par Amy Wallace | 0 min | 20 août 2017
Cliquez sur les hyperliens pour accéder aux stories. Il y a 18 ans presque jour pour jour, un ancien agent du KGB qu’on disait effacé prenait la tête du gouvernement russe contre toute attente. Depuis, Vladimir Poutine a lié le destin du pays au sien. Non seulement son pouvoir n’a cessé de se consolider, mais la contestation n’existe plus qu’à la marge. Jeudi 10 août, après quatre ans et demi de détention, l’opposant Sergueï Oudaltsov a appelé au boycott de l’élection présidentielle de mars 2018, que Poutine a toutes les chances de remporter. Le même jour, quatre militants d’un groupe « pour un pouvoir responsable » ont eux été condamnés à de la prison, dont quatre ans fermes pour deux d’entre eux. Ils proposaient de faire juger « le président, les sénateurs et les députés » par un tribunal populaire. Mais ceux-ci le sont encore trop, populaires, pour être chassés. Il faudra sans doute attendre 2024 pour voir leurs successeurs émerger.
Sur la scène nationale, Vladimir Poutine a commencé à imposer son joug en préconisant de « buter » les indépendantistes tchétchènes « jusque dans les chiottes ». Après la guerre de 1999 et 2000, la région du Caucase a été mise au pas par le dévoué Alou Alkhanov puis, à partir de 2007, par Ramzan Kadyrov qui voudrait quant à lui « éliminer » la communauté LGBT. La rhétorique violente du chef de la petite République se traduit, en matière de sport, par l’organisation de combats d’arts martiaux mixtes (MMA) entre des enfants âgés de 8 à 11 ans. D’après un banquier qui a participé à l’élaboration d’un système de dissimulation d’avoirs, Kadyrov redistribuerait du reste les subventions russes à ses proches en toutes impunité. Quelques oligarques parviendraient ainsi à contourner l’impôt. Tous les soutiens du président Poutine ne sont pas aussi discrets. Un groupe de motards fondé à Berlin-Ouest par un ancien chirurgien-dentiste l’élève au rang d’icône. Si beaucoup de Russes apprécient sa diplomatie offensive, ils n’en sont pas moins les otages : l’annexion de la Crimée, en mars 2014, a entraîné une pluie de sanctions qui grève l’économie, et l’engagement de Moscou en Syrie complique les relations avec Washington. Les dernières pénalités économiques adoptées par le Congrès américain en juillet ont été perçues comme « une guerre commerciale totale » par le Kremlin qui s’est empressé d’expulser des diplomates américains et de saisir leurs propriétés. La tension est d’autant plus grande que le FBI enquête sur les connexions russes présumées de membres de la campagne de Donald Trump et sur la fuite des emails du parti Démocrate. Il faut dire que Moscou a une certaine expertise en matière d’espionnage, comme en témoignent les histoires d’Alexandre Litvenenko et d’Anna Chapman. Mais les services de renseignement et les hackers russes ne sont pas les seuls à la manœuvre : avant de quitter la Maison-Blanche, Barack Obama aurait autorisé un programme de piratage visant spécifiquement la Russie. Cette dernière a même été accusée de vouloir s’emparer de la Californie. Pire, à en croire l’ancien président de l’URSS, Mikaïl Gorbatchev, nous sommes au bord d’une Troisième Guerre mondiale. Car les parties-prenantes à cet affrontement sont légion. Poutine s’est rapproché de la Turquie au point de vivre une véritable bromance avec le sultan Erdogan et engage ses hommes aux côtés des proxys iraniens en Syrie. Lorsque les États-Unis ont envoyé 59 missiles Tomahawk sur la base syrienne d’Al-Chayrat, début avril, Moscou et Téhéran ont conjointement répliqué qu’ils « répondraient avec force » si cela se reproduisait. Les relations ne sont pas pour autant rompues puisque les Émirats arabes unis ont aidé à établir une voie de communication secrète entre Trump et Poutine et que le premier n’hésite pas à dévoiler des informations confidentielles au ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov. L’ex-chef d’État américain Henry Kissinger joue à sa façon le go-between, qui a conseillé à Donald Trump de reconnaître l’appartenance de la Crimée à la Russie pour apaiser la situation. De son côté, le Kremlin ne se contente pas d’utiliser la force en Syrie et en Ukraine. Il joue aussi sur le soft power. L’exploitation de migrants ou de Nord-Coréens lui a permis de construire de somptuaires installations pour les Jeux olympiques de Sotchi en 2014. Et en 2018, le pays accueillera la Coupe du monde de football dans des stades rutilants. Au sein de l’enceinte de Saint-Pétersbourg, les spectateurs ne pourront pas manquer le logo de Gazprom, le géant gazier qui promeut son image par le football. Le CSKA Moscou a quant à lui déjà inauguré son nouveau stade le 10 septembre 2016 après un exil forcé ; tandis que le Spartak prêtera l’ancien stade Lénine aux équipes nationales qui viendront disputer la compétition. Ceux qui auront l’occasion de visiter la capitale découvriront une ville tempétueuse, klaxonnante, empressée à l’extrême et bouffie de richesses qui a beaucoup changé depuis 20 ans. Avec un peu de chances, ils pourront saisir le quotidien hors-norme des russes photographiés par Alexandre Petrosyan et Frank Herfort. Le pays a toujours eu le goût des défis fous, depuis l’odyssée spatiale de Soyouz aujourd’hui prolongée par l’Agence spatiale russe et ses satellites mystérieux.
Couverture : Vladimir Poutine et le Kremlin. (Christophe Haubursin/Vox)