Sous un ciel noir
Au-dessus de la ville de Qayyarah, le ciel est noir et oppressant. On pourrait croire qu’il va pleuvoir d’une seconde à l’autre. Il fait si sombre que les voitures sillonnent les rues désertes de la ville avec leurs phares allumés. Nous ne sommes pas mardi soir, il n’est que 13 heures. À quelques kilomètres de là, le soleil brille, mais pas ici.
La fumée provient d’installations pétrolières en flammes, que l’État islamique a incendiées. Elle plane sur Qayyarah, réduisant la visibilité et enveloppant tout – même les gens – d’une suie graisseuse. L’air est saturé d’une odeur acre. Chaque jour est une sale journée à Qayyarah, et celle d’aujourd’hui est particulièrement mauvaise. La ville s’est transformée en zone de catastrophe environnementale. Qayyarah, dont la population était estimée à environ 15 000 musulmans sunnites avant l’invasion de l’État islamique, est située sur les bords du Tigre. Mossoul se trouve à une cinquantaine de kilomètres au nord. Non loin d’ici, une base conjointe des armées américaine et irakienne fournit un soutien en artillerie à l’offensive en cours. Au sud-ouest de la ville se trouve le camp de Jad’ah, qui accueille les personnes déplacées à l’intérieur du pays. C’est un des camps irakiens qui servent de refuges à ceux qui ont échappé à l’État islamique, ou qui ont fui les combats qui font rage entre l’organisation terroriste et les Forces de sécurité irakiennes.
Au camp de Jad’ah, on recense moins de garçons âgés entre 14 et 18 ans que prévu, ce qui laisse penser que l’État islamique force les jeunes hommes de la région à participer au combat. C’est ce qu’affirme un rapport du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies, datant d’octobre 2016. Un flux constant de réfugiés traversent Qayyarah, pendant que l’armée irakienne fait route vers le nord, droit sur Mossoul. À l’extérieur de la ville en direction du nord-ouest se trouve un champ pétrolifère qui produisait autour de 10 000 barils de pétrole brut par jour, jusqu’à ce que l’État islamique n’envahisse la zone en juin 2014. En raison de sa proximité avec le champ pétrolifère, la ville possède une raffinerie. Des canalisations et des valves serpentent à travers les quartiers résidentiels de Qayyarah. Avant que les troupes irakiennes ne libèrent la zone, le pétrole était pillé par l’État islamique pour financer ses activités, comme dans d’autres endroits en Irak et en Syrie. Les troupes irakiennes ont repris Qayyarah le 25 août 2016, après une opération qui avait débuté en juillet. La ville était un des premiers objectifs des Forces de sécurité irakiennes sur le chemin de Mossoul – la deuxième plus grande ville d’Irak, sous occupation de l’État islamique.
En juin ou juillet dernier – les différents rapports se contredisent à ce sujet –, l’État islamique a mis le feu aux puits de pétrole et aux infrastructures connexes à l’approche des troupes irakiennes. Quatre mois plus tard, ils brûlent toujours. L’État islamique a également incendié une usine de souffre située non loin de Qayyarah. Elle a brûlé pendant plusieurs jours. Mettre le feu aux infrastructures pétrolières a donné à l’État islamique une double victoire. Sur le plan tactique, cela a permis aux combattants de la zone de bénéficier d’un gigantesque écran de fumée pour se protéger des raids aériens de la coalition et de la surveillance de l’armée irakienne. Cela a également empêché le gouvernement irakien d’utiliser les champs de pétrole à leur avantage – une stratégie maintes fois utilisée au cours de l’Histoire, qui réveille les images apocalyptiques de la guerre du Golfe de 1991. À cette époque, les soldats irakiens mettaient le feu aux puits de pétrole koweïtiens, qui flambaient devant les troupes en marche.
Le gouvernement irakien ne cherchera pas à relancer la production de pétrole locale avant la chute de Mossoul, d’après Reuters. Cela pourrait ne pas arriver avant six mois. Pour les habitants de Qayyarah, ce n’est là qu’un débat académique. Tout ce qui leur importe, c’est de pouvoir continuer leur vie, sous les épais nuages de fumée acre qui écrasent la ville.
