« Bienvenue au carrefour du temps et de l’espa-ace ! » Tutoyant les aigus d’une façon déroutante, le jeune Falcon Heene, 11 ans, s’égosille à n’en plus finir dans le vaste salon d’un ranch, dans l’ouest de la Floride. Il est pieds nus et tout vêtu de noir en cette journée printanière de début avril. Ses cheveux noirs noués en queue de cheval lui tombent jusqu’au bas des reins, et sa tête est surmontée d’un imposant casque audio. Falcon contracte tout son corps et ferme les yeux pour atteindre les notes. Il semble s’épuiser au fil des prises, mais son père, Richard, attend « beaucoup plus ». « BIEN-venue au CA-rrefour », lance Richard avec la bonne accentuation. « Lâche-toi ! Tu veux encore du Coca ? » dit-il en agitant la canette que Falcon a entamée.
Cette matinée passée à enregistrer « Time and Space », morceau figurant sur le troisième album heavy metal auto-produit par les Heene Boyz, se prolonge jusqu’en début d’après-midi dans ce studio improvisé. Bradford, le guitariste de 14 ans, et Ryo, le batteur de 13 ans, attendent sur le canapé qui a été repoussé jusqu’à l’îlot central de la cuisine pour faire de la place. Des câbles quadrillent le sol, et les guitares, les micros, les amplis, les batteries, tout comme la table de mixage seize pistes, sont adossés aux murs. Un rouleau de lino recouvert de chatterton masque intégralement la fenêtre. « Ça nous servait de fond vert pour nos vidéos, explique Richard, jusqu’à ce que le bidule se casse. » Ces derniers temps, le budget de la famille, qui vit principalement des bénéfices générés par les Heene Boyz, est plutôt ric-rac, et beaucoup de choses ici sont hors service ou tombent en ruine : leur clavier Yamaha, les amortisseurs de la batterie et la table de mixage (les garçons doivent donc enregistrer leurs partitions séparément). Tandis que l’après-midi s’écoule lentement, la voix de Falcon ne cesse de résonner. Le chanteur et bassiste du groupe, vif et passionné, est très loin de l’image laissée par le Balloon Boy, dont la brève disparition à l’âge de six ans a fait des Heene la famille la plus célèbre des États-Unis. Le garçon donne tout, en espérant que chaque prise sera la dernière afin d’aller jouer dehors avec son nouvel animal de compagnie, un lapin abandonné.
Heene Boyz
« Tu grognes, Falc, dit Bradford. Utilise ton inhalateur. » Le tendre Bradford, avec son étrange allure d’adulte, sait que l’asthme de son petit frère lui donne la voix rauque. Mais Falcon économise son médicament. « Le remboursement de notre mutuelle santé ne couvre que la moitié du mois », m’expliquera Richard. « C’est nul à chier », lance Ryo, qui a envie que Falcon atteigne enfin cette « fichue note » pour qu’il puisse aller tirer son feu d’artifice à l’extérieur, avant d’avoir à reprendre les répétitions tout l’après-midi. « Ça suffit ! » dit Richard. Inutile de se le faire répéter. « Falcon attaque trop fort sur le “VENUE” – c’est “bien-VENUE”. » Mayumi, sa mère, intervient depuis son studio d’enregistrement sur-mesure. Autrefois monteuse vidéo, cette mère de famille de 50 ans a grandi dans les faubourgs nord de Tokyo. Elle est aujourd’hui la technicienne baroudeuse de la bande, mais aussi l’assistante-manager et ingénieure du son. Elle pointe du doigt la mesure qui figure sur la bande-son de son logiciel. « Par contre, l’intonation, c’est parfait ! » Deux heures et une dizaine de prises plus tard, je commence à me familiariser avec ce très étrange carrefour, ici à Spring Hill, à une soixantaine de kilomètres au nord de Tampa. Ce n’est pas vraiment un carrefour « du temps et de l’espace » pour autant, même si j’ai bien du mal à voir de quel genre de carrefour il s’agit. LE PLUS JEUNE GROUPE DE METAL AU MONDE – comme le proclame le logo sur la basse de Ryo – a des allures de manga surréaliste tandis que les garçons répètent. Look noir des pieds à la tête, fouettant l’air à l’unisson de leur longue chevelure brune, tous ces gamins ressemblent, à des degrés divers, à leur mère japonaise.
