On trace la route sur le booster noir d’Ilyes, sillonnant entre les voitures sous les rayons obliques du soleil couchant, qui étire les ombres et coiffe d’or les silhouettes des passants. Les vapeurs d’essence et l’air du soir nous giflent le visage ; direction Montreuil. Dans ma tête tournent en boucle les premières mesures de « Lost in Thought », qui me ramènent plus d’une décennie en arrière. J’ai quinze piges et je découvre dans la collection de disques d’un aîné l’album-phare de Funkdoobiest.
Douze ans plus tard, les deux rappeurs de Big Budha Cheez raniment la mélodie, gardée intacte dans les replis de ma mémoire, au détour d’une interview glanée sur la Toile. Quelques jours plus tôt, Ilyes me faisait découvrir les MC’s montreuillois à travers le clip de « M.City Citizen », escapade visuelle et sonore tout droit venue des années 1990, distillant ses références avec générosité et sens du détail. Rendez-vous était pris quelques heures plus tard, et nous voici à présent à deux rues de leur QG. Rapide détour par l’épicerie du coin. Pack de douze embarqué ; direction l’Albatros.
Nous y retrouvons Clifto Cream, le réalisateur des clips du duo, qui nous invite à le suivre jusqu’à leur local. Dans la cour, table et barbecue semblent imprégnés du souvenir d’innombrables veillées. Clifto nous ouvre les portes de son fief. Dans la pièce enfumée, où s’entassent en désordre matos et bibelots en tous genres, Fiasko Proximo nous accueille. « Prince » Waly, l’autre MC du groupe, ne tarde pas à nous rejoindre, le temps de faire la route depuis son taf jusqu’au refuge. Tous trois se réjouissent de voir qu’Ilyes shoote en argentique et non au reflex numérique, qui cadre mal avec l’univers granuleux de Big Budha Cheez. Clifto nous montre dans la foulée le caméscope VHS Panasonic dont il s’est servi pour filmer « M.City », puis nous sortons nous attabler.
Décapsuleur, cendrier, enregistreur enclenché.
À l’ancienne
Comment le groupe est né ?
« Prince » Waly : C’était au collège. On était potes avec Fiasko et on partageait les mêmes centres d’intérêts. Je connaissais déjà Lunatic et tout ça, mais Fiasko m’a fait découvrir X-Men et ça a percuté. On s’est mis à faire du son, à écrire des textes, et comme tout le monde au début ce n’était pas vraiment sérieux. Et puis on s’est perdu de vue un moment, on s’est retrouvé et depuis on taffe les trucs ensemble.
Vous avez grandi à Montreuil tous les trois ?
Waly : Ouais, à Montreuil.
« Le premier projet qu’on a sorti, on a passé tout l’été à le faire. » — Fiasko Proximo
Fiasko Proximo : Enfin moi j’étais dans le XXe plus jeune, quand on est venu à Montreuil je devais avoir neuf ou dix ans. Je faisais déjà un peu de son avant de rencontrer Waly. Après, comme on était grave potes au collège, on s’est dit que ce serait cool qu’on monte un truc. Et puis comme il a dit, on s’est perdu de vue. Lui est parti dans un autre lycée, moi aussi. Le groupe s’est vraiment créé peut-être un an ou deux ans plus tard. Clifto Cream : Et le collectif Exepoq est né à partir du moment où on a pris un local ici, à l’Albatros. C’était pas là, c’était un peu plus loin là-haut. On était tous potes mais on faisait tous nos trucs dans notre coin, dans nos arts différent – parce qu’il y a aussi un photographe dans le collectif. À un moment donné, on s’est réuni et on s’est dit qu’il fallait faire quelque chose tous ensemble. Fiasko : Mais les mecs qui ont lancé l’idée, c’est Clif’ et Spootnik. Clif’, qui était déjà dans l’image, et Spoot’, qui faisait du son. Waly et moi quand on était plus petits, on enregistrait déjà chez Spoot’, mais dans sa chambre, à la Cité de l’Espoir.
Et l’Albatros, c’est quoi exactement ?
