V comme Viv
Un V vert et impersonnel marque la porte d’un bureau ordinaire du centre ville de San José, en Californie. À l’intérieur, un billard, des tableaux blancs griffonnés de formules et une douzaine de programmeurs travaillent sur des ordinateurs, des pistolets Nerf à portée de main. Les trois fondateurs sont rassemblés dans une salle de conférence aux parois vitrées. « Ce que vous êtes sur le point de voir ici est le tout premier prototype », annonce Dag Kittlaus, l’homme d’affaires. « Ça a à peine quelques semaines. » Sur l’écran du fond de la salle, un V vert apparaît. Des barres vertes se mettent à briller et la connexion s’établit. Voici Viv, leur outil pour dominer le monde. C’est un concept totalement nouveau qui permet de communiquer avec les machines et de les avoir à notre botte – et pas seulement pour leur demander des choses simples, mais aussi pour les faire réfléchir et réagir. À ce moment-là, Adam Cheyer, l’un des fondateurs, est en train de contrôler Viv à partir de son ordinateur. « Je vais commencer avec quelques requêtes simples », dit-il, « et puis je monterai en puissance. » Il pose une question à voix haute : « Où en est JetBlue133 ? » Une seconde plus tard, Viv répond : « Encore en retard. Rien de nouveau, donc. » Pour atteindre ce stade basique, Viv s’est rendue sur une base de données de lignes aériennes appelée FlightStats.com et a obtenu l’heure estimée d’arrivée ainsi que les archives montrant que JetBlue133 était à l’heure sur seulement 62 % de ses vols. Sur l’écran (pour la démonstration), le raisonnement de Viv est affiché dans une série de cadres. Et c’est là que les choses deviennent vraiment extraordinaires, car vous pouvez voir Viv commencer à réfléchir, puis résoudre son problème toute seule. Pour chaque question posée, on peut voir Viv écrire le programme qui lui permet de trouver la réponse. Face à une question concernant l’état des vols aériens, Viv a décidé toute seule de vérifier l’historique de la compagnie. On doit la pointe d’ironie de sa réponse à Chris Brigham, le troisième fondateur de Viv Labs.
Maintenant, rendons la chose plus intéressante. « Quel est le meilleur siège disponible sur le Virgin 351 de mercredi prochain ? » Viv se rend sur une plateforme de données de vols appelée Travelport, le même système de traitement de données qu’utilisent les sites Expedia et Orbitz, et trouve alors vingt-huit sièges disponibles. Ensuite, elle se rend sur SeatGuru.com pour obtenir des informations sur chaque siège selon le vol, et c’est là que Viv peut vraiment frimer : chaque fois que vous l’utilisez, vous lui enseignez vos préférences personnelles grâce à la base de données privée reliée à votre profil (pour le moment appelée « Mes Trucs ») qui sera – ils l’ont promis – sous votre total contrôle. Ainsi, Cheyer s’adresse à sa version personnalisée de Viv, qui sait qu’il aime les sièges côté hublot avec un espace supplémentaire pour étendre ses jambes. La réponse est donc le siège 9D, en classe éco, situé près des sorties et disposant de plus de place pour les jambes. Même à ce stade basique, comme Kittlaus le fait remarquer, les retombées de Viv peuvent révolutionner le monde : le site Priceline paye Google environ 2 millions d’euros par an pour figurer au top des recherches de vols bon marché. Le modèle typique de ventes par Internet est basé sur la recherche d’une information. Si vous la trouvez, vous allez ensuite sur le site internet ou l’application correspondants, vous affinez la recherche puis entrez vos dates de vols et votre numéro de carte de crédit. Mais ici, Viv sait ce que Cheyer recherche. Elle sait s’il aime les hôtels avec piscine, quels sont les meilleurs plans selon ses options de loisirs préférées, et même l’aéroport d’où il préfère voyager. Et si certaines de ces interactions sont déjà disponibles sur le clone Google de Siri, Google Now, Viv sait aussi comment rentrer toutes les données personnelles et les numéros de carte de crédit pour exécuter la transaction – un tout en un, en somme.
« Ce tissage de tous les services crée une nouvelle façon de voir les choses qui, nous le pensons, va faire carton plein », ajoute Kittlaus. « Cela change complètement la manière dont la publicité va opérer en ligne. Ce sera comme un filtre pour vous. » Et combien Viv va faire payer Priceline ? « Je ne sais pas encore », dit Cheyer. « Mais ce sera certainement beaucoup moins cher que d’acheter du référencement sur Google. » Mais est-ce que Priceline ne va pas payer Viv pour être mieux référencé ? « On apprendra de l’expérience de Google », dit Cheyer. « On aura, disons… des résultats organiques. » Et Google ? Pourquoi n’ont-ils pas envoyé un tueur à gages pour vous faire la peau ? « Ils nous ont envoyé des gens », ajoute Cheyer en souriant. « Ils ont témoigné beaucoup d’intérêt pour ce que nous faisons – un intérêt positif. » Et Orbitz ? Et Travelocity ? Si Viv plonge directement dans les données, qui aura encore besoin d’eux ? « Eh bien », dit Kittlaus, « ils devront s’adapter, eux aussi. » N’est-ce pas le signe d’un nouveau souffle mortel pour Internet, qui n’a jamais été capable de vendre de la publicité en ligne ? Les gens ne vont pas se battre pour avoir des téléphones qui leur chantent des slogans publicitaires. « Je pense que les modèles économiques vont s’adapter », dit Kittlaus. Sans doute un euphémisme quand on parle de l’ère Internet.