Surtout Falcon. Avec son mètre trente pour trente kilos, on dirait un petit Pierrot lunaire à l’air tourmenté. Et son air tourmenté, justement, est particulièrement prononcé lorsqu’il entonne « Chasing Tornadoes », la deuxième chanson au programme de leur concert prévu demain, à DeLand, à l’autre bout de la Floride. Ces gamins savent envoyer du son et sont devenus très soudés après trois années passées à jouer cette chanson dans les bars et les festivals de rue, de la Floride jusqu’à New York. Elle commence par le lent ronronnement d’un accord puissant, associé aux poings serrés de Falcon, le regard absent tandis qu’il interprète, théâtral, les premiers vers de ce qui tient davantage du kabuki que du heavy metal :
Chasing tornadoes tomorrow (Demain, j’irai chasser les tornades) In the field of pain and sorrow… (Dans les champs de la douleur et du chagrin…) If it doesn’t bleed, it will not read… (Si ça ne saigne pas, il n’en sortira rien…) Milk the event, sleep in a tent (Profiter du moment, dormir dans une tente)
« J’adore ce couplet », déclare Richard, rayonnant. À 52 ans, il a de l’énergie, des opinions et des théories à revendre. Il peut changer d’humeur en un tournemain, ce qui le rend parfois difficile à suivre. Richard est vêtu d’un short treillis pastel, d’un marcel et de claquettes, ses cheveux attachés en queue de cheval. Un style que ce chasseur de tornades, colérique impénitent aux allures de perpétuel savant fou, gardera tout le weekend. Pendant un temps, Richard a connu la célébrité avec le titre de « pire papa des États-Unis », sans qu’il ne comprenne vraiment pourquoi. « J’inclus toujours mes fils dans tout ce que je fais. Ils ont même grandi en dormant tout habillé, dit-il. Tenez, cet ouragan-là, à la frontière du Montana et du Wyoming, on le poursuivait depuis une bonne quarantaine de kilomètres quand ce poteau électrique, à 30 ou 45 mètres derrière nous, s’est volatilisé, comme ça, d’un seul coup. » Richard revient sans cesse sur le fait que les Heene Boyz écrivent eux-mêmes leurs chansons, font leurs propres arrangements et conservent leur libre arbitre. Et ce malgré leurs airs de projet scientifique tout droit issu de l’esprit de leur père. Photos et études de tornades, plans et prototypes de ses nombreuses inventions envahissent tout l’espace de la maison qui n’est pas encore consacré au groupe. Dans la véranda s’entassent sur plus d’un mètre de profondeur des échantillons de ses inventions à plusieurs millions de dollars : un système pour faire tomber les dernières gouttes de ketchup d’une bouteille ; le Bear Scratch (vendu en ligne à 19,99 dollars), une sorte de bâton de près d’un mètre de long terminé par de l’écorce d’arbre qui permet de se gratter le dos tout seul ; une trousse à outils qui aide à poser du carrelage deux fois plus vite ; ou encore le HEENEDUTY Truck TransFormer, un robot transportable qui se déplie, se rétracte et se transforme en caisse à outils, en plateforme de chargement, en échafaudage, en chariot, etc.
« J’ai essayé de vendre cette famille à la télé-réalité. » — Steven C. Barber
Ainsi que des fusées, beaucoup de fusées. Ces dernières ont été élaborées pour transporter des capteurs et pour être envoyées jusque dans l’œil d’une tornade pour renseigner Richard sur ce qu’il appelle le « facteur H » (H pour Heene). « Le tourbillon des tornades, explique-t-il, génère le facteur “H”, c’est-à-dire un champ électromagnétique plus fort que l’attraction gravitationnelle produite par la Terre à un endroit précis. » Essayer de découvrir la force de ce champ, permettre à l’homme de prévoir la force et le mouvement d’une tempête, voilà la grande quête de Richard. « C’est un génie autodidacte qui s’est fait tout seul », déclare Steven C. Barber, un documentariste qui a filmé les Heene par intermittence pendant une dizaine d’années. « Il a quitté l’école après le lycée et pourtant, il trouve toujours quelque chose à inventer environ tous les deux mois. Un jour, une de ses idées lui rapportera des millions, même s’il y a fort à parier que ce jour-là, il sera déjà mort d’épuisement. Ce type est une véritable tornade humaine. » Le constat se vérifie lorsque les médias s’en mêlent. Je commence à penser que si carrefour il y a, il se situe à cette 16e minute de célébrité, synonyme de prospérité. Quand, au cœur de cette étrange réunion mêlant popularité et humiliation publique, des familles bien moins intelligentes, talentueuses et charismatiques que les Heene se convertissent en millionnaires de la télé-réalité. « J’ai essayé de vendre cette famille à la télé-réalité, me confie Barber. Et je ne vous parle pas de n’importe quelle télé-réalité, mais de l’élite : Ryan Seacrest et compagnie ! Richard est un homme adorable qui aime sincèrement sa famille. Le problème, c’est que tout le monde le trouve à gerber… » Aujourd’hui, les Heene restent cantonnés à la rubrique « Mais où sont-ils passés ? » depuis qu’ils sont devenus la famille la plus célèbre d’Amérique. Pendant quatre heures trente.
