Electric Feel
Un samedi soir à Los Angeles. Il est 23 h 30 quand j’arrive devant cet immeuble de bureaux terne, sur Sunset Boulevard. Un agent de sécurité me conduit depuis le hall d’entrée jusqu’à une porte fermée à clé. En entendant les mots magiques « Mike Will », un homme ouvre la porte et m’adresse un grand sourire. Il se présente comme le directeur du studio Electric Feel et me conduit au bout du couloir. Dans la salle principale du studio, la console se trouve dans une cabine où deux producteurs peuvent travailler côte à côte. Tout autour s’étend un open space où les gens se détendent. Un long couloir mène à une cour intérieure – on est supposé sortir pour fumer, mais personne ne respecte la règle. Il y a aussi une grande salle de réunion aux parois vitrées. C’est là que je trouve Mike Will – Mike WiLL Made-It de son nom de beatmaker et Michael Len Williams II de son vrai nom –, au beau milieu d’une réunion de travail.
Mike Will a 27 ans. Il est le fondateur et CEO de Ear Drummer Records, qui est à la fois un label et une maison de production. Il a signé des morceaux pour Kelly Rowland, Miley Cyrus, Jay Z, Kanye West, Rihanna et Beyoncé (Mike a coproduit « Formation », la chanson que Beyoncé a interprété au Super Bowl en février dernier). Les réunions de Mike sont toutes en fluidité. Il y a en constance une douzaine de « créateurs » ou plus qui vont et viennent : ses co-producteurs (Mike en a huit dans son équipe), des artistes, des managers et des types… qui sont là. Tout ce monde contribue à l’ambiance qui fait l’essence des créations de Mike Will. Ce moment où, tard dans la nuit, après avoir entendu le morceau des centaines de fois, Mike a soudain une idée lumineuse et où tout s’agence comme il veut. « Il comprend le morceau, il comprend l’artiste et il comprend l’idée », explique Jimmy Iovine, qui a démarré comme producteur avant de prendre la tête d’Apple Music. « Chaque artiste, chaque morceau incarne une idée, et le travail du producteur est de saisir cette idée. » À une époque où une bonne partie de la production musicale a des allures de chaîne de montage, Mike parie sur la chance, la spontanéité et la dynamique de groupe. Lors de ses réunions, l’improvisation et la déconne favorisent le hasard et la créativité. Il ressemble un peu à un obsédé du contrôle qui comprendrait que le contrôle n’a aucun rôle à jouer dans ce processus. Deux types en sweat à capuche de chez 300 Entertainment, le label indé slash agence artistique de Lyor Cohen, discutent avec lui de la possibilité de sortir un album de Joseph Antney. C’est un artiste originaire du Queens qui a été signé chez Ear Drummer Records sous le nom de Yung Joey. Antney est là mais il ne dit pas grand-chose. Il garde la paume de sa main suspendue à un centimètre de ses abdos nus et couverts de tatouages, la laissant de temps à autre tomber sur la peau avant de la redécoller.
Assis devant son ordinateur portable, Mike passe une série de morceaux d’Antney à des degrés d’avancement variés. Certains ont une batterie et une instrumentation, d’autres sont simplement des boucles sur lesquelles Antney pose des lyrics provocants. Mike est grand et large d’épaules. Il a le front bombé et de petits yeux qui lui donnent souvent l’air endormi. Sa barbe est taillée courte et il a tendance à marmonner lorsqu’il parle. Il porte son attirail habituel : t-shirt blanc, pantalon de survête, running New Balance, chaîne en or, montre de luxe et un diamant à chaque oreille. « Pour moi c’est un mélange entre Nelly, LL Cool J et Fiddy », dit Mike Will, faisant référence à deux artistes considérés comme des bêtes de scène et à celui qu’on connaît sous le nom de 50 Cent. « Il a ce truc mélodique, mais je pense que son atout est surtout le rythme. » Mike parle de la nécessité pour un artiste comme Antney de parvenir à une « séparation ». Il veut dire par là qu’il faut qu’il se distingue des autres rappeurs. « J’attends d’un artiste qu’il débarque comme Superman » – c’est-à-dire qu’il tombe du ciel – « avec une putain d’attitude et de la musique qui défonce. » Il n’est pas impressionné par ses 20 millions d’abonnés Twitter, car « ce sont 20 millions de personnes qui te connaissaient avant que tu ne sois ce que tu es aujourd’hui ». (Mike tente actuellement de transformer Yung Joey en X.A.N., Xpensive Ass Nigga.) Antney grogne en signe d’assentiment. Il a l’air prêt à sauter le pas. « Je suis en train de passer à la prochaine étape avec lui », poursuit Mike. « Justement, c’est quoi la prochaine étape ? »
« Je crois qu’il faut qu’on sorte un single ensemble », dit un des types en sweat à capuche. « Ce soir, si possible. » Cette nuit-là, Antney était supposé prendre un avion pour retourner sur la côte Est, le décaler risque de coûter cher. Mike étudie les deux hommes en silence. « Allez, on fait ça ? » dit l’un d’eux. « OK. D’abord, je vais poser une batterie », dit Mike. Il se lève et traverse le couloir jusqu’à la salle principale, Antney sur ses pas.
