Jusqu’à il y a environ un an, Megan Smith était la personne la plus calée de son fief, la Silicon Valley. Une matheuse surdouée originaire de Buffalo qui, après avoir obtenu sa licence d’ingénieure au MIT (Massachusetts Institute of Technology), a heurté la Californie telle un météore, s’illustrant au sein d’Apple, General Magic et Google. Puis, Todd Park, le CTO (Chief Technology Officer) du gouvernement américain et conseiller du Président, lui a téléphoné pour lui proposer de lui succéder à ce poste. Elle a accepté.
À peu près à la même époque, un autre irréductible de la Silicon Valley, Alex Macgillivray (plus connu sous le surnom AMac), recevait un appel similaire de la part de Todd Park. Macgillivray comptait parmi les meilleurs avocats de Google, et il avait été directeur juridique de Twitter. Park l’avait choisi pour occuper le poste d’adjoint de CTO aux côtés de Megan Smith. Lui aussi a accepté la proposition du futur ex-CTO. Le duo, en poste depuis presque un an maintenant, a présidé l’opération White House tech policy, localisée au sein de l’Office of Science and Technology Policy, à une époque où le geek qui sommeille en Barack Obama semble s’éveiller. Le fait que le chef exécutif du pays s’exprime fréquemment, et avec conviction, quant à l’idée d’employer l’énergie de l’élite technologique américaine pour rendre le gouvernement plus efficace n’a probablement rien d’une coïncidence, après la débâcle du site healthcare.gov – et de son sauvetage glorieux par une équipe de vétérans de diverses entreprises, notamment Google. Ses interventions au sujet d’une politique en faveur de la technologie (par exemple, la neutralité du Net), sujet longtemps laissé en suspend, se font également plus nombreuses.
Smith et Macgillivray mettent à profit ce moment d’implication du gouvernement dans la technologie pour impliquer la Maison-Blanche dans de nombreux projets, notamment la Police Data Initiative (qui vise à collecter des informations au sein de postes de police locaux collaborateurs, telles que l’identité des personnes arrêtées, et suivre ce qui se passe grâce à des caméras embarquées) et TechHire (pour donner l’accès à des emplois dans le secteur de la technologie au plus grand nombre). Smith s’est trouvée aux côtés du Président à l’occasion de plusieurs événements qui, s’ils sont familiers aux Californiens, étaient auparavant rares sur Pennsylvania Avenue, comme des meetups, des conventions technologiques et des demo days. J’ai récemment interviewé le duo par visioconférence, dans une salle de réunion située près du labyrinthe qui leur sert d’espace de travail, au cœur du bâtiment du bureau exécutif Eisenhower.
Silicon Valley → Washington D.C.
Megan, vous êtes à présent en poste depuis presque un an après une longue carrière dans la Silicon Valley. Quel effet ça fait ?
MEGAN SMITH : C’est incroyable. Nous étions là aux débuts d’Internet et je me souviens encore de ce que c’était dans les années 1997-1998. Toutes ces idées que nous avions en tête depuis longtemps ont enfin pris forme, alors qu’avant c’était comme pousser le rocher de Sisyphe au sommet de la colline. Ce qui se passe actuellement ressemble beaucoup à un début de gouvernement numérique. Il faut dire que les principaux postes du gouvernement sont maintenant occupés par des spécialistes du secteur.
Au départ, la tech initiative d’Obama ne répondait pas aux attentes du monde de la technologie. Mais depuis un an environ, peut-être depuis la débâcle de healthcare.gov, les choses ont pris de la vitesse : on a pu constater un grand nombre d’embauches et des efforts réalisés pour que ce secteur soit davantage mis en avant. Pourquoi la renaissance technologique du gouvernement américain a-t-elle lieu maintenant plutôt qu’en 2009 ?
ALEX MACGILLIVRAY : Il a d’abord fallu labourer la terre avant de semer les graines. Déjà, il y a d’excellents modèles ailleurs qu’aux États-Unis, comme l’Estonie et le Royaume-Uni, dont nous pouvons nous inspirer. Ensuite, nous pouvons remercier Mikey Dickerson, qui préside le United States Digital Service (le service numérique américain) ; il est là depuis un moment et sait comment faire avancer les projets au sein du gouvernement. Car à son arrivée, ce n’était pas comme si les cieux s’étaient ouverts au son du chant des anges ; il a fallu travailler dur. Mais les choses se font de plus en plus facilement à présent.
