Le cinéaste américain Brian De Palma, comme tout grand réalisateur hollywoodien, est un maître du cinéma de genre. De la comédie musicale (Phantom of the Paradise, 1974) au film de gangster (Scarface, 1983, Les Incorruptibles, 1987) en passant par l’espionnage (Mission: Impossible, 1996), il est également reconnu pour ses thrillers hitchcockiens mâtinés de paranormal : Carrie (1976), Fury (1978), Blow Out (1981), Body Double (1984). La carrière de ce créateur aux nombreux visages est l’objet d’un documentaire réalisé par Noah Baumbach et Jake Paltrow, qui sortira prochainement aux États-Unis. L’affiche du film, dans lequel le réalisateur porte un regard critique sur toute sa filmographie. « Comme je joue avec les extrêmes, je génère souvent des réactions extrêmes », a-t-il confié au Daily Beast lors d’un long entretien. C’est ainsi que Brian De Palma se perçoit, lui qui a jonglé toute sa carrière entre critiques dithyrambiques et assassines. Il en ressort un rapport difficile avec le milieu : « On vous juge en fonction d’une mode, et quand cette mode change – ce qui est arrivé à la plupart de mes films – et qu’on les revoit 40 ans plus tard, ils ont quelque chose qui la transcende. » Brian De Palma revient aussi sur certains événements qui ont déterminé ses thèmes de prédilection, lui qui a co-scénarisé la plupart de ses films. À 16 ans par exemple, sa mère lui demande de suivre son père dans l’espoir qu’il le surprenne en train de la tromper. Or, son œuvre développe souvent le thème du voyeurisme : « Ça m’a peut-être influencé. Observer, c’est la base du cinéma. On regarde à travers la caméra, on suit les gens, on prend des angles de vue subjectifs, on mate. (…) La chose la plus sidérante, au cinéma, c’est quand on voit la même chose que le personnage. C’est quelque chose que j’ai souvent utilisé. » Jack Sculy, le personnage de Body Double (1984) a la fâcheuse tendance d’observer sa voisine. Même schéma avec son père, chirurgien, dont le métier explique son rapport à la douleur et au sang dans ses films : « Quand tu grandis dans un hôpital, crois-moi (…), tu vois beaucoup de sang. J’ai vu des gens mourir, d’autres souffrir. (…) Les images sont puissantes. » Il nous éclaire aussi sur ses liens avec le gratin hollywoodien. Après avoir découvert l’acteur Robert De Niro, il se lie d’amitié avec Martin Scorsese : « [Robert De Niro] a auditionné pour The Wedding Party, mon film de fin d’études, je l’ai casté moi-même. C’était au printemps 1962 et Bob sortait des cours dramatiques du Sarah Lawrence College où j’étudiais. Bob est juste venu pour un rôle de témoin. Wilford Leach, grand metteur en scène qui donnait des cours ici a dit : “Ce gars-là est vraiment bon.” (…) Inutile de préciser qu’il a eu le rôle avant même de sortir de la pièce. » DePalma et De Niro sur le tournage des Incorruptibles (1987). Ses relations lui donnent accès à des moments privilégiés. Notamment une des premières séances de Star Wars, en présence de George Lucas, et à l’issue de laquelle il se permet de critiquer le film : « C’était une séance pour les amis. J’étais là, Steven [Spielberg] aussi. Jay Cocks et moi avons réécrit le fameux générique d’ouverture, car on ne comprenait rien à ce qui allait se passer dans le film. Nous avons travaillé pour donner un peu de sens à tout ça. (…) J’ai l’esprit acerbe, et si on me demande quelque chose je dis toujours la vérité. Nous étions là pour dire à George ce que nous pensions de son film, et la vérité c’est que le résultat n’était pas satisfaisant. Mais nous étions épatés par le film en soi. » Al Pacino, dans Scarface (1983), dit « bonjour » à son ami Brian le réalisateur. Le caractère de Brian De Palma lui aura permis de s’imposer face aux studios et de garder une certaine liberté artistique. Pour Scarface, qui est devenu un film culte dans les milieux hip-hop, les studios demandent au metteur en scène de changer la bande-son du film : « Personne n’aurait pu prévoir le succès de Scarface. Ils voulaient mettre du hip-hop dans la BO du film. Ils auraient probablement écoulé plus de DVD. Ils me le redemandent tous les dix ans à peu près, mais j’ai l’avantage du final cut. » Son prochain film, Lights Out (2017), sera produit et tourné en Chine. Un nouveau défi pour cet homme de 75 ans qui cherche encore à s’affranchir du système de financement hollywoodien : « Je travaille sur cette histoire d’une fille chinoise aveugle, un mélange entre Mission: Impossible et Seule dans la nuit. Comme dans ce dernier, elle a vingt ans et des gens la poursuivent car ils cherchent quelque chose qui est caché chez elle. » Brian DePalma continuer de tourner des films du haut de ses 75 ans. Source : The Daily Beast À film mythique, tournage épique. ↓