Waly : C’est un atelier d’artistes. Clifto : Le but, c’est de rassembler des gens qui font un tas de choses différentes, et de bosser ensemble. T’as des mecs qui font du théâtre, beaucoup de studios – qui sont tous assez différents les uns des autres –, pas mal d’expos, des peintres… Waly : Et même de la poterie. Clifto : Quand on est arrivé ici, on était un peu les seuls jeunes. On descendait des quartiers qu’il fallait pas approcher, en quelque sorte, on était un peu dans notre coin. Et puis on a changé de local pour celui dans lequel on se trouve actuellement. On a commencé à rencontrer les anciens, parce qu’ici il y a pas mal de gens qui sont là et qui exercent dans leur art depuis très longtemps. Après, d’autres locataires sont arrivés : il y a eu GVS – Grande Ville Studio, dont fait partie Jazzy Bazz –, Dixon est là aussi… ça fait des connexions et c’est un lieu où tu peux t’enfermer pendant un mois sans sortir. Fiasko : On l’a fait. (Ils rient.) Le premier projet qu’on a sorti, en CD, on a passé tout l’été à le faire. On faisait 16h-3h du matin, on allait dormir, on achetait des chips et du coca à côté et on revenait là. Mais c’était là-haut dans notre précédent local. Waly : Et là-haut il faisait super chaud, le soleil tape bien sur la fenêtre. Fiasko : Ouais, il faisait 40° à l’ombre. Ça, c’était en 2010. Et comme a dit Clif’, ce lieu a vraiment un truc qui fait que tu peux ne pas en sortir pendant super longtemps. Aujourd’hui, on le fait plus, mais on l’a fait longtemps. Waly : C’est notre résidence secondaire. (Ils rient.) Clifto : J’ai pris le local à la base pour pouvoir bricoler et peindre ailleurs que chez moi, parce que ma mère n’en pouvait plus ! J’ai pris un petit truc et au final j’ai ramené tous mes potes, donc on se posait et c’est devenu après notre studio, notre QG. C’était vraiment petit, ça faisait le tiers de celui-ci et on était dix dedans. Fiasko : Voire plus certains soirs, dix c’était le minimum. Clifto : Ouais, c’était violent.
Vous êtes arrivés comment dans le rap ?
Waly : Moi par mes grands frères. Depuis tout petit – je devais avoir huit ans. Dès que j’ai pu vraiment comprendre ce que ça racontait, quoi. Mes grands-frères baignaient dedans, ma grande sœur aussi. Mon grand-frère écoutait Lunatic. Je me rappelle du premier son de Lunatic, c’était « La Lettre ». J’étais petit, mais je me rappelle d’une phrase qui m’a marqué, quand Booba fait : « Quand je sors, ramène-moi une petite pute, bête, sans but / Je la ferai crier du bout de ma longue bite. » (Les deux autres éclatent de rire.) Et cette phrase, encore aujourd’hui, elle me tue ! Fiasko : Quand tu écoutes un bon son qui te marque, tu te dis automatiquement : « Ah ouais, eux ils sont trop chauds, il faut que je fasse la même chose, voire mieux. » Franchement, si j’étais tombé sur un son de rock chaud, aujourd’hui je serais rockeur. Mais bon, ça n’a pas été le cas. Maintenant – du moins avec Waly parce que Clif’ est plus vieux –, on était petits dans les années 1990. Donc ça nous a plus marqués que ceux qui aujourd’hui ont trente ou quarante ans, qui par exemple écoutaient Pink Floyd quand ils étaient gosses, et qui ont été marqués par ça. Du coup, on a commencé à écrire nos premiers textes… et après, le jour où les gens te disent : « Ah ouais, mais en fait c’est pas mal ce que tu fais », tu te dis que tu peux faire les choses sérieusement.
Quels sont les groupes qui ont fait naître cette envie ?
Clifto : Je crois que le groupe qui nous réunit à cette table, en tout cas artistiquement, c’est les X-Men. Même pour moi dans l’image, ça a toujours été une référence. Waly : Et côté américain, moi c’est plus le côté new-yorkais. Le côté sombre de Mobb Deep. En venant ici, j’écoutais ça. Même si on nous dit souvent que ça ne se ressent pas dans nos sons. Peut-être dans les instrus, mais dans les textes beaucoup moins. Donc tout ce qui est Mobb Deep, Sam Sneed… Fiasko : Si je ne devais en citer qu’un, ce serait le Wu-Tang. Pour moi, c’est le groupe précurseur. Après, comme dit Waly, Mobb Deep c’est du putain de lourd. On se retrouve plus dans ce qu’ils font parce qu’ils sont deux, comme nous. Mais niveau français, c’est sans aucun doute les X-Men. Time Bomb, La Cliqua… tout ce qu’on a vraiment rôdé en fait. Waly : Ils écrivent des textes où déjà, mine de rien, il y a pas mal d’humour ; c’est important. Et puis c’est plein de références culturelles assez pointues. Après bien sûr, on vit avec notre temps, on s’adapte. Moi, j’écoute aussi un petit peu plus 50 Cent, The Game… Deux hommes font irruption dans la cour, bouteille à la main et sourire aux lèvres, intrigués par notre présence. On échange des poignées de main. Clifto : Dixon, c’est une des personnes qui a un studio ici. C’est celui qui a mixé le son de « M.City Citizen » ! Dixon Mandrake ! Dixon : On veut pas vous déranger.
Pas de souci.
Dixon : J’ai vu Moussa par la fenêtre… Waly : T’inquiète, je vais venir te voir après. Dixon et son compère s’éloignent et sont bientôt rejoints par Ilyes, qui converse un moment avec eux avant de les prendre en photo.
D’où viennent vos blases et le nom du groupe ?