MS : Le Président était ouvert à la technologie. Et le site healthcare.gov est arrivé, cette grande politique a obtenu l’approbation du Congrès. C’est un brillant modèle commercial, ça en a tous les atouts… comment imaginer qu’un site Internet viendrait tout gâcher ? Même lorsqu’il était de nouveau fonctionnel, il fallait quand même cliquer sur 70 pages pour en faire le tour et terminer l’inscription. Si vous deviez passer par 70 pages pour acheter un article sur Amazon, est-ce que vous y achèteriez quoi que ce soit ? L’équipe chargée du projet s’est empressée de corriger ça. Le Président a alors été témoin de ce qu’il n’avait jamais vu jusqu’ici. Il connaissait les informaticiens, ils lui étaient familiers puisqu’ils avaient participé à sa campagne, mais il n’avait jamais véritablement assisté aux coulisses du métier. Aussi, le fait de les voir debout toute la journée à faire leur job a dû être révélateur ; il a dû se dire : « OK, on a besoin de ces gens, il faut changer les choses. »
J’aimerais vous demander, à chacun d’entre vous, si accepter ce job a été une décision difficile à prendre ?
AM : Ça tombait sous le sens pour moi. Je pense qu’il ne nous a fallu que quelques heures à chacun pour nous décider. MS : J’ai d’abord reçu cet e-mail de Todd Park. Au début, je me disais : « Quoi ? Déménager à Washington ? » Mais quand il m’a décrit le boulot, ça m’a paru être une opportunité incroyable.
Qu’est-ce que ce travail avait de si incroyable ?
« C’est un environnement collégial, très différent de celui de l’entreprise. » — Megan Smith
MS : Cette capacité que j’ai désormais d’être réellement utile aux Américains. Je réalise à présent qu’il y a deux pratiques que nous devrions mettre en place. D’abord, être présents où se trouvent nos semblables, comme au MIT ou dans la Silicon Valley, car on peut très vite progresser dans ce genre d’endroits et accomplir des choses extraordinaires. Ensuite, nous rendre là où les informaticiens se font rares. Dans ces endroits, les gens sont incroyablement entreprenants et portés par leur mission, très talentueux. À Washington par exemple. Ils sont très bons en économie, pour écrire des discours, et vraiment bluffants dans le domaine législatif. Mais ils ne sont pas aussi techniques que nous. Il manque littéralement un siège pour un informaticien autour de la table, et nous devons l’ajouter. Nous devons également nous montrer. Il nous faut aller et venir au sein du gouvernement pour être aussi efficaces que possible.
Vous dites que les gens à Washington sont entreprenants ? Je les vois ambitieux, mais pas nécessairement entreprenants, particulièrement en termes de prise de risques.
MS : Je ne sais pas, je les ai pas trouvés comme ça. Je pense que le fait de travailler dans le domaine légal relève de l’entrepreneuriat, d’une certaine façon. On trouve parfois des personnes fabuleuses même parmi les techniciens. Il y avait ce groupe d’informaticiens à l’Administration de la sécurité sociale qui voulait être dans le cloud, ils sont donc allés chercher des ordinateurs non utilisés, ont créé leur propre base sur Hadoop et ont commencé à se construire là-dessus. Pour moi, ce sont des gens entreprenants. AM : Dans ce milieu, il n’y a pas de conflits en rapport avec la motivation. Il n’y a pas besoin de posséder un serveur publicitaire pour fonctionner. Vous avez un but à atteindre et vous travaillez pour l’atteindre.
Vous avez tous deux travaillé pour des entreprises qui ont parfois été en désaccord avec le gouvernement – notamment vous, Alex. Comment gérez-vous cela ?
AM : Quand je suis arrivé à Washington, j’ai été surpris par le fait que les gens étaient très prompts à venir me parler. En tant qu’avocat, j’aime débattre et essayer de parvenir à la meilleure solution. MS : J’avais pu voir le MIT sous cet angle lorsque je siégeais à son conseil. Que ce soit au CEA (Council of Economic Advisers), au Conseil de sécurité nationale ou au sein de l’équipe entourant le CTO, on se trouve à tenir des conversations qui ressemblent fort aux discussions qu’on a lorsqu’on monte un projet étudiant. On peut être d’accord ou non, c’est très collégial. C’est un environnement très différent de celui de l’entreprise.
QT
Megan, vos deux prédécesseurs au poste de CTO avaient chacun leur agenda, des projets qu’ils tenaient particulièrement à accomplir lorsqu’ils étaient en poste. Quels sont les vôtres ?
