Les « petits losers »
Khaled Kelkal était un jeune homme de petite taille mais bien bâti, dont les cheveux formaient une épaisse tignasse de boucles noires. Il est entré en prison à l’âge de 19 ans, faisant montre d’une espèce de défiance frivole qui est la marque de tant d’autres jeunes délinquants de son âge. Ses braquages, ses courses-poursuites avec les flics ? Pour lui, ce n’était qu’un « jeu », comme il l’a confié au sociologue Dietmar Loch en 1992. Son arrestation l’a échaudé. « Et vous savez, en prison, on ne peut que gamberger. Et j’ai pu beaucoup gamberger », a-t-il confié au chercheur. « Je sais, c’est vrai, tout ce que m’a dit ma mère, mon père… Mais on s’en rend compte qu’après, parce que, sur le coup, on est comédien. Et dans la prison on est tout à coup spectateur, on se dit : “On n’est plus dans la vie, qu’est-ce que j’ai fait ?” » Kelkal s’est tourné vers l’islam qui avait bercé son enfance, y trouvant le sens de la camaraderie et le sentiment d’appartenance à une communauté qu’il n’avait trouvés précédemment que dans le crime. « Je ne suis ni arabe, ni français, je suis musulman. Je ne fais aucune différence. Si maintenant le Français devient un musulman, il est pareil que moi, on se prosterne nous devant Dieu. Il n’y a plus de races, plus rien, tout s’éteint, c’est l’unicité, on est unis », disait-il. « Vous entrez à la mosquée, vous êtes à l’aise tout de suite, on vous serre la main, on vous considère comme un ami qu’on connaît depuis plus longtemps. »
Trois ans plus tard, Kelkal, alors âgé de 24 ans, était l’homme le plus recherché de France. On avait trouvé la preuve qui le liait à la série d’attentats meurtriers commis à Paris, et il était en cavale durant cet été placé sous le signe de la peur. Ses empreintes avaient été retrouvées sur une bonbonne de gaz placée sur une ligne de TGV qui avait manqué d’exploser. À la fin du mois de septembre, des témoins l’ont repéré dans les collines qui s’étendent en périphérie de Lyon, à 25 km à peine de la cité où il avait grandi. Deux nuits plus tard, son corps gisait sur le trottoir d’une rue sombre de la commune de Vaugneray, un pistolet enrayé à la main. Les gendarmes de l’EPIGN ont tâté son corps du pied pour être bien sûrs qu’il était mort. On a retrouvé sur lui deux couteaux, une boussole, et un Coran. Le jeune homme avait rejoint le GIA, le Groupe islamique armé – des insurgés djihadistes luttant contre le régime militaire putschiste en Algérie. (En soutenant ses généraux, la France était devenue une cible secondaire.) En prison, semble-t-il, Kelkal avait été exhorté à revenir à la religion par un islamiste algérien. Les experts affirment que son recrutement par le GIA a eu lieu peu de temps après sa sortie de prison, à un moment où il se trouvait particulièrement vulnérable : malgré la maturité qu’il avait gagnée durant son séjour carcéral, il n’avait ni travail ni perspectives d’avenir.
La France et l’Europe voient rétrospectivement en Kelkal un signe avant-coureur de ce qui allait suivre, le prototype de ces hommes jeunes, fragiles et sans espoir qui, transfigurés par l’ultra-violence et la promesse d’affirmation de soi qu’elle contient, sont aujourd’hui parvenus à terroriser tout le continent. Peut-être est-ce dû à un manque de clairvoyance ou d’imagination, ou bien aux impératifs restrictifs de la logique institutionnelle, mais les services de sécurité européens sont aujourd’hui dépassés par toute une génération de djihadistes faits à l’image de Kelkal. Ces délinquants radicalisés constituent la majeure partie des milliers d’Européens partis faire le djihad en Syrie. Au mieux, ils ont été sous-estimés, au pire, ils ont été créés dans une large mesure par les systèmes qui étaient précisément censés protéger l’Europe du terrorisme.