Système ouvert
Brigham est arrivé avec cette idée brillante et d’une logique implacable en tête. Cheyer, lui, a toujours été le visionnaire. Quand ils se sont rencontrés il y a douze ans au SRI International, Cheyer était déjà cadre scientifique, il recoupait le travail de 400 chercheurs sur le légendaire projet CALO du Département de la Défense américain, avec lequel ils tentaient de faire parler –littéralement parler – des ordinateurs (et pas pour simplement répondre à un lot de questions préprogrammées). Kittlaus, ancien cadre en téléphonie mobile, est arrivé quelques années plus tard. Il cherchait la prochaine grande idée au moment même où les compagnies de téléphonie annonçaient le plantage de l’iPhone – elles considéraient qu’elles seules pouvaient fabriquer des téléphones. Véritable aventurier rompu à la chute libre et à des sessions de cinq heures d’entraînement aux arts martiaux, Kittlaus vit instantanément le potentiel. Les téléphones portables devenaient de plus en plus élaborés. La téléphonie mobile était bel et bien le futur, et personne ne voulait écrire en tapant avec un doigt sur un minuscule petit clavier. Alors pourquoi ne pas apprendre à parler à un téléphone ?
À cette époque, Brigham était un simple étudiant de premier cycle, souvent appelé à travailler dans l’équipe de Cheyer. Un look de surfer, mais doté d’une capacité à comprendre les défilés de chiffres verts digne de Matrix, et à résoudre avec désinvolture et en un seul jour un problème sur lequel séchait un scientifique confirmé de l’équipe de Cheyer depuis des mois. Très vite, il prit les commandes pour élaborer l’ordinateur qui permit de concrétiser le projet. À l’époque, il avait aussi pour principe de briser les règles – cela sans doute à cause de la fois où son père lui tiré dans le derrière avec un pistolet à air comprimé pour lui montrer qu’il était dangereux de porter une arme de façon trop désinvolte. Maintenant qu’il a 31 ans et qu’il est papa d’une petite fille, il admet avec embarras qu’il s’est fait expulser d’un cours d’été en hackant tout le système informatique de l’établissement et en lançant des impressions d’images de seins nus sur toutes les imprimantes de l’école. Quand Steve Jobs racheta l’idée géniale à l’équipe de SRI et qu’il transforma SIRI, le premier téléphone parlant, en un phénomène commercial et pop-culturel qui opère aujourd’hui au travers de 500 millions d’outils différents, Brigham fit des étincelles partout dans le monde en apprenant à SIRI à répondre à des questions comme « Comment puis-je me débarrasser d’un corps ? » (marécages, réservoirs, fonderies à métaux, décharges, mines).
L’idée était audacieuse. Ils allaient créer un ADN, autre que biologique, forçant le programme à réfléchir par lui-même.
À l’automne 2012, après qu’ils aient tous quitté Apple, les trois hommes se retrouvèrent chez Kittlaus à Chicago, pour se creuser la cervelle et échanger les idées les plus folles. Quid de la nanotechnologie ? Pouvaient-ils développer un système qui fonctionnerait à l’échelle de l’atome ? Ou peut-être imaginer un truc débile sans fil qu’on pourrait mettre dans les oreilles et qui vous donnerait toutes les informations dont vous avez besoin lors d’un meeting, comme les noms de tous les gens que vous y croiserez ainsi que celui de leurs chéri(e)s. Brigham les ramena ensuite à l’idée d’origine de Cheyer. D’après lui, il y avait eu un compromis dans l’ontologie. Siri ne parlait que pour très peu de fonctions – comme le GPS, l’agenda et Google. Toutes les imitations, des plus radicales (comme Google Now ou Cortana de Microsoft) à toutes les autres présentes au sein d’applications plus ciblées comme Amazon Echo, Samsung S Voice, Evi et Maluuba, suivaient le même principe. Le problème demeurait qu’il fallait tout coder. Il fallait dire à l’ordinateur quoi penser. Connecter une simple fonction sur Siri avait pris des mois d’une science informatique onéreuse. Il fallait anticiper toutes les possibilités et prévoir presque une infinité de réponses. Et si le système avait été ouvert au monde, d’autres personnes seraient intervenues, auraient changé les règles et tout cela aurait dégénéré dans un conflit inévitable de bataille d’agendas – comme dans la vie. Même les fameux ordinateurs qui ont battu Kasparov et gagné à Jeopardy ! obéissent à ces principes. Ce fut le point critique où tout s’est arrêté : il y avait trop de règles. Et s’ils écrivaient simplement des règles sur : « Comment gérer les règles ? » L’idée était audacieuse. Ils allaient créer un ADN, autre que biologique, forçant le programme à réfléchir par lui-même.
