fleener a poursuivi : « Tu dois tout arrêter. Je ne crois pas qu’ils te coffreront. Ils n’ont pas grand-chose sur toi, ce ne sont que des rumeurs. » « OK, ça marche, a répondu Ory. Merci bien. » Là-dessus, il est sorti. Et il a arrêté d’en vendre. Quelque chose comme une semaine plus tard, l’une de ses connaissances lui a dit qu’elle descendait à Denver chercher de la crystal meth. « Et je me suis dit : bah, pourquoi pas ? C’est un milieu très différent de celui des gens qui prennent de la cocaïne. » Il lui a donné 1 400 dollars, la personne lui a ramené 28 g cette nuit-là, qu’il a vendus avant l’aube, à 250 dollars les 3,5 g, soit 2 000 dollars au total. « J’ai trouvé ça tellement simple ! s’exclame Ory. Mais je l’ai sûrement payée trop cher à la base. » Ory a laissé Johnson Concrete dépérir et s’est mis à plein temps à la vente de méthamphétamine, achetant généralement à Denver, conduisant parfois un camion pendant quatorze heures jusqu’à Phoenix, en Arizona, où elle était moins chère et plus pure. Pour info, Fleener constate qu’Ory n’a pas compris le but de leur conversation. « Je ne lui ai pas dit d’arrêter de vendre de la cocaïne pour qu’il se mette à la meth. Je lui ai dit qu’il devait arrêter de vendre des drogues tout court, qu’il allait se faire pincer et qu’il devait quitter la ville. Basta. J’aurais préféré qu’il suive mon conseil. »
Mère supérieure
Bon, et l’héroïne dans tout ça ? Une question de sérendipité. À mi-parcours de l’été 2012, selon Ory, il a commencé à sortir avec une fille venue à Laramie depuis la Californie, avec un petit ami dont elle s’est débarrassée et une addiction à l’héroïne dont elle n’a pas réussi à se défaire. Elle achetait au détail pour 30 dollars d’héroïne mexicaine black tar, assez pour la journée, emballée dans un petit ballon noir.
Ory n’avait jamais vu ou connu personne qui en consommait. Avant son premier séjour en prison, il n’y avait aucun marché pour l’héroïne, tout simplement car personne n’en voulait. « J’ai été à Torrington, Cheyenne, Wheatland, Laramie…, dit-il. Je vendais de la drogue dans tous ces endroits et je n’en avais jamais entendu parler. » Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a jamais eu d’héroïne dans le Wyoming. Ory et Josh Merseal n’en avaient jamais vu parce qu’ils sont jeunes, et que l’héroïne va et vient, contrairement, par exemple, à la marijuana ou à la cocaïne. Deux générations plus tôt, certains anciens combattants ramenaient parfois au pays une mauvaise habitude prise au Vietnam, en conséquence de quoi une poignée de civils s’essayaient à une drogue, puis à une autre, jusqu’à finir par se planter une aiguille dans le bras. Mais l’héroïne était généralement qualifiée de saleté bas de gamme, l’opiacé du malheureux qui n’attend que de crever d’une overdose. « On considérait ça comme de la drogue pourrie », explique John Powell, l’ancien chef de la police de Cheyenne. Lorsqu’il a débuté sa carrière, les camés se regroupaient dans le quartier sud de la ville, si pitoyables que la police les laissait généralement tranquilles. « Il y a une hiérarchie des drogues, renchérit Powell, et l’héroïne est tout en bas. C’est presque comme si, tombé à ce niveau, on méritait de mourir. » En tant que drogue récréative, l’héroïne donnait lieu à de brefs engouements tous les dix ans environ – chaque génération doit réapprendre la même leçon –, mais elle perdait toujours rapidement de son attrait. Trop de jeunes faisaient des overdoses, ou devenaient dépendants en la sniffant d’abord, puis en la fumant et enfin en se l’injectant. Finalement, les gens autour d’eux se rendaient compte à quel point cela devenait déprimant et dégoûtant. Ils prenaient peur. Et cependant, au cours de la dernière décennie, les choses ont commencé à changer. On parle de chiffres relativement modestes (à titre de comparaison, plus de gens sniffent de la colle glu), mais les emballements médiatiques qui suivent l’overdose de personnalités, à l’instar de Philip Seymour Hoffman en février 2014, peuvent leur donner des airs d’épidémie. Les statistiques n’en sont pas moins alarmantes : dans l’enquête fédérale la plus citée, le nombre d’individus avouant avoir pris de l’héroïne au cours du mois précédent en Amérique a plus que doublé entre 2007 et 2012, atteignant 335 000 personnes. Les overdoses à l’héroïne confirmées au niveau national ont plus que triplé entre 2006 et 2012. Dans la moitié sud du Wyoming, où vivaient Ory et un quart de million de gens, on est passé de zéro à dix-huit overdoses fatales entre janvier 2010 et juin 2014. Quant aux overdoses non-mortelles, Steve Woodson, directeur du Département des enquêtes criminelles du Wyoming, assure qu’ils n’en savent rien.
