BDSM
Des fouets, des chaînes, des colliers, des bâillons, des menottes, des couteaux… Mes yeux parcourent la pièce insonorisée dans laquelle nous sommes enfermés. Le sujet de notre conversation est le BDSM (Bondage, discipline, sado-masochisme), une discipline qui comprend une grande variété d’activités d’échange de pouvoir consensuel suggérées par les divers objets exposés. « Qu’ils soient soldats ou victimes », explique Leslie Rogers, « il n’y a rien qui lie les gens mieux que la guerre. Ce que je recrée avec le BDSM est pareil à la guerre – à ceci près qu’en recréant la guerre, j’y mets fin. Je vais avec vous dans un endroit où je ne devrais pas aller. Nous nous y retrouvons, et à la fin nous nous rendons compte que nous sommes encore capables d’être aimés. » Je parle avec Rogers dans un donjon bâti sous un chalet à Salinas, en Californie. L’homme costaud de 36 ans a une main posée sur le barreau d’une cellule de prison. L’autre étreint la nuque de sa partenaire, Tani Thole, 33 ans.
« Nous donnons l’impression d’avoir une sexualité vanille », remarque Thole avec un large sourire. « J’ai l’air d’une mère au foyer, et Leslie d’un homme d’affaires. Les gens sont très surpris quand ils découvrent qui nous sommes vraiment. » La Société américaine de psychiatrie a sa propre définition. Rogers, un dominant autoidentifié, assume avec ferveur ressentir « une excitation sexuelle récurrente et intense due à la souffrance physique ou psychologique d’une autre personne ». Dans son désir d’être l’objet de cette souffrance, Thole, une soumise autoidentifiée, est son reflet et sa partenaire idéale. Ils présentent respectivement tous les critères principaux des troubles de sadisme sexuel et de masochisme sexuel. Cependant, plutôt que de ressentir « une détresse ou un trouble important au niveau social, professionnel ou autre domaine important de fonctionnement », le couple attribue à leur style de vie des améliorations spectaculaires au niveau de la santé mentale. Alors que les psychothérapeutes conventionnels débattent encore de la déontologie de prendre dans leurs bras leur patients, Rogers et Thole ont inventé une forme de thérapie intensive qui incorpore des activités BDSM dans leurs sessions avec leurs clients. L’objectif est d’activer les émotions réprimées afin de les traiter dans un environnement sûr et attentionné. Afin de mieux comprendre leur technique, qu’ils ont baptisé « thérapie lumière/obscurité », le couple m’a invité à participer à une immersion avec eux. Pendant les 48 prochaines heures nous ne quitterons pas ce chalet.
Bien que la psychologie ait historiquement défini le sadomasochisme comme étant purement pathologique, certaines études soutiennent le point de vue de Rogers et Thole. Une étude conduite aux Pays-Bas a trouvé une plus grande fréquence de traits psychologiques positifs chez les personnes pratiquant le BDSM que chez le grand public. Les pratiquants étaient moins névrosés, plus extravertis, plus ouverts à de nouvelles expériences, plus consciencieux, moins sensibles au rejet, et présentaient un bien-être subjectif plus important. Une étude américaine ultérieure portant sur des couples s’identifiant comme BDSM a révélé des baisses au niveau du stress auto-déclaré et de l’affect négatif, aussi bien qu’une augmentation des relations sexuelles à la suite de la pratique du BDSM. Selon Brad Sagarin, les effets peuvent être encore plus profonds. L’article le plus récent du psychologue enquête sur le potentiel qu’ont les activités sadomasochistes à provoquer des états altérés de la conscience. « Les dominants montrent des signes de flow », explique Sagarin, « un état très agréable qui se produit lorsque les personnes sont au maximum de leur performance et se déconnectent du reste du monde. Le soumis semble entrer dans un état modifié de conscience différent, que la communauté BDSM qualifie de “subspace” – un sentiment agréable et