Le peuple syrien est assassiné. Alep, autrefois la capitale économique du pays, est aussi l’une des plus anciennes cités du monde à avoir été continuellement habitée. La deuxième décennie du XXIe siècle pourrait connaître la fin de cette extraordinaire histoire. Les civils fuient la ville en masse pour échapper aux combats qui dévastent ses rues et des milliers d’entre eux y ont perdu la vie. Depuis la mi-novembre et le déclenchement d’une offensive sans précédent de la part de l’armée du régime de Bachar el-Assad, qui vise à terrasser les rebelles et reprendre le contrôle total de la ville, les civils fuient massivement. D’après l’Observatoire syrien des droits de l’homme, ce sont plus de 120 000 citoyens désarmés qui ont quitté la partie est de la ville, dernier bastion des factions rebelles, face aux attaques des soldats du régime.
D’autres y vivent toujours et lancent des appels désespérés sur les réseaux sociaux, à l’approche des forces du régime. La rumeur de leurs exactions est sur toutes les lèvres. Waad Alkateab est l’épouse d’un des derniers médecins présents à Alep et mère de plusieurs enfants. Depuis des mois, Waad documente la situation terrible d’Alep-Est et fait parvenir ses vidéos aux médias anglophones. Ses images, retransmises par Channel 4, montrent la violence des attaques perpétrées par l’armée syrienne et la terrifiante confusion dans laquelle vivent les derniers civils de cette partie de la ville. « Ces derniers jours, nous avons entendu parler de l’éventualité d’un accord entre le gouvernement et les rebelles, les États-Unis et la Russie, mais au sol nous n’avons rien vu », commente-t-elle d’une voix calme. « Les forces du régime sont proches, c’est tout ce que nous savons. Et il y aura un grand massacre s’ils reprennent notre quartier. » Son témoignage comme ceux d’autres civils dans la zone font état d’un dangereux piège tendu par les soldats d’Assad. « J’ai vu des hommes, des femmes et des enfants terrifiés », raconte Waad. « Ils ont été surpris d’être pris pour cible alors qu’ils se rendaient en groupe dans la zone aux mains du régime, pour sauver leurs vies. » Les messages de détresse postés sur Twitter ces dernières heures incluent pour beaucoup la mention [last message]. Waad est pourtant décidée à rester. « Je ne veux pas partir, c’est mon Alep, ma ville adorée », dit-elle sur les images d’un parc en ruine où jouent encore des enfants. « Peut-être que si nous avons assez de foi et de force dans nos cœurs, le désastre sera terminé. Tout ira bien. »
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Couverture : Des frappes du régime à Alep-Est. (Reuters)