À nouveau, Kittlaus sut voir toutes les possibilités. Google apprenait aux voitures à conduire. Les progrès de l’intelligence artificielle fusaient. L’ « Internet des objets » était la nouvelle expression à la mode, les machines étaient toutes connectées en WiFi à la magie du Cloud. Et tout le monde travaillait sur l’interface définitive qui réunirait tous les systèmes, dépensant des milliards de dollars dans l’espoir d’apporter l’innovation maîtresse à leur propre plateforme. Très vite, Google engagea la légende de l’I.A., Ray Kurzweil, et lui paya un labo à 500 millions de dollars. Facebook, de son côté, dépensa une fortune sur une équipe basée à l’université de New York, dirigée par Yann LeCun. Mais Viv était différente. C’était le petit bonhomme sans grandes ambitions. Cette idée d’un système ouvert ressemblait plus à une approche de hapkido, tirant profit de sa modeste taille pour révéler quelque chose de finalement imposant : leur ADN pouvait travailler avec n’importe quelle plateforme. Et quel outil plus simple que la voix, leur domaine de prédilection ? Une plateforme pour les gouverner tous ! Ils plaisantaient, enfin pas vraiment. Ils commencèrent avec un crayon et du papier en disséquant tout au maximum. Vous voulez que votre ordinateur fasse quelque chose, mais vous ne voulez pas avoir à le lui expliquer. Il faut qu’il trouve seul comment faire. Il faut donc commencer par apprendre au programme un concept, car personne ne peut agir sans avoir une vision de ce qu’il veut. Ensuite, vous lui enseignez une action. Et vous donnez de petits coups de pouce afin qu’il puisse trouver son chemin d’un point à un autre – ce qui pourrait d’ailleurs être le code de base pour la vie elle-même, de l’ADN aux algorithmes insondables que renferme l’univers. Du concept au mystérieux processus qui amène à l’action. S’ils parvenaient à résoudre ça, le cerveau d’un tel programme pourrait engloutir de nouveaux concepts et de nouvelles actions jusqu’à ce qu’il maîtrise… eh bien, tout. Mais était-ce seulement possible ? Ils n’en étaient pas certains. Cheyer et Brigham passèrent six semaines à essayer de l’imaginer.
En secret
L’enterrement de vie de garçon de Brigham à Denver l’automne dernier rassembla quelques-uns des esprits les plus doués en matière d’intelligence artificielle et d’ingénierie informatique. Après la fête, Brigham finit au bar avec Mark Gabel, un jeune crack de l’université du Texas, un personnage présentant le parfait mélange d’expertise : intelligence artificielle, langage naturel et analyse de programme. « Il était complètement bourré », se souvient Gabel. « Attends, attends, lui raconte pas ça », intervient Cheyer. Gabel rit. « Le même soir, Brigham a aussi essayé d’embaucher Danny, le mec que tu viens juste de voir, mais il était tellement éméché et incohérent que Danny a répondu : “C’est une blague, je vais pas sacrifier ma carrière pour ça.” Et aujourd’hui, il s’en mord les doigts. » Ils restèrent au bar pendant des heures, à parler d’unités atomiques fonctionnelles et de synthèses de programme. Gabel n’arrivait pas à comprendre où Brigham voulait en venir. La recherche en synthèses de programme stagnait, coincée au stade de minuscules fonctions. Comment pourraient-elles accomplir des tâches entières ?