De l’achat en gros au Colorado jusque dans la poche du consommateur à Laramie, il y a une augmentation de 750 %.
L’élément crucial de ce changement est la montée des prescriptions d’opiacés, soutenue par les grandes firmes et approuvée par la médecine. Les comprimés d’OxyContin et de Percocet sont incroyablement efficaces pour les soins comme pour le plaisir. Elles sont également addictives et chères payées. « Et tout à coup », explique Stuart S. Healy III, procureur fédéral à Cheyenne, « ces accros aux pilules se disent : “Il nous faut quelque chose d’autre. Quelque chose de moins cher.” » Ce cheminement, des pilules à l’héroïne, se retrouve fréquemment. « Tous les individus qui ont coopéré avec nous sur des affaires en rapport avec l’héroïne, affirme Woodson, ou qui ont fait une overdose à l’héro sur laquelle nous avons enquêté, ont commencé avec les pilules, si on étudie leur passé. 100 % d’entre eux. » Ory, dont les problèmes de drogue ont eux aussi commencé par une prescription légale, savait bien peu de choses au sujet de la drogue préférée de sa nouvelle petite amie, mis à part qu’elle le subjuguait : « J’ouvrais le sachet, et ça avait la couleur de la poudre à canon. » Il observait la fille rouler un billet et inhaler doucement la poudre. « Pouf ! Ça devenait noir, ça fondait et ça devenait collant ! » Il semble encore tout ébahi aujourd’hui. Ory a commencé à payer pour les drogues de sa copine. « Mais par expérience, je savais que je n’allais pas acheter de l’héroïne pour cette fille à 30 dollars le ballon pour que ça lui tienne une journée, confie-t-il. Je n’allais pas dépenser cet argent. Je me disais : faut que ça me rapporte. » Il a alors appelé le gars du Colorado qui le réapprovisionnait en ecstasy, lui demandant s’il avait une branche dans l’héroïne – ce qui était le cas, car les fournisseurs de niveau intermédiaire sont rarement spécialisés dans une seule drogue. Ory prétend en avoir acheté 25 g, pré-emballés pour une vente à l’unité, pour 1 000 dollars. Ce qui équivaut à 40 dollars le gramme. Dans les rues de Laramie, l’héroïne se vend à 30 dollars la dose – un dixième d’un gramme. Soit, de l’achat en gros au Colorado jusque dans la poche du consommateur à Laramie, une augmentation de 750 %. Toutefois, Ory ne vendait pas aux consommateurs. Il dit avoir gardé cinq grammes pour que sa copine les fume et avoir laissé le reste à 70 dollars le gramme à une fille qui avait une équipe de dealers revendant le matos aux étudiants. Ory aurait pu mieux faire, mais il empochait tout de même 400 dollars rien que pour quelques heures de conduite.