Beatmaking
La personnalité d’un producteur de hip-hop s’exprime souvent au travers de la batterie, d’où l’expression « beatmaker ». Les beats de Mike Will ont un son marécageux qu’il tire de ses années d’apprentissage, lorsqu’il s’entraînait dans la cave de la maison de ses parents à Marietta, en banlieue d’Atlanta. Big Sean, qui a collaboré avec Mike sur plusieurs albums, est catégorique : « Ses beats sonnent différents. Ils sont un peu boueux, ils frappent fort. C’est rare. Si vous faites attention aux textures, on voit le temps qu’il a passé pour obtenir le son parfait, c’est un truc qu’il faut capter. » Dans le morceau de Big Sean « Paradise », présent sur Ransom, la mixtape que Mike Will a sorti en 2014, le flow agile et syncopé du rappeur glisse sur un beat lourd comme un glaçage sur un gâteau au chocolat.
Dans les morceaux de hip-hop, la batterie est la plupart du temps créée électroniquement, sur ordinateur. Dans ses morceaux, Mike WiLL Made-It mélange différents sons de batterie combinés à des percussions pour créer une base sonore qui enfle jusqu’à ce que tous les éléments s’unissent pour le climax. Ses beats – les pistes rythmiques et musicales qui sont la base de la plupart des morceaux de rap – incorporent également des éléments mélodiques obtenus à partir de claviers et de bois synthétiques, qui donnent un sentiment d’amplitude à l’ensemble. La plupart des morceaux de rap commencent par les beats : c’est sur eux que les rappeurs écrivent leurs lyrics. Certaines icônes du rap ont par ailleurs commencé par le beatmaking, à l’instar de Dr. Dre et Kanye West. Pas mal de gens peuvent faire des beats, mais seuls quelques élus deviennent de grands producteurs. Les productions de Mike se sont pas instantanément reconnaissables, comme le sont par exemple celles de Timbaland. « Vous pouvez vous enfermer en studio avec Mike pendant cinq jours sans qu’il vous passe deux fois le même beat », dit Miley Cyrus, qui a travaillé avec Mike Will sur son album de 2013, Bangerz. « Il a une base de données incroyable de tout ce qu’il a créé. » Dans la salle principale, deux beatmakers venus pour une session, Louis Bell et Roofeeo (né Jahphet Landis et batteur de TV on the Radio), sont assis derrière la console. Mike se tient debout à côté d’eux, supervisant le processus alors qu’ils doivent caler une batterie sur le morceau d’Antney. Ils commencent avec une caisse claire et une grosse caisse. Les beatmakers passent en revue les samples de différentes base de données. J’ai du mal à les distinguer les uns des autres, mais Mike Will sait immédiatement quel est le bon quand il l’entend. « Il ne doute jamais de son oreille », m’avait prévenu Miley Cyrus. Une demi-heure plus tard, ils ont trouvé les sons de batterie de base et commencent à travailler sur l’instrumentation. « Je veux que ce soit super rythmé », dit Mike. « Rythmé et pop. Ça peut sonner comme… c’est quoi ce morceau déjà ? » Il fredonne un bout de mélodie et, d’une voix de fausset, chante : « Oh, baby… »
Atlanta offre des avantages significatifs à un talent précoce comme Mike.
