Comment vous est venue l’idée de Latterly et quel est votre modèle économique ? Latterly est l’aboutissement de plusieurs idées. Fondamentalement, nous proposons une meilleure expérience de lecture. Nous ne sommes pas condescendants envers nos utilisateurs, nous ne les bombardons pas de publicité. Nous racontons des histoires qui mettent en lumière des régions ou des communautés sous-représentées dans les médias, ou qui amènent une compréhension plus profonde de faits d’actualité importants en se focalisant sur un petit nombre de personnes. Nous amenons également nos lecteurs à discuter de journalisme, de l’actualité et de la façon de la raconter sur notre page communautaire. Pour tout cela, nous demandons une petite contribution mensuelle de 3 dollars. Pour le moment, cet abonnement est notre seule source de revenus. Qui sont vos auteurs ? La plupart de nos auteurs sont des journalistes qui nous ont envoyé des pitchs. J’ai parfois commandé des histoires, mais je reçois entre 15 et 25 propositions par mois, venant du monde entier. Certains de nos auteurs sont indépendants, d’autres sont rédacteurs au sein d’autres publications. Et pour une poignée d’entre eux, écrire pour Latterly était leur première expérience de reportage en profondeur, écrit dans une forme narrative. Je pense qu’ils ont beaucoup appris. Comment choisissez-vous vos sujets ? Notre objectif est de rendre des sujets internationaux plus attractifs auprès des lecteurs à travers la forme narrative. Les gens ont tendance à ne pas se préoccuper ou à ne pas comprendre la façon dont vivent ceux qui sont loin d’eux ou qui ont adopté des modes de vie différents du leur. Latterly est l’une des premières publications à se consacrer de cette manière à la mise en lumière de certains aspects de la vie de ces personnes, à travers des reportages en profondeur. La forme narrative – avec construction de personnages et développement d’une intrigue – plonge le lecteur dans ces histoires de façon naturelle. Par exemple, nous avons publié un article traitant d’un crash d’avion au Laos, dans lequel on suit les mécaniciens et les électriciens qui ont été appelés pour procéder au sauvetage de l’épave, qui repose au fond d’un fleuve boueux. C’est une histoire captivante à propos d’un événement dramatique. Mais elle parlait également d’un pays qui trouve rarement sa place dans les journaux, aux prises avec de nombreux problèmes tels que la pauvreté ou les munitions non explosées. Vous vivez à Bangkok et vous avez créé le magazine là-bas. La ville a-t-elle eu une quelconque influence sur Latterly ? Bangkok n’a pas d’influence sur le magazine à proprement parler, mais elle a très certainement permis sa création. Nous y avons emménagé en juin dernier avec ma femme. Auparavant, nous vivions à New York, où j’étais journaliste indépendant. Nous travaillions sans répit pour payer notre loyer et notre train de vie à Brooklyn. Aussi, nous avons décidé de nous échapper et d’essayer quelque chose de nouveau : nous sommes partis en Thaïlande sans job en poche. Tout d’un coup, je respirais financièrement et sur le plan créatif, j’ai pu prendre du recul et réfléchir à l’écriture et à l’industrie médiatique. J’ai réalisé que je pouvais créer une structure qui produirait du meilleur journalisme et donnerait aux lecteurs quelque chose qu’ils ne retrouvent pas dans les médias auxquels ils sont habitués. C’est-à-dire des récits véridiques, purs et sans interruptions, qui ne poussent pas au clic intempestif. Nous ne pensons pas rester vivre ici pour toujours, et le magazine nous suivra où que nous allions. — Ben Wolford, fondateur et rédacteur en chef de Latterly Magazine. Entrevue réalisée par Arthur Scheuer.