Quelqu’un me réveille. Je sens une lumière, la torche d’un manutentionnaire de fret. Je me redresse dans mon hamac, à bord d’un ferry descendant l’Amazone en direction de la triple frontière où le Pérou rencontre le Brésil et la Colombie. L’homme se penche sur moi et murmure qu’il a quelque chose à me dire. « Les Ataucusi sont les nouveaux barons de la drogue à la frontière. Je l’ai vu de mes propres yeux. Des hommes armés défendent leurs opérations et ils ont construit de magnifiques demeures à l’abri des regards. » Les Ataucusi, également connus sous le nom d’israélites – un groupe religieux fondamentaliste dont les membres s’habillent comme s’ils sortaient des Dix Commandements, le film épique biblique de 1956 – ont toujours fait l’objet de nombreuses rumeurs. Ils revendiquent un droit divin sur le bassin amazonien, où ils établiront un jour une société alternative autonome reposant sur les valeurs incas et sur l’Ancien Testament, ainsi qu’une centrale électrique agricole au beau milieu de la jungle.
Pourtant, la seule chose qui soit florissante dans ce no man’s land oublié par l’État, c’est le commerce de la coca et de la cocaïne. Et à en croire les agences nationales de lutte contre la drogue brésilienne et péruvienne, une nouvelle variété de feuille de coca est apparue en dépit du climat humide et inhospitalier du bassin amazonien. Difficile d’affirmer que ces informations ont un lien, mais en février 2012, Sergio Fontes, le chef de la police fédérale de l’État brésilien d’Amazonas, a déclaré publiquement que la secte était le principal producteur de coca dans la région tri-frontalière et que les feuilles servaient exclusivement à la production de cocaïne.
La prophétie d’Ezequiel
Après trente-deux heures de voyage et une panne d’hélice, il est quatre heures du matin quand j’arrive enfin au petit port boueux d’Altomonte, la capitale spirituelle de la jungle des Ataucusi. L’endroit est gardé par un bureau d’administration fermé. On me laisse un espace pour étendre mon sac de couchage, ce pour quoi je leur suis reconnaissant. Pour l’instant, l’appréhension à l’encontre des étrangers est infondée. Peu après, à six heures du matin, je suis réveillé par de la musique provenant de l’église, et le calme ambiant est rompu par une mélodie au synthé qui annonce la nouvelle lune. Des hommes, des femmes et des enfants se hâtent en évitant la boue, faisant bien attention à ne pas salir leurs robes colorées. Fait étrange, certains croyants restent prostrés dans la boue, subjugués par la prière, et attendent la fin de ce morceau ridiculement long avant d’entrer dans l’église.
L’église est une structure massive, pourvue de hauts plafonds de tôle ondulée et d’un sol de boue séchée. L’orchestre est composé de trois frères. Basse, synthé et guitare solo. Un prêtre dirige la chanson et, tout comme le reste des fidèles, il arbore une longue barbe fine et clairsemée : les hermanos croient que leurs barbes sont des antennes permettant d’entrer en communication avec Dieu. Les femmes sont placées à la droite de l’église, vêtues de châles colorés couvrant leur tête. Plus tard, on m’explique que les musiciens sont uniquement autorisés à jouer de la musique approuvée par l’Association évangélique de la mission israélite du Nouveau pacte universel (AEMINPU). J’aime à penser que la mélodie aux accents hawaïens qu’interprète le guitariste est sa façon de se rebeller… Certains adeptes se mettent à danser comme s’ils étaient possédés, improvisant des mouvements saccadés et faisant de grands signes des mains.