« Exactement », répond Bell, qui reconnaît ce tube de la fin des années 1980, « Just a Friend ». « Une vibe à la Biz Markie. » Roofeeo improvise sur un clavier, enchaînant des bouts de mélodies aériennes. Ces accords lugubres, qui ne dépareraient pas sur la bande-originale d’un thriller psychologique, sont une autre marque de fabrique de Mike WiLL Made-It. « Ça sonne bien », dit Mike. « Continue à travailler ça. » « Faudrait que j’écrive un autre couplet », dit Antney, qui prend un carnet et un stylo. « C’est pour ton album ? » demande Roofeeo. « Ouais. » Antney affiche un air intense, le beat semble le mettre en transe. « C’est mortel, mec. » Pendant ce temps dans la salle de réunion, un jeune co-producteur de Ear Drummer du nom de Shod fait écouter un nouveau beat de sa composition sur son ordinateur portable. Shod, 19 ans, est un des nombreux cousins de Mike éparpillés aux quatre coins du pays. Il vit à Inglewood, en Californie. Quand Mike a entendu que Shod commençait à s’attirer des ennuis, il l’a fait s’essayer au beatmaking. Mike convoque Antney dans la salle de réunion et tous les deux improvisent des mélodies sur leurs téléphones, qu’ils enregistrent au moyen d’une application appelée VoiceNote. Ils s’y consacrent pendant une dizaine de minutes, jusqu’à avoir deux ou trois idées de mélodies différentes. Ils les envoient par message à Shod pour qu’il travaille dessus. Mike est ravi du résultat. « Putain, Shod ! » s’exclame-t-il en attrapant l’adolescent par les épaules et en le secouant avec affection. Shod ne sourit pas, mais il est évident qu’il est fier. Il se remet au travail sans un mot.
The A
Mike Will est né à Atlanta en 1989, l’année où Antonio (L.A.) Reid et Kenneth (Babyface) Edmonds ont fondé LaFace Records, le label qui a fait de la ville un incontournable de la musique américaine. Il a lancé la carrière d’une première génération de stars comme TLC, Toni Braxton, OutKast, Usher et Goodie Mob. Le jeune Mike et le milieu musical dans lequel il évolue ont grandi ensemble. « The A », comme ses habitants appellent Atlanta, offre des avantages significatifs à un talent précoce comme Mike : un éventail d’artistes locaux talentueux avec lesquels travailler, de nombreux studios d’enregistrement et des producteurs accomplis pour servir de mentors. Sans compter qu’Atlanta constitue un environnement protecteur pour les musiciens en herbe, loin des pressions de New York et Los Angeles. Si les deux pôles de l’histoire du hip-hop sont New York et L.A., Atlanta possède un style propre, qui a évolué au fil des ans du Dirty South au crunk.
Ces dernières années, la « trap » est devenue le terme générique pour désigner le son d’Atlanta, qu’on entend sur les albums d’artistes aussi variés que Gucci Mane, Young Jeezy, Waka Flocka Flame, 2 Chainz, T.I. et Future. Ce son – des beats sales et menaçants sur lesquels planent une instrumentation psyché faite de couches de synthétiseurs – s’inspire d’un style plus ancien façonné par le groupe Three 6 Mafia et le beatmaker Lil Jimmy, et par le travail incessant de beatmakers influents du sud des États-Unis comme Lex Luger et Shawty Redd. L’imagerie du genre et les personnages qu’incarnent les rappeurs sont tirés la plupart du temps de l’univers du trafic de drogue. Les trap houses – appelées ainsi car ces maisons ne comportent qu’une seule entrée/sortie [trap signifie « piège » en anglais] – sont l’endroit où sont préparés, vendus et parfois consommés le crack et le purple drank (une concoction à base de codéine aussi connue sous le nom de lean ou sizzurp). Les rappeurs trap ont un flow lent (défoncé au lean) caractéristique des rappeurs d’Atlanta. Initié par Gucci Mane, il est aujourd’hui adopté par des artistes qui ne sont même pas originaires du A comme Fetty Wap (Paterson, New Jersey) et Desiigner (Brooklyn). La musique est provocante, comme le rock en son temps, avec une rythmique, des sons et des paroles qui rendraient fous n’importe quel parent. Les parents de Mike, Mike L et Shirley, ont débuté leur vie de jeunes mariés à Cleveland. Mike L – Michael L. Williams I – faisait partie d’une fratrie de quinze enfants. Il a augmenté ses chances de s’en sortir en étudiant les réseaux informatiques lors de son passage chez les marines, dans les années 1970. Il a par la suite décroché un job pour s’occuper de l’entretien de produits IBM – « Je m’occupais de tout, des unités centrales aux machines à écrire » – et il a fini comme chef de projet pour informatiser toutes les réservations des hôtels Holiday Inn et Hilton dans le monde. Son travail chez IBM l’a amené à emménager à Atlanta en 1985. Quand il est arrivé là-bas, Mike L était choqué de voir à quel point les habitants noirs de la ville baissaient la tête devant les Blancs, sans oser les regarder dans les yeux. À Cleveland, où il avait été disc jockey dans des clubs de rhythm and blues, il n’avait jamais vu une chose pareille.
