Le respect, pour quoi faire ?
Vendredi 10 juillet, sur le plateau du talk-show Red Table Talk, Will Smith esquisse un sourire mais il semble abattu. Son épouse, Jada Pinkett-Smith, annonce qu’elle a eu une relation avec le rappeur August Alsina pendant leur séparation temporaire. S’il est attristé, l’acteur américain parvient tout de même à réagir avec lucidité, calme et respect… sauf quand 50 Cent décide de s’en mêler. Pourtant, tout avait bien commencé entre les deux artistes.
La discussion entre 50 Cent et Will Smith semblait au départ cordiale et sincère. Le rappeur new-yorkais entame le dialogue en envoyant un message privé à l’acteur sur Instagram, en lui demandant si tout va bien. Ce à quoi l’acteur répond que tout va bien et qu’il apprécie sa sollicitude. « Mais pourquoi elle t’a dit ça dans une émission, pour que tout le monde le voie ? » poursuit Fifty. Will répond alors qu’en rompant avec Jada, elle a fait sa vie et lui la sienne. C’est le moment que choisit Fifty pour révéler son vrai visage. « Et Jada dit qu’ELLE SEULE peut autoriser quelqu’un à lui exploser le derrière. »
« Va te faire f**tre, 50 », réplique Will Smith. « Bah quoi, qu’est-ce que j’ai fait ? » dit ensuite 50 Cent en feignant l’innocence, avant de poster l’échange sur son feed Instagram pour que tout le monde le voie.
Loin de ses prouesses musicales, on retrouve aujourd’hui Curtis Jackson, alias 50 Cent, dans un domaine bien différent mais dans lequel force est d’admettre qu’il excelle : l’art du trolling. Cela fait six ans que son dernier album est sorti, et à part de rares featurings dont le plus récent orne l’album posthume de Pop Smoke, « The Woo », le rappeur de 45 ans semble avoir raccroché les gants. Malgré tout, il toise toujours le rap game et s’en mêle régulièrement, histoire de rappeler à tout le monde qui est le patron.
Le 6 juillet dernier, pour son anniversaire, 50 se voyait offrir un cadeau assez spécial de la part de son confrère T.I., l’influent rappeur d’Atlanta. Ce dernier lui proposait de l’affronter dans un Verzuz, une émission de battles de stars du rap diffusée en Insta Live et sur Apple Music. T.I. l’a alors taquiné en lui rappelant que la dernière fois qu’il avait été provoqué en duel, Kanye West lui avait « botté le cul » en 2007. Il n’en a pas fallu davantage pour réveiller le troll des cavernes.
50 Cent a alors ressorti un dossier brûlant sur T.I. : une pub dans laquelle il appelle à collaborer avec la police. Il y a douze ans en 2008, 50 taclait déjà T.I. dans le morceau du G-Unit « You So Tough », sur lequel il affirmait que T.I. était un informateur de la police : « C’est quoi ces maths, ça ne colle pas. Tu te fais choper avec dix fusils mitrailleurs, tu ne prends que 12 mois. Ne me parle pas, (…) tu LEUR parles », rappait-il alors en référence à l’affaire dans laquelle T.I. était impliqué. Un peu rancunier, il n’a pas hésité à ressortir la vidéo-dossier que T.I. avait dû filmer dans le cadre de sa liberté conditionnelle.
La passion du troll
50 Cent semble prendre un pied immense à se moquer de tout ce beau monde sans se soucier des conséquences. Après tout, comme il l’a dit un jour sur Twitter : « Je suis riche maintenant, vous allez faire quoi ? » accompagné d’une photo de lui en train de se faire masser les pieds par sa dentiste. Sa passion est telle qu’il n’hésite pas à investir du temps et de l’argent pour railler ses concurrents. En 2009, il réalisait une vidéo dans laquelle il démontre toute l’étendue de son talent d’acteur comique. On l’y voit au bord des larmes, le crâne bandé, à la sortie des urgences.
Il sanglote car il vient d’écouter le nouvel album de son rival Fat Joe. Face caméra, submergé par l’émotion, il explique que sa musique lui a provoqué une « intoxication auditive » et implore les gens de ne pas écouter ses morceaux, au risque d’en mourir. Si la production de cette vidéo a dû lui prendre plus de temps que d’argent, certains de ses trolls lui ont coûté très cher, et cela n’a pas l’air de le déranger. En 2009, il est sanctionné pour avoir publié une sextape de Lastonia Leviston, une amie de Rick Ross, son pire ennemi. Poursuivi en justice, 50 a dû payer cinq millions de dollars cinq ans plus tard.
En novembre 2019, il avait été temporairement banni d’Instagram à cause de ses clashs… ça ne vous rappelle personne ? À l’image de Booba, 50 Cent est une icône qui a (presque) fait son temps et qui profite de son statut pour s’amuser sur les réseaux et entretenir la flamme. Et sa fanbase composée de 26 millions de personnes sur Instagram en redemande. Certains lui sont même un peu trop fidèles.
En mai dernier, un groupe de fans australiens est parti tabasser un street-artist nommé Lushsux qui, depuis quelques temps, trollait 50 avec des fresques murales en insérant son visage sur celui d’autres personnalités. Lushsux a été agressé physiquement et envoyé à l’hôpital, alors que le rappeur appelait sur Instagram à ce que quelqu’un lui « botte le cul ». Lushsux a depuis changé de cible dans ses portraits.
Mais les trolls de 50 Cent ne sont assurément pas gratuits, car si son temps est révolu dans le rap, Curtis Jackson est devenu un businessman accompli, doublé d’un acteur-producteur très sérieux. Partenaire d’Effen Vodka, il a empoché la somme rondelette de 60 millions de dollars en vendant ses parts dans l’entreprise en 2017. Et en 2014, il lançait sa série Power, qui s’est achevée en février dernier. Enfin, depuis avril 2018, il a un partenariat avec le cognac Branson, une marque de cognac non-commercialisée en France avec qui il a lancé Le Chemin Du Roi, une marque d’alcool dont il fait la promotion à chacun de ses posts avec le hashtag #lecheminduroi.
Et c’est sans compter la fortune qu’il a amassée à la revente de Vitamin Water, une boisson énergisante rachetée par Coca-Cola dont il était partenaire : il en aurait tiré entre 60 et 100 millions de dollars, selon les observateurs. Son statut d’icône intouchable et indétrônable lui laisse ainsi toute la latitude pour troller ses rivaux sans retenir les coups sur les réseaux. Car plus qu’une passion, c’est une image de marque.
Couverture : le rire de 50 Cent.