Il y a plus d’une décennie, les experts du contre-terrorisme avaient déjà commencé à identifier ces individus comme les membres d’une nouvelle catégorie de combattants. « Vous avez les “petits losers” – c’est l’expression qu’on utilisait », dit Glenn Carle, un ancien responsable de la CIA et du National Intelligence Council qui, jusqu’à sa retraite en 2007, échangeait fréquemment avec ses homologues européens. « Avec les services de renseignement français et les autres services francophones, on les appelait les “petits losers”. Lorsque je discutais avec les Espagnols, c’étaient les “pequeños perdedores”. Et il ne s’agit pas d’un terme technique, c’est le qualificatif qui vous vient à l’esprit quand vous les voyez. »
Profil classique
Des voyous et des petits malfaiteurs issus des quartiers les plus moroses, souvent nés au sein de familles musulmanes mais dépourvus de connaissance transmise de l’islam. Des coquilles vides, comme dirait l’islamologue Olivier Roy, bientôt remplies de la propagande du djihad et insensibles au fait d’agir en son nom. Ce sont ces « petits losers » qui sont responsables des attentats de Madrid de 2004 et du meurtre du cinéaste Theo Van Gogh plus tard la même année ; des attentats de Londres de 2005 ; des tueries de Toulouse et Montauban en 2012 ; de l’attentat du Musée juif de Belgique en 2014 ; des attaques de Charlie Hebdo et de l’Hyper Casher à Paris en 2015 ; des attentats de novembre 2015 et enfin, de ceux de Bruxelles en mars dernier. Le « profil classique » de ces 15 dernières années, dit Carle, est celui d’un jeune homme recruté pour faire le djihad sur un terrain de foot, métaphoriquement et parfois même littéralement, sur l’injonction d’une « figure d’autorité présente dans leur cercle social » qui « les pousse à passer à l’acte, à donner “le meilleur” d’eux-mêmes ». Il me donne un exemple. « Je me souviens de Mohammed », qui avait été en Bosnie durant la guerre. « Il disait : “Tu vas jouer au foot tous les week-ends et te branler tous les soirs, ça va être ça ta vie ? Regarde ce qui arrive aux frères partout dans le monde, c’est horrible. Tu peux être un homme, ou rester un loser. Mais tu as une chance de devenir un homme. »
La législation antiterroriste européenne a été écrite dans les années 1990 et au début des années 2000. Les premiers djihadistes sur son sol étaient des combattants issus d’une génération plus ancienne, souvent des intellectuels engagés politiquement venus de l’étranger. C’étaient des militants islamistes arrivés en Europe après avoir fui la répression en Algérie, en Tunisie, en Égypte, en Jordanie et en Syrie – et considérés comme des fanatiques dans leurs pays. Les autorités européennes étaient d’avis qu’il fallait les neutraliser de manière préventive, et de nouvelles lois ont été promulguées pour le permettre. Les islamistes n’ont pas tardé à être incarcérés en masse, dans les prisons françaises particulièrement, et ils ont rapidement commencé à convertir à l’islam et au djihad les criminels avec lesquels ils étaient enfermés. Kelkal est parmi les premiers à en avoir fait les frais.
À l’époque, on accordait peu d’attention au risque que cela nous faisait courir. Les autorités avaient pensé qu’il était préférable de disséminer les djihadistes dans les prisons aux quatre coins du pays, afin d’empêcher qu’ils ne complotent les uns avec les autres. (Avec l’avènement du djihad syrien et le nombre de nouveaux détenus radicalisés qui l’accompagnent, ils ont été contraints de réévaluer leur approche. En plus des quelques centaines d’anciens ou d’aspirants combattants, l’administration pénitentiaire estime aujourd’hui que 2 000 prisonniers français sont des musulmans « radicalisés », et que 8 000 autres environ sont susceptibles de l’être, m’a confié un responsable carcéral il y a quelques mois.) On n’a pas songé davantage à la réinsertion ou à la possibilité d’une « déradicalisation » de ces détenus. L’urgence était d’éloigner la menace de la société, et dans tous les cas, on considérait la plupart d’entre eux comme d’irrévocables idéologues. « Nous savons comment mettre les gens en prison », m’a dit Louis Caprioli, l’ancien sous-directeur chargé de la lutte contre le terrorisme à la Direction de la surveillance du territoire. « Mais nous ne savons pas quoi faire d’eux ensuite, si vous voulez. Il est vrai que le milieu carcéral encourage la criminalité, dans certains cas. C’est un milieu qui encourage – nous l’avons vu clairement – la radicalisation, car nous ne savons pas comment gérer ça. » Des programmes officiels pour la déradicalisation des détenus viennent à peine de voir le jour en France et en Belgique, et ils restent marginaux ailleurs. « Nous accusons un retard extrême », dit Caprioli.
