Un « monde ignoré » vit sur les rives du Maici, au fin fond de la forêt amazonienne. Ou plutôt, survit. Dans un ouvrage dont la version française a paru en 2010, le linguiste américain Daniel Leonard Everett s’intéresse au sort des Pirahãs, un petit peuple brésilien en déclin. Leur nombre n’a cessé de se réduire depuis qu’il s’y est rendu pour la première fois avec sa famille, à la fin des années 1970. Ces Indiens sont aujourd’hui quelques centaines. Devenu adulte, son fils, Caleb, s’est rendu compte qu’ils n’avaient pas de mot pour dénombrer les choses. Tout au plus pouvaient-ils compter deux ou trois items. Mais quand l’anthropologue leur demandait de composer des piles de quatre, ils se trompaient. Le livre qui regroupe ces observations, Numbers and the making of us, vient de paraître aux États-Unis. « Les concepts mathématiques ne sont pas inhérents à l’être humain », y professe-t-il. « Ils sont appris, acquis à travers la transmission culturelle et linguistique. Et s’ils sont appris plutôt que génétiquement hérités, cela signifie qu’ils ne composent pas le disque dur de l’humain mais son logiciel. » Dit autrement, la difficulté des Pirahãs n’a rien de génétique, elle nous est même assez familière. Bien entendu, la nature n’est pas abstraite, elle recèle des éléments. Inventer les nombres nous a seulement permis d’accéder à ceux-ci avec une certaine précision. « Sans eux, nous avons du mal à distinguer sept et huit ; avec eux, nous sommes capable d’envoyer quelqu’un sur la Lune », ajoute Caleb Everett dans une interview accordée au magazine Smithsonian. Mais aussi d’inventer les machines qui ravagent l’Amazonie… Source : Smithsonian