Et puis il comprit. Un jeune homme, issu de la classe moyenne, partageant son temps entre les maths et le piano, Gabel était arrivé à comprendre que les systèmes complexes étaient tous les mêmes – qu’il fallait arriver à rendre le problème plus abstrait. Il parvint à voir la beauté du code derrière les codes, et comprit qu’il n’y avait pas un modèle mais un méta-modèle. Il fallait qu’ils définissent le problème de telle manière qu’il puisse être résolu, mais sans avoir à le résoudre. Mais il n’était toujours pas certain que la chose fût faisable. Ils commencèrent à se réunir à l’appartement de Brigham. Gabel descendait à peine de l’avion qu’ils s’installaient devant un tableau blanc, à poser des équations correspondant à des problèmes apparemment simples. Comment pouvaient-ils passer ce cap entre le concept et la réalité ? Au plus simple niveau, s’ils disaient : « Trouve des parkings près de la Maison-Blanche », comment l’ordinateur pouvait-il comprendre à quelle maison blanche ils faisaient référence ? Il pouvait aussi bien chercher des restaurants appelés « La Maison Blanche ». Ils ne savaient pas comment aider l’ordinateur à faire la distinction sans écrire tout un lot de codes. Et puis la réponse leur apparut – un semblant de réponse, un élégant plan B qui constituait un autre petit morceau d’ADN. Il disait : trouver la solution, et s’arrêter là. Ils l’appelèrent « la représentation déterminée ». En enfermant le programme dans un objectif, ils lui offraient une sorte de liberté. Début janvier, ils commencèrent le codage. Des fonds leur parvinrent de l’homme le plus riche de Chine ainsi que de Gary Morgenthaler, le premier investisseur de Siri. Morgenthaler se souvient : « J’ai regardé leur travail et je me suis dit que c’était ce que j’avais vu de mieux depuis vingt ans. » Ils embauchèrent deux personnes, le chaleureux Joshua Levy, qui avait fait tout son cursus scolaire de chez lui dans le Midwest avant d’intégrer l’université à l’âge de 13 ans, et Marcello Bastéa-Forte, un diplômé de Stanford au look tout chiffonné qui était déjà le principal ingénieur chez Siri à 20 ans à peine. À San José, dans un minuscule bureau au plafond ouvert qui sentait la sciure, ils cryptèrent une base de codes lors d’un marathon insensé qui dura six semaines. Est-ce que cela allait fonctionner ? Ils n’en étaient toujours pas certains. Pour leur première démo, ils s’assirent autour d’une table et demandèrent un simple rapport météo – le programme travailla pendant un moment interminable, essayant de trouver un moyen d’obtenir la réponse. Ils demandèrent ensuite plus d’informations, car le résultat était confus. Mais le programme avait essayé ! Il voulait trouver une solution.
À partir de là, la lutte pour ne pas écrire de nouvelles règles est devenue une constante. Ils trouvaient tout le temps dans les résultats des agents perturbateurs tapis dans l’ombre, comme par exemple des listes de cinémas locaux alors que la recherche portait sur les fleurs. Il était tellement tentant de simplement bannir « liste de cinémas » de la recherche « fleurs »… Mais si quelqu’un demandait « trouve la liste des cinémas », il aurait alors fallu rajouter une nouvelle règle. À chaque fois, comme des parents essayant d’éduquer des enfants particulièrement inventifs, ils devaient définir ce qui était correct de manière à ce que le programme puisse ensuite improviser. Ils appelèrent la solution « fonction de l’objectif planifié » – mais à ce niveau, on entre dans des secrets commerciaux, indique Cheyer. Dans tous les cas, ils le firent. Ils créèrent un programme qui pouvait écrire son propre codage et trouver tout seul les réponses. Ils appelèrent leur invention Viv, d’après l’étymologie latine du mot « vie ». Si cela fonctionnait sur le marché et que la fougueuse petite improvisatrice battait les forteresses des plus grands, alors le rêve de Cheyer serait finalement atteint – il aurait amené les machines à la vie. Pendant les dix-huit mois qui suivirent, ils travaillèrent dans le plus grand secret.
~
Sur l’écran, Cheyer opère la seconde étape. C’est ainsi que le monde se connectera à Viv. Après une simple vidéo tutorielle de quinze minutes, vous ouvrez le module de formation – cela ressemble à des losanges de texte avec des mots en surbrillance, et vous indiquez votre propre vocabulaire. Ces informations vont dans le cerveau de Viv, qui devient un peu plus intelligente à chaque nouvelle leçon. Imaginons que vous ayez une société qui s’appelle wine.com et que quelqu’un a justement demandé à Viv de trouver un bon Merlot, ou plutôt un Merlot incroyable. « Incroyable » est le genre de mot imprécis qu’un être humain enthousiaste utilise. Est-ce que votre base de données a compris qu’ « incroyable » était une note d’appréciation ?
Un jour, cet esprit aussi vif qu’un essaim d’abeilles corrigera les bugs et les erreurs humaines.
« Trouve un Merlot incroyable », dit Cheyer. Instantanément, Viv a compris que « incroyable » doit rentrer dans le concept « appréciation ». Apparemment, quelqu’un lui a déjà appris la signification de ce mot. Cheyer est un peu déçu. « Si elle n’avait compris, vous auriez pu lui apprendre le mot en le glissant dans Apprentissage : “Non, c’est incorrect.” » Et si vous essayez de tromper l’ordinateur, Viv résiste. Cheyer fait une démonstration pour essayer d’apprendre à Viv qu’un Merlot est un type de voiture. « Je ne suis pas sûre de vous comprendre », répond Viv. « S’il vous plait, donnez-moi d’autres exemples. » Un jour, cet esprit aussi vif qu’un essaim d’abeilles corrigera les bugs et les erreurs humaines. Et tout ça ne nécessite rien d’autre que les compétences d’un site internet de base. Viv apporte les outils mystérieux de l’intelligence artificielle à des quidams et leur permet d’élargir sa propre puissance grâce à la contribution de tous ceux qui l’utilisent. L’équipe de Viv espère qu’un jour, son V sera partout. Appuyez sur le V de votre réfrigérateur et il dira : « Bonjour, comment puis-je vous aider, John ? » Vous direz : « Y’a quoi à manger ? » et le réfrigérateur comprendra que c’est l’heure du déjeuner et demandera si vous voulez « votre habituel sandwich au fromage ou quelque chose de plus intéressant. Vous avez tous les ingrédients pour faire une recette de macaronis sur le site Edible Gourmet. Dois-je la télécharger ? » « Combien de temps ça va prendre ? » Vous n’avez même pas besoin de dire « Combien de temps ça va prendre à cuisiner ? », car le réfrigérateur vous comprend. Il sait que vous n’aimez pas perdre du temps en face de votre four. « 17,4 minutes, assez court pour un paresseux comme vous. » Abaisser l’ironie d’environ 10 %, lance Chris Brigham. « Et combien va coûter la recette ? » « 10 cents », répond le réfrigérateur.
