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Obama et les drones
Entre janvier et février cette année, selon le Bureau of Investigative Journalism, le Pakistan a subi une frappe de drone qui a fait cinq morts, le Yémen en a subi quatre et l’Afghanistan plus de cinquante. L’Air Force et la CIA ont également exécuté des missions en Syrie et en Irak, dirigées contre l’État islamique. Obama, avec près de cinq fois plus de frappes de drones sous sa présidence que sous n’importe quelle administration précédente, ne prévoit pas de changer de stratégie. Seul un petit nombre des candidats principaux à l’élection présidentielle semble s’intéresser au fait de réduire leur nombre. L’ancienne secrétaire d’État Hillary Clinton tient les assassinats ciblés pour être l’une des stratégies les plus efficaces en matière de contre-terrorisme. Ted Cruz et Marco Rubio ont exprimé des inquiétudes à l’idée de tuer des citoyens américains, mais leur souci principal semble d’être de perdre l’opportunité avec les drones d’interroger des terroristes présumés. Jeb Bush voulait étendre leur utilisation. Carson aurait voulu déployer des drones armés à la frontière entre le Mexique et les États-Unis. Et Trump, qui comme toujours prend soin de ne pas entrer dans les détails, a seulement promis une campagne massive de bombardements en Syrie et ailleurs. Il n’y a que Bernie Sanders qui a exprimé des doutes à propos du programme. Dans une interview sur ABC, il a reconnu que les frappes de drones présentaient certains avantages stratégiques, avant d’ajouter : « À certaines occasions, ils se sont montrés absolument contre-productifs et ont causé plus de problèmes qu’ils n’en ont résolu. Lorsqu’on tue des innocents, les gens de la région deviennent anti-Américains alors qu’ils ne l’auraient pas été autrement. »
Il faut souligner que les drones ont tué beaucoup plus de combattants que de civils – et sauvé les vies d’un nombre incalculable de soldats américains. À l’automne dernier, Jihadi John, le membre de l’État islamique connu pour avoir décapité des otages dans des vidéos postées sur YouTube, a été tué dans une frappe de drone. Les drones ont également joué un rôle de surveillance majeur dans la découverte de la planque d’Abbottabad où la Team Six des SEAL a abattu Oussama ben Laden au terme d’une traque de longue haleine. Et les chiffes montrent que la CIA évite de plus en plus les victimes collatérales, surtout comparé à des opérations au sol comme Sharp Cutting Strike, la tentative de l’armée pakistanaise de débarrasser le pays du terrorisme qui a finalement conduit au déplacement de plus d’un million de ses concitoyens. « Rappelez-vous que les terroristes que nous pourchassons prennent pour cible des civils, et que le nombre de victimes liées à leurs actes de terrorisme contre les musulmans excèdent de loin toutes les estimations de pertes civiles liées au frappes de drones », a déclaré Obama dans un discours en 2013. « C’est pourquoi ne rien faire n’est pas une option. » Mais la plupart des critiques ne visent pas les drones à proprement parler, elles s’attaquent à la fréquence des attaques et aux nombreuses erreurs commises qui sapent le programme.