Waly : Alors ça, ça a été une galère. Parce qu’au début, ce n’était pas du tout Big Budha Cheez. Le premier, c’était Recto Verso. On a cherché plein de noms. Et moi j’ai eu un tas de blases. J’ai dû en avoir une dizaine. Fiasko : Moi, j’ai toujours été Fiasko Proximo, ça n’a jamais changé. Proximo ça vient de Gladiator. Et comme j’ai toujours kiffé les noms composés, je trouvais que « Fiasko » sonnait bien avec « Proximo ». C’est pas compliqué, c’est vraiment tout pourri, il n’y a pas de signification personnelle. (On éclate tous de rire.) Recto Verso, c’est le premier nom qu’on a eu tous les deux. Mais après, avec Ma Routine roule à M.City, notre premier EP, on a voulu changer car nous aussi nous avions changé. Le temps qu’on avait fait avec Recto Verso était révolu. Et puis on en est venu à Big Budha Cheez parce que… Waly : C’était surtout un jeu de mot, tu te rappelles ? Fiasko : Ouais, c’était le jeu de mot avec les bouddhas, on aime bien cette influence un peu spirituelle, asiatique.
Et c’est un nom de weed.
Waly : (Ils rient.) Voilà, c’est un nom de weed aussi. Mais ça, c’est vraiment un hasard parce que nous trois, on ne fume pas. L’afflux des souvenirs révèle peu à peu la complicité qui lie le groupe. Leur simplicité et le plaisir qu’ils prennent à évoquer le passé devant un étranger sont communicatifs. L’air se rafraîchit à mesure que le jour décline.
Pourquoi ce son très typé années 1990 ?
Clifto : Ce qui est marrant en fait… enfin je laisserai les autres préciser pour le son, mais en règle générale, quand on fait un truc, on ne cherche pas obligatoirement à faire « un truc qui sonne années 1990 ». On a commencé par le bricolage. On s’est vraiment basé sur de la matière, au début. De la pellicule pour l’image, de la bande pour le son ; ce qui nous permettait de bricoler, de faire nos trucs à nous, avec un vrai grain, sachant qu’on n’avait pas de moyens. Et en fait après, c’est devenu une identité forte. Mais ça n’a jamais été une réflexion qu’on s’est faite. Waly : Exactement, ce n’est pas calculé, ça nous vient naturellement. Dans la vidéo comme pour le son. On compose – Fiasko fait les instrus quand on écrit les textes – et ça sort naturellement. Quand on pose, ça donne ça. Par exemple, avec mon gars Myth Syzer, on a bossé sur un son qui sonne assez nouvelle génération.
Fiasko : En fait le truc, c’est qu’on a une identité forte c’est vrai, mais entre nous. Si demain l’un de nous va faire quelque chose avec quelqu’un d’autre, l’identité change. C’est un mélange, comme avec « Clean Shoes ». Et moi si demain j’allais faire un son avec un autre mec qui n’est pas de notre collectif, ce serait pareil. Ce qu’il faut comprendre, c’est que notre identité s’est aussi construite avec le manque d’argent. Le truc, c’est que nous quand on pose sur bande ou quand on filme en VHS, le coût n’est pas le même, parce qu’on n’avait pas de moyens au début. Au lieu d’aller se taper des studios à 800 ou 1200 euros la journée, on avait une bande, une table de mixage et on savait que notre son allait être fait comme ça. On avait un micro, on posait. One shot, on recommençait pas trente fois. Et Clif’ c’était pareil, la VHS pour « M.City Citizen », c’est une question de prix, parce qu’on n’avait pas les moyens de se mettre une Red – même si on n’en voulait pas, mais on n’avait pas les moyens. Je suis frappé par l’utilisation du terme « Red ». Il désigne un célèbre fabriquant de caméras numériques dont les produits sont très prisés par l’industrie hollywoodienne et ne connaissent pas de déclinaisons grand public.
Vous n’avez pas été tentés par le home studio numérique, comme beaucoup ?
Clifto : Non, parce qu’en fait, on a commencé à une époque où ça avait été déjà fait. Maintenant, quand tu veux créer un studio, c’est un peu chacun pour sa gueule avec les moyens du bord. Nous, on s’est placé sur une méthode de travail vraiment à l’ancienne, avec du matériel qu’on récupérait à droite à gauche. On avait la volonté de récupérer un patrimoine. Mais du coup, c’est aussi un compromis sur les moyens, sur l’époque, sur l’endroit… C’est la conjonction de tout ça. Je pense qu’on ne s’est jamais dit les choses consciemment… la seule fois où c’est arrivé, c’est quand on a eu des retours de gens sur notre travail, comme là avec toi. C’est un mélange entre les moyens du bord, nos inspirations, et puis le fait de partir de zéro, comme à une certaine époque où les gens partaient vraiment de zéro. Fiasko : Et puis il y a un truc qu’il ne faut pas oublier, c’est que le fait qu’on marche comme ça apporte plein de trucs qu’on ne retrouve plus aujourd’hui. Par exemple dans le son, le fait d’enregistrer à bandes fait que quand on enregistre un son, on ne le fait pas quatre fois. On prend le truc sur le moment, c’est du one shot, on ne fait pas de drop. On sait quand se placer avec nos souffles, donc sur scène on assume nos textes. Y a pas 36 000 solutions. Ça nous a apporté plein de choses de ce genre. C’était pareil en vidéo, on ne recommençait pas quinze fois parce que même si c’est moins cher que le numérique, ça coûte un billet quand même.