North Oil
Dans la lumière lugubre qui filtre à travers la fumée, une voiture glisse sur une route déserte, à l’extrémité ouest de Qayyarah. Les véhicules sont occasionnellement contraints de s’arrêter aux postes de contrôle improvisés. L’un d’eux utilise des munitions non explosées en guise de panneaux de signalisation, pour diviser la circulation. Les maisons qui bordent la route portent les stigmates des combats. Les plus chanceuses sont simplement criblées d’impacts de balles, mais les autres ont essuyé les tirs de tanks irakiens ou ont été réduites à des tas de gravats après avoir été la cible de bombardements.
Cela aurait pu être pire, mais un officier irakien raconte que la ville a été prise rapidement. En dépit de son importance pour l’État islamique, les troupes irakiennes ont pris les islamistes par surprise. Les rapports laissent entendre que l’État islamique n’a pas employé beaucoup d’engins explosifs improvisés à Qayyarah, même si une vache a été tuée la veille de ma visite après avoir déclenché un EEI. Les villes voisines comme Al Shora, au nord de Qayyarah, ont été piégées davantage et demandent beaucoup d’efforts pour être déminées afin que les habitants puissent y retourner en toute sécurité. Dans le lointain, la fumée s’élève en tourbillonnant avant d’étendre sur le ciel une épaisse couverture de fumée noire, qui vient s’ajouter aux nuages provenant des puits de pétrole qui flambent aux portes de la ville. Au nord-ouest de Qayyarah s’étendent de vastes parcelles de terre brûlée, mais il est difficile de savoir ce qui a provoqué l’incendie à cause des dégâts. Les flammes couvrent une vaste zone, sur au moins 200 mètres de largeur. Près des flammes, la chaleur ne faiblit pas. Elle a rendu la terre uniformément noire, couverte d’une couche de résidus qui se sont accumulés pendant des semaines et qui craquent sous les pieds. La fumée s’élève avant d’être soufflée par le vent directement au-dessus de la ville, éclipsant le soleil, réduit à un simple point dans le ciel. Sous le nuage, la température est sensiblement plus basse et les habitants de la ville portent des vestes, bien qu’il fasse chaud dans le reste du nord de l’Irak.
Les bâtiments situés près du feu n’y ont pas échappé. Les surfaces de béton autrefois grises sont aujourd’hui couvertes d’une suie noire et éclaboussées de pétrole non brûlé. Le pétrole semble sortir du sol sous l’extrême pression que subissent certaines zones, et il arrive parfois qu’on voie au loin une tornade se former au cœur des flammes, dans un sifflement aigu. « Nous sommes partis trois jours avant que l’armée irakienne n’arrive. Des combattants de l’État islamique sont venus et ont brisé les fenêtres de la maison. Ils l’ont utilisée comme abri pour se battre », raconte Mohammed, un résident qui s’affaire à réparer les dégâts causés par un obus de tank à sa maison, durant la libération de la ville. « On reviendra habiter ici quand la maison sera réparée et que les feux de pétrole seront éteints. » Mohammed ajoute que, du moins pour le moment, lui et sa famille vivent ailleurs dans Qayyarah, chez des proches. Il a du mal à croire que le gouvernement irakien fera le nécessaire pour éteindre les flammes d’ici peu. « Une entreprise [North Oil] est venue pour essayer d’éteindre le feu, mais ils n’ont rien fait », dit-il avec dédain. « À sept heures du matin, une excavatrice est allée dans la zone en flammes, près de chez moi. Ils ne se sont mis au travail que lorsque les dirigeants sont venus leur rendre visite. »
Mohammed montre du doigt les machines de chantier qui se sont activées lors de la visite des managers de North Oil. À présent, elles sont à l’arrêt, abritées derrière un mur de sable qui les sépare des flammes. Le directeur de North Oil, une entreprise publique irakienne, a confié au magazine spécialisé Iraq Oil Report qu’éteindre ce genre d’incendies était un processus très long. Néanmoins, la frustration de Mohammed est compréhensible. Il raconte que mettre le feu aux puits de pétrole n’est pas la seule exaction que les islamistes ont perpétrée avant l’arrivée des Forces de sécurité irakiennes. « L’EI est allé dans de nombreux villages de la région et ils ont dit aux gens de partir en direction de Hammam Al Alil [une ville au nord de Qayyarah]. Tous ceux qui ont essayé de rester – et ceux qui n’étaient pas capables de partir, comme les personnes âgées – ont été tués. »
Ceux qui sont allés à Hammam Al Alil ne s’y sont pas trouvés en sécurité. « Une cinquantaine de familles ont été déplacées », dit Mohammed. « Les garçons et les hommes ont été envoyés à Tal Afar [une ville à l’ouest de Mossoul] pour combattre sous les ordres de l’EI. Les femmes et les enfants ont été laissés à Hammam Al Alil – beaucoup d’entre eux ont été tués. » Mohammed estime qu’au moins 300 personnes des villages alentours sont enterrées à Hammam Al Alil, où près de 500 cadavres ont été découverts pour le moment.