Toute mesure sérieuse en matière de prévention impliquerait de comprendre l’attrait qu’exerce le djihad.
En règle générale, les autorités européennes n’ont pas pris de mesures suite à la conclusion à laquelle certains sont parvenus depuis au moins dix ans, et étayée depuis par une terrible liste d’exemples : le phénomène du djihadisme en Europe est peut-être aussi social que politique. Ainsi, tandis que les autorités ont élaboré de solides outils légaux pour arrêter les hommes identifiés comme des menaces avant qu’ils ne passent à l’acte, peu de choses sont mises en place pour les empêcher de devenir des menaces en premier lieu, que ce soit à travers de mesures sociales spécifiques, d’une police de proximité, d’alternatives à l’incarcération ou de n’importe quelle autre approche. Même Prevent, le programme britannique controversé, vise d’abord à identifier ceux qui ont déjà été ou sont en passe d’être radicalisés. Caprioli, l’ancien haut-responsable du renseignement français, affirme n’avoir jamais entendu « qui que ce soit » proposer autre chose qu’une approche répressive à court terme pour faire face au problème du djihadisme en Europe.
Les marécages
Toute mesure sérieuse en matière de prévention impliquerait nécessairement de tenter de comprendre les mécaniques de recrutement et d’endoctrinement du djihad, mais aussi l’attrait qu’il exerce, ainsi que l’aspiration et les impulsions humaines auxquels il répond. Il ne semble pas y avoir pour le moment de volonté politique en ce sens. « Pour ces ennemis qui s’en prennent à leurs compatriotes, qui déchirent ce contrat qui nous unit, il ne peut y avoir aucune explication qui vaille », a déclaré le Premier ministre Manuel Valls en janvier de cette année, dans un discours qui a révolté les chercheurs en sciences sociales. « Car expliquer, c’est déjà vouloir un peu excuser. » Venant de la bouche d’un homme politique, un tel refus d’examiner le problème ressemble à une tentative de se dégager de toute responsabilité. Une telle ligne de pensée est devenue populaire dans toute l’Europe, alors que les nationalismes connaissent actuellement un regain de tension. Bien sûr, il n’y a aucun doute sur le fait que les djihadistes sont personnellement responsables de leurs actions.
Pour autant, si l’on veut tirer des leçons des deux dernières décennies, il est certain que se borner à les tenir personnellement responsables devant la justice ne suffira pas. Mais la prévention n’est pas une idée facilement vendable. « Politiquement, ça ne convainc pas, et institutionnellement non plus, car il faut donner une réponse immédiate au problème », explique Carle, l’ancien haut-responsable du renseignement américain. « Je sais que ça va paraître un peu naïf, mais c’est pourtant la vérité : si vous augmentez le nombre de crèches et de garderies dans ces communautés, dans 15 ans, il y aura toujours des criminels, mais il y en aura moins. » Il propose une allégorie. « La meilleure mesure que peut prendre une société pour combattre le paludisme n’est pas de courir en tous sens pour administrer de piqûres aux gens, c’est de drainer les marécages. »
Des marécages que l’Europe a indéniablement alimenté. Les attaques des récentes années ont causé une vague de peur compréhensible. Les réactions ont pris des formes diverses : au niveau du gouvernement, une extension du pouvoir des forces de sécurité et de renseignement, ainsi que l’étouffement des voix contestataires ou hésitantes ; au niveau culturel, on a vu se développer un vaste sentiment d’appartenance et de solidarité, dont l’exemple le plus frappant est le slogan « Je suis Charlie ».
