Pouvez-vous nous raconter comment vous avez conçu Nonvella ? Cela venait en partie d’une frustration. J’écrivais des textes de non fiction en journaliste indépendant depuis une dizaine d’années et j’aimais beaucoup lire et écrire ce que l’on nomme des nonvellas : des textes de 5 000 à 20 000 mots, non fictionnels. Mais il n’y avait aucun endroit pour les vendre. Le nombre de magazines papier qui acceptent les textes long format a chuté ces dix dernières années, en même temps que le tarif de la pige. La goutte qui a fait déborder le vase, c’est mon travail sur une proposition de livre, initiée en 2011, à propos de l’apocalypse comme obsession culturelle. Une sorte de mélange étrange entre mes recherches, mon expérience personnelle et mes voyages. Je l’ai abandonné quand je me suis aperçu que ce serait particulièrement ennuyeux si je devais m’étendre pour en faire un livre traditionnel de 50 000 mots. Quand j’ai fermé cette porte, une nouvelle s’est ouverte devant moi : j’ai entendu parler de The Atavist et de Byliner et j’ai senti qu’il y avait un espoir pour les textes qui sortaient des canons traditionnels et qui pouvaient se suffire de trois chapitres ou de 15 000 mots. Pourquoi avez-vous choisi d’être à la fois au format papier et au format numérique ? Nous adorons les livres et nous aimons vraiment ce format. Voilà pourquoi nous voulions offrir aux lecteurs des livres de qualité. Le numérique, bien entendu, est moins cher, immédiatement gratifiant grâce aux téléchargements et très simple à emporter pour les gens qui lisent et voyagent beaucoup. C’est pour cela que nous voulions tester les deux formats, et apprendre des deux tentatives. Comment pourriez-vous résumer votre ligne éditoriale ? « De la substance, avec du style », ce serait une  bonne manière de nous décrire. En tant qu’auteurs, nous sommes passionnés par les textes de non fiction qui retournent l’esprit, ceux que vous pouvez lire dans les grands magazines comme le New Yorker, Granta ou Orion. Granta, en particulier, a été une source d’inspiration. Comme eux, nous voulons publier des textes de non fiction qui sont intégrés dans le présent mais qui acquièrent une longévité, une pérennité, grâce à leur style — une grandeur d’âme et un poids expérimental. Nous voulons des histoires qui ne sont pas trop journalistiquement étroites, au sens où nous ne souhaitons pas nous aventurer sur les tentatives de neutralité. Généralement, nous préférons les histoires dans lesquelles le sujet compte pour l’auteur et dans lesquelles il est parfaitement au fait de ce qui se passe. Et évidemment, celles où il peut ajouter quelques touches de personnalité et de ton. – Tyee Bridge, éditeur et fondateur de Nonvella.  Entrevue réalisée par Arthur Scheuer.