intemporel, semblable à celui de flotter. » Sagarin attribue les changements dans la conscience d’un soumis à une baisse temporaire de l’activité de son cortex préfrontal, qu’on pense faire partie intégrante de l’expérience euphorique et dissociative des coureurs d’endurance, des personnes pratiquant la méditation, et des individus sous hypnose. « La conscience qu’on a de nous-même est une des choses qui résident dans le cortex préfrontal », précise Sagarin. « Quand cette partie du cerveau se retrouve régulée à la baisse, nous pouvons cesser de faire la distinction entre nous-même et l’univers. » Le sentiment d’unité que Sagarin décrit est considéré comme le trait caractéristique d’une expérience mystique. Un autre chercheur du nom de Bert Cutler fait remarquer le rôle prépondérant des états mystiques induits par le corps dans les rituels de spiritualité et de guérison à travers les cultures et l’histoire. Cutler cite les suspensions des Amérindiens, la danse extatique des soufis, et les actes de perforation extrême de la peau pratiqués par certaines sectes hindoues et bouddhistes. « Ces sociétés dites primitives », ajoute-t-il, « ont découvert beaucoup de choses que nous commençons tout juste à comprendre. »
Dans le donjon
De retour à Salinas, dans le donjon, Rogers se souvient de son propre processus de découverte. « J’ai grandi dans la foi bahá’íe, qui fut fortement persécutée autrefois dans ce qui était la Perse. Enfants, nous entendions parler de toutes ces histoires concernant les martyrs de notre foi qui furent tués de manière atroce – brûlés ou écorchés vifs. Toutes ces histoires parlent de l’extase qu’ils ont éprouvée pendant qu’ils se joignaient à Dieu. J’ai toujours été fasciné par ça, même si je ne pouvais pas le comprendre. » Les tendances de Thole se sont faites évidentes plus tôt encore. « J’étais sans aucun doute une exhibitionniste dès mon plus jeune âge », reconnaît-elle. « Plus tard, au CE1, je me souviens très clairement d’un dessin que j’ai fait de cette reine à l’air malfaisant qui descendait un escalier. Les marches conduisaient à un donjon où une femme nue était sanglée à une table avec à côté d’elle un plateau couvert d’instruments de torture. Ça m’excitait terriblement. »
« On peut en savoir plus sur quelqu’un en une heure de jeu qu’en une année de conversation. »
Des fantasmes comme ceux-ci sont courants. Comme une étude récente le révèle, plus de 60 % des hommes et des femmes ressentent l’envie de dominer ou d’être dominés. Les pulsions meurtrières et autres fantasmes antisociaux sont aussi très répandus. Nos pulsions agressives, si on y laisse libre cours, ont engendré une histoire humaine d’une violence spectaculaire. Cependant, comme Rogers persiste à le dire, les pulsions en elles-mêmes ne sont ni bonnes, ni mauvaises. Si elles sont consciencieusement dirigées avec l’accord d’autrui, même nos impulsions les plus sombres peuvent revêtir une signification profonde. Cependant, si elles sont ignorées, elles présentent souvent une source de honte, d’anxiété, et de sublimation. Dans le cas de Thole, ses tendances l’ont attirée vers une série de partenaires abusifs. Cependant, une fois qu’elle est devenue consciente de ses besoins, elle a finalement pu les combler au sein de la structure d’une relation saine. « Les clients viennent avec des désirs qu’ils ne savent même pas comment exprimer », explique Rogers. « La répression est si profondément ancrée. Ce que nous faisons vraiment ici, c’est d’apprendre à des adultes comment faire pour jouer à nouveau. Vous savez cette chose que vous avez toujours voulu faire étant enfant, mais que vous n’avez jamais pu ? Maintenant, vous pouvez le faire. » Ou, pour reprendre Platon : « On peut en savoir plus sur quelqu’un en une heure de jeu qu’en une année de conversation. » Avec un important corpus de recherches la soutenant, la modalité psychologique moderne de la thérapie par le jeu est basée