Durant la guerre du Vietnam, Wilkerson a passé 1 000 heures à voler à basse altitude dans la canopée dans un petit hélicoptère d’observation. Il a su qu’il avait trouvé quelque chose seulement quand on a commencé à lui tirer dessus à travers les arbres. Voilà à quoi ressemblait la surveillance aérienne avant que les drones ne soient opérationnels. Mais même s’il reconnaît les bénéfices tactiques des aéronefs sans pilote – son propre fils est opérateur de drone –, il voit d’un mauvais œil l’importance qu’ils ont prise en devenant un élément central de la tactique de guerre américaine. « J’ai été particulièrement troublé quand j’ai vu Obama tripler l’usage des drones armés car il était réticent à exposer ses troupes », explique-t-il. « Cela a fait diminuer la conscience dans l’esprit des Américains que nous continuons à tuer des gens. »
Hellfire
En 2007, Bryant et Haas ont tous deux été transférés à la base de l’armée de l’air de Nellis, en périphérie de Las Vegas. Durant l’une des premières missions de Bryant là-bas, un convoi de l’armée qu’il observait sur une route déserte de la campagne irakienne est passé sur un EEI. Bryant a assisté impuissant à la mort de trois Américains, qui se sont vidés de leur sang. « Ça m’a donné envie de tuer », dit-il. « Je me rappelle encore cette fureur. »
Il a eu sa chance quelques semaines plus tard. Sur l’écran, trois insurgés s’apprêtaient à venir renforcer les rangs de soldats talibans, au cours d’une fusillade avec des troupes américaines. Bryant a placé le laser entre les deux hommes de devant et celui de derrière. L’opérateur de capteur n’est pas celui qui lance le missile – c’est le boulot du pilote –, mais le missile ne peut quitter le rail si l’opérateur de capteur ne maintient pas le faisceau laser. Brandon a pressé la détente jusqu’à ce que ses jointures deviennent blanches. Un missile Hellfire franchit le mur du son presque immédiatement après son lancement, et le bang sonique peut être entendu au sol avant l’impact. Bryant a vu l’homme de derrière tenter d’attirer l’attention des deux autres, avant que le missile ne touche sa cible. « L’écran infrarouge est devenu noir à cause de la chaleur de l’explosion », dit Bryant. « Quand ça a refroidi, tout ce qu’il restait des deux hommes de devant était un cratère fumant. Le type à l’arrière était étendu par terre. J’avais fait exploser ses jambes et on pouvait bien voir le sang chaud s’écouler sur la terre froide. Je l’ai regardé se vider de son sang sur la caméra-IR jusqu’à ce que son corps refroidisse et qu’il devienne de la même couleur que le sol sur lequel il était mort. »
C’était la première fois que Bryant tuait, mais il y en aurait d’autres. Un jour, il a tué un petit groupe d’insurgés présumés et leur chameau pendant qu’ils dormaient. Après, il est allé se réfugier dans sa voiture et il a pleuré. Haas n’a eu à tirer qu’une fois, mais il se souvient d’autres membres de son escadron qui effectuaient des tirs problématiques. Il se rappelle avoir regardé la vidéo d’un collègue lançant un missile Hellfire sur un combattant blessé, le tuant alors qu’il se traînait au sol. Un mois durant, on a chargé Lewis de surveiller un homme dont le fils avait été tué dans une frappe de la CIA. « Je n’avais aucune idée de qui c’était », dit Lewis. « Je sais juste qu’il était gros, chauve et qu’il boitait en marchant. » L’homme passait presque tout son temps à la maison avec sa femme et ses deux filles, ou à traîner dans le coin avec des voisins. « C’était quelqu’un d’apprécié, ça sautait aux yeux », dit Lewis. « C’était un type très populaire. »
Le premier vendredi de chaque mois, après les prières de la mi-journée, l’homme prenait sa mobylette pour aller se recueillir sur la tombe de son fils. Durant une visite au cimetière, on a demandé à Lewis de confirmer l’identité de la cible. Le missile a frappé alors que l’homme rentrait chez lui. « Ses jambes ont pris feu », raconte Lewis. « Il s’est retourné et à ce moment-là le second missile l’a frappé en plein visage. » Pourtant, des milliers d’heures que passe un opérateur de drone dans son poste de contrôle, très peu d’entre elles sont cinétiques – le jargon militaire pour parler du combat. « On passe un temps fou à regarder des bâtiments tournoyer sur un écran », dit Haas. « Assez pour devenir dingue. » La plupart des opérateurs trouvent des moyens de lutter contre l’ennui. Haas et son pilotes s’étaient inventés des jeux de bataille sur des fichiers Excel. Et souvent, ils dormaient dans leurs chaises. Bryant, qui avait perdu le sommeil à cause de ses cauchemars, a découvert que le poste de contrôle était l’un des rares endroits où il parvenait à dormir paisiblement. Une fois, durant un service de deux semaines consécutives, il a lu une douzaine de livres de la saga des Dossiers Dresden. Parfois, pour finir leur service plus tôt, les opérateurs prenaient les choses en main. Haas et Bryant faisaient tourner la caméra sur elle-même jusqu’à ce qu’elle se bloque. « Si on la faisait pivoter de plus de 120°, de sorte que l’image se retrouvait de haut en bas, ça foutait en l’air le support », explique Bryant. « Je faisais ça dès que je pouvais. »
D’autres opérateurs avaient compris que les drones consommaient davantage d’essence – et donc retournaient plus vite à la base – avec le train d’atterrissage sorti. Mais tandis que certains opérateurs commençaient à craquer sous la pression, à mener une guerre télécommandée, d’autres semblaient savourer le travail. « Il y a un type que j’ai connu qui s’est fait tatouer un missile Hellfire sur les côtes pour chaque tir qu’il a effectué », dit Bryant. « Un autre s’est fait tatouer le mot “Infidèle” autour du cou. Il y avait vraiment des psychopathes dans le programme, qui ne voulaient rien d’autre que tuer des gens au sol. À chaque fois que quelqu’un avait effectué un tir qui avait tué des gens, il y avait des célébrations. Les gars se faisaient des high five et s’applaudissaient. C’était à gerber. »
Haas a fini par succomber à son tour à l’état d’esprit qui permettait à ses collègues de tuer de bon cœur.