MS : Je me concentre vraiment sur trois choses. D’abord, nous avons fait du QT (quotient technologique) une politique prioritaire, on utilise le terme comme on utilise QI et QE. Le but est de nous assurer que des techniciens siègent au Conseil, qu’ils participent à tous les sujets, depuis le fait de devoir faire place nette au gratin américain de l’innovation jusqu’aux discussions autour de l’encryptage, de la neutralité du Net ou de la réforme des brevets.
Quand vous parlez d’avoir des personnes à fort QT autour de la table, vous sous-entendez des personnes qui sont effectivement des informaticiens ? Des geeks ?
MS : Oui.
Ou bien vous parlez d’augmenter le QT des Américains ?
AM : Mille fois oui ! Nous avons beaucoup de personnes intelligentes ici, qui s’y connaissent en technologie. S’assurer qu’elles aient un siège à la table du Conseil plutôt qu’un siège face au mur est extrêmement important.
Comment entre-t-on au Conseil ?
MS : En faisant ce qu’on attend de vous. Si vous vous présentez à la réunion et y apportez un avantage, on vous demandera de revenir.
Donnez-moi un exemple d’une fois où vous avez changé la composition du groupe présent autour de la table.
AM : La Police Data Initiative. C’est un modèle complètement entrepreneurial : un groupe de personnes réunies parce qu’elles voient une opportunité de collaborer et de résoudre un problème en particulier. MS : Tout est parti de l’idée de réunir les bonnes personnes. Nous avons convoqué ce groupe et dit : « OK, qu’est-ce qu’on peut faire ensuite ? » Et ils étaient là : « J’ai une idée, j’ai une idée ! » Comme dans la Silicon Valley, on cherche toujours celui qui a une solution. Les venture capitalists ne se disent pas : « Oh, tiens, je pense que je vais créer Twitter aujourd’hui. » Une personne a l’idée. Sur notre planèten il y a toujours quelqu’un qui a une solution pour quasiment tous les problèmes, il nous suffit de le ou la trouver. Dans ce cas en particulier, nos collègues connaissaient des individus créatifs.
OK, quelle est la deuxième de vos priorités ?
MS : Le gouvernement numérique. Mikey et Haley de l’équipe des services numériques américains sont nos éléments-clés dans cette entreprise. De mon point de vue, nous sommes comme leurs membres du conseil, ou leurs équipiers. Ils fonctionnent comme une start-up, ils recrutent leur équipe, ils se développent. Ils disposent de vingt millions de dollars fournis par le Congrès, ce qui leur permet de travailler sur une dizaine de projets très spécifiques, c’est une très bonne chose.
D’accord ; et le troisième dessein sur lequel vous travaillez ?
MS : Il s’agit d’une idée que j’ai ressentie comme étant très importante, et le Président l’a approuvée. Je l’appelle Innovation Nation. Comment propose-t-on à davantage de citoyens américains de vivre le type d’expériences que nous vivons en tant qu’informaticiens ? En éveillant la jeunesse aux STEM (« Science, technologie, ingénierie et mathématiques ») de façon ludique, comme avec les exposciences et surtout la robotique et la découverte. Le Président a bien travaillé à augmenter le taux d’obtention du diplôme de fin d’études du lycée, mais nous devons vraiment résoudre ce problème et engager nos enfants dans l’économie du XXIe siècle. Nous faisons donc beaucoup de choses. En partie sur la main-d’œuvre s’y rapportant comme TechHire. L’avantage des jobs techniques est qu’ils rapportent 50 % de plus que le salaire moyen des Américains. Nous essayons de convaincre ceux qui pensent qu’ils n’ont pas besoin d’y songer que ce serait une bonne chose. Notamment les minorités, qui sont dans un état critique. Nous avons donné tout récemment un cours dans la Silicon Valley sur la promotion et la rétention des femmes et des personnes appartenant à des minorités ethniques. A également été abordée la question de comment mieux travailler au sein de la communauté du capital-risque, car seulement 3 % de l’argent est versé aux femmes, et moins d’1 % aux personnes issues de minorités ethniques. Quelle est la solution ?
Que pouvez-vous faire ? L’intimidation est-elle votre arme principale ?
MS : Pas tant l’intimidation, plutôt des arrangements. Il faut que nous soyons capables d’en communiquer l’importance, mais également de réunir des personnes qui ont les solutions et de les avoir toutes sur la même longueur d’onde.
Vraiment ? Que peut-on faire pour avoir davantage de femmes associées dans les sociétés d’investissement ?