Après les attentats de Paris en novembre, le président Hollande a déclaré la France en état d’urgence – toujours en place à l’heure qu’il est –, et cela a permis aux forces de l’ordre de mener plusieurs milliers d’opérations sans mandat et de placer plusieurs centaines de personnes en état d’arrestation. De nombreux raids ont pris pour cible des mosquées, dont certaines ont été fermées. Mais quels que soient les soupçons des autorités vis-à-vis de possibles attentats en préparation, les mesures d’urgence n’ont conduit à l’heure qu’il est qu’à l’ouverture de cinq affaires pour activité terroriste présumée. « Pour le moment, les terroristes qui sévissent dans nos pays ne dépassent pas le stade individuel, ils ont leurs propres trajectoires de vie et ne représentent personne au sein du pays », m’a confié François Heisbourg, président de l’International Institute of Strategic Studies (IISS) ainsi que du Centre de politique de sécurité de Genève (GCSP). « Ce que je crains, c’est que si nous cachons tous ces problèmes sous une couverture – ce que nous faisons actuellement –, nous allons agrandir considérablement le nombre de ceux qu’une organisation comme Daech veut toucher dans notre pays. » L’hypothèse selon laquelle il y a un lien déterminant entre la pauvreté ou l’exclusion et le djihadisme met Heisbourg « très mal à l’aise », d’abord car on a vu souvent des moudjahidin privilégiés – Oussama ben Laden est l’exemple le plus évident – et d’autre part parce que les conditions de vie d’un individu ne le privent pas de responsabilité. Néanmoins, la posture et les tactiques adoptées par le gouvernement français lui semblent tout à fait contre-productives. « Si c’est intelligent ? Du point de vue de l’antiterrorisme, évidemment pas », dit Heisbourg. « Pour dire les choses simplement : si vous traitez les gens comme de la merde, ils agissent de même. »
Il y a vingt ans, Kelkal, le précurseur des « petits losers », a trouvé dans le djihad une revanche palpitante à prendre sur une société qui, d’après lui, le rejetait. « Khaled Kelkal était un Franco-maghrébin qui cherchait la reconnaissance et la dignité et ne les a pas trouvées », a confié au Monde Dietmar Loch, le sociologue qui s’était entretenu avec lui, après la mort de Kelkal en 1995. Lorsque les deux hommes se sont rencontrés, Kelkal avait dit à Loch : « Moi, j’espère, inch’allah, retourner dans mon pays et monter quelque chose. Travailler un peu et mettre un peu d’argent à côté. Je ne veux pas vivre, je ne veux pas dépendre de ces gens. Quand j’aurai assez d’argent pour pouvoir ouvrir un petit commerce, quelque chose à moi… Si je travaille, je mange. Si je travaille pas, je crève. C’est tout, ça dépendra de moi et pas de quelqu’un d’autre. » Trois ans plus tard, Kelkal était étendu mort sur le trottoir. S’il avait été possible, d’une manière ou d’une autre, de distinguer le jeune homme des idées fanatiques qui s’étaient emparées de lui, peut-être aurait-il pu offrir un exemple des aspirations et de la colère auxquelles ces idées avaient parlé. Les autorités chargées de protéger l’Europe des Kelkal de ce monde ont très certainement la capacité d’agir pour changer ça. La tragédie, c’est que pour l’instant, elles ne semblent pas avoir pris la peine de le faire.
Traduit de l’anglais par Nicolas Prouillac d’après l’article « How Europe’s ‘Little Losers’ Became Terrorists », paru dans The Atlantic. Couverture : Après les attentats du RER B en juillet 1995. (AFP)
IL ÉTAIT UNE FOIS UN DJIHAD : VIE ET MORT DE JEUNES RADICALISÉS
Ifthekar voulait fuir son quotidien morne à Portsmouth. Il a fini par décider de s’envoler pour la Syrie et a entraîné d’autres jeunes avec lui.