L’un des aspects les plus bizarres du maniement d’un drone est que vous vous trouvez, d’une certaine façon, à deux endroits en même temps. Tandis que vous passez la majeure partie de votre journée à voler à 25 000 pieds au-dessus de l’Afghanistan, du Pakistan, de la Somalie, du Yémen ou de la Syrie, lorsque vous quittez le poste de contrôle, vous vous retrouvez en plein désert à deux pas de Las Vegas. Vous pouvez dans la même journée tuer des gens au sol en Afghanistan et aller acheter du papier toilettes au supermarché du coin. Bryant passait la majeure partie de son temps libre à jouer à World of Warcraft. Haas buvait tellement qu’il a reçu un coup de fil inquiet de ses parents, qui voyaient ses additions quotidiennes sur ses relevés de compte mensuels. « Le job nous déprimait », dit Haas. « Il y avait des limites au nombre d’heures durant lesquelles on pouvait voler sur une semaine et sur un mois, mais personne n’était tenu de s’y conformer. Noël, Thanksgiving, le 4 juillet, ça n’avait aucune importance pour nous puisqu’on se trouvait techniquement en zone de guerre. Tout le monde était crevé et en mauvaise forme à cause des plannings, qui bouleversaient nos cycles de sommeil. »
Pour compenser, Haas a adopté des moyens de plus en plus destructeurs. « C’était une période de merde », dit-il. En plus de sa consommation d’alcool, il sniffait des sels de bain avant, après et même parfois pendant son service. Il avait aussi découvert que s’il buvait assez pendant son temps de repos, il était trop intoxiqué pour qu’on lui demande de venir travailler. « Je prenais beaucoup de coke, de speed, ce genre de choses », raconte-t-il. « Tout le monde buvait. Je me rappelle qu’on avait surnommé l’alcool “de l’essence pour drone” parce que c’est ce qui faisait tourner le programme. Si les gradés étaient au courant, il n’en disaient rien. Mais je suis sûr qu’ils devaient savoir, c’était partout. » Haas a fini par succomber à son tour à l’état d’esprit qui permettait à ses collègues de tuer de bon cœur. « Il y a un sentiment de pouvoir immense qui découle du fait de regarder quelqu’un sans qu’il le sache, et de savoir qu’on pourrait le tuer à tout moment », dit-il. « On arrêtait de voir les personnes à l’écran comme des personnes. C’était impossible, si on voulait rester sains d’esprit. Sur l’écran, c’était des points. Des fourmis. Vous avez déjà marché sur une fourmilière sans vous poser de questions ? C’est à ça que ressemblait notre job. Les enfants, on disait que c’était des “terroristes de taille rigolote” ou des “graines de terroristes”. On parlait d’arracher les mauvaises herbes pour qu’elles ne repoussent pas. On parlait tous comme ça. Les gens disent que les drones dépossède les gens qu’ils prennent pour cible de leur humanité, mais ils nous prennent aussi la notre. Sérieusement, quel genre de personnes disent des conneries pareilles ? »
Un cercle vicieux
Le gouvernement américain a trouvé une utilité aux drones pour la première fois sous la présidence de Bill Clinton, quand le directeur de la CIA James Woolsey a entendu parler de deux frères de Californie qui avaient trouvé le moyen d’envoyer dans le ciel un appareil sans pilote. James et Linden Blue s’étaient essayés à plusieurs activités avant ça, de la culture du cacao au Nicaragua à l’immobilier, en passant par l’extraction de ressources naturelles. Ils ont ensuite racheté l’entreprise militaire General Atomics en 1986. À l’époque, James voulait renverser les révolutionnaires sandinistes en envoyant des avions sans pilote équipés de GPS lors de missions kamikazes, mais il n’est pas parvenu à créer un prototype fonctionnel. Quelques années plus tard, General Atomics a réussi à mettre au point deux prototypes d’avions sans pilote – l’Amber et le Gnat – d’après les plans de l’ingénieur israélien Abe Karem. Ils visaient à fournir une alternative aux avions espions traditionnels. C’est à ce moment-là que Woolsey les a contactés, et les frères Blue ont commencé à fournir des drones espions au