Balloon Boy
Il était 11 h 22 du matin, le 15 octobre 2009, lorsque Mayumi, dans tous ses états, a composé le numéro des secours. Soit environ 20 minutes après que la soucoupe volante de Richard, de six mètres d’envergure et remplie d’hélium, s’est décrochée de son point d’ancrage derrière leur maison, à Fort Collins, dans le Colorado. C’était une invention comme seul Richard Heene pouvait en concevoir : une toile de protection tendue sur une charpente en bâtons de pin, le tout recouvert de papier aluminium renforcé avec du chatterton. La soucoupe était conçue pour voler à basse altitude et permettre ainsi à ces banlieusards de s’élever à une quinzaine de mètres au-dessus du trafic. « Elle était censée s’élever seulement à trois mètres environ, la longueur de la corde qui maintenait la soucoupe en sûreté pour un premier test, me confie Richard. Mais la soucoupe s’est envolée. »
Haut, très haut. Pendant les 20 minutes qui s’étaient écoulées entre son envol et l’appel de Mayumi, l’engin avait disparu, s’élevant à plus de 2 000 mètres d’altitude et parcourant quelque 110 kilomètres. On a alors supposé que le jeune Falcon, âgé de six ans et introuvable, était resté coincé à l’intérieur. C’est ainsi qu’a débuté le canular du Balloon Boy, le genre d’accident qui attise la curiosité de tout un pays bien qu’il n’ait jamais eu lieu. Une fois qu’un hélicoptère d’une chaîne d’informations a aperçu l’engin fou, les autres chaînes du câble, ainsi que les réseaux nationaux, se sont mis à diffuser quasiment en continu les images insolites de ce qui ressemblait à un sac poubelle de six mètres virevoltant rapidement dans les airs, au-dessus des prairies au nord-est de l’aéroport international de Denver – lequel a retardé, voire dérouté tous ses vols. La Garde nationale ainsi que des équipes de recherche et de secours ont été dépêchées sur place. La soucoupe est finalement arrivée à court d’hélium après deux heures et demie passées en l’air, et s’est posée en douceur sur un lopin de terre agricole tandis que le présentateur de CNN y allait de son commentaire : « Si vous vous sentez de le faire et que vous voulez dire une petite prière, c’est le moment ou jamais. » À ce moment-là, l’histoire fabuleuse et déchirante du Balloon Boy, numéro un des recherches sur Google ce jour-là, doublait le taux d’audimat, et toutes les chaînes diffusaient l’information en continu sans même marquer les pauses publicitaires. Lorsqu’on a découvert que l’engin était vide, les autorités ont mobilisé des unités de gendarmerie pour ratisser les 110 kilomètres parcourus par la soucoupe.. Et puis, un peu avant 16 h, le petit Falcon a émergé de sa cachette, dans le grenier du garage.
~
Le bataillon médiatique qui s’était pressé devant la maison des Heene en a été informé, d’abord par le shérif du comté, Jim Alderden, puis par la famille elle-même. « Je lui ai crié dessus », raconte Richard en tenant la main tremblante de Falcon, qui explique avoir été effrayé par les cris de son père lorsque le ballon s’est envolé. « Je suis vraiment désolé d’avoir crié comme ça après lui. » La famille est passée le soir même dans l’émission Larry King Live. Interrogé par Wolf Blitzer, animateur du show, sur la raison pour laquelle il était resté caché si longtemps, Falcon, assis derrière son père, a répondu : « Vous avez dit, euh… qu’on faisait ça pour le show. » Le lendemain matin, lorsqu’on a demandé à Falcon de clarifier son propos dans Good Morning America, il a simplement dit : « Maman, je crois que je vais vomir. » On l’a alors entendu avoir des haut-le-cœur hors-champ. Lorsque Meredith Vieira a posé à nouveau la même question à Richard pendant le Today Show, Falcon a vomi de nouveau, cette fois sur une chaîne de télévision nationale.