Il a effectué d’autres virées au Colorado. Ory transportait du répulsif à ours avec lui (les ours sont un problème dans le Wyoming), mais il n’avait jamais peur de se faire menacer, il n’était jamais inquiet à l’idée de se faire plumer, détrousser ou blesser : « Si vous vous pointez au comptoir, prêt à jouer le jeu avec des milliers de dollars, avec 1 500 ou 3 000 dollars, alors vous vous frottez à une toute autre catégorie de gens, assure-t-il. Leur gagne-pain dépend des acheteurs. Des blancs-becs, propres sur eux, qui conduisent une belle tire avec une véritable assurance et des feux arrière en bon état. Des types qui reviendront tous les deux ou trois jours avec 4 à 5 000 dollars à chaque fois. Ces types-là ne vont pas vous rouler. Leur survie dépend de votre capacité à écouler leur produit. » Au total, Ory pense avoir acheté un peu plus de cent grammes d’héroïne en l’espace de trois mois. Il a bien vendu quelques ballons de son côté, mais la plupart du temps, il réapprovisionnait la fille qui alimentait le trafic des dealers avec les étudiants. Il ne tenait jamais bien longtemps. « Ça me fichait un peu la trouille, la vitesse à laquelle disparaissait ce machin, la vitesse à laquelle ça se vendait, dit Ory. Et ce n’est pas comme si je voulais vraiment faire partie de tout ça. Je veux dire, bien sûr que j’en faisais partie, mais c’était effrayant malgré tout. » Surtout, cela venait de sa petite amie, une héroïnomane en pleine forme quand elle avait sa came, horriblement malade dès qu’elle était à court. « Mais dès qu’elle en avait juste un peu : pouf ! Elle était de nouveau sur pied. »
Évidemment, cela ne durerait pas. La carrière d’Ory dans le trafic de drogues était sûrement vouée à l’échec dès le départ, étant donné le fait qu’il l’avait bâtie le nez dans la coke. Il en sniffait presque deux grammes par jour jusqu’au mois de juin, où il est passé à la méthamphétamine, dont il fumait, inhalait ou avalait un gramme par jour. Il a l’air persuadé qu’il tolérait plutôt bien cette dépendance. Les dossiers judiciaires chantent un autre refrain : « Sa personnalité est radicalement différente sous les effets de la drogue », il « devient complètement paranoïaque et colérique, surtout après la prise de méthamphétamine ». En mai, il a été accusé d’avoir frappé sa copine au visage (ce qu’il nie, les charges ont d’ailleurs été abandonnées) et en juillet, il a été accusé d’avoir balancé une autre fille contre un mur (ce qu’il nie aussi, mais il a paradoxalement plaidé coupable). La paranoïa, la rage et la violence ne sont pas la meilleure façon de faire tourner un commerce. Le 29 novembre 2012, Ory aurait battu sa dernière petite amie en date, l’héroïnomane, l’accusant d’avoir pioché dans ses réserves en la traînant à travers la cuisine avant de la mettre violemment à la porte. Ory dément là encore les faits, mais à l’époque, le shérif a cru la fille et obtenu un mandat d’arrêt contre lui. Sept jours plus tard, à l’aube noire du 5 décembre 2012, Ory s’est rendu sur un terrain de camping pour livrer 93 pilules d’ecstasy. L’homme censé les acheter n’avait pas de liquide sur lui. Faire crédit étant déconseillé dans le trafic de drogues, Ory a tourné les talons. Il est retourné à son pick-up, auquel était attachée