gouvernement américain. L’utilisation des drones en tant qu’arme, pour leur part, est venue des années plus tard. « Dans les premiers temps de l’administration Bush, on discutait beaucoup de savoir s’il fallait armer les drones ou non », raconte le colonel en retraite Wilkerson, qui était alors conseiller du secrétaire d’État Colin Powell. « Les drones servaient jusque là au renseignement, à la surveillance et à la reconnaissance, et nous nous demandions si le fait de les armer serait moralement et légalement acceptable. Ce sur quoi tout le monde s’entendait en revanche, c’est que la décision ne devait pas être prise à la légère, et que nous devions prendre le temps d’y réfléchir tous ensemble. »
Le Pentagone et la Maison-Blanche étaient essentiellement contre, jusqu’à ce qu’un drone soit parvenu à localiser Oussama ben Laden en Afghanistan à l’été 2001. « À ce moment-là, beaucoup de gens se sont dits : “Okay, on sait où il est. Armons ce machin et allons le buter” », dit Wilkerson. « Mais nous avons loupé le coche et il s’est enfui. Ça a plus ou moins remis la discussion sur la table. Ensuite, bien sûr, il y a eu le 11 septembre et tout a changé en quelques heures. Soudainement, tout le monde voulait les armer et les contrôler. La CIA les avait, et l’Air Force en voulait. Il n’y avait plus de tergiversations. » Quinze ans plus tard, les frappes de drones sont une pratique commune. L’année dernière, le site The Intercept a publié des documents confidentiels détaillant la chaîne de commandement actuelle : le Joint Special Operations Command (JSOC) repère une cible ; le CENTCOM ou l’AFRICOM – tout dépend du centre de commandement en charge de la région – transmet l’information au chef d’état-major ; et le secrétaire de la Défense met sur le coup un groupe constitué de membres de son cabinet et des directeurs de la NSA et de la CIA, appelé le Comité des directeurs.
Enfin, une recommandation est portée à l’attention du président, qui accorde ou non la permission de frapper la cible. Mais d’après les documents, le président n’a pas à approuver chacune des frappes. Cela donne au JSOC et à ses opérateurs de drones jusqu’à deux mois pour s’y reprendre autant de fois que nécessaires afin d’éliminer un suspect. Mais même si les ordres remontent tout en haut, les problèmes persistent dans les rangs de l’Air Force. D’après un memo provenant de hauts responsables militaires acquis par le Daily Beast l’année dernière, l’écoulement du personnel – le nombre d’opérateurs de drones qui abandonnent l’Air Force – est une sérieuse menace pour le programme. Au début de l’année dernière, le général Mark A. Welsh III, chef du personnel de l’Air Force, a déclaré qu’ils perdaient 240 opérateurs par an, contre 180 nouvelles recrues. « Nous étions à un point de rupture », dit Benjamin Newel, responsable des affaires publiques du commandement du combat aérien. « Pour disposer d’assez de personnel, on est entrés dans un cercle vicieux en sortant les nouvelles recrues des écoles pour les ajouter directement aux opérations. »
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En septembre de l’année dernière, l’Air Force a institué un nouveau programme baptisé CPIP – Programme d’amélioration du processus et de la culture – dans une tentative d’apaiser un peu le stress et la colère ressentis par le personnel du programme. Le programme se résume en gros à une gigantesque boîte à idées. D’après l’état-major de l’Air Force, les changements dus au CPIP incluent notamment la réduction du nombre de missions. L’Air Force a également commencé à offrir aux opérateurs de drones des salaires à six chiffres. Mais aucun de ces changements ne semble avoir stoppé l’écoulement. « Les derniers chiffres de rétention d’effectifs que j’ai vu pour l’année 2015 sont à peu près les mêmes qu’avant », dit Newell. « Peut-être même légèrement pires. » Le 18 novembre, les quatre lanceurs d’alerte on publié leur lettre à Obama dans le Guardian. Les jours suivants ont été un tourbillon d’interventions et d’interviews dans la presse. Ils ont parlé devant une salle comble à FitzGibbons Media ; l’équipe de The Intercept les a emmenés boire des verres ; et Haas, Lewis et Westmoreland ont enregistré un dossier spécial pour NBC News. Malgré cela, il n’y a eu aucune réponse du gouvernement – excepté le fait que Lewis a reçu une proposition de travail du Bureau du renseignement naval après 15 minutes d’interview. « Ils ont mis nos téléphones sur écoute donc ils ont tout entendu », dit Westmoreland. « Ils essaient de racheter sa loyauté. »