Il y a peu de rappeurs qui n’utilisent pas le drop aujourd’hui.
Fiasko : Le truc, c’est que le drop est venu vachement avec le numérique. Quand ils ont eu les moyens de le faire, le fait de ne pas perdre du souffle, de pouvoir enchaîner super vite et tout… après, il y a des mecs comme Busta Rhymes, qui eux à l’époque arrivaient à le faire naturellement parce qu’ils n’avaient pas le choix. Clifto : Ouais, des fois le côté pratique est un piège. Pour résumer, je pense qu’on ne réfléchit pas au fait d’être à l’ancienne ou pas, mais par contre c’est vrai qu’on s’est dit ça clairement : notre méthode de travail est basée sur ce qui se faisait à l’ancienne. C’est-à-dire faire avec ce qu’il y a sur le moment, sans passer par trop de réflexion, et faire les choses comme on les sent sur de la bande, sur de la pellicule, sur de la VHS, sur scène : sur quelque chose de palpable, tout le temps. Fiasko : On est arrivé à un moment où le phénomène « à l’ancienne » est ressorti d’un coup. Mais nous, ça fait longtemps qu’on fait ça, même avant son apparition. Aujourd’hui, il y a peut-être une vidéo de nous qui a plus tourné que les autres parce qu’elle est sortie à ce moment-là, mais on a toujours été comme ça. Faut pas croire qu’on surfe sur une vague, ce n’est pas ça du tout.
On sent une vraie sincérité chez vous effectivement, et en même temps quand on voit le clip de « M.City Citizen », c’est très travaillé. Esthétiquement d’une part, mais aussi dans le son. Comment vous avez construit ça ?
Waly : Au niveau du son, c’est vraiment la bande. Fiasko : Il y a un truc avec la bande que tu vas retrouver dans le rap à l’ancienne, mais pas seulement, parce qu’au début des années 1990, c’était déjà un truc qui disparaissait – on passait sur de la bande numérique, c’était encore autre chose. Nous, on enregistre vraiment sur de la bande analogique et c’est plus un truc que tu vas retrouver dans les influences rock ou soul des années 1970 ou 1980, c’est ce qu’on recherche. Le grain vient de là. Avec la bande, ce n’est que du signal analogique, ça ne sonne pas pareil. Aujourd’hui, quand tu fais un son sur ordi, tu poses ta voix et l’ingé va la nettoyer au max, pour pas que tu aies de crépitements, etc. Nous, c’est tout le contraire qu’on recherche. Y a un peu de souffle ? C’est parfait, hop, ça passe dedans, après on réduit un peu, ça fait augmenter les aigus, les graves sont plutôt stylés, et voilà. Et dans la vidéo, tu peux ressentir la même chose, c’est un peu les mêmes codes. Mais ce qu’on faisait au début, côté son, c’est qu’on prenait le micro, on mettait un préampli analogique et on enregistrait directement sur la bande. C’était vraiment très crade, parce que tu n’avais pas de filtre, tu n’avais pas de reverb, ça passait directement sur la bande. Waly : Sur le deuxième EP, avec DJ Med Fleed, on a fait Épouser un tas d’oseille et Kidnapper le président comme ça. Fiasko : Il n’y a pas eu d’ordi, ce n’était que de l’analogique. Après, moi j’ai une MPC 2000, ça me permet d’envoyer mes beats directement sur les bandes. Après le truc, c’est qu’aujourd’hui, si tu ne veux vraiment faire que de l’analogique, il faut gagner des millions. Parce que ça coûte très cher et que ça devient très rare. Donc on n’est pas débile non plus, on sait qu’on est en 2014 et qu’il faut qu’on avance avec notre temps. On utilise l’ordi, on n’a pas boycotté ça. Clifto : Et puis même au-delà du fait d’utiliser un ordi ou pas, la finalité aujourd’hui ça reste quand même Internet. C’est le support numérique ultime, donc on est obligé de numériser de toute façon, que ce soit la vidéo ou le son. Fiasko : Mais ça reste vraiment la dernière étape. Nous, à la limite, quand c’est distribué sur Internet, on n’est plus là. On est déjà sur d’autres trucs. Après, Marine, notre chargée de communication, ou Jo, notre manager, prennent le relais sur ces points-là. Pour la vidéo, c’est un peu la même chose, sauf que c’est Clif’ qui fait tout de A à Z… personnellement je suis un peu plus en retrait. Clif’ et Waly vont plus se mettre en relation à ce niveau-là. Clifto : En règle générale, on construit les clips à deux. Waly : À la base c’est vraiment Clif’, ensuite ça module avec moi. Si j’ai indubitablement affaire à des artistes, l’enthousiasme avec lequel Fiasko, Waly et Clifto me décrivent leurs méthodes de travail et les techniques employées me donne l’impression d’être face à des artisans. Fiers et maîtres de leur ouvrage à toutes les étapes de sa fabrication, ils observent néanmoins une distance respectable avec son exploitation – ce n’est pas leur travail.