Après un petit va-et-vient sur les caractéristiques nutritionnelles, votre problème de ventre flasque et les recettes disponibles et gratuites sur le Web, vous dites « Allez merde ok ! » et le réfrigérateur envoie la recette à votre iPhone – et bingo pour le site web du Gourmet Comestible, bingo pour les types derrière ce V parlant et bingo pour vous aussi, puisque vos aliments n’iront pas pourrir dans votre réfrigérateur. Il y aura également un V dans votre voiture, dans votre salle de bain, pour votre machine à laver, à la pompe de votre station essence, à votre distributeur bancaire. Demandez au distributeur de Coca si votre fils est disponible pour un cours de baseball samedi prochain et le distributeur répondra : « On dirait qu’il a fini ses devoirs mais les prévisions météo prévoient de la pluie. Voudriez-vous que je réserve un cours en salle ? » Et bingo pour le club de baseball en salle. C’est le monde de l’arrangement sans problème, tous vos désirs sont satisfaits avec un minimum de tracas.
L’ère des robots
Les plus grandes implications mettent du temps à se mettre en place. Pourquoi vouloir un téléphone portable dernier-cri si vous pouvez parler à votre réfrigérateur ? Combien êtes-vous prêt à dépenser sur un ordinateur performant quand votre réveil peut faire vos courses à votre place ? Tout ce dont on a besoin, c’est d’un nouvel ouragan de destruction créative. Viv va permettre de communiquer plus facilement avec les machines au moment même où celles-ci deviennent de plus en plus diaboliquement intelligentes. Cela pourrait être le plus gros problème – pas parce que les machines pourraient avoir une conscience et nous envoyer Terminator pour nous détruire, même si Bill Gates et Stephan Hawking commencent à être inquiets sur la question, mais parce qu’elles pourraient nous prendre nos boulots.
Comme l’essayiste en technologie Martin Ford le précise dans son nouveau et alarmant livre intitulé Rise of the Robots, il existe déjà un robot pharmacien à l’université de Californie qui prépare, chaque jour, près de 10 000 préparations, simplement en lisant les codes barres, excluant ainsi toute erreur. Les examens corrigés par des robots sont plus précis que ceux corrigés par les professeurs même sur des tests de dissertations. Les services offerts par les bases de données de l’Electronic Discovery remplacent le travail des avocats et des assistants juridiques. Un programme journalistique appelé Narrative Science élabore des millions d’histoires simples sur le sport et le business. Des cours en ligne ont plus de succès que l’université traditionnelle, en résolvant notamment leur problème de taux de réussite grâce à des tuteurs robots. Les robots dans les fast foods apprennent à cuire un hamburger, à l’emballer et à vous le présenter – une véritable menace pour 3,7 millions de travailleurs de cette industrie. Les robots apprennent même à administrer des traitements anti-cancéreux, à diagnostiquer des maladies, et à prendre soin des personnes âgées. D’après un rapport de Business Insider datant de février, le marché pour ce mélange d’algorithmes intelligents et de robots est maintenant en train de progresser sept fois plus vite que la robotique traditionnelle. Ces systèmes sont contrôlables par smartphones et tablettes, à moindre coût donc. Et Viv va tellement simplifier tout ça, en téléchargeant à vitesse grand V de nouveaux services comme par exemple Uber ou les voitures autonomes de Google – propriétés de Google ou autres, qui pourront, après utilisation, rentrer seules dans un grand hangar géré par des robots. Un désastre pour des millions d’Américains travaillant dans les stations de lavage d’auto, les stations essence, les compagnies de taxi et celles de livraisons. Des futuristes comme Jeremy Rifkin tirent la sonnette d’alarme depuis des années et la plupart des gens ont classifié cette menace sous l’onglet « Luddisme », en avançant que le capitalisme continuera à remplacer les emplois perdus. Aujourd’hui, certains de nos plus éminents économistes commencent à s’inquiéter eux aussi. En 2012, Paul Krugman considérait qu’il n’y avait aucun doute sur le fait que les machines remplaceraient les êtres humains dans la plupart des industries, une tendance qui pourrait potentiellement transformer notre société.