MS : On peut faire beaucoup. Les gens qui financent des start-ups doivent trouver des femmes et des personnes issues de minorités ethniques, ils doivent se montrer ouverts à leurs idées, et revoir leurs préjugés inconscients. Nous en avons tous. Nous étudions donc la science des préjugés inconscients et tentons de trouver le moyen de les atténuer. AM : Un des nombreux super-pouvoirs de Megan est sa capacité à non seulement connaître des personnes ayant travaillé dans tous les domaines que vous pouvez imaginer, mais aussi à réunir ces personnes et les lancer dans une conversation qui surpasse notre implication et qui parvient à faire avancer les situations. Et il y a encore une centaine d’autres choses. Le Président peut réunir des personnes au Bureau ovale, c’est une bonne chose, et il possède le compte Twitter @Potus, pas vrai ? Il peut faire beaucoup juste avec ce compte.
Est-ce que le Président a parlé à certaines de ces compagnies en particulier, à ce propos ?
MS : C’est un sujet récurrent dans ses allées et venues entre la Valley et Los Angeles : rappeler l’importance d’impliquer davantage de monde dans ce domaine. Nous avons également organisé le premier meetup technologique ici, à la Maison-Blanche, réunissant les cinquante plus grands organisateurs de meetups venus de quarante États – qui ont été géniaux –, ainsi que des personnes voulant s’insérer dans le monde du travail.
Avez-vous donné des conseils par rapport à l’amélioration de la sécurité du gouvernement ? Je pense notamment au piratage massif des informations gouvernementales.
AM : Il y a eu tellement de gros incidents médiatisés, le plus récent étant celui de la Hacking Team. Le problème n’est pas seulement le gouvernement. Tout le monde a besoin d’être mieux accompagné, d’être capable de faire le meilleur choix quant à sa sécurité. L’enjeu n’est pas seulement de savoir comment nous pouvons améliorer le gouvernement ou de faire rentrer les meilleurs experts en sécurité au gouvernement, mais également de saisir ce que nous pouvons faire au niveau fédéral qui améliorerait la sécurité en ligne. C’est un problème épineux.
N’êtes-vous pas limités par les impasses auxquelles aboutissent fréquemment les votes du Congrès ?
MS : Non. AM : Les trois branches du gouvernement agissent comme des freins les unes sur les autres. Il y a des équités différentes au sein même de la Maison-Blanche. Donc on se dit : « OK, que puis-je faire qui aura un quelconque impact, et comment est-ce que je le mets en œuvre ? » Avec ce Président, ça a parfois été des ordres très efficaces de l’exécutif, d’autres fois des lettres adressées à la FFC (Federal Communications Commission). Rien n’est limité par ce qui est supposé se passer dans une journée normale au Congrès. Il y a plein de possibilités. MS : C’est un mélange de collaboration avec le Congrès, et également de décisions qui émanent du pouvoir exécutif. On fait fonctionner le pays. Voici un exemple : À Pine Ridge, dans le Dakota du Sud – j’en viens –, l’espérance de vie est de 48 ans. 30 % de la population obtient son diplôme à la sortie du lycée. 70 % de taux de chômage. Ça n’allait pas. Nous nous y sommes rendus, et il s’est trouvé que nous pouvions être utiles en tant qu’équipe du CTO. Par exemple, il y avait moins de 10 % de connectivité Internet là-bas. Donc en ajoutant un peu de QT, on a pu organiser une réunion avec les opérateurs téléphoniques de Pine Ridge et découvrir qu’en réalité, la ville était équipée de la fibre. Les écoles sont faites de telle sorte qu’elles ne communiquent pas avec untel, ou bien c’est le service de la santé qui ne s’adresse pas aux bonnes personnes. Mais nous pouvons réparer ce genre de dysfonctionnements. Il suffisait de faire intervenir un ingénieur en connectivité, qui s’est porté volontaire pour nous accompagner, afin de comprendre comment résoudre ce problème de façon claire. La plupart des plus grands problèmes des États-Unis peuvent être résolus en travaillant ensemble.
Crypto Wars
Alex, parlons de la politique de cryptage. Certaines personnes au gouvernement débattent à propos d’une certaine autorité de séquestre. Quelles sont vos recommandations à ce sujet ?
« Il y a des dirigeants dans la pièce, mais aussi des citoyens américains avec lesquels nous pouvons échanger. » — Megan Smith
AM : Le Président a dit que nous étions en plein dans le processus décisionnel, je n’en parlerai donc pas. Le fait de garantir la mise en application d’une loi donnant accès à des informations est un problème compliqué à une époque où l’encryptage est courant.