La découverte de la VHS
Comment avez-vous réalisé le clip de « M.City Citizen » ?
Clifto : Alors en fait, on avait essuyé un échec… (Ils rient.) Parce qu’évidemment, quand tu te lances dans le Graal sacré de l’analogique, tu reçois des gros coups d’épée énervés. On avait tourné un clip en Super 8, qu’on a tout simplement raté. Fiasko : Les images étaient voilées. Clifto : On avait mis un petit investissement dedans, qui était super important pour nous à l’époque. C’était fait en Super 8, parce qu’à la base on voulait vraiment bosser l’image sur pellicule, direct. Et à ce moment-là, on ne savait pas comment travailler notre image, on avait un peu étudié le truc et c’était vraiment très compliqué. On a tourné un été, on a attendu quelques mois et c’est au moment de la numérisation chez le mec, dans le XIe arrondissement, qu’on a vu que c’était raté… C’est l’inconvénient de tout ce qui est argentique, tu as ton rendu après. Il faut savoir qu’on est vraiment autodidactes, on n’a jamais fait d’école ni rien. Donc on s’en est aperçu après et là, on s’est retrouvé en décembre 2012. Fiasko : Là on a réfléchi, on a vraiment posé le truc à plat et on s’est dit : « Merde, dans quoi on se lance ? » Je crois que c’est là qu’on a eu les plus gros doutes, parce que c’était vraiment ce qu’on voulait faire, mais comme disait Clifto, on a tout appris sur le tas…
Clifto : On était en plein questionnement et là, une réponse est tombée du ciel qui tient en trois lettres… la VHS. (Ils éclatent de rire.) Ça a été un bon compromis – qui d’après moi a été un peu trop utilisé aujourd’hui, parce que justement ça a vraiment participé au fait que des mecs veulent faire « un truc années 1990 ». Fiasko : Ce qu’au début on ne cherchait pas à faire du tout, car pour le dire très simplement, un mec qui voulait faire un clip en VHS, il lui suffisait d’aller sur Ebay et il en trouvait une à quinze euros. Nous, c’était vraiment parce qu’on n’avait pas les moyens de recommencer avec la pellicule. On savait que si on se refaisait niquer avec ça, c’était cuit pour nous. Et la VHS, comme a dit Clifto, on s’est dit que c’était mortel : un truc qui nous coûterait peu d’argent et avec lequel en même temps on pourrait s’éclater. Mais au début, la vérité c’est que j’y connaissais pas grand chose… Clifto : Bah en fait, même moi. La première fois que j’ai utilisé la VHS officiellement, c’était pour un teaser qu’on avait fait et ça nous a vraiment plu. Après, j’ai fait un clip pour Jazzy Bazz en VHS et ça a confirmé que c’était possible. C’était assez compliqué à utiliser, mais ça faisait aussi partie de l’intérêt du truc. Donc on l’a réutilisée pour « M.City Citizen », et là pour le coup on a vraiment exploité toutes les facettes de la VHS. Dans des coins, dehors, sur fond vert, avec de la lumière – parce que la lumière bave énormément sur la VHS, ça nous intéressait beaucoup… En fait, on a tout donné en VHS sur ce clip-là. Parce qu’à l’époque, on n’avait pas vraiment l’intention de continuer comme ça. On ne voulait faire qu’un truc en VHS, mais après c’est devenu le problème du compromis : ça a un côté pratique et t’as pas des sous tout de suite le mois d’après, donc tu réutilises. Fiasko : Mais si tu regardes bien, c’est le seul clip qu’on a fait en VHS avec Big Budha Cheez, et je sais pas si on en refera d’autres. « M.City Citizen » était en VHS, mais après on a fait « Budha Cheez » en pellicule 16 mm, et le dernier qu’on a sorti, « Itinéraire d’un G », c’est de la pellicule et du photomontage. On veut toujours évoluer. La nuit est tombée à présent et nos visages ne sont plus éclairés que par les flashs de l’appareil photo et la lampe à détecteur de mouvements, fixée au mur de parpaings nus qui borde la cour.
Donc vous avez tourné « M.City Citizen » en autodidactes. Pourtant, je le trouve particulièrement méticuleux, en termes de découpage, de cadrage, de lumière, de direction artistique et jusque dans vos attitudes…
Clifto : Bah en fait, mine de rien, c’est un travail qui s’étale sur plusieurs années, même si ça s’est fait assez naturellement.