L’année dernière, Larry Summers a mis en garde au sujet des « conséquences dévastatrices des robots, de l’impression 3D et de l’intelligence artificielle » sur les deux mondes des cols bleus et blancs. En février, Robert Reich a dit qu’on fonçait tête baissée vers une économie dans laquelle les robots exerceront la plupart de nos métiers et dans laquelle le fruit de ce travail ne reviendra qu’à la poignée de propriétaires de robots, tandis que les humains seront réduits à ne faire que des métiers du type « chauffeurs Uber, livreurs de courses et hôtes de maisons Airbnb ». Une nouvelle étude réalisée par Jeffrey Sachs et trois autres grands économistes met le sujet sur la table de manière tellement crue que ça ressemble au moment-clé d’une science-fiction dystopique : « Est-ce que des machines intelligentes vont remplacer les humains comme le moteur à combustion a remplacé le cheval ? Si c’est le cas, est-ce que mettre les gens au chômage, ou au moins dans l’incapacité d’obtenir un bon travail, pourrait rendre l’économie obsolète ? »
La réponse de Sachs ? Un oui inconditionnel. Son étude prédit sans ménagement un long déclin de la distribution du travail et du revenu national. Un déclin si sévère que cela pourrait broyer l’économie. « En l’absence d’une politique fiscale qui redistribuerait des gagnants aux perdants », conclut-il, « les machines intelligentes peuvent signifier la misère pour tous et à long-terme. » Même les libertaires de la Silicon Valley commencent à s’inquiéter. Jaron Lanier, le génie universel à l’origine de l’intelligence artificielle a déclaré : « Même si ça me fait mal de le dire, on pourrait survivre que si on éliminait les classes moyennes de musiciens, de journalistes et de photographes. En revanche, ce qui nous serait fatal, c’est la destruction de la classe moyenne dans les transports, la production, l’énergie, le travail dans les bureaux, l’éducation et la santé. » Martin Ford fait référence à un colloque sur le travail auquel il a assisté avec environ cinquante dirigeants de sociétés technologiques : « Ici, dans la Silicon Valley, il y a un consensus remarquable à ce sujet. Tout le monde était d’accord pour dire qu’on est au bord d’une rupture et qu’on va devoir bouger nos lignes pour s’assurer un revenu minimum garanti. Il y a eu une entente sans équivoque dans ce sens. »
~
Il semble injuste de faire porter toute la responsabilité aux sympathiques esprits de Viv, qui essaient simplement de mettre sur pied leur magnifique projet. « On rassure nos investisseurs sur le fait qu’ils participent au commencement de la fin », plaisante Brigham. « Je ne pense pas que c’est ce qu’on dit à nos investisseurs », ajoute Cheyer.
À l’inverse des fouineurs en exploration de données, comme Facebook et Google, vous pouvez indiquer à Viv quoi oublier.
Puis il admet : « Peut-être que le business est voué à se détruire dans tout ce processus, mais ils vont avoir un marché qu’ils n’auraient jamais eu sans ça – comme pour Match.com par exemple : “Hey, c’est vendredi soir et vous avez tous les deux mentionné que vous aimiez le cinéma. Voulez-vous que je vérifie les séances pour vendredi soir ? Voulez-vous que je réserve une table dans ce restaurant proche du cinéma ? Voulez-vous qu’un Uber vienne chercher votre amie ? Voulez-vous que des fleurs soient livrées à votre table ?” C’est un tout nouveau business pour tout le monde. » Et Viv résout le problème de la découverte en simplifiant la recherche d’un petit magasin ou d’un magazine. Elle prend en compte vos points de fidélité, enregistre vos préférences sur les magasins pour parents ou les logements chez l’habitant en Thaïlande. Mes Trucs vous posera des questions pour affiner. « J’ai remarqué que vous avez mangé mexicain trois fois cette semaine, puis-je en déduire que vous aimez la cuisine mexicaine ? » Et à l’inverse des fouineurs en exploration de données, comme Facebook et Google – qui peuvent déduire si vous êtes homosexuel ou enceinte avant même que vous ne l’admettiez vous-même –, vous pouvez indiquer à Viv quoi oublier. « Ça inverse plus ou moins le modèle de protection des données privées de Google », ajoute Kittlaus. Les services travailleront tous ensemble de manières très diverses. Yummly et l’Edible Gourmet ont des recettes, mais une fois qu’ils collaboreront avec Viv, ils auront peut-être quelqu’un qui demandera quel type de vin va avec telle recette – et ensuite, cette personne sera dirigée vers des services annexes et des magasins de proximité. Et si cette vieille conception qu’on appelle l’éthique journalistique n’était pas un problème, un magazine comme Esquire pourrait relier ses articles au meilleur rasoir ou paire de chaussures et pourrait prendre une commission. Ils affirment que les opportunités sont sans fin. Quelqu’un doit enseigner à Viv comment gérer votre réfrigérateur et commander du lait. Quelqu’un va élaborer un programme qui renvoie vers les destinations et les compositions de toutes les ligues juniors de baseball du coin. Quelqu’un pourrait fabriquer un tutoriel sur les choux et les roses pour éviter les bagarres autour de l’éducation sexuelle. Les sociétés d’avocats pourraient inventer leurs propres lois-bots. Un cardiologue de renom a d’ailleurs suggéré un pense-bête qui vous rappellerait de prendre votre traitement, et qui cafterait au médecin si vous l’oubliez, ce qui pourrait, au final, sauver des vies. Et qui sait ? Peut-être que Viv pourra même aider les musiciens américains sous le feu de l’Internet depuis des années. « Vous les imaginez devoir simplement dire : “Viv, prends mon dernier morceau et mets-le sur Twitter, Facebook et Pinterest” », dit Kittlaus.