sa remorque à chevaux. Un pâté de maisons plus loin, sur North Cedar, il a remarqué un 4×4 du département du shérif, tous feux éteints et garé du mauvais côté de la rue sous un lampadaire à l’ampoule grillée. Il ne pensait pas que la présence de ces adjoints fût une coïncidence. Dans sa poche : un sachet contenant de l’ecstasy, cinq grammes de crystal meth, trois grammes de cocaïne et une petite quantité d’héroïne – 0,07 g. Il a vu les adjoints l’observer tandis qu’il s’approchait de l’arrière de son pick-up. « Quand je les ai aperçus, j’ai balancé le sac dans la remorque, se souvient-il. Je n’aurais pas dû. J’aurais dû le balancer quelque part. Mais je l’ai lancé dans ma remorque, je me suis assis dans le véhicule, je l’ai démarré et je me suis mis en route. Quelques centaines de mètres plus loin, je me faisais arrêter. »
Ory a atterri en prison ce soir-là. Non pas pour la drogue, mais à cause du mandat d’arrêt pour avoir semble-t-il battu sa copine. En fouillant son pick-up, les adjoints ont trouvé six téléphones portables et 816 dollars soigneusement rangés : « Par exemple, si j’ai cinq billets de 20, je les plie en deux. Si j’ai dix billets de 10, je les plie en deux pour faire 100. Un billet de 100, je le plie en deux pour pouvoir calculer rapidement si j’ai assez de liquide. Ils disent que ce sont “les caractéristiques typiques d’un dealer de drogues”. » C’était suffisant en tout cas pour laisser le berger allemand nommé Luger renifler partout. Le chien a raté les drogues dans la remorque – sûrement à cause de la puanteur du cheval –, mais il s’est arrêté devant la portière du conducteur, flairant quelque chose. Dans la pochette à l’arrière du siège se trouvaient de petits ballons d’héroïne, emballés dans un sachet alimentaire et représentant en tout moins de 0,3 g. Cela a suffi pour un mandat de perquisition. Après quoi les policiers ont trouvé tout le reste. On l’a épargné sur la cocaïne : infraction pour possession. Cependant, l’État lui a collé deux délits sur le dos, à chaque fois pour possession et possession en vue de distribution illégale de drogues pour la méthamphétamine, l’héroïne et l’ecstasy. « Et ils ont fait passer les accusations d’agression », ce pourquoi on l’avait arrêté à la base, « à des crimes graves. À ce moment-là, 126 années de prison me pendaient au nez. »
Le pouvoir de l’addiction
Ory a été libéré sous caution pour 85 000 dollars et à condition de suivre le programme de désintoxication Narconon dans l’Oklahoma, ce qu’il a fait. Il en est sorti diplômé le 23 avril 2013. Sur décision du juge, il devait ensuite vivre avec sa mère à Laramie, mais sa mère avait des règles et, de toute façon, l’État pouvait au mieux lui offrir un minimum de quarante ans s’il plaidait coupable. « J’étais terrifié », soupire Ory. Il a décidé de s’enfuir. Un ami est venu le chercher dans l’Oklahoma et l’a conduit jusqu’à une petite ville au nord de la Nouvelle-Orléans. Ory avait vendu sa maison depuis son arrestation, et une fois son chèque en poche – 24 000 dollars –, il irait jusqu’à Phoenix pour acheter plus de méthamphétamine que jamais. Il transporterait ensuite le matos vers l’est, à Atlanta, où il pensait pouvoir doubler, voire tripler son investissement. Après quoi il quitterait le pays.