Le shérif Alderden a déclaré que toute cette histoire n’avait été qu’un coup de pub pour attirer l’attention d’un programme de télé-réalité. La famille Heene avait en effet participé à deux reprises à l’équivalent américain d’On a échangé nos mamans, et Richard voulait promouvoir sa propre série, Psyience Detectives. Les images de ses accès de colère sur On a échangé nos mamans ont alors inondé la télévision, tout comme la vidéo amateur de sa diatribe à l’endroit de Mayumi après l’envol de la soucoupe. Du jour au lendemain, les Heene sont devenus victimes de moqueries dans les talk-shows de fin de soirée, de parodies, de propos méprisants, et ils se sont même retrouvés imprimés sur des costumes d’Halloween. Richard a d’ailleurs été immortalisé sous les traits d’un G.I. Joe portant un T-shirt avec la mention « I’m with stupid », avec une flèche en direction de la tête de la figurine. Et puis, il y a eu l’enquête criminelle. Deux mois plus tard, Richard a été condamné à quatre-vingt-dix jours de prison pour avoir tenté d’influencer un fonctionnaire de l’État : les premiers appels après l’envol de la soucoupe avaient été passés à la FAA (l’Administration fédérale de l’aviation des États-Unis) ainsi qu’à une chaîne de télévision locale. Mayumi a écopé quant à elle de vingt jours d’incarcération pour avoir rempli une fausse déclaration : elle a reconnu la supercherie après être passée au détecteur de mensonges. Le couple a dû rembourser les 36 000 dollars dépensés pour les recherches, et la famille a quitté le Colorado sous escorte policière. Le coût élevé de la vie a découragé les Heene de s’installer dans le sud de la Californie. Richard et Mayumi s’étaient rencontrés dans une école d’art dramatique à Hollywood, et Richard avait fait l’expérience de la vie dans cette région : une fois en travaillant à répandre de l’acide borique dans les vignes au nord de Los Angeles pour modifier l’équilibre du pH et « influencer les systèmes des tempêtes locales », une autre fois en étant impliqué dans l’affaire des « pierres mouvantes » du lac de Racetrack Playa – des pierres qui s’étaient mystérieusement retrouvées à glisser au milieu du désert entre la base Edwards Air Force et la zone 51 du Nevada. En plus des tempêtes, les Heene chassent aussi les extraterrestres, dont Richard et Mayumi déclarent être en réalité des descendants.
« C’est comme si on n’arrivait pas à tourner la page de cette journée stupide. » — Richard Heene
Les Heene ont négocié avec leur agent de libération conditionnelle la possibilité de s’installer en Arizona ou dans l’Utah. « Et puis nous sommes tombés sous le charme de cette maison en regardant la liste des locations en ligne », m’explique Richard tandis que nous sortons profiter du soleil de Floride. « Pas beaucoup d’occasions de traquer les tempêtes ici, mais la chasse aux extraterrestres, elle, nous occupe plutôt pas mal. » Placée en toute discrétion au fond d’un terrain de quelque 5 000 m2, la maison est entourée de fleurs sauvages et de néfliers. « Une petite armée de photographes campaient devant quand on est arrivés en 2010, me dit Richard. C’est comme si on n’arrivait pas à tourner la page de cette journée stupide. » Richard et Mayumi ont décidé de scolariser leurs enfants à la maison, lesquels ont vite formé un groupe de rock (ils s’étaient essayés au rap à l’époque où ils vivaient dans le Colorado). L’idée de jouer du heavy metal est venue de Mayumi. « Je l’ai vue interpréter “Breaking the Law”, le morceau de Judas Priest, alors que Mayumi tournait dans On a échangé nos mamans », raconte Bradford.