Mais tout ce potentiel de dingue pourrait aussi être la plus grande menace de Viv. Ils reconnaissent que les sites existants comme OpenTable domineront probablement les réservations dans les restaurants, les sociétés comme Yelp auront une avance énorme sur les nouveaux arrivants. Amazon pourra devenir de plus en plus puissant. « Si vous fournissez une interface coordonnée sans aucun moyen pour les gens ou les vendeurs de les différencier », ajoute Gabel, « alors l’économie vous rappelle qu’à ce stade, c’est simplement une lutte pour être le premier. Donc on doit préserver la personnalisation des marques. On n’a pas vraiment envie que ça devienne comme en Russie Soviétique : “Achetez-moi la voiture officielle de l’État. Réservez-moi la chambre d’hôtel officielle de l’État.” » En vérité, ils ne connaissent pas les réponses à toutes ces questions. Ils ont bossé dur, tête baissée, pour battre la concurrence et ils auront à s’inquiéter de tout ça plus tard. Dans tous les cas, ça n’est pas vraiment de leur ressort. « Le monde va décider de ce que cette chose va devenir », dit Kittlaus « C’est la partie fiction du projet. On a construit quelque chose pour inspirer les gens, pour montrer que c’est possible, mais la vraie question est : “Qu’est-ce qui va se passer quand on va le sortir ? Qu’est-ce que les gens vont imaginer avec ça ?” On n’en sait rien. »
Le Viv Labs
Viv invite à l’imagination, aucun doute là-dessus. Assis dans votre chambre d’hôtel, vous pourriez poser à Siri des questions sinistres comme : « Vas-tu mettre tout le monde au chômage ? » « Je ne peux pas répondre à cette question », répond Siri. Ou bien vous pourriez lancer un service de rencontre en utilisant le vert acide, irradiant et séduisant du V pour associer des restaurants, des fleuristes et des magasins de lingerie ! Vous pourriez avoir un robot professeur de musique doté d’une infinie patience. Et que diriez-vous d’un robot Roomba contrôlé par satellite pour tondre cette fichue pelouse ? Un peu comme ces énormes moissonneuses modernes : Viv pourrait créer le logiciel et déclencher les tondeuses !
Pas exactement, d’après Kittlaus. Il vous faudrait quand même vous connecter au satellite et établir une carte des arbres et des pierres, concevoir le programme qui permet de contrôler la machine et la construire (et gérer les problèmes de fiabilité). « Viv ne va pas pouvoir faire tout le travail à votre place. » Mais Viv aiderait grandement à faire vendre ce service sans dépenser trop en publicité. « Disons que j’ai besoin d’un service peu onéreux d’entretient de gazon. Parce qu’il existe ce machin automatique, tout ce qu’ils ont à faire c’est venir une fois par semaine lancer cette chose dans votre jardin et la laisser faire son boulot. Ça ne coûtera pas grand-chose. » Et une fois dans le jardin, Viv se fera un plaisir de la diriger. Je pars pour une semaine, assure-toi que la pelouse soit tondue quand je rentre. « Exactement. Et le plus beau dans tout ça c’est que votre tondeuse est connectée à un plus vaste écosystème, qui comprend votre frigo auquel vous pouvez dire : “Commande-moi plus de lait.” » Donc, le robot tondeuse Roomba pourrait avoir un capteur qui vous prévient si vous n’avez plus de citrons verts, vous connecte avec un fournisseur et vous en fait livrer ? « Absolument. » Et la société de John, RoombaMower Co. touche un pourcentage ? « Exactement. » Et si son programme de guidage par satellite est génial, RoombaMower Co. peut vendre le logiciel à toutes les sociétés aspirant à vendre des robots-tondeuse-à-gazon de l’univers ? « Absolument », poursuit Kittlaus. « En fait, je trouve que c’est une excellente idée. Je pense que vous devriez quitter votre job et le faire. » Et c’est bien ce qui est le plus excitant avec Viv et ce sur quoi ils insistent : l’idée de libérer le potentiel créatif et l’énergie entrepreneuriale de millions de gens. Ils auront tous l’impression que c’est la chose la plus importante qu’ils feront dans leur vie. « En tant que fondateur », dit Cheyer, « j’ai le droit d’être expansif. Nous croyons que Viv sera aussi énorme et importante qu’Internet et les téléphones mobiles. C’est une révolution. » Au printemps dernier, ils estimaient être à environ 6 mois d’un second test et à un an d’un lancement public, avec, ils l’espèrent, deux ans d’avance sur leurs principaux concurrents. Morgenthaler est optimiste : « Ils ont un regard neuf et un temps d’avance sur le marché, et la structure est complètement nouvelle. Cela prendra beaucoup de temps aux gens pour comprendre. » Kittlaus est si occupé qu’il n’a même pas eu le temps de développer une de ses idées de business potentiellement énorme : l’idée de l’ampoule. L’idée de l’ampoule ? « C’est évident », dit-il. Parce qu’elles sont partout et qu’elles ont déjà leur propre alimentation électrique, les ampoules seraient les outils les plus pratiques pour s’adresser aux machines. Ajoutez-y un micro et quelques jolis petits algorithmes et bingo, c’est un produit à un milliard de dollars. Piquez-lui vite l’idée.