Sur les rives du Styx
Ailleurs dans Qayyarah, les filles de l’école Al Rumana se préparent pour la classe de l’après-midi sous le nuage de pétrole menaçant. La vie est difficile pour les enseignants. 375 étudiants doivent commencer les cours, mais la plupart des professeurs sont réfugiés dans des camps et les manuels scolaires n’arrivent pas. « Beaucoup d’enfants ont des problèmes respiratoires, on a dû les envoyer à l’hôpital », dit un professeur. « Hier, c’était le pire : de nombreux enfants ont dû aller à l’hôpital. L’un des incendies se consume juste au coin de la rue. »
Ils ont tous l’air épuisé. Veiller à ce que des centaines d’enfants restent propres est un défi pour eux. Une autre professeure fait remarquer que tout le monde ici, enseignants y compris, a les mains sales. « Cette fumée est très sale et elle s’accroche partout. Même la nourriture que nous cuisinons est contaminée », ajoute-t-elle avant d’expliquer que le nettoyage est entravé par l’alimentation défaillante de la ville en eau et en électricité, depuis quelques temps. « C’est à peine s’il y a l’eau courante dans le quartier. Nous en avons à l’école, mais il y a du pétrole dedans », dit une enseignante plus âgée. Pour le moment, tout le monde ici peut se doucher une fois par semaine. Les enseignants sont tous du même avis lorsqu’on leur demande leur sentiment sur la situation. Ils voient l’Irak comme un pays riche et ne comprennent pas que les flammes n’aient pas encore été éteintes.
« Qu’est-ce qu’on fait pour nos enfants, qui sont en train de perdre leur avenir ? » dit l’enseignante en essuyant une larme au coin de ses yeux alors qu’elle commence à pleurer. On sait qu’à court terme, l’inhalation de la fumée provoque des quintes de toux, une irritation des yeux, du nez et de la gorge, ainsi que des essoufflements. Cependant, nous ne savons pas tout des effets à long terme dans un tel environnement. La pollution affectera principalement les plus jeunes, les plus âgés et les personnes souffrant de maladies respiratoires comme l’asthme. La situation la plus semblable à celle de Qayyarah est celle des incendies de champs pétrolifères du Koweït de 1991. Le Département des Anciens combattants des États-Unis a étudié leur impact sur les troupes qui y ont été exposées. Ces feux dégagent de nombreux produits toxiques : dioxyde de carbone, monoxyde de carbone, oxyde de souffre, oxydes de nitrogène, hydrocarbures organiques volatils, sulfure d’hydrogène et gaz acides. L’hiver, dans le nord de l’Irak, les pluies sont diluviennes. Les averses contamineront davantage la terre qui s’étend sous les nuages de pétrole, ajoutant un autre aspect à ce désastre environnemental.