Étant donné que vous avez travaillé pour Google et Twitter, je suppose que vous y abordiez déjà ce genre de problèmes et que vous en êtes arrivé à certaines conclusions. À présent que vous faites partie du gouvernement, avez-vous reconsidéré ces conclusions ?
AM : On est recruté pour un travail comme celui-ci au gouvernement pour sa carrière : aussi bien pour ce qu’on a déjà accompli que pour ce qu’on pourra apporter. Mais en plus, on obtient bon nombre de nouvelles informations intéressantes. On entend d’autres arguments. Un exercice qui m’amuse est de compter combien des choses que je pensais être vraies le sont effectivement. Et supposant qu’on a toujours le même point de vue qu’on avait au début de sa carrière, on peut envisager la façon dont on arrivera à rallier les équités présentes autour de la table à sa manière de voir les choses. Ou bien comment faire pour accepter le fait que leur façon de penser est peut-être la bonne.
Durant les crypto wars (guerres de la cryptographie) des années 1990, le gouvernement réduisait souvent son argumentaire à : « Si vous saviez ce que nous savons, vous changeriez d’avis. » Maintenant que vous faites partie du gouvernement, savez-vous ce que le gouvernement sait ?
MS : Oui. On apprend à le savoir. Un des buts des réunions est de recueillir les différents points de vue autour de la table et d’avoir une discussion globale. Il y a des dirigeants dans la pièce, mais aussi des citoyens américains avec lesquels nous pouvons échanger et dont nous pouvons prendre en compte le point de vue. Pendant le débat sur la neutralité du Net, c’était génial d’avoir quatre millions de personnes dont la voix pesait dans la FCC. Un des points essentiels pour nous est de faire en sorte d’avoir les meilleures perspectives techniques pour l’ensemble des idées, et de ne pas les laisser de côté.
En parlant de neutralité du Net, en novembre dernier, le Président a fait une déclaration poignante en faveur de celle-ci à la FCC. Il ne s’était jamais exprimé en faveur de la neutralité du Net auparavant…
MS : Si, en tant que candidat.
Mais cette déclaration a témoigné d’un soutien plus actif de sa part. Y êtes-vous pour quelque chose ?
MS : Le Président a toujours été plutôt favorable à cette idée, et ce depuis sa campagne électorale ; il la comprenait et avait pris de son temps pour la comprendre. Nous y avons contribué. Le but était de nous assurer, une fois encore, que notre connaissance de la technologie était prise en compte, aux côtés de nos équipiers de l’économie et de la législation.
Mais à partir de novembre, il a semblé plus catégorique sur le sujet. Y avait-il un message spécifique dans vos explications techniques, quant au fonctionnement de l’encryptage, qui aurait fourni de nouvelles pièces du puzzle au Président ?
AM : C’est un homme intelligent, et bien conseillé. Il n’y a personne qui puisse le faire changer d’avis, si ce n’est lui. Si vous voulez mon avis, nous aurions très bien pu ne pas nous montrer pendant trois mois que nous aurions abouti au même résultat.
MS : Je pense que nous avons apporté beaucoup de perspectives architecturales, du point de vue technique, sur le fonctionnement d’Internet.
L’un et l’autre, qu’est-ce qui vous manque le plus dans le fait de ne plus travailler dans la Silicon Valley ?
AM : À l’instant, il se trouve que j’ai faim, donc la première chose qui me vient à l’esprit serait le restaurant Taqueria Cancun sur Valencia Street. MS : J’avais des collègues brillants là-bas, mais j’apprécie vraiment mon équipe actuelle, car c’est l’équipe la plus hétéroclite avec laquelle j’ai jamais travaillé. Maintenant, quand je retourne dans le monde de la technologie, je suis vraiment choquée. Vous ne réalisez pas à quel point c’est uniforme jusqu’à ce que vous vous retrouviez dans une communauté d’innovation américaine normale, diversifiée, comme l’est l’équipe du Président. Et quand vous y retournez, vous êtes juste émerveillée. Vous vous dites : « Cette industrie est vraiment géniale, et pourtant nous passons à côté de tous ces gens talentueux… » Mais on les ramène ici.
Traduit de l’anglais par Marie Le Breton d’après l’article « The White House’s Alpha Geeks », paru dans Backchannel. Couverture : La Maison-Blanche.