Et pendant tout ce processus, de quoi vous êtes-vous inspirés ? Qu’est-ce qui vous a imprégnés ?
Fiasko : Miami Vice. Waly : Ouais, on regarde un tas de séries et un tas de films. Fiasko : Non, je rigole, c’était pas Miami Vice… Waly : Si, si, un petit peu. Fiasko : Franchement, je vais te dire la vérité, peut-être que tu trouves ça super précis, mais c’est vraiment le côté bandant de travailler avec de la pellicule ou d’enregistrer sur bande comme nous. Nous personnellement, on n’a rien calculé. Alors comme disait Clif’, c’est peut-être casse-couilles de ne pas avoir ton rendu tout de suite, mais c’est le truc qui fait que quand tu l’as, t’as des surprises de ouf ! Et nous c’était pareil dans le son : « M.City Citizen » ne devait pas du tout sonner comme ça à la base. Ce qui s’est passé, c’est que j’ai fait une prod’ que j’avais sortie en une piste, dont la basse était beaucoup trop forte, mais on avait déjà posé les voix. Avec Dixon, qui est là, on a complètement refait l’instru, de A à Z, et on a posé le nouveau rendu sur les voix. C’était le même BPM, rien n’avait changé, mais c’est devenu tout à fait autre chose. Après, on l’a clippé et tout… mais s’il y a un truc important à saisir, c’est qu’on laisse la place à la surprise. Waly : Après, on fait gaffe quand même, parce qu’avant ça on a quand même essuyé pas mal d’échecs. On avait fait deux-trois clips en pellicule, et dès qu’on recevait les images il y avait un souci. Du coup, on s’est dit que cette fois-ci on allait essayer de faire un truc carré, il y avait de l’organisation.
Comment l’avez-vous écrit ?
Clifto : On a fait un story-board. Waly : On écrit tout à l’avance, ensuite on découpe les parties et on les filme. C’est étalonné sur plusieurs journées. Fiasko : Eux deux, ils écrivent les trucs principaux et ensuite, tout ça, c’est un grand micmac de ce que tu veux faire. On savait qu’on voulait tourner dans une bagnole décapotable sur l’autoroute, ça c’était l’idée de Clif’. Waly : Il y a de la surprise mais rien n’est vraiment laissé au hasard. De la paire de lunettes jusqu’à la caisse, on sait ce qu’on veut. Clifto : Et dans tout ça, il y a une forte influence cinématographique de cette époque. Waly : Et des séries HBO. Clifto : Bah en fait, quand on a fait le clip de « M.City Citizen », on sortait d’une grosse période The Wire et Oz. On avait tous le cerveau bien imprégné. Ça c’est aussi un truc qui regroupe pas mal le collectif, des influences non seulement musicales mais aussi cinématographiques.
Vous avez tout découvert ensemble ?
Waly : Oz, c’est Fiasko qui me l’a faite découvrir. Fiasko : Je suis le premier à l’avoir vue, ensuite je l’ai passée à Waly. The Wire, c’est Clif’ qui me l’a montrée. Waly : Moi c’est mon grand-frère. Et il y a Sopranos aussi, évidemment… Et puis en ce moment il y a Game of Thrones. Fiasko : Ouais, bientôt on va faire un clip…
…avec des dragons ?
On éclate de rire. Clifto : Faut faire gaffe à ce que vous guettez les gars, niveau budget on est limité. Fiasko : Bientôt on va se regarder La Cage aux folles, on va être vert. (Nouveaux éclats de rire.)
En tout cas, ces références communes, ça crée un vrai univers, cohérent de bout en bout.
Waly : Ouais, c’est comme M.City par exemple. On sait pas si c’est Montreuil City ou si c’est vraiment M. City. Comme dans Oz, il y a une partie de la prison qui s’appelle Emerald City, mais qu’ils appellent Em City aussi. On a essayé de créer un monde.
Patience et persévérance
Ça m’a frappé en voyant vos clips, on a beau connaître Paris et Montreuil, on se croirait à L.A. ou New York à certains moments.
Clifto : Oui, parce que le grain donne un truc auquel on n’a pas été habitué en France. Bien sûr, je ne parle pas du cinéma. Mais on est habitué à des images trop propres, avec toutes les conneries qui passent à la télé, parce qu’on n’aime pas prendre de risques. Dès que tu passes ce cap, tu as l’impression d’être ailleurs. Après, je parle pour nous, on n’est pas les seuls à avoir un délire comme ça, mais les gens qui l’ont aussi ne font pas obligatoirement partie de notre culture musicale ou de notre milieu. Nous on vient de Montreuil, de quartiers populaires, et c’est vrai que les mecs hallucinent à chaque fois. Au début, quand on a commencé, ils comprenaient pas. « C’est quoi votre délire ? Pourquoi vous achetez pas un 5D ? » Et en fait, au final, une fois que tu imposes ton truc, ça se démocratise même dans ces milieux-là. Il y en a de plus en plus qui font ce qu’on fait, mais pas naturellement. Clifto met le doigt sur ce qui me fascine : ces trois-là ont grandi dans un quartier populaire et n’ont pas fait d’école pour apprendre ce qu’ils savent et faire ce qu’ils font. Pas à pas et à l’instinct, Clifto, Fiasko et Waly ont redécouvert par eux-mêmes et apprivoisé les règles de l’écriture cinématographique, de toutes les étapes de la confection d’un film et de l’enregistrement analogique, pour produire une œuvre qui leur ressemble.