En 1986, Williams a installé sa famille – sa femme et ses deux filles, à l’époque – dans une communauté du nom de Highland Trace, dans la banlieue de Marietta. Michael, qui est né quatre ans plus tard, a grandi dans un pavillon modeste, doté d’une allée et d’un petit jardin. Mike L et Shirley se sont séparés quand Michael était à l’école primaire, mais son père est resté dans les environs et a joué un rôle majeur dans la vie de son fils. Il a tenu à ce que Michael fasse toutes sortes de sports : du baseball, du football américain et du basketball – sa passion jusqu’à ce qu’il se déchire le ménisque. Michael était le seul homme de la maison. Shirley travaillait pour une société de prêts hypothécaires et le week-end, elle faisait partie des choristes de la chanteuse gospel Dottie Peoples. Ses filles, Chonté et Monique, ont respectivement onze et six ans de plus que Michael. (Ils ont laissé du temps entre chaque enfant pour ne pas devoir payer leurs frais de scolarité au même moment.) Chonté, aujourd’hui chef d’entreprise, adorait NWA et Tupac ; Monique, responsable d’une agence bancaire, préférait Whitney Houston et Toni Braxton. La musique de Mike est une synthèse du goût de ses sœurs.
Michael jouait avec le clavier Casio MT-520 de Monique, qu’elle avait hérité de Chonté. Certaines touches ne marchaient plus et il manquait le couvercle de la batterie, mais « c’était le seul truc qui faisait du son dans la baraque », raconte Mike. « J’avais l’habitude d’écouter des morceaux de variété à la radio et de les jouer à l’oreille sur ce petit clavier. » Il appelait ça faire du ear drumming.
En 2003, alors qu’il avait 14 ans, Mike est entré dans un magasin de musique d’Atlanta qui n’existe plus aujourd’hui, Mars Music. « J’ai demandé : “Comment ça marche une boîte à rythme ?” Le vendeur m’a montré. » Une heure plus tard, il lui a dit : « Mec, c’est ton premier beat ? Vraiment ? Putain, il faut vraiment que tu t’y mettes. » « En rentrant, j’ai dit à mon père : “P’pa, je vais me mettre à faire des beats” », dit Mike. « Il a répondu : “C’est quoi des beats ?” » « Quand on était gamins, il y avait des musiciens », lui a répondu son père. « Ils jouaient de la batterie. Donc quand tu parles de “faire des beats”, tu veux dire quoi ? » Mike a assuré son père qu’il y avait de l’argent à se faire avec ça et il l’a convaincu de lui offrir un synthétiseur numérique Korg Electribe EM-1 pour Noël. Il a ensuite appris la programmation musicale tout seul. La machine était livrée avec un petit logiciel qui sonnait comme une boîte à rythmes Roland TR-808 – le son à la source du Dirty South. Devant le supermarché où il faisait de la mise en rayon après les cours, Mike vendait ses beats pour 100 dollars à des aspirants rappeurs qui voulaient bosser avec lui. Il utilisait l’argent pour s’acheter davantage de matos. « Tout ce que j’avais en tête, c’était de m’améliorer. Je travaillais avec n’importe qui. Je leur disais : “Attends, je te fais trois beats pour 500 dollars et je t’enregistre.” » Il rentrait à la maison après le travail et passait une bonne partie de la nuit à travailler à la cave. « Mike n’aime pas travailler au casque », m’a confié sa mère quand je l’ai rencontrée à Negril Village, un restaurant jamaïcain du centre d’Atlanta. « Il mettait la musique tellement fort que ça faisait trembler le sol ! Je lui demandais juste de baisser un petit peu… J’avais très envie pour lui qu’il y arrive, mais c’était vraiment fort. » Mike L a insisté pour que son fils fasse signer des contrats aux rappeurs qui lui achetaient ses instrus. « Je viens du monde de l’entreprise, donc je lui ai dit qu’il lui fallait des contrats. Mais Michael me disait toujours : “Ça marche pas comme ça, P’pa.” Alors je lui disais d’aller se faire voir. » Mike composait aussi pour son groupe, fay – trois rappeurs + le jeune Michael à la prod. En 2004, ils ont commencé à avoir du succès dans les boîtes locales. (« fay » était l’acronyme de Fuck All Y’All et le groupe a pris le nom de Fuck All Y’All quand ils ont commencé à avoir des fans.) Les autres membres de fay ont fini par « se mettre dans des histoires de merde », comme dit Mike, et ils se sont séparés.