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« Pour comprendre la congrégation des israélites du Nouveau pacte universel, il faut d’abord étudier son fondateur, Ezequiel Ataucusi Gamonal », m’explique l’anthropologue péruvien Juan Ossio, qui suit le groupe depuis les années 1980. Ezequiel est né en 1918 dans une famille de paysans du sud du Pérou. Catholique romain, il travaille comme cordonnier dans les années 1950 lorsqu’il intègre l’Église adventiste du septième jour, bien que cette dernière l’expulse rapidement quand il affirme recevoir des révélations divines. Toujours selon la légende, Ezequiel serait monté au troisième ciel, au-dessus du soleil, de la lune et des étoiles, jusqu’à la demeure même de la Sainte Trinité : le Père, le Fils et le Saint Esprit. C’est là qu’il aurait réattribué les Dix Commandements et demandé à ce qu’ils soient répandus aux quatre coins du monde. Selon Ossio, l’arrivée et l’importance d’Ezequiel se sont développées à une époque où le pays était en pleine guerre civile contre les rebelles maoïstes péruviens du Sentier Lumineux. C’est dans ce contexte de violence et de crise économique que de nombreux Péruviens ont cherché le salut. Certains ont trouvé une réponse dans la lutte armée, d’autres dans les textes bibliques. Deux chefs messianiques fanatiques sont alors apparus : Abimael Guzmán, alias « Presidente Gonzalo », le leader de la guérilla, et Ezequiel Ataucusi, un prophète qui prétendait être le nouvel Inca.
En 1995, Ezequiel Ataucusi a rassemblé 200 000 électeurs lorsqu’il était candidat à la présidence du Pérou.
Pour les Ataucusi, les Incas étaient la revendication spirituelle des premiers israélites. Ils paraphrasent avec soin des passages de la Bible faisant référence à la Cité du Soleil – qu’ils ont traduite par Cuzco, la capitale inca. Dans son ensemble, leur croyance est un amalgame syncrétique de plusieurs influences venues de l’adventisme, du judaïsme, du messianisme inca et du maoïsme. Au faîte de sa gloire, en 1995, Ezequiel Ataucusi a rassemblé 200 000 électeurs lorsqu’il était candidat à la présidence du Pérou. Il est décédé alors que les israélites célébraient la Pentecôte en 2000, et a déçu bon nombres de ses fidèles lorsqu’il n’a pas ressuscité au bout de trois jours, comme il l’avait promis…
Les frontières vivantes
En 1994, Ezequiel a commandé à ses adeptes de devenir des fronteras vivas, des « frontières vivantes », et de se préparer à l’Apocalypse en réalisant sa vision d’une centrale électrique agricole au cœur de la forêt tropicale. Ils sont des millions a avoir répondu à l’appel, et à avoir supporté les épreuves et l’isolement de la jungle. Ils se sont surtout installés dans la région oubliée de Mariscal Ramon Castilla au Pérou, non loin du Brésil et de la Colombie. Les fidèles représentent désormais plus de la moitié de la population de la région : environ 30 000 d’entre eux sont dispersés dans différentes colonies, chacune nommée d’après la Bible – par exemple la Jérusalem Céleste, ou le Nouveau Mont des Oliviers. « Nous étions footballeurs ou prostituées, avant de rencontrer Dieu », raconte Javier Torres, le président de la communauté auprès duquel on me conduit. Contrairement aux premiers colons, Torres est arrivé après la mort du prophète, mais comme beaucoup d’autres, il dit s’être converti après qu’Ezequiel s’est manifesté dans ses rêves. Javier s’occupe des affaires agricoles : il supervise la productivité de maïs, de riz, de yucca et d’autres produits. Ce n’est peut-être pas le meilleur moment pour lui parler de la coca. Selon l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), la région de Mariscal Ramon Castilla est la région productrice de coca qui se développe le plus rapidement au Pérou, sa production ayant augmenté de 400 % au cours des cinq dernières années. Voilà un fait plus fascinant encore : alors qu’on pensait que la coca ne pouvait pousser que dans les forêts nuageuses, à plus de mille mètres au dessus du niveau de la mer, depuis cinq ans, une nouvelle variété de feuille de coca a été adaptée afin de pouvoir être cultivée dans les plaines marécageuses du bassin amazonien.
José Antonio Garcia, directeur de la Commission nationale du Pérou pour le développement et la vie sans drogues, m’a confié que l’origine de cette nouvelle variante restait encore un mystère. « Nous effectuons toujours des analyses de laboratoire afin de déterminer si la feuille a été génétiquement modifiée ou si elle a été améliorée par un croisement. » Les autorités brésiliennes craignent qu’elle ne soit déjà en train de franchir la frontière, comme l’indiquent trois rapports distincts sur Internet. Qui peut assurer que d’autres forêts subtropicales de par le monde ne suivront pas le même exemple ? Il est indéniable que la coca et son puissant dérivé – la cocaïne – sont de loin beaucoup plus rentables que n’importe quelle culture alimentaire. « Si la coca était légale, ce serait la culture commerciale la plus rentable au monde », affirme Flavio Mirella, président de l’ONUDC pour le Pérou et l’Équateur. La coca est récoltée trois à quatre fois par an, tandis que le café par exemple n’est récolté qu’une seule fois par an. Avoir les dynamiques d’un marché international à votre porte est un facteur déterminant. L’appétit insatiable du Brésil pour les drogues est un marché vital, étant actuellement le premier consommateur de crack au monde et le second consommateur de cocaïne après les États-Unis. Si l’on ajoute cela le savoir et l’investissement de la Colombie en matière de drogue, on obtient une recette toute prête.
Ce qui était jadis une forêt tropicale luxuriante est désormais une étendue boueuse.
Le dernier facteur est le prix élevé du pétrole et le coût du transport fluvial. Dans une région de la taille de la moitié de la Belgique, on commence à se demander si l’agriculture locale est un commerce rentable. Avec environ 7 000 habitants, Altomonte est une colonie austère, dépourvue d’eau potable, de système d’égout, de lumière ou de trottoirs. La communication est difficile car leur seul lien avec le reste du monde est une cabine téléphonique. Chaque appel entrant est annoncé à travers un haut-parleur. Les quelques bodegas présentes proposent une sélection restreinte de produits comme des conserves, des boissons sans alcool et des médicaments de base. L’endroit qui n’a jamais subi les influences du gouvernement. Ce qui était jadis une forêt tropicale luxuriante est désormais une étendue boueuse dont le sol a presque été rendu stérile par la culture excessive et par une terre peu propice à l’agriculture. Mais en dépit de ces défauts, ses habitants sont paisibles et joviaux.
Le mystère de Jonas
Une fois encore, je suis escorté par le Frère Torres, qui convoque une réunion avec les plus hauts ordres religieux de l’AEMINPU. En haut d’une volée d’escaliers, à l’étage d’une cabane sur pilotis bancale, se trouve une table d’où m’observent calmement sept hommes vêtus de robes noires et portant de longues barbes. On peut voir au mur des photos encadrées d’Ezequiel et de son fils Jonas. Les membres assis autour de la table se demandent s’ils doivent m’accorder le droit de photographier la communauté. Ils contactent l’église principale, à Cieneguilla, un quartier en dehors de Lima. Cinq heures plus tard et à force de persuasion, on me donne la permission de capter leurs rites religieux ainsi que la vie quotidienne des israélites. La seule condition est que je me présente à tout le village lors de la messe. Nous marchons longuement sur des sentiers humides avec Frère Torres, pour me donner un aperçu de l’activité agricole dans les endroits les plus reculés de la communauté. Les longues pistes boueuses mettent en évidence la fragilité de la forêt amazonienne et sa colonisation en marche. Selon José Alvarez, du ministère de l’Environnement péruvien, qui étudie l’État de Loreto depuis trente ans, la technique d’agriculture sur brûlis que ces communautés utilisent n’est pas adaptée au sol. Cela explique les dommages irréversibles qu’elle cause à la forêt amazonienne.
Au retour, l’heure magique a sur le village un effet unificateur. Les enfants jouent au football, les adolescents écoutent de la musique alternative sur leurs téléphones portables comme ils le feraient dans n’importe quelle autre ville du Pérou, et les agriculteurs et leurs femmes montent à cheval pour se distraire d’une dure journée de travail. Frère Torres, qui supervise l’activité d’un champ de maïs, m’explique le projet initial exposé par le prophète Ezequiel : « Le travail que nous sommes en train d’accomplir ne concrétise pas ce qu’il avait prévu : son projet était différent et plus ambitieux. Il voyait les choses en grand, il voulait que des groupes de la communauté deviennent des commerces productifs, autonomes, et qu’ils prospèrent grâce à leur propre production. Il ne rêvait pas d’un ou deux hectares par groupe, mais de centaines d’hectares, avec l’ambition que les hermanos progressent en tant que peuple. » La nostalgie collective et la loyauté indubitable qu’ils portent à leur fondateur conduisent les Ataucusi à maintenir leurs efforts et à persévérer, bien que rien ne dit qu’ils parviendront un jour à réaliser la prophétie d’Ezequiel. Après sa mort, Jonas – le fils d’Ezequiel âgé de 33 ans –, a été choisi pour marcher dans les traces de son père en tant que chef et pour remplir sa mission. Jonas n’a cependant fait que peu d’apparitions publiques, bien qu’il soit en quelque sorte maintenu en vie grâce à une poignée de vidéos postées sur YouTube. Si l’on en croit Ossio, il n’a ni le charisme ni le talent de son père. On m’a refusé une interview avec lui lorsque je visitais l’église principale de Cieneguilla. L’anthropologue n’a pas réussi à le localiser en vingt ans de recherches. À la sortie de l’église, je m’adresse à deux fidèles. L’un d’eux ne l’a jamais vu, et l’autre me raconte qu’il l’a rencontré deux fois seulement au cours des quinze dernières années. Ces deux moments sont pour lui sacrés, comme s’il avait été béni par un sage. Alors que la plupart des Ataucusi d’Altomonte n’ont jamais croisé le chemin de Jonas, ils continuent de croire qu’ils le rencontreront un jour. Selon le journal La Republica, Jonas et trois fidèles ont été arrêtés en 2002 au cours d’un contrôle de routine sur l’autoroute, près de la ville côtière d’Ica. Ils avaient en leur possession deux revolvers, un pistolet automatique et deux fusils d’assaut. La congrégation des israélites soutient que les hommes qui ont été arrêtés détenaient des licences et que les armes servaient à la protection et à la sécurité de Jonas.
Le chariot
Depuis qu’Ezequiel s’est lancé en politique en 1990, le mouvement a dû faire face à toutes sortes de scandales, dont des allégations de trafic de drogue. La politique était pour Ezequiel un moyen de parvenir à ses fins et de concrétiser ses projets. À son apogée en 1995, le Front populaire agricole du Pérou (FREPAP) a remporté 200 000 votes aux élections nationales et trois sénateurs au Congrès. Le parti du FREPAP continue aujourd’hui son activité en silence et il lui a été ordonné de ne pas se mêler de la politique nationale. Certains de ses membres restent cependant impliqués dans la politique locale, comme Marino Chavez, l’ancien maire de la plus grande ville de la région, Caballocoocha.
J’ai recherché Marino Chavez en survolant Caballococha à bord d’un Cessna militaire. Selon la police anti-drogue du Pérou (DIRANDRO), la ville est au cœur des opérations de trafic de drogues de la région. D’en haut, on peut voir l’étendue de la forêt qui a été déboisée, les champs brûlés et des sacs de coca, pratiquement partout. « Les gens savent que c’est répréhensible, mais ils se lancent dans la production de coca par nécessité, m’explique Marino Chavez. C’est un sujet qui divise les Péruviens. Il y a d’un côté ceux qui détruisent les plantations de coca, et de l’autre ceux que la pauvreté contraint à continuer de la cultiver. » Chavez a pointé de nouveau les défaillances du gouvernement, ainsi que son manque d’investissement. Tout cela a sans aucun doute contribué à faire de la région un terrain fertile pour l’illégalité. En octobre 2014, le Pérou a renforcé ses efforts pour éradiquer la drogue à Mariscal Ramon Castilla en détruisant 3 000 hectares de plantations, mais toutes ses tentatives pour attirer des cultures alternatives viables ont échoué. De l’autre côté de la frontière se trouve la ville de Tabatinga au Brésil, un haut lieu de la contrebande et du trafic de drogue. Assis à son bureau et entouré d’images satellites, je rencontre le chef de la police, Maura Sposito, spécialiste qui enquête à la frontière depuis plus de trente ans. Il est accompagné de deux agents secrets péruviens.
La destruction des plantations ne suffira pas à mettre fin aux bénéfices que la région tri-frontalière tire du trafic de drogue.
« Les images satellites montrent les plantations de coca sur les terres ataucusi, ainsi que des photos des arrestations de certains d’entre eux, interpellés alors qu’ils transportaient de la cocaïne. Ils ne cultivent pas tous de la coca – seulement certains d’entre eux. » L’agent péruvien dont le nom reste secret m’informe que de récentes descentes de police montrent également que plusieurs laboratoires de cocaïne ont été trouvés dans la région isolée et anarchique de Yavari, où vivent d’autres communautés ataucusi, près de la sinueuse rivière Rio Yavari, qui sépare le Pérou et le Brésil. C’est là une information que je n’ai pas pu vérifier. « Ce que je crois, commence Sposito, c‘est que leurs chefs sont impliqués, car un trafic de drogue ne peut se développer sans un système d’organisation de ce genre – comme ceux qui existaient à l’époque de la fièvre du caoutchouc. »
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Il fallait que je finisse par confronter les chefs ataucusi aux preuves, afin de recueillir leur témoignage et l’inclure dans mon reportage. Une perspective enthousiasmante. Comment un ordre religieux apocalyptique pourrait-il répondre aux allégations de trafics de drogue et de coca ? Se pourrait-il que l’église soit au courant mais ferme les yeux sur la question ? Se tenant là, vêtu de sa robe, ses papiers israélites à la main, Dante Jiménez, le secrétaire à la défense israélite d’Altomonte, a accepté de répondre à mes questions. « Cela fait six ans que nous devons faire face à ce problème grandissant. Qui sont les coupables ? Ce sont les villages alentours. On m’a même offert 100 000 dollars contre mon terrain, mais j’ai refusé. La même offre est faite à de nombreux hermanos, mais cela ne correspond pas à notre doctrine. Notre ordre nous demande de nous abstenir, pourtant certains sont faibles. » « S’il y a des cultivateurs de coca ou des trafiquants de drogue parmi nous, ceux-ci ne sont pas des hermanos, continue-t-il. Ils s’habillent peut-être comme nous mais ils n’ont aucune légitimité. Ce n’est qu’une apparence. »
Que réserve alors cet insatiable marché de la drogue pour ce peuple ? L’absence persistante de leur chef, Jonas, décidera-t-elle finalement de leur sort ? De nombreux Ataucusi évoquent un chariot qui les emmènera un jour en Israël – une sorte de solution métaphysique à leur malheur. D’ici là, peut-être que le marché s’imposera, et peut-être que la coca les emportera dans son essor perpétuel. Il semble que tant que le gouvernement n’offrira pas de solution véritable aux habitants de la frontière de l’Amazonie péruvienne, la destruction des plantations ne suffira pas à mettre fin aux bénéfices que la région tri-frontalière, la terre promise des « frontières vivantes » d’Ezequiel Ataucusi, tire du trafic de drogue. À mon départ, j’ai été autorisé à filmer à Altomonte ce qu’on appelle « L’Holocauste », un rituel consistant à sacrifier un animal à Dieu. L’ordre des animaux sacrificiels est le suivant : les pigeons, les chèvres et le bétail – dont les taureaux sont considérés comme les animaux les plus précieux. L’animal est choisi une semaine à l’avance. Il doit être en parfaite santé et totalement blanc ou noir. Il est ensuite préparé, puis abattu et immolé devant l’assemblée des priants. La procession se déplace ensuite dans l’église et commence à chanter fièrement l’hymne de Fronteras Vivas : « Gloire à Israël, digne de louange / pour votre grande œuvre, de servir le monde. / Il a fondé le grand projet des frontières vivantes / Père Ezequiel, le peuple vous appelle / vous êtes le grand homme que le monde attendait. / À travers l’agriculture / vous éradiquerez la faim. / Ce projet unira ensemble toutes les nations, ensemble nous travaillerons la terre / Chili, Équateur, Colombie, Brésil, Bolivie, et tous les autres pays. »
Traduit de l’anglais par Marine Bonnichon. Une version plus courte du reportage a paru dans VICE News sous le titre « Sacred Cocaine: Inside the Peruvian Sect Accused of Growing Coca in the Amazon ». Couverture : Des fidèles ataucusi, par Lali Houghton.