Crédits : ENOUGH Project Personne n’ignore que les éléphants sont chassés pour leurs défenses et que le braconnage présente une grande menace pour eux. Ces défenses leur sont indispensables pour se nourrir, cueillir des fruits dans les arbres, creuser le sol pour atteindre des racines ou de l’eau. Pour les mâles, elles constituent également des armes en cas de duels , dans les périodes de chaleurs. Malheureusement, l’activité braconnière ne cesse de s’intensifier et devient de plus en plus violente. D’après l’Union internationale pour la conservation de la nature, depuis 2007 et l’accroissement du trafic international d’ivoire, le nombre d’éléphants en Afrique a chuté de 100 000 individus. Depuis 2010, la moitié des éléphants surveillés par le programme international de surveillance des espèces ont été tués illégalement. Les conséquences de ces données alarmantes sur les populations semblent bien plus importantes que ce qu’on imagine. Des scientifiques ont observé qu’au sein des populations d’éléphants ayant été soumises à un braconnage massif, le nombre d’individus naissant ou grandissant sans défenses (ou avec des défenses anormalement petites) grimpe en flèche. Même les populations qui n’auraient pas été récemment soumises au braconnage seraient concernées. Pour le moment, il est encore difficile d’affirmer que ce phénomène évolutif est une conséquence directe de la menace qu’exerce la chasse illégale. Mais cette hypothèse reste la plus plausible. Pour résoudre cette problématique, deux méthodes s’offrent aux scientifiques : l’observation attentive de l’apparence des animaux et l’étude de leur ADN. David Coltman, généticien de l’évolution à l’université d’Alberta, au Canada, explique que ces deux aspects du problème sont totalement imbriqués. Il en ressort que tous les mâles sont concernés par une diminution ou une disparition de leurs défenses. Chez les femelles, en revanche, les données peuvent varier considérablement d’une population à l’autre. La co-fondatrice de l’ONG Elephant Voices, Joyce Poole, explique que la menace qui pèse sur l’espèce ne la pousse pas forcément à évoluer. Selon elle, la diminution du nombre d’éléphants avec de grandes défenses s’explique plutôt par le fait qu’ils sont une cible privilégiée des braconniers. Les éléphants avec de plus petites défenses seraient moins chassés et donc plus représentés puisqu’ils ont plus tendance à se reproduire. Cela expliquerait leur sur-représentation. Cette théorie est remise en cause, notamment par Atle Mysterud, écologiste de l’université d’Oslo, en Norvège. « Personne ne peut douter du fait que nous avons une très forte pression sélective au sein de l’espèce. Au bout d’un moment, elle déclenchera forcément une évolution. Ce n’est qu’un problème de temporalité », affirme-t-elle. Le seul moyen de trancher ce différend serait de s’atteler à une observation accrue de chaque génome dans une population d’éléphants, ce qui représente un travail colossal. Les scientifiques n’ont pas encore réussi à identifier le gène qui détermine la taille des défenses. Des observations montrent déjà que les mâles dépourvus de défenses (ou aux défenses anormalement petites) sont plus agressifs que les autres et peuvent présenter des troubles psychologiques liés au stress. Sources : Popular Science