sur cette idée. La thérapie par le jeu est traditionnellement centrée sur les enfants, mais elle peut être tout aussi efficace sur les populations plus âgées. Son encouragement de la spontanéité fournit un moyen unique de contourner les mécanismes sophistiqués de défense des adultes. « Je peux analyser les choses indéfiniment », admet Rogers. « Je peux rendre une centaine choses vraies, ou une centaine de choses fausses. Mais sous toute cette logique, il y a une sensation, et c’est vraiment la seule manière pour moi de me retrouver. Je suis le plus moi-même quand je ne sais pas ce que je vais dire – quand je me surprends. Quand je sais ce que je vais dire, c’est parce que je l’ai répété, et une partie de moi est probablement en train de cacher quelque chose. »
Avant notre session, Rogers et Thole ont effectué une série d’entretiens téléphoniques avec moi, explorant mon histoire et les problèmes personnels que je voulais traiter. Bien qu’ils ne soient pas des psychologues cliniciens, leur procédure de réception est semblable à celle des thérapeutes traditionnels. L’une des différences notables, c’était l’incitation à chercher des thèmes sadomasochistes dans ma propre vie. Le couple pense que toutes les interactions humaines se produisent au sein du cadre d’une hiérarchie de domination. En tenant compte de ceci, j’ai admis un plaisir sadique certain à doubler d’autres coureurs et à refuser d’être doublé lors que je vais courir. J’ai aussi tendance à être agressif en retour lorsque je suis confronté à un manque de respect. À d’autres égards, je peux être un masochiste abject – me punissant mentalement pour des erreurs de jugement ou des opportunités manquées. En préparation pour ma propre confrontation à la thérapie lumière/obscurité, je voulais voir comment la communauté fétichiste utilise déjà les jeux à forte intensité à des fins thérapeutiques. C’est pourquoi tout naturellement, je me suis dirigé vers l’épicentre du monde BDSM : l’Armurerie de San Francisco.
En cage
Dominant un pâté de maisons entier, la forteresse centenaire en béton est aujourd’hui le siège de Kink.com, le plus important producteur de pornographie tendance BDSM d’Internet. J’ai été accueilli au portail par Stefanos Tiziano, le Monsieur Loyal de l’entreprise. Interrogé sur les bénéfices thérapeutiques du BDSM, le vétéran militaire me parle d’une amie – une femme victime d’une agression sexuelle qui a tourné la page en rejouant des scénarios similaires avec son consentement. Selon Tiziano, la pratique est courante. « Au début », confie-t-il, « je n’étais pas sûr que ce soit une bonne idée, mais elle ne s’en porte que mieux, et son thérapeute pense la même chose. » Dans ces scènes soi-disant cathartiques, le corps, autrefois véhicule de traumatisme, devient un véhicule de guérison. Le sentiment de pouvoir qui émerge de la décision de confronter une situation effrayante a été cité par beaucoup de praticiens comme la source de leur catharsis.
Tiziano et moi discutons dans un petit salon de style victorien qui se remplit rapidement d’hommes et de femmes vêtus élégamment. Ils sont ici pour être spectateurs d’un tournage, mais beaucoup ont hâte de se confier sur le rôle que le BDSM a joué dans leur propre vie. Se prélassant sur un canapé en velours, Natalie, qui est assistante médicale, parle de l’emploi du BDSM pour contrôler un trouble anxieux qui l’handicapait autrefois. Dans un scénario rappelant la thérapie d’exposition, elle se plaçait dans des scènes contrôlées conçues pour entraîner ses crises de panique afin de pouvoir y faire face. La femme brune et menue se rappelle avoir été ligotée, giflée et enfermée dans une petite boîte. « Dès que j’ai commencé à faire ça, j’ai eu de moins en moins de crises », assure-t-elle. « Maintenant, je peux permettre à des pensées d’aller et venir sans être absorbée émotionnellement. Ça m’a aidé à me rendre compte que je ne suis pas mes pensées. » De