Un mandat a été émis contre lui le 30 avril. Deux jours plus tard, en route pour Phoenix, Ory a utilisé l’ordinateur de l’espace pro du Days Inn de Winnie, au Texas. Il s’est débrouillé pour coller suffisamment les jetons à la réceptionniste – comment, c’est un mystère – pour qu’elle appelle le shérif du coin. Ory a vu la voiture de patrouille débarquer et s’est précipité dehors par la porte de derrière, il a escaladé la clôture et couru à travers les champs. Ses chaussures aspirées par la boue, sa chemise arrachée par les barbelés, il a passé la nuit dehors et les adjoints ne l’ont pas retrouvé. Au matin, il est retourné à l’hôtel, sans chaussures ni chemise, avec l’air d’un type qui avait joué au chat et à la souris avec les flics toute la nuit. La réceptionniste a de nouveau appelé le shérif. Un adjoint l’a retrouvé au volant du pick-up Dodge de son ami. Ory s’est arrêté, le policier a ouvert la porte, et là, Ory a mis les gaz. La portière a blessé l’adjoint au genou (ce que les autorités considéreront comme une agression) avant qu’Ory ne se dirige en vitesse hors du parking. Il a rapidement abandonné le pick-up et s’est enfui à pieds. Ory s’est terré dans un marécage (on ne lui avait rien dit pour les alligators) jusqu’à ce qu’il entende aboyer les chiens. Comprenant qu’il était fichu et probablement en hypothermie, il s’est rendu. Ory leur a fourni un faux nom, avançant qu’il était son grand frère, car il connaissait son numéro de sécurité sociale et son adresse par cœur. Mais c’était sans compter le passeport dans sa poche (dont il avait besoin pour quitter le pays). Ce détail lui est revenu en tête alors qu’il était menotté à l’arrière de la voiture de police, incapable de l’atteindre pour le jeter par la fenêtre. « J’étais fait comme un rat », dit-il en haussant les épaules. On l’a expédié dans le Wyoming, où il a été jeté en prison pour quelques mois, le temps d’étudier son cas.
Pendant ce temps-là, les procureurs fédéraux étaient eux aussi à sa recherche. Malgré cela, Fleener, ancien défenseur public fédéral, connaît le système ainsi que les règles particulières qui régissent la police fédérale. « L’implication de la police fédérale dans cette affaire, c’est la meilleure chose qui pouvait lui arriver », explique-t-il. Deux éléments jouaient en sa faveur. Le premier est géographique : l’appétit des fédéraux est moins vorace quand il s’agit d’un dealer de petite ville, surtout quand la bourgade en question se trouve dans un État immense et quasi-désert. Les enquêteurs ont compris, en étudiant le GPS d’Ory, en calculant les péages et en rassemblant les témoignages de ses associés, qu’il rapportait environ 112 g de méthamphétamine dans le Wyoming tous les quatre à six jours. « À L.A. ou Miami, ça passerait sous le radar fédéral », explique Healy, le procureur fédéral. « Mais un homme qui ramène 140 à 168 g dans une ville grande comme Laramie ? Ça ne passe pas inaperçu. C’est énorme, en si peu de temps. Ory Johnson posait un vrai problème. » Le second élément est statutaire : d’après les recommandations des peines à prononcer, cinq grammes de méthamphétamine, pour environ 500 dollars, reviennent à cinq ans de réclusion minimum. De même pour cent grammes d’héroïne (vingt fois le poids et, vu la teneur de l’héroïne, environ deux cents fois la dose habituelle). En d’autres termes, Ory ne s’est pas fait arrêter avec assez d’héroïne pour que les fédéraux daignent y prêter attention.
