Cette année, le Mobile World Congress (MWC) de Barcelone se déroule principalement en périphérie de la ville, dans le parc des expositions moderne de Fira Gran Via. D’une superficie totale de 240 000 mètres carrés, il comprend huit pavillons reliés entre eux par le haut et par le bas, tel que l’a imaginé le célèbre architecte japonais Toyo Ito. Tout au fond du dernier pavillon, rebaptisé 8.0 pour l’occasion, un espace hexagonal regroupe des chercheurs et entrepreneurs qui travaillent tous avec le même matériau : le graphène – dont les atomes de carbone organisés en nids d’abeilles ont inspiré le stand. Si ce nom vous est lointainement familier, c’est parce que c’est de son empilement que naît le graphite, qui sert notamment à fabriquer les crayons. « Son extraction est très récente », explique Flavia Tomarchio, du centre de recherche sur le graphène de l’université de Cambridge. La découverte du procédé qui le permet en 2004, par le chercheur de l’université de Manchester Andre Geim, lui a valu le prix Nobel de physique en 2010. Presque sept ans plus tard, de nombreuses industries y voient la promesse d’un avenir meilleur. Prenez Thales, par exemple. Le groupe français versé dans l’électronique de pointe pour l’aéronautique, la défense et les transports, mise gros sur le matériau. « On détient cinq brevets autour du graphène », explique Paolo Bondavalli, directeur de l’équipe de recherche sur les nanomatériaux de Thales, en collaboration avec le CNRS. Thales l’utilise notamment pour équiper les avions de supercondensateurs (« supercaps », dans le jargon du chercheur) capables de libérer une énergie énorme en une fraction de seconde. Ils peuvent ainsi ouvrir les portes de l’appareil en cas d’urgence mieux qu’aucun autre système. « Mais notre business model consiste aussi à vendre ces licences aux entrepreneurs intéressés par la technologie », poursuit le Dr. Bondavalli. Il évoque par exemple le domaine des chargeurs de batteries mobiles : un accessoire basé sur un supercondensateur au graphène mettrait entre 7 et 20 secondes pour recharger votre smartphone pour une durée de deux heures. Une perspective qui laisse rêveur. C’est que le graphène présente de nombreuses qualités : c’est un matériau ultra-fin, très résistant et capable de prouesses en matière de conductions électrique et thermique. Il présente aussi l’avantage indéniable de ne pas dégager d’émissions toxiques et d’être entièrement recyclable. Crédits : MOMO Design C’est pour toutes ces raisons que l’Istituto Italiano di Tecnologia (IIT) s’intéresse lui aussi de près au sujet. L’institut de recherche technologique italien expose au MWC 2017 plusieurs collaborations autour du graphène, qui donnent une idée des possibilités d’utilisation extrêmement diverses du matériau. La première est un casque de moto réalisé en partenariat avec MOMO, un des emblèmes du design milanais. De conception traditionnelle, sa surface a néanmoins été pulvérisée avec une couche d’encre de graphène (une forme communément utilisée). Résultat, il est 15 % plus résistant que les autres casques de la marque et plus agréable d’usage, car dissipant plus efficacement la chaleur à la surface. L’ITT a également élaboré une main robotisée destinée aux personnes souffrant de membres amputés. Des capteurs à base de graphène remplacent les électrodes habituelles de ce genre de prothèses. Les patients, gênés voire endoloris par les électrodes, sont ainsi libérés de toute sensation parasite. Le matériau retranscrit pourtant fidèlement les mouvements désirés par le porteur de la prothèse dans les doigts robotiques. Ce n’est là qu’un aperçu des possibilités qu’offre le graphène, et la majorité des objets présentés au MWC sont encore des prototypes ou des projets de recherche. Mais tous ces chercheurs imaginent que le matériau pourrait à terme remplacer les circuits imprimés de nos accessoires électroniques ou les terres rares utilisés jusque dans les véhicules électriques et hybrides. La planète ne dirait pas non, et les possesseurs d’un smartphone non plus. Un concept car construit en graphène — Crédits : Nicolas Prouillac/Ulyces.co