Mike raconte qu’il n’a pas été tenté longtemps par la rue. « Au final, j’ai écouté les conseils des grands qui me disaient : “Mec, t’as du talent, reste loin de ces conneries.” » Parmi ces vieux mentors, il y avait son oncle Roger, le plus jeune frère de son père. Il est mort dans un règlement de comptes quelques temps plus tard. « Ça lui a remis les idées en place », dit Mike L. « On entend tout le temps parler de gens qui se font tuer, mais quand ça arrive à quelqu’un de proche de vous c’est différent. »
En 2006, Mike a rencontré Gucci Mane (Radric Davis de son vrai nom) à Patchwerk, un studio d’Atlanta fondé par Bob Whitfield, qui avait joué avec les Falcons. Mike se souvient qu’une nuit, il a profité du fait que Gucci était dans le coin pour lui passer un CD d’instrus. Gucci l’a recontacté peu de temps après. « Yo ! Le mec avec les beats ! J’ai 1 000 dollars pour toi ! » a dit Gucci. Mike, tout juste 17 ans à l’époque, lui a répondu : « Mes gars vont contacter ton staff, mec. » Ça a fait rire Gucci.
En 2007, ils ont enregistré 20 morceaux ensemble en trois jours. L’un d’eux était particulièrement réussi et a inspiré à Gucci la rime qui donnerait à Mike son nom de beatmaker : « Mike Will made it, Gucci Mane slayed it! » Quand Mike l’a rencontré pour la première fois, Gucci sortait de six mois de prison pour avoir agressé le patron d’un night club. En mai 2005, il avait été accusé du meurtre d’un rappeur dans une autre affaire. Il a reconnu qu’un échange de tirs avait eu lieu après qu’on l’ai attaqué, mais l’affaire a été classée pour manque de preuves. Il a fait d’autres séjours en prison à partir de 2008.
En mai dernier, Gucci Mane a été libéré après avoir passé près de trois ans derrière les barreaux pour possession d’arme à feu. Il est aujourd’hui de retour à Atlanta, où lui et Mike Will travaillent à nouveau ensemble. Si Mike L s’inquiétait de savoir que son fils et Gucci passaient autant de temps ensemble ? « Tout le temps ! » dit-il. « Michael m’a dit qu’il était cool et je lui ai répondu qu’il ne devait pas l’être tant que ça s’il était allé en prison. Il m’a juste répondu : “Il a été mêlé à un truc.” Je lui ai conseillé d’être prudent. »
« Mon fils, tu sauras vraiment que tu as réussi si Ludacris t’appelle. »
C’est avant tout son travail avec Gucci Mane qui a donné une crédibilité à Mike. Il a travaillé par la suite avec tous les grands rappeurs d’Atlanta, dont Future. Son père a insisté pour qu’il continue ses études et Mike a passé deux ans de plus à l’université. « Et un jour, j’ai dit à mon père que Future et 2 Chainz allaient devenir les mecs les plus chauds du rap game et qu’il fallait que je quitte l’école. » « Tu rêves, mon gars », a répondu son père. Six mois plus tard, en avril 2011, il avait son premier hit avec « Tupac Back », de Meek Mill et Rick Ross. Des couplets fatals de Mill et Ross sur un beat aux sonorités hantées de Mike Will. Shirley lui a dit : « Mon fils, tu sauras vraiment que tu as réussi si Ludacris t’appelle. » Ludacris est un rappeur d’Atlanta qui a commencé comme DJ sur Hot 97.5, une radio locale. « Et Ludacris l’a appelé ! » raconte-t-elle. « À ce moment-là, je vous avoue que j’ai pleuré. »
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COMMENT MIKE WILL A CONQUIS LES HAUTES SPHÈRES DE LA MUSIQUE
Traduit de l’anglais par Nicolas Prouillac et Arthur Scheuer d’après l’article « How Mike WiLL Made It », paru dans le New Yorker. Couverture : Mike Will Made-It.