la même façon, l’objectif thérapeutique de Rogers et Thole s’efforce de prendre les éléments sérieux de la vie qui sont chargés en émotion, et de les transformer en jeu à faible enjeu. Comme Rogers le reconnaît, il a été son premier patient. « Une partie de moi s’apitoie constamment sur son propre sort. Un jour, je m’en suis lassé, et j’ai dit à ma communauté : “Aujourd’hui, je vais faire ressortir toutes mes complaintes, être simplement entièrement honnête concernant mes émotions.” Alors, ce jour-là, tout ce que j’ai dit était sur le thème de “pauvre de moi”. Ça a déclenché l’hilarité. Je n’arrêtais pas de me demander : “Comment puis-je me plaindre encore plus ?” À la fin de la journée, j’étais quelqu’un de complètement différent. Cette partie de moi dont j’avais si honte s’est avérée être quelque chose de très comique me concernant. J’ai appris que les gens m’aimeraient malgré tout, et maintenant j’ai cette expérience viscérale comme preuve de ce fait. » Rogers décrit un autre cas dans lequel lui et Thole ont pu transformer le psychologique en viscéral. « Nous avons eu une cliente australienne récemment », commence-t-il, « une ostéopathe dans une relation dysfonctionnelle. Elle m’a mis une cagoule et m’a fait ramper par terre. Elle m’a transformé en manifestation de sa tristesse et de sa frustration par rapport à cette relation. Elle a fait de moi l’homme avec qui elle avait des problèmes. Elle m’a demandé : “Pourquoi ne me rappelles-tu pas ?” J’ai répondu : “Je m’en moque éperdument.” À la fin, elle m’avait enchaîné au lit, me frappant à coups de canne et me faisant lui présenter des excuses pour ne pas avoir été à la hauteur de ses attentes. C’est une catharsis qui lui a permis de passer outre sa passivité au sein de cette relation. »
Thole m’a donné l’autre exemple d’un programmeur qui avait toujours pensé qu’il ne méritait pas de recevoir de l’amour. « Nous l’avons mis dans une cage, et nous lui avons demandé s’il voulait en sortir. Il a dit : “Non, je suis à l’aise.” Alors, Leslie est allé chercher un sac de glaçons et l’a vidé sur lui jusqu’à ce qu’il demande à sortir. Leslie a laissé tomber les clés hors de sa portée et lui a dit : “Vas-y, sors de la cage.” Le client a dû nous dire de lui donner les clés d’une manière qui n’était pas dictée par son apitoiement personnel. Il devait être sûr de le mériter. Il a essayé plusieurs fois, mais il n’y arrivait pas. Enfin, Leslie a commencé à lui jeter des glaçons dessus. Tout d’un coup, cette espèce de teigne est sortie. Il a dit : “Leslie, ramasse la clé et ouvre cette cage tout de suite !” C’est un homme changé qui est sorti de la cage. Ce n’était pas une nouvelle leçon, cela dit. Il avait suivi une thérapie traditionnelle par le passé, et il avait eu une révélation similaire concernant ce qu’il méritait, mais ça n’a vraiment connecté que quand il a été capable de le sentir dans son corps. » Le pouvoir de l’expérience viscérale en psychologie a été essentiellement étudié d’une manière négative – comme dans les maladies telles que les troubles de stress post-traumatique (TSPT). Il y a cependant de plus en plus d’indices du contraire. Dans le domaine en plein essor de la thérapie psychédélique par exemple, des scientifiques du monde entier provoquent des états mystiques et des expériences viscérales intenses capable de produire des remèdes de longue durée pour des problèmes aussi variés que l’anxiété, la dépression, et le TSPT lui-même.
Le démon et Clint Eastwood
De retour dans le chalet, avant que notre première session ne commence, je m’assieds avec Rogers et Thole pour définir les intentions et les limites. Comme toujours, il n’y aura aucun contact d’ordre sexuel. Nous discutons des potentiels problèmes sanitaires et des limites physiques. Je signe une décharge. Le couple soulève le concept de safewords. Le mot « rouge » prononcé par n’importe qui interrompra immédiatement les festivités.