Non loin de l’école, un immense jet de flammes rugit en sortant d’une valve en feu. La valve contrôlait autrefois le flux de pétrole dans le pipeline qui le mène à l’usine de traitement de la ville. Elle a été détruite par les islamistes avec des explosifs. L’État islamique n’a donné aucun avertissement aux civils vivant dans les maisons, à quelques mètres de là. Des groupes d’enfants barbouillés de pétrole rient et jouent près du feu. Ils n’ont pas grand-chose d’autre à faire en ville. « Vous voyez comment vont les choses ? Beaucoup de gens ont des problèmes respiratoires », dit Abdul, qui vit dans une maison située à une vingtaine de mètres de la valve en feu. « Je suis noir de crasse. Tout est couvert de saleté avec cette fumée. »
D’après Abdul, les seules choses qui réussissent à venir à bout de la saleté sont les solvants ou l’essence, qui ne sont pas particulièrement bons non plus pour la santé. Il explique que le pire moment, c’est à la tombée de la nuit, quand il n’y a plus aucun moyen d’échapper à la fumée. La température tombe avec l’arrivée du soir et la fumée descend au niveau du sol, réduisant la visibilité. Elle fait chuter la température dans la ville et ses maisons. « La seule chaleur émane des feux », dit Abdul. Abdul n’a jamais quitté Qayyarah, même quand l’État islamique a commencé à faire exploser les infrastructures pétrolières. « Ils ne nous ont rien dit, il n’y a eu aucun avertissement », dit-il.
Lorsque je lui demande pourquoi il reste ici étant donné les conditions, il répond comme beaucoup qu’il a une famille nombreuse et qu’il serait difficile de déplacer tout le monde. Les habitants de Qayyarah essaient à présent de ramasser les morceaux et de poursuivre leurs vies. « Beaucoup de gens sont revenus. C’est chez nous ici, et nous nous y sentons en sécurité avec l’armée irakienne. » Un autre homme du nom de Nabil se joint à nous. Ses yeux sont rouges à cause de la fumée. Il a des amis qui ont été hospitalisés pour des problèmes respiratoires, mais il ne saurait dire combien. « On est inquiets pour nos enfants. Cela dure depuis plus de deux mois », dit Nabil. L’hôpital principal de Qayyarah est en piteux état après que les islamistes l’ont utilisé comme base défensive. Mais Nabil assure que le petit hôpital qui a pris la relève se débrouille bien. Et les gens n’hésitent pas à s’y rendre s’ils ont des problèmes de santé.
Abdul et Nabil critiquent tous les deux la façon dont s’y prend la compagnie pétrolière pour éteindre les feux. « Leurs employés sont payés davantage du fait d’être ici, mais ils ne font rien », dit Nabil. Abdul acquiesce en silence. Ils ne sont pas d’accord sur la raison exacte pour laquelle le pétrole a contaminé les ressources déjà limitées d’eau potable de la ville. Abdul est d’avis que l’État islamique a versé du pétrole dans l’eau à dessein, Nabil pense que le pétrole s’est infiltré lorsque les islamistes ont endommagé les canalisations. Dans tous les cas, l’état actuel de l’eau ne donne pas matière à débat. Abdul sort son smartphone pour me montrer ses photos. L’écran brille comme en pleine nuit dans la faible lumière de l’après-midi. Il s’arrête sur une photo montrant un seau rempli d’eau, à la surface de laquelle flotte une épaisse pellicule huileuse. Les résidents ont apparemment réparé les canalisations percées, mais ça n’a pas suffi. Le quartier est étouffé par la fumée et les fuites de pétrole en feu. Les restes d’un potager montrent que rien ne peut pousser ici. Les plantes, autrefois vivaces, sont à présent des excroissances sans vie qui s’extirpent de la terre noire, leurs feuilles couvertes de résidus marrons. Même les sillons creusés par le jardinier commencent à se remplir de dépôts de suie. Elle recouvre tout comme une neige noire.
Jeux d’enfants
Un garçon rit alors qu’il monte sur un gros morceau de plastique. Encouragé par ses amis, il s’élance et glisse jusqu’en bas de la pente de béton, avant de déraper pour s’arrêter dans un nuage de fumée. D’autres garçons l’imitent. Ils font de la luge avec tout ce qu’ils trouvent d’assez gros pour les porter. Deux enfants chevauchent un gros conteneur chimique en plastique bleu. Lorsqu’ils s’arrêtent enfin, un garçon en sort, vêtu un pull vert tout sale. Les trois amis traînent le baril jusqu’en haut de la pente. Le garçon au pull-over retourne à l’intérieur et ils glissent à nouveau, sous un tonnerre d’acclamations. Les enfants jouent dans ce qu’il reste du stade de Qayyarah, situé près de l’entrée sud de la ville, au bord de la rue principale. Il est proche de l’endroit où l’État islamique avait ses quartiers généraux, non loin de la raffinerie de Qayyarah. Après avoir décrété le sport anti-islamique, les hommes de Daech en partiellement démoli le stade.