Comment s’est passée la réception ?
Waly : Il y a eu beaucoup de bons retours, mais heureusement aussi des critiques. S’il n’y avait que du bon, ce ne serait pas normal. La réflexion qui revient souvent, c’est surtout : « On est en 2014, faut arrêter les mecs. »
Clifto : Mais la façon dont on a fait le clip et dont a été fait le morceau, c’est aussi une forme de discours ; c’est-à-dire qu’il faut s’attendre à une réponse. Et même quand elle est négative, elle peut être intéressante. Fiasko : Oui, il faut un débat. Il faut que les gens commencent à en discuter. Waly : Quand elle est argumentée, la critique est bonne à prendre, qu’elle soit bonne ou mauvaise. Mais je ne comprends pas ce « on est en 2014 ». Clifto : L’évolution, c’est un truc qui obsède les gens. Ils ne comprennent pas ce retour en arrière, pour eux on n’a pas respecté l’évolution. « Y a des mecs qui se sont faits chier à construire un 7D, pourquoi vous l’avez pas acheté ? » Fiasko : Ça c’était un message de Canon, ils nous ont envoyé un mail. (On éclate de rire.)
Vous avez d’abord sorti un EP trois titres, puis douze, tout cela disponible gratuitement sur Internet ; vous avez réalisé des clips, vous avez fait quelques concerts l’année dernière… mais vous ne vous sentez pas prêts à sortir un album.
Fiasko et Waly : Non, toujours pas.
Quelle est la différence entre ce que vous avez accompli jusqu’à présent et un album ?
Fiasko : L’album, ce n’est pas vraiment une question d’argent, de clips, ou de… Waly : Un peu, quand même. Fiasko : Bien sûr, si demain on sort un album, on le vendra. Mais pour ça, je pense qu’il faut pas mal de maturité. Les gens aujourd’hui sortent des CD comme ça, et la plupart passent à la trappe parce qu’ils se lancent dans un truc qui les bouffe, ça va trop vite pour eux. Nous, justement, ce n’est pas du tout ce qu’on a envie de faire. On veut se laisser le temps, on n’a pas de pression de production parce qu’on est totalement indépendants, et visuellement on ne fait que s’améliorer. Donc à partir du moment où on sortira un album, ce n’est pas qu’on sera au top parce qu’on peut toujours progresser, mais on aura atteint le moment d’une certitude. On n’est pas encore dans l’optique de se dire : « Demain, on s’enferme pendant quatre mois dans un studio. » Clifto : Il y a aussi une volonté, inconsciemment quand on discute – on n’en a jamais parlé, là je vais dire un truc… Fiasko : Tu prends un risque. Clifto me confiera plus tard que c’était sa première interview. À nouveau, je sens le plaisir qu’ils ont à parler de leur travail à un étranger qui s’y intéresse, comme un artisan d’ordinaire peu bavard saisit l’occasion pour exprimer la raison et la forme de son geste. Clifto : Le truc, c’est qu’il y a vraiment une volonté d’imposer le fait que ça reste un acte artistique, qu’importe la forme que ça prend. Que ce soit le live – car c’est quand même quand tu vois l’art en vrai que tu le ressens vraiment – ou tout ce dont on parlait tout à l’heure : le délire du physique, le délire du vrai. Que ce soit un maxi, un projet, un EP ou un véritable album, on veut pouvoir dire que ce qu’on fait est une œuvre avant tout. Fiasko : En fin de compte pour nous, ça n’a pas vraiment d’importance parce que notre but final, c’est de se retrouver sur une putain de scène et de faire kiffer les gens. Si on fait des trois titres ou des douze titres, c’est pour qu’on nous appelle et qu’on nous dise : « Vous voulez pas venir kicker ? » Notre priorité, c’est le live. Après c’est bête à dire, mais tout ce qu’on va faire en studio… ça nous pète pas les couilles, mais ce n’est pas là qu’on trouve le plus de kiff. Avant un concert, tu nous verrais… on est les mecs les plus heureux du monde ! On arrive, on est content. L’année dernière, on a fait une scène à Toulouse, c’était la première fois qu’on sortait d’Île-de-France, franchement c’était magnifique. Waly : Ouais, c’était top.
Vous bossez tous à côté ?
Waly : On bosse à côté, ouais. On n’en vit pas encore, un jour on espère.
Il y a des producteurs qui se sont intéressés à vous après les clips et la scène ?