« La drogue comble l’espace laissé par ce qui manque, ce qui a été perdu, ce sentiment d’être exclu. » — Ory Joe Johnson
Fleener a fini par s’entendre avec Ory, qui devait plaider coupable pour une accusation concernant la possession de méthamphétamine devant la cour fédérale, pour un crime (également en rapport avec la méthamphétamine) et trois délits (agression d’un membre de sa famille, possession de cocaïne et d’héroïne) devant la cour d’État. Il a ainsi écopé de cinq ans de prison du côté fédéral et de quatre à cinq ans du côté du Wyoming, à écoper en parallèle. Ory purge aujourd’hui sa peine dans un établissement à sécurité moyenne de sa ville natale de Torrington – sûrement la prison la plus sympathique d’Amérique. Claire et propre, les rayons du soleil pénètrent dans l’entrée et des champs dorés s’étendent à perte de vue. Ory semble bien loti. « Il y avait une femme à Wheatland chez qui j’allais et avec laquelle je passais du temps, quand j’avais 20 ou 21 ans et que je vendais beaucoup de meth, me confie-t-il. Elle m’a regardé et m’a dit : “Ory” – toujours la même question – “Ory, pourquoi tu fais ça ? Tu es intelligent. Tu viens d’une bonne famille. Pourquoi tu fais ça ?” Je n’avais pas de réponse à lui donner. Alors elle continuait : “Les dealers de drogue ne font pas de vieux os.” »
Ory y songe souvent, des années plus tard, alors qu’il se retrouve en prison pour la seconde fois. La question la plus évidente est bien sûr : pourquoi ne pas avoir suivi le conseil de Fleener, pourquoi ne pas tout simplement avoir arrêté le trafic de drogues et être revenu au ciment ? Pourquoi échanger une vie respectable, gagnée à la sueur de son front par ce qui reste du jeune Ory, contre une position d’intermédiaire sur le marché illégal des stupéfiants ? Au vu de tout l’argent plié en deux qui est passé d’une main à l’autre, Ory gagnait mieux sa vie dans le monde légal. Il a plusieurs explications à fournir, dont la première est simple et revient systématiquement : « Le pouvoir de l’addiction. » Non pas aux drogues – même s’il a clairement un problème avec elles –, mais au fait d’être un petit gangster, de conclure des marchés dans l’ombre, de savoir qu’un seul policier trop fouineur ou qu’un camé trop bavard suffiraient à mettre un terme à toute l’histoire. « Ce sont toutes ces choses, dit-il. C’est excitant. C’est l’adrénaline. Vous vous sentez vivant. Le pouvoir de l’addiction est incroyable. » « Dans cette vie, on ressent tous comme un grand vide qui nous habite, c’est pour ça qu’on se tourne vers la drogue. Elle comble l’espace laissé par ce qui manque, ce qui a été perdu, ce sentiment d’être exclu. Alors tout le monde cherche à se faire accepter, tout le monde cherche quelque chose… quelque chose à ressentir. » Il fait une pause. « Moi y compris. »
Ce témoignage est quasi-identique aux aveux obtenus lors d’un rapport précédant sa condamnation de l’an dernier. Il montrait qu’Ory recourait à un grand nombre de superlatifs en parlant de lui : il voulait posséder la plus grosse entreprise de ciment de Laramie, il fournissait le meilleur produit, il avait presque le QI d’un génie. « Cette attitude reflète une extrême arrogance », dit le rapport, « mais l’agent de probation pense que la motivation sous-jacente est un profond manque d’assurance qu’il essaye de dépasser grâce à des exploits personnels. » Ce qui est déjà plus proche de la vérité (même si « extrême arrogance » est peut-être un peu fort). Un entrepreneur dans le ciment est nécessaire – et sent qu’on a besoin de lui – quand quelqu’un fait bâtir un plancher en béton ou cherche à retaper Elm Street. Mais pour un homme qui fournit régulièrement de la drogue haut de gamme (Ory a souligné à plusieurs reprises, avec une fierté de professionnel, qu’il ne coupait jamais ses drogues avec d’autres substances) à un prix acceptable, il y a toujours de la demande. On a toujours besoin de lui, et souvent désespérément. De ce point de vue-là, ce job n’est pas ingrat. Sauf quand, inévitablement, on finit par se retrouver derrière les barreaux. « J’ai dit ça au juge, la dernière fois : je mérite chaque jour que je vais passer en prison. Mais j’ai de la chance qu’il me reste assez d’années pour pouvoir tout recommencer à zéro en sortant d’ici, et réussir. Réussir ma vie, qu’importe aux yeux de qui. »
Traduit par Anastasiya Reznik d’après l’article « Mainline Street », paru dans GQ. Couverture : Laramie au crépuscule, par Scott Dexter. Création graphique par Ulyces.