D’un côté, il y avait la Supreme Team, un gang de dealers du Queens fondé dans les années 1980 par Kenneth « Supreme » McGriff. Ils opéraient à Jamaica, un quartier défavorisé de l’arrondissement new-yorkais. À la fin des années 1990, Supreme – ou « Preme » comme on l’appelait parfois – voulait continuer à aller de l’avant après le délitement de son gang. Il se sentait investi d’une mission et continuer à vivre en gangster faisait partie de sa nature. De l’autre, il y avait Murder Inc. Records, un label fondé en 1997 par les frères Irv et Chris Gotti, qui voulaient eux aussi jouer aux gangsters. Mais tandis que pour Preme, la définition de « gangster » rimait avec trafic et macchabées, celle de Murder Inc. n’avait trait qu’au hip-hop et à des embrouilles dans lesquelles ils prenaient des postures de gros méchants pour régler leurs différends. Au centre, un petit rappeur gangsta peu connu à l’époque est devenu la cible de Murder Inc. et de Preme. Il se faisait appeler 50 Cent. Curtis Jackson, qui vivait avec ses grands-parents dans le Queens, a adopté le surnom de 50 Cent en référence à jeune criminel à la Billy the Kid, tout droit sorti des cités de Fort Green, à Brooklyn, et dont le nom de baptême étaitKelvin Martin. Il s’était forgé une réputation de braqueur de rappeurs et il est mort à l’âge de 22 ans, abattu dans la cité. « J’ai pris le nom de 50 Cent car ça dit tout ce que j’ai envie de dire », explique 50. « Je suis le même genre de type que ce 50 Cent. Je subviens à mes besoins par n’importe quel moyen. » Il est apparu sur les radars en 1999 avec le morceau « How to Rob » ou, comme on l’appelait dans la rue, How to Rob an Industry Nigga (« comment braquer un mec de l’industrie »). Avec son premier single, 50 avait créé le morceau à beef ultime : il s’en prenait dans les lyrics à tous les rappeurs en vogue à l’époque, décrivant la façon dont il dépouillerait violemment tous les grands noms du hip-hop. « How to Rob » a instantanément rendu célèbre 50 Cent dans le milieu. Et il a aussi fait de lui une cible. Mais 50 utilisait le beef pour faire avancer sa carrière, et les membres de Murder Inc. ont été les premiers à mordre à l’hameçon. « Je crois que ça a commencé avec un clip que je tournais sur Jamaica Avenue », se souvient Ja Rule. « On vient tous du même quartier. Je pense que quand il a vu à quel point les gens du quartier l’adoraient, il n’a pas apprécié le fait qu’ils m’aimaient aussi. » D’après l’associé de Supreme, Chaz « Slim » Williams, la vendetta de 50 vient d’une fois où Ja Rule lui a mis un vent. 50 s’est senti insulté et il a fait de Murder Inc. son ennemi juré. Qu’il s’agisse d’une véritable animosité ou d’opportunisme – un beef avec le label pourrait l’aider à se faire un nom –, 50 criait sa rancœur sur tous les toits. Mais pour lui visiblement, les choses étaient plus sérieuses que ça. « Il tournait un clip sur Jamaica Avenue et toute la clique était là. Ja a commencé à ouvrir sa bouche sur moi et à dire aux gens que je ne savais pas rapper. Il essayait de saboter ma fan base », raconte 50. Seth Ferranti Lisez le récit de la tentative d’assassinat de 50 Cent raconté par l’ensemble des protagonistes.