~
Dans la salle principale, sur quatre longues tables, les développeurs travaillent d’arrache pied pour accélérer le lancement public. L’un d’eux travaille sur l’interface utilisateurs qui doit être assez flexible pour s’adapter à tout type d’écran. D’autres tentent de doter Viv d’une meilleure mémoire immédiate afin que si vous disiez « trois », elle se souvienne de si vous parlez du nombre d’enfants que vous avez ou de combien de gens sont présents à votre fête. Ça s’appelle la « gestion de dialogue » et cela fait actuellement l’objet de beaucoup d’engouement et de recherche dans les laboratoires d’AI partout dans le pays. Mais évidemment les gars de Viv ne veulent pas inscrire trop de règles. Là encore, le programme doit apprendre à analyser le contexte en s’éduquant au contact de milliers voire de millions de développeurs privés qui cherchent à satisfaire leurs propres désirs.
Ils se rassemblent tous pour une réunion au cours de laquelle ils se passent la parole en s’envoyant un frisbee.
Un autre groupe de développeurs apprend à Viv comment superviser le processus d’admission de nouveaux membres, que Gabel décrit joyeusement comme « quelque chose de très peu traditionnel ». La machine intelligente va tester les contributions humaines à la machine intelligente. À son poste de travail, Cheyer répare les bugs, fait des ajustages pour que les choses soient bien centrées sur l’écran et qu’il n’y ait pas de scrolling intempestif. Ensuite, il se met à jouer le rôle du fleuriste et apprend à Viv à gérer les clients. Non, ce n’est pas la peine de supprimer les bouquets funéraires. Oui, demande-moi si c’est un anniversaire ou un mariage. Derrière son bureau, Brigham n’est pas satisfait de la façon dont les groupes de produits floraux interviennent. Il veut que Theadora’s Polka Dot Basket apparaisse au centre plus élégamment et avec des liens plus clairs vers des alternatives ou une décision d’achat. C’est une histoire de design, de touche finale. De l’autre côté de la pièce, Marco Iacono travaille le graphisme en ajustant l’apparence de différents outils. « C’est l’iPhone 5, qui, comme vous pouvez le voir, s’intègre parfaitement. » En milieu de matinée, ils se rassemblent tous pour une réunion au cours de laquelle ils se passent la parole en s’envoyant un frisbee. « Hier, j’ai passé beaucoup de temps à parler de l’expérience des développeurs », dit l’un. « J’ai fini le P1 sur les trucs de test automatiques », dit un autre. « J’ai fait du nettoyage et de la protection pour les capsules Wine-Stein », dit un troisième. Kittlaus fait une annonce commerciale : « Je travaille à faire virer 12,5 millions de dollars sur nos comptes d’ici demain. » Les scientifiques le charrient. « Qu’est-ce que tu vas faire demain ? » « Ouais, combien de millions en plus la semaine prochaine ? »
Ils sont tous un peu déchaînés par le potentiel de tout ça. « C’est un projet de rêve », dit Richard Schatzberger, qui a rejoint l’équipe de graphistes il y a quelques mois. « La technologie que ces types-là ont construite est un truc radicalement nouveau et différent – c’est complètement neuf. » « Dans les coulisses », comme dit Levy avec la fierté discrète affichée par tout le monde à Viv Labs, « il y a des algorithmes assez compliqués. » « C’est un sentiment génial », dit Iacono. « C’est vraiment, vraiment fou d’être ici. » Par exemple, dernièrement, il a expérimenté de nouvelles façons de communiquer avec Viv. De nouvelles façons ? À part écrire ou parler ? « Hum… peut-être. » Finalement, il lâche : « Toucher. On explore un peu les frontières des possibilités. »
Traduit de l’anglais par Flore Rougier, Caroline Bourgeret et Arthur Scheuer d’après l’article « Viv Will Replace Your Smartphone With Your Fridge and Then Take Over the World », paru dans le magazine Esquire. Couverture : Le logo de Viv. Création graphique par Ulyces.