I. Le tutoriel
Il n’y a pas si longtemps, dans un pays pas si lointain, un Britannique allait devenir une icône pour toute une génération d’islamistes européens partis combattre et mourir en Syrie et en Irak. Il s’assied face à une webcam, dans la modeste maison de ses parents située sur la côte sud de l’Angleterre, et enregistre un tutoriel de 90 minutes expliquant la façon dont il faut s’y prendre pour nouer convenablement un turban… L’image est floue et l’éclairage mauvais, mais suffisamment nette pour révéler la figure d’un jeune homme à l’incroyable chevelure noire. De part et d’autre de son visage, ses cheveux tombent en de longues boucles épaisses, dessinant sur le col retourné de son blouson une ultime courbe folle. Le front est plus délicat : de fines mèches l’effleurent, encerclant ses yeux noirs, son nez élégant et sa bouche charnue, jusqu’à l’orée de sa barbe sombre. Ifthekar Jaman a l’air d’un mousquetaire. Un Robin des Bois. Un Che Guevara. Et ce n’est pas un hasard. Le regard fixé droit devant lui, Ifthekar examine son image, puis passe sa main d’un côté de sa chevelure avant de l’aplatir de l’autre. « Assalamu alaykoum », dit-il, avant d’ajouter : « OK… Euh… Je me disais que j’allais faire un petit tutoriel sur, euh, les turbans. Parce que certains frères – je me demande s’il regarde – euh, @ReflectionofIslam m’a demandé si je pouvais faire un tutoriel, donc je me suis dit ouais, j’vais faire ça. »
Ifthekar vérifie à nouveau de quoi il a l’air, et aplatit ses cheveux deux ou trois fois de plus. Il regarde son smartphone et lit à haute voix. « Hafi-m-m-muni », dit-il avant de se corriger. « Hafid Munir, tu regardes ? Je fais ce tutoriel pour toi. Tague-moi, tague-moi comme ça je saurai que tu regardes. » Sans audience, le tutoriel n’a aucune raison d’être, Ifthekar attend donc en silence, contemplant son image à l’écran. Il joint ses mains et les pose sur ses lèvres. Ses cheveux ne sont toujours pas à son goût, aussi recommence-t-il à y passer la main, à les remettre en place, les ébouriffer et les lisser. « Ces cheveux, c’est n’importe quoi ma parole », se plaint-il, comme si quelqu’un le regardait – ce qui ne sera le cas qu’au bout de quelques minutes. « Cool, merci mec », dit Ifthekar en souriant à son portable. Puis, prenant une calotte musulmane, il s’éclaircit la gorge et commence. « D’accord », dit-il. « OK. Donc. D’abord, il te faut une coiffe… » Sur ces images, Ifthekar Jaman avait 22 ans. Ses parents, Enu Miah et Hena Choudhury, étaient des immigrants de la première génération, venus du Bangladesh. Ils étaient arrivés en Angleterre en 1981 et s’étaient installés sur Hudson Road à Portsmouth, à quelques rues d’où est né Charles Dickens, et à vingt minutes à pied des quais d’où l’amiral Nelson est parti pour Trafalgar. Comme des centaines d’autres émigrés bangladais, Enu et Hena ont ouvert un restaurant dans lequel ils vendaient des kebabs, biryani, tandoori et frites avec sauce curry à emporter, (livraison gratuite pour des commandes de plus de 6 £). Le nom qu’ils ont donné à leur boutique, St Mary’s Kebab & Masalla, témoignait de la réussite du multiculturalisme, dans lequel l’État britannique et les centaines de milliers de nouveaux citoyens venus de ses anciennes colonies – que l’Angleterre a commencé à accueillir cinquante ans après la chute de son Empire – avaient placé leurs espoirs.