Plus tard, les islamistes ont utilisé le terrain de sport et les bâtiments voisins pour leurs réunions et pour stocker leurs armes. Résultat, le site déjà endommagé a été la cible de deux bombardements. L’un d’eux a laissé un cratère béant dans le sol poussiéreux. Difficile d’imaginer qu’on puisse pratiquer un sport ici. De jeunes hommes entassent les blocs de béton qui ont survécu aux assauts de l’État islamique et de la coalition. Les enfants sont partout dans le stade. Ils font la course dans les gradins couverts de gravats, évitant les poutres métalliques qui sortent de la structure éventrée, tandis que d’autres continuent à faire de la luge jusqu’au pied du plafond effondré. Au sommet des gradins, un garçon un peu plus âgé que les autres, le visage grave, montre du doigt certains repères. « Ça, c’était un des quartiers de l’EI », dit-il en désignant une pile de gravats au-delà des murs troués du stade. « Là-bas, ils ont exécuté plein de gens », continue-t-il en pointant du doigt une partie de la ville auparavant occupée par les islamistes.
Ici même, dans le stade, l’État islamique réalisait ses châtiments. Ils coupaient des mains et exécutaient des gens, suivant les préceptes du système judiciaire draconien de l’organisation terroriste. Pourtant, les enfants ont l’air heureux. Ils trouvent de quoi se divertir dans cet environnement dévasté. Même les filles qui vont à l’école, encadrées par des professeurs inquiets, semblent contentes – en dépit du fait que beaucoup d’entre elles font des séjours réguliers à l’hôpital. Jouer près des flammes et s’amuser dans les bâtiments détruits n’est pas nécessairement mauvais signe pour Qayyarah. Mais la vie se déroule sous un nuage qui, jusqu’à l’extinction des feux, continuera de gouverner la vie des habitants et pourrait avoir des effets terribles sur leur santé à l’avenir.
Traduit de l’anglais par Nicolas Prouillac et Arthur Scheuer d’après l’article « Iraq Is Burning », paru dans War Is Boring. Couverture : Un jeune berger de Qayyarah. (Matt Cetti-Roberts)
LES KURDES ÉPUISENT DAECH AUX ABORDS DE KIRKOUK
Aux abords de Kirkouk, dans le nord de l’Irak, les Peshmergas affrontent sans relâche les détachements de L’État islamique qui gangrènent la région.
I. Hadji
Ce soir-là, une brise fraîche souffle sur le toit de l’immeuble, faisant obstacle aux moustiques assoiffés dans leur quête de peaux dénudées. Les combattants kurdes peshmergas se reposent sur des matelas, voire de rudimentaires sommiers en fer surmontés de cadres cruellement métalliques. Certains parlent, et certains dorment pendant que d’autres fument des cigarettes en regardant le ciel nocturne – plus que quelques heures de répit avant l’offensive du lendemain. Il y a 12 heures de cela, nous avons commencé notre périple vers la ville de Chamchamal pour rendre visite à Hadji Fazer et son groupe de volontaires peshmergas. Chamchamal est une petite ville qui se trouve à environ 30 minutes en voiture de Kirkouk. Du temps où Saddam Hussein était dictateur, l’armée irakienne avait forcé les campagnards des environs à migrer vers la ville.
L’armée irakienne a ensuite entrepris de détruire leurs villages, et de poser des mines antipersonnel dans presque toute la zone pour empêcher les trafics et les raids menés par les Peshmergas. Depuis lors, les habitants de Chamchamal sont connus pour leur promptitude à se battre et leur mauvais caractère ; une réputation pas toujours méritée.