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Les conférences prennent fin à la nuit tombée et peu à peu, les pavillons du salon lisboète se vident de leurs visiteurs. La musique s’arrête, le rythme décélère et les allées laissent place au vide. La plupart des stands sont à présent déserts, mais de loin en loin, de petits groupes d’irréductibles discutent à mi-voix. Rassemblés autour d’une bière, cinq employés de Salesforce discutent de l’élection. Je tente de recueillir leurs impressions, mais leurs visages se ferment instantanément. L’entreprise ne leur permet pas de communiquer sur ce sujet à la presse. Plus loin, on me fait la même réponse au stand BNP Paribas. Cordial et souriant, un employé du groupe bancaire français vêtu d’un costume impeccable s’excuse de ne pas pouvoir en parler. « Il y a des choses qu’on peut dire et d’autres pas. L’élection américaine, c’est totalement off limits », dit-il. Avant de pouvoir s’exprimer sur le sujet, les employés autorisés doivent attendre qu’on leur communique des éléments de langage officiels. « Pour le Brexit, ça avait pris deux semaines », se souvient-il. « Ça devrait être du même ordre. » Pour l’heure, Donald Trump est sous embargo. Les start-ups ne sont pas logées à la même enseigne. À cette heure, il n’en reste qu’une venue des États-Unis. C’est du moins ce qu’il semble lorsqu’on lit « Lewes, United States » sur l’encart de présentation d’Impressivo. En réalité, Lewes n’est qu’une adresse dans le Delaware. Les cofondateurs de cette société spécialisée dans les interrupteurs connectés viennent de Corée du Sud. Ils participent actuellement à un accélérateur au terme duquel ils espéraient obtenir un visa permanent pour s’installer aux États-Unis. Mais aujourd’hui, la promesse de Barack Obama faite aux jeunes entrepreneurs étrangers est dans un état quantique. « Je crains que Trump ne soit pas aussi attaché à la culture des start-ups que l’administration Obama », dit l’un d’eux.
L’anxiété succède à l’anxiété pour des milliers de jeunes innovateurs étrangers qui désirent leur part du rêve américain. « C’est une période de grande incertitude, car en Corée non plus les choses ne vont pas bien », concluent-ils. On retrouve ce même sourire hébété sur leur visage. Si chacun tente de sauver la face, personne n’en revient vraiment et tout le monde est catastrophé. Tout le monde, à l’exception peut-être du Dr Ben Goertzel, de Hanson Robotics. Figure majeure de la recherche sur l’intelligence artificielle, Goertzel est un personnage à la croisée d’Otto, le chauffeur de bus des Simpson, du Big Lebowski et de Van Helsing (pour le manteau en cuir). L’Américain installé à Hong Kong a accueilli la nouvelle avec une relative indifférence. Son sourire à lui n’a rien à voir. C’est le sourire d’un homme qui a vu assez loin dans l’avenir pour rester serein face aux turbulences du présent. « Je ne sais pas comment leur truc finira, mais le monde va continuer à changer de toute façon. La Grande-Bretagne peut quitter l’Union européenne, Trump peut tenter de mettre un terme à la mondialisation, ça n’a pas d’importance. À la fin, la mondialisation gagne et les IA et les robots nous remplaceront au travail », dit-il avec une assurance tranquille. « D’ici quelques décennies, il y aura un revenu de base universel et les gens pourront s’adonner à des développements intellectuels, sociaux et artistiques. » Le tableau semble idyllique, mais il ne nie pas que le chemin pour arriver là sera compliqué, notamment à cause « de vieux politiciens idiots et racistes ».
Accrochez-vous pour la suite du programme. « De toute façon, quand les robots auront le droit de vote, les choses deviendront plus surréalistes qu’elles ne le sont avec Trump aujourd’hui. La démocratie, dans sa forme actuelle, ne survivra pas à une révolution de l’IA. » Selon Goertzel, l’éveil de la conscience artificielle des robots humanoïdes pourrait leur permettre de rapidement nous surpasser en nombre s’ils utilisent des imprimantes 3D pour se démultiplier à l’infini. Discuter avec Ben Goertzel prend vite des proportions surprenantes. Sa dernière prédiction, lâchée avec le plus grand sérieux, remet pas mal de choses en perspective. « D’ici 40 ans, peut-être même avant ça, les gens finiront par voter démocratiquement pour donner les pleins pouvoirs à une IA qui fera mieux le boulot que les politiciens. L’humanité sera dorlotée par une nounou IA. Ce sera cool. » Mettons. Mais en attendant pour les quatre ans à venir, ce sera Trump.
Couverture : Donald Trump par DeepDream. (The Daily Dot)
APOCALYPSE : LE GUIDE TERRIFIANT DE DONALD TRUMP
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