Falcon
Deux magnolias recouverts de tillandsia encadrent l’allée dans laquelle une camionnette de deux mètres de long attend d’être chargée pour le DeLandapalooza, un de ces festivals où l’on paye pour jouer, et qui a la faveur des petites villes de Floride. « Les groupes paient 35 dollars pour jouer, explique Richard. Mais nous, on est tellement populaires qu’ils n’en demandent que 25. » Et cela fait souvent la différence. Ayant l’interdiction formelle de profiter du canular du Balloon Boy, Richard avait proposé l’engin aux enchères en 2011. Les bénéfices escomptés, de l’ordre du million de dollars, devaient être reversés aux victimes japonaises du tsunami. Ils ont prolongé l’enchère pendant une semaine, baissé le prix demandé à 100 000 dollars, pour finalement céder la soucoupe à un magasin de cartes sportives à Aurora, dans le Colorado, pour 2 502 dollars. Richard enchaîne les petits boulots depuis qu’ils se sont installés en Floride, il y a quatre ans. À part ça, me dit-il, « Mayumi et moi, on se concentre à 100 % sur les Heene Boyz ». Ils vendent des produits dérivés ainsi que des CD lors des concerts, et bien que Richard me cite certains bars qui paient 200 dollars la soirée, le gros de leurs revenus vient des pourboires. « Nous avons empoché plus de 1 100 dollars à l’occasion du réveillon à Daytona Beach le mois dernier, dont 700 de pourboires. »
« Et on nous a servi de la nourriture chinoise ! » ajoute Bradford. La nourriture de base, en tournée, se résumait jusque-là à « des burgers et des burritos pas cher », me raconte Richard, « jusqu’à ce qu’une nuit, vers 3 h du matin, on se rende compte qu’on n’avait pas mangé. On s’est arrêtés à une supérette 24/24, et là, ils ont englouti une pizza géante pour 5,55 dollars ! » Les nuits de concert ont tendance à s’éterniser, avec peu d’argent à la clé et, bien souvent, une présentation du prochain groupe faite par des patrons ou des propriétaires enivrés. Devant la maison familiale, les restes d’une cage à oiseaux pendent à chacun des magnolias. L’un d’entre eux a attiré une chouette rousse l’année dernière, mais ses œufs ont été détruits par un ami des garçons. Cet ami – que je ne rencontrerais jamais – est une cible permanente. On l’accuse de tous les maux, on le ridiculise, on lui envoie des textes qui restent sans réponse. À cause de leur scolarisation à la maison, les enfants interagissent peu en dehors de leur famille, et après quatre années passés à Spring Hill, ils peuvent compter leurs amis sur les doigts d’une main. « C’est pour ça qu’ils ont une telle créativité, dit Richard. Pas de conneries entendues à l’école pour leur polluer la tête. Je suis un type créatif, c’est clair, mais pas autant qu’eux. »
Les débris de la deuxième cage à oiseaux sont devenus un appentis pour le lapin le plus minuscule que j’aie jamais vu. Un morceau de pain blanc lui sert de « lit », « comme ça, s’il se réveille la nuit, il peut le manger s’il a faim, explique Falcon. Ce serait cool si nos lits étaient faits avec du pain, non ? » demande-t-il à Ryo. Dans la chambre des frères, à côté de la cuisine, trois matelas posés côte à côte se disputent l’espace. « Pas besoin de draps, explique Bradford. On a toujours dormi tout habillés. » Ils ne peuvent jamais savoir quand ils seront réveillés pour partir chasser une tempête. « Ces traques ont rendu les garçons hermétiques à la peur, et c’est à l’occasion de l’une d’entre elles que j’ai pu me rendre compte pour la première fois du génie musical de Falcon, explique Richard. Nous étions en chasse près d’une ville du nom de Last Chance, dans le Colorado, et Falcon regardait par la fenêtre en chantant. Il avait trois ans, et je sais que ça peut paraître incompréhensible, mais, bon Dieu, il était capable de faire de sacrés aigus. » Je lui demande comment lui est venue l’idée d’appeler son plus jeune fils Falcon. « — Quand il est né, m’explique-t-il, il a poussé un cri sonore et strident, comme celui d’un faucon. — Moi, je suis mort-né, se vante Bradford. — Sérieusement, cette fois-là, ça a été ma plus grosse colère. Le genre de colère à balancer tout le monde par la fenêtre, confie Richard. Ils avaient assommé Mayumi à coup de Demerol. » Richard explique que ses coups de sang sont des effets secondaires liés à sa prise d’insuline pour son diabète de type 1. « Je ne l’ai réalisé qu’après avoir passé la trentaine. » Comme à son habitude, Falcon s’est éclipsé de la conversation. Il est allé retrouver son lapin. « — Si c’est un mâle, je l’appellerai Ninja, dit-il. Si c’est une femelle, ce sera Sushi. — Il est obsédé par ce lapin, précise Richard en rigolant. Va falloir zigouiller ce satané Bugs Bunny. »
C’est un gamin d’un calme si inhabituel, si extraordinaire, qu’il est facile d’oublