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Il y a quelques semaines, j’ai vu que Post Malone portait vos vêtements sur le  Purpose World Tour de Justin Bieber. Comment c’est arrivé ? On a beaucoup de chance d’être dans la ligne de mire des influenceurs. Notre boutique de Fairfax nous a permis d’interagir avec tout ce monde là. Et elle n’a rien à voir avec les autres boutiques qu’on trouve dans le coin, à l’exception d’une ou deux qui nous poussent à nous dépasser. On attire ce genre de clients, tout ce qu’on fait est réfléchi. Notre vision des choses, notre agence, ma direction créative et ma marque forment un tout. Notre logo, c’est un bloc, un rectangle parfait. Il représente un bloc de pierre qui n’a pas encore été sculpté. Ça me vient du taoïsme, c’est l’idée que la puissance absolue est un tout, qu’il se dégage une puissance de la sculpture avant même d’avoir commencé à sculpter.

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Crédits : ADBD

Lorsqu’une marque nous engage pour que nous l’aidions à se lancer, à se reprendre ou à trouver une direction stratégique, nous la ramenons à son essence avant de sculpter la marque de façon à ce qu’elle soit la plus performante possible. Même chose avec nos vêtements : nous les avons designés pour qu’ils représentent une certaine forme. C’est vrai pour les hommes comme pour les femmes. Nous redéfinissons la taille haute et nous n’utilisons que des matières durables. Nous avons vraiment à cœur de faire quelque chose de différent, et c’est ce que m’a permis le fait de travailler avec Will. Cela m’a aidé à travailler sur des projets qui racontent vraiment une histoire. C’est pourquoi j’ai créé ADBD, une marque complètement autosuffisante. On ne fait pas de vente en gros, seulement du détail. Nous venons tout juste d’ouvrir notre deuxième boutique au W Hollywood et grâce à cela, on tente de créer une expérience de vente au détail complètement utopique : elle sera intégrée au room service. On imagine le futur de la consommation de la mode. Vous voyagez quelque part et vous n’avez plus besoin de bagages, toute la collection vous attend dans votre chambre en taille M. Vous prenez ce que vous voulez, le personnel reprend le reste et c’est ajouté à la facture de votre chambre.

Vous avez déjà travaillé avec les hôtels W par le passé, non ? Oui. Nous avons redesigné tous les draps de leurs hôtels nord-américains – plus de 8 000 chambres – en utilisant des matériaux durables. C’était révolutionnaire. Je les ai aussi aidés au plan culturel afin de mieux identifier ce qu’ils faisaient dans le secteur et de confronter ma vision et leurs idées.

Quels sont les autres célébrités et influenceurs avec lesquels vous aimeriez travailler à l’avenir ? C’est une sacrée question. De mon point de vue, nous sommes un peu perdus dans une culture de la collaboration, et je pense que beaucoup de marques et de boutiques se reposent les unes sur les autres plutôt que de construire ce réseau en interne. Je suis d’avis que les marques et les artistes doivent commencer à créer leur propre marché vertical. Il faut vraiment que les musiciens sortent des albums sans featuring. Aucun. Il faut que les gens sortent des collections de vêtements qui ne sont pas basés sur le gimmick de l’édition limitée. Tout ce qu’ils font en réalité, c’est de l’acheter et de la revendre à quelqu’un d’autre, avant que quelqu’un d’autre ne la rachète à son tour et ne la mette sur eBay. Ça n’a rien d’authentique.

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Crédits : ADBD

Pour ma part, aujourd’hui je trouve moins d’intérêt à travailler avec des collaborateurs célèbres de façade et plus avec des gens qui bossent vraiment sur la façon dont on fait les choses. Des gens comme Elon Musk, qui tentent de repenser la façon dont on fait les choses. C’est la base pour moi. Ce qui m’intéresse, c’est de créer une marque, et en tant que créateur, de mettre au défi les gens de concevoir ce qu’ils peuvent vendre et de vendre ce qu’ils conçoivent. Je veux créer des boutiques de vente au détail qui incarnent cette idée et pas faire des promos sur des produits que j’aurai rachetés à quelqu’un d’autre. Ça ne fait que tirer les choses vers le bas. C’est ce à quoi je fais référence quand je parle d’une forme pure. Je pense que nous avons pris le temps de développer un modèle qui fonctionne. Et c’est la raison pour laquelle on ne veut collaborer qu’avec des gens qui produisent des tissus incroyables.