« Dans le donjon », annonce Rogers, « nous devenons tout ce que le client a besoin de ressentir. » Pendant les deux jours qui ont suivi, nous sommes tous les trois devenus beaucoup de choses différentes. Nous avons participé à une série de scènes, comprenant toutes les combinaisons imaginables de rapports de force. Je les ai battus tous les deux. Ils m’ont battu. Nous nous sommes insultés et avons écrasé des bananes à la face des autres chacun à notre tour. Entre chaque scène, nous nous asseyions comme les êtres civilisés que nous sommes et discutions de ce que tout cela voulait dire. Rogers a deux personnages dominants principaux. Celui aux yeux globuleux est surnommé Le Démon – de la rage psychotique pure. La première nuit, cependant, j’étais pris de haut par celui aux yeux fendus, que Rogers a désigné par la suite sous le nom de Clint Eastwood. « Tu es pathétique ! » grogne-t-il, tentant de faire monter ma colère. « Tu es cassé ? Qu’est-ce qui t’arrives ? » Je croise les bras et j’essaie de lui lancer un regard noir. « Je ne peux pas m’énerver contre toi, Leslie, puisque je sais que tout ceci est faux. » C’est à ce moment-là qu’il m’a poussé – fort. Je l’ai poussé en retour, en jurant. Des meubles se sont écrasés par terre alors que nous nous battions pour avoir le dessus. Thole a commencé à crier. Ce n’était plus pour de faux.
« Quand j’ai quitté le chalet et que je suis rentré à San Francisco, j’étais rempli de légèreté. »
Plus tard, quand Thole m’a conduit à la croix de Saint André, j’y suis allé de mon plein gré, mais avec un sentiment de résignation totale. J’ai levé les bras pour qu’elle puisse m’y attacher pendant que Rogers jouait doucement des lanières de cuir du flogger sur mon dos. Puis soudainement, le premier coup – expulsant l’air de mes poumons. Quand il m’a frappé à nouveau, j’ai vu de la lumière. Plus il frappait fort, plus la lumière était intense. Alors que les coups de fouet pleuvaient, j’avais l’impression d’être un enfant têtu. En même temps, je prenais une sorte de régal à la punition de mon corps – comme s’il ne m’appartenait plus, comme si j’en étais libéré. « Tu es parti loin », Thole a murmuré comme si elle avait lu mes pensées. « Tu as quitté la pièce. » « Il a quitté la planète », a renchéri Rogers. Avec cette pensée, ma rancœur s’est instantanément transformée en une tristesse profonde. J’ai toujours ressenti une certaine ambivalence par rapport à la vie – combien il est déchirant d’être un corps humain en marche vers la mort dans un monde temporaire. Je ne l’ai jamais entièrement accepté. « Qu’est-ce qui est cassé à l’intérieur ? » m’a demandé Rogers entre les coups. « Qu’est-ce qui ne va pas chez toi ? » « Je ne peux pas être ici », ai-je enfin répondu. « Eh bien », a-t-il rétorqué, « on dirait que ça a bien marché pour toi. Ça te donne énormément de contrôle. Tu nous contrôles avec en ce moment même. Tu peux apparaître et disparaître quand ça te chante. » « Ce n’est pas quelque chose que j’ai choisi. » Ils m’ont descendu de la croix et m’ont emmené au lit. Thole m’a fait signe de m’allonger avec la tête sur ses genoux. Elle m’a caressé les cheveux en souriant à mon visage grimaçant. « Bonjour », a-t-elle dit gaiement. J’ai ri. « Bonjour », a-t-elle répété. Dès que mon attention dérivait, elle le disait à nouveau. D’une certaine manière, elle a fait en sorte que je sois présent là avec eux pendant un long moment. « Bienvenue sur Terre », a-t-elle enfin chuchoté avec un sourire maternel. Quand j’ai quitté le chalet et que je suis rentré à San Francisco deux jours plus tard, j’étais rempli d’une légèreté qui a duré pendant des jours. J’ai repensé à la conversation que nous avions eu le matin-même, pendant le petit-déjeuner. J’avais à nouveau posé des questions à Rogers sur les saints baha’is qui l’avaient fasciné étant enfant. Est-ce que leur extase avait plus de sens pour lui aujourd’hui ? « Oui », a-t-il répondu. « Quand on te frappe et que tu dis non, c’est de la douleur. Mais quand on te frappe et que tu dis oui, c’est une sensation – et une sensation peut être tout ce que tu veux qu’elle soit. »
Traduit de l’anglais par Marine Périnet d’après l’article « That Time I Tried BDSM Therapy », paru dans The Atlantic. Couverture : Un dongeon BDSM, par Kaelen Weller.