D’autres signes ont été interprétés trop rapidement comme l’entremise du gouvernement. À l’avant-première du documentaire, qui affichait complet, seul un quart des sièges étaient occupés, alimentant la spéculation chez les lanceurs d’alerte que le gouvernement avait acheté les billets pour saper l’événement. Jusqu’à ce que les retardataires finissent par arriver en masse. Après que la carte de crédit de Haas a été refusée, Radack, leur avocate, a tweeté à WikiLeaks : « Mes lanceurs d’alerte se sont exprimés en public cette semaine et maintenant, leurs cartes de crédit et leurs comptes bancaires sont gelés. Un conseil ? » Mais il s’est avéré que Haas avait oublié de notifier à sa banque ses projets de voyage : son compte avait été gelé par mesure de sécurité. Deux jours après la parution de leur lettre dans le Guardian, des funérailles populaires ont été organisées au Pakistan en hommage à vingt militants locaux tués par une frappe de drone américaine. Des centaines de personnes endeuillées y ont assisté.
À la fin de la semaine, tout le monde s’est séparé. Lewis, qui dit être toujours aux prises avec le stress post-traumatique, vit avec sa petite amie à San Antonio, où il travaille chez Walmart. Wesmoreland a récemment quitté son poste d’opérateur de télésiège à Taos, au Nouveau-Mexique, pour lutter à plein temps pour davantage de transparence et de reddition de comptes dans le programme des drones. Haas, qui vit à présent avec ses parents dans le Nevada, a supprimé son compte Facebook et a cessé de donner son email ou son numéro de téléphone à cause des menaces constantes qu’il recevait de la part de trolls. Quant à Bryant, il a déménagé en Norvège pour trouver du réconfort ; il fait encore des cauchemars dans lesquels les gens qu’il a tués encerclent son lit. « Ce que nous avons fait en tant qu’opérateurs de capteurs et pilotes de drones a creusé un trou dans notre âme », dit-il. « Avoir fait partie du programme est comme une maladie mentale qui s’accroche et ne vous lâche plus. »
Traduit de l’anglais par Nicolas Prouillac et Arthur Scheuer d’après l’article « The Untold Casualties of the Drone War », paru dans Rolling Stone. Couverture : Un drone Predator en Afghanistan (US Air Force).
COMMENT LE GAME DESIGNER DE BLACK OPS 2 EST DEVENU CONSEILLER DE GUERRE
Dave Anthony, créateur de Call of Duty: Black Ops, donne aujourd’hui des conférences sur le futur de la guerre. Ses idées en effrayent plus d’un.
Le jeu vidéo représente un marché colossal : depuis des années maintenant, il génère plus de revenus que les industries du cinéma et de la musique réunies. Et parmi toutes ces licences qui pèsent des milliards de dollars, Call of Duty est l’une des plus importantes. Durant huit ans, Dave Anthony a piloté cette franchise. Il a écrit et réalisé cinq des onze titres de la série, contribuant à transformer un simple jeu de tir sur la Seconde Guerre mondiale en une référence culturelle majeure, doublée d’un véritable événement ludique attendu chaque année par des millions de personnes. Après avoir produit quelques-uns des plus grands succès de l’histoire du jeu vidéo, Anthony a quitté l’industrie. Un an plus tard, il était embauché par l’Atlantic Council – un think tank indépendant basé à Washington D.C. – pour aider à prédire le futur de la guerre. Désormais, l’homme qui imaginait des guerres virtuelles aide un groupe de réflexion influent à penser la vraie guerre, ou du moins la façon dont celle-ci pourrait évoluer.