Vous avez l’air très passionné. [Rires] Ça a toujours été le cas. J’ai un but dans la vie, je sais où est ma place. Et j’ai eu la chance de travailler sur des projets qui ont touché le monde entier. J’ai lancé la première série de Harley Davidson de luxe. Nous avons vendu des produits partout sur la planète. Dans tous les pays du monde. J’ai travaillé avec les plus grandes licences. Par le passé, j’ai signé des contrats avec la NBA, la NFL, Disney, qui vous voulez. Aujourd’hui je travaille dans trois endroits différents : le studio de Will qui s’appelle The Future, mon espace au W Hollywood et mon espace créatif dans la boutique de Fairfax. Je suis venu ici depuis là-bas… si je ne m’abuse la boutique éphémère Life of Pablo à L.A. a fermé hier, non ? On est de l’autre côté de la rue ; c’est marrant de voir l’après. Les rues sont désertes, pleines de détritus. Il y a une trentaine de sacs poubelle devant l’entrée, on sent bien qu’il y a eu une sorte de tour de passe passe culturel. Je ne dis pas que c’est mal, mais quand on est témoin de ça après son passage, on est un peu affecté par ces trucs. Si vous rentrez dans une de nos boutiques ou que vous rencontrez nos employés, on parle tous comme ça. C’est de cette façon qu’on lance des marques, de cette façon qu’on repense les choses… On donne le meilleur de nous-mêmes et on se bat constamment pour rester au niveau. Si on parvient à établir un modèle nous permettant de redéfinir la façon dont les choses sont faites, de créer des produits qui plaisent et des boutiques qui incarnent un certain type de vie, je crois qu’on tient un truc.

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La boutique éphémère de Kanye West à Fairfax
Crédits : Aaron Miller

On dirait bien. Il faut que vous demande quand même… vous êtes fan de Kanye ? Oui, bien sûr. J’ai même eu la chance de passer du temps avec lui. Nous avons des conversations assez intimes tous les deux. Il est vraiment passionné, et il n’a pas besoin de créer un archétype que toute une génération devrait imiter. Ce que les gens doivent comprendre en le regardant, c’est le pouvoir qu’on a quand on sait vraiment qui on est et qu’on est en pleine possession de ses moyens. C’est ce que fait Kanye. Et quand on est près de lui, on se laisse embarquer émotionnellement parce que c’est ce qu’il est. C’est ce dont nous avons besoin dans cette culture. Ce que prouve Kanye, c’est qu’on peut vraiment avoir un impact sur le monde en étant soi-même. C’est pour ça que je l’adore. On a passé d’excellents moments ensemble, c’est un artiste puissant.


Traduit de l’anglais par Nicolas Prouillac et Arthur Scheuer d’après l’article « Meet Adam Derry, the Man Putting Tech Into Gucci Suits », paru dans Complex. Couverture : Adam Derry par Ramona Rosales.


 

JE FAISAIS DU SON AVEC KANYE WEST À L’ÉPOQUE OÙ TOUS LES RAPPEURS SE FOUTAIENT DE SA GUEULE

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Jensen Karp était encore étudiant quand il a signé avec Interscope. Il a alors travaillé avec Kanye, dont tout le monde se moquait à l’époque.

I. Baseline

Incroyable mais vrai : du jour au lendemain, je suis devenu un rappeur à 500 000 dollars. Le surlendemain, je suis entré aux studios Baseline, qui ont depuis fermé leurs portes. À l’époque,  Jay Z enregistrait The Blueprint dans la salle à côté de la mienne. À n’importe quelle heure, on pouvait voir les plus grands rappeurs du monde au travail, quand ils ne se promenaient pas de salle en salle pour dire bonjour. Les studios Baseline étaient l’épicentre de Roc-A-Fella Records à son apogée, l’endroit magique où sont nés la plupart des tubes du label. Jay Z, Beanie Sigel, Freeway et Young Gunz ont tous enregistré ici et j’aime à me rappeler que je suis sans doute le seul rappeur blanc à en avoir eu l’opportunité. Je l’ai compris le jour où Memphis Bleek m’a demandé de lui servir un soda, dans la cuisine partagée : il pensait que j’étais un stagiaire du studio.

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Jay Z a enregistré The Blueprint aux studios Baseline
Crédits : Alexander Richter

J’ai entendu parler de Kanye West pour la première fois – futur habitué des lieux – par mon manager de l’époque. En prévision de mon premier séjour à New York, il m’avait fait parvenir une compil d’instrus sur laquelle était écrit « K. West » au marqueur, en espérant qu’on y découvrirait quelque chose de frais (et pas cher) pour l’album. Kanye avait récemment quitté Chicago pour New York, et il commençait à faire son trou. Il fallait qu’il fasse ses preuves. Pour autant, j’avais entendu dire que quelques mecs posaient sur ses instrus. Et si deux des principaux consigliere de Roc-A-Fella avaient pris en main sa carrière, il devait bien refiler quelques prods aux rappeurs qui fournissaient Jay Z en weed. À l’époque, dans le rap game, les « beats CD » étaient le meilleur moyen pour les beatmakers de faire écouter leur son aux rappeurs – leur carte de visite. Ils envoyaient leurs instrus aux labels, aux agents et aux artistes dans l’espoir de voir des rappeurs poser dessus et signer un gros chèque après l’enregistrement. J’ai écouté tous les beats CD qui tournaient à ce moment-là et ils commençaient déjà à tous sonner pareil. Du coup je harcelais Interscope pour avoir le contact de Just Blaze.

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