Crédits : Morgan Library and Museum La tragédie shakespearienne qui suit à une importance considérable dans cette histoire. L’impératrice Kōken a occupé le trône de l’Empire du Japon deux fois, la deuxième sous le nom de Shōtoku. Elle a vécu au VIIIe de notre ère et sa vie a pour le moins été mouvementée. Elle a régné la première fois de 749 à 758, avant d’abdiquer parce qu’elle est tombée en dépression. Comme quoi le mal ne date pas d’hier. À la mort de sa mère en 761, un moine bouddhiste nommé Dōkyō a été appelé à la cour pour lui remonter le moral. Le moine l’a tellement rassérénée qu’elle l’a nommé aux plus hauts postes du gouvernement malgré son inexpérience politique. Ça n’a pas plu à son cousin Fujiwara no Nakamaro, qu’elle a alors fait assassiner avant de remonter sur le trône, pour régner de nouveau de 764 à 770. On pourrait croire qu’elle allait mieux, mais elle n’était pas encore au top. Car déjà à l’époque, tuer son cousin était très mal vu, et son crime la torturait. Dōkyō lui a alors suggéré de copier un texte rituel bouddhiste, le dhāranī, un million de fois pour recevoir l’absolution. Shōtoku a alors ordonné ce qu’on imaginait impossible à l’époque : l’impression d’un million de copies du dhāranī. Une fois réalisées, les copies seraient envoyées dans les dix plus grands temples bouddhistes du Japon, pour alléger le poids spirituel de son crime. Apparemment, elle n’avait pas à faire le taf elle-même pour être pardonnée.

Pour le curateur du Morgan Library & Museum de New York, où certaines copies sont conservées aujourd’hui, ce nombre effarant d’un million de parchemins était inégalé à l’époque. Il a servi à démontrer la puissance de l’impératrice. Et ce ne sont pas des scribes qui ont gratté du papier à la chaîne pour les produire : les Japonais qui ont exécuté la tâche ont utilisé une technique qui préfigurait l’imprimerie moderne que Johannes Gutenberg n’inventerait qu’au milieu du XVe siècle. Il semblerait d’ailleurs que l’art de l’imprimerie asiatique ait pu inspirer l’inventeur, d’après une enquête du Gutenberg Museum. Contrairement à lui néanmoins, les Japonais ont utilisé la technique de la gravure sur bois. Le morceau gravé était alors rempli d’encre et servait pour produire une grande quantité du même parchemin. Une technique qui en fait assurément des précurseurs de génie. Tout ça pour que l’impératrice puisse dormir tranquille la nuit. Crédits : National Diet Library Sources : Cambridge Digital Library/Morgan Library and Museum