Fiasko : Non, on n’a pas eu de prod’. Ce qu’il y a de bien, c’est que les gens comprennent qu’il y a un petit délire où on est inaccessible. Si les gens ne se sont pas présentés pour nous dire : « Je peux vous faire signer ça, ça et ça », c’est parce qu’ils savaient très bien qu’on aurait refusé. Donc il y a surtout des mecs qui se sont proposés de nous aider.
Clifto : Beaucoup d’artistes sont venus nous voir pour partager des choses. On a même un photographe dans le collectif qui lui-même a fait des trucs par rapport au projet. C’est lui qui a pris la photo de la pochette Budha Cheez / Med Fleed, et lui aussi bosse en argentique. Donc on a plus eu des retours d’artistes, des connexions. Fiasko : Après on a fait un feat. avec Jazzy Bazz. Et maintenant quand on arrive à des concerts, on voit qu’on a un peu de notoriété, et elle est plutôt bonne. Waly : C’est ça, c’est important aussi. Parce que faire un album, le vendre et que ça ne se vende pas, ça fait quand même un peu mal… Un EP, on peut te le faire en deux mois, un album ça demande plus de temps et d’investissement. Clifto : Pour faire un parallèle, le mec qui se sape, qui devient beau gosse et tout, il n’a pas envie d’aller direct dans une soirée discuter avec trente mille meufs pour s’apercevoir que ça ne marche pas, parce que pour lui c’est vraiment une consécration. Nous, on a bossé ça depuis longtemps, on attend d’acquérir une force, d’avoir quelque chose de solide à proposer – parce que l’idée d’un album, c’est vraiment d’être un projet commercial. Fiasko : Et puis on en est encore à un stade où on fait de la recherche, ce n’est pas encore ce qu’on veut. Tous les trucs qu’on a sortis, même les clips, c’est de la recherche. La preuve, c’est qu’on rate encore plein de choses.
Qu’est-ce que vous avez raté ?
Clifto : Au niveau des clips, ça n’a jamais été comme on le voulait à la base. Fiasko : Même « M.City Citizen ». Clifto : C’est le clip le plus proche de ce qu’on voulait. Fiasko : Ouais, alors que « Budha Cheez », quand on a reçu les rushs… (Les deux autres partent d’un rire amer.) Celui-là il a fait très très mal. Clifto : On a failli tous déménager dans un pays lointain. Fiasko : Ce qu’il faut savoir, c’est qu’on a fait un premier clip pour « Budha Cheez » entièrement en 16 mm, qui nous a coûté une blinde. Tout ça pour s’apercevoir quand on a reçu les rushs que c’était tout voilé, il n’y avait aucune image… Mais on a eu quand même des couilles parce que le truc c’est qu’après ce clip-là, on a refait un clip en 16 mm direct. Et là, on s’est dit qu’il fallait pas qu’on fasse la même erreur. Bon, c’était un peu mieux mais c’était pas encore ça. Déjà, on a eu des images. Mais tu vois, ce n’est pas encore abouti, c’est pour ça qu’on attend pour sortir un truc. Même du point de vue du son, on est tout le temps en recherche.
Du coup en ce moment vous travaillez sur quoi ?
Waly : On a un projet avec un gars à nous qui s’appelle Maleek Jays. C’est un mec qui a grandi aux États-Unis, à Washington je crois, et qui vit en France. On a un EP avec lui en préparation. Fiasko : Là, on est plus basés sur des feats qu’on devait faire avec des gens. Parce que pendant longtemps on a été focalisé sur nos trucs et on ne prenait pas les feats, on mettait un peu ça de côté. Mais vu qu’on est un peu dans une période creuse… Waly : Ça fait plaisir aussi, hein. Clifto : D’un côté, on bosse sur le collectif, on a vraiment ressoudé Exepoq ; et en même temps on bosse aussi avec d’autres gens parce qu’on a fait des rencontres. Mais bon, après on est ensemble quoi qu’il arrive. La vie fait que de toute façon on est ensemble. On habite presque tous dans la même rue. Fiasko : (Il ironise, à l’attention de Waly.) Enfin plus maintenant. À une certaine époque. Y en a qui ont réussi, qui ont percé. Y en a qui ont leur appart’ de 25 m², qui ont niqué tout le monde, qui ont pris les droits Sacem et qui se sont tirés avec. (Clifto est mort de rire.) Non, je rigole… Ah et puis un dernier truc, on n’en a pas parlé et on aurait dû le dire avant, c’est que dans « Budha Cheez », il y a moi et Waly, mais il y a quand même une autre personne importante, c’est Papa Lex, le chanteur. C’est ça aussi qui démarque le contenu, musicalement. Il a une culture de ouf et c’est un peu paradoxal, parce que lui a un peu plus de cinquante ans. Il faisait du rock, avant. On s’est trouvé et ça a été le déclic.
Et vous, vous avez quel âge ?
Fiasko : On a vingt-deux ans.
Couverture : Le QG du groupe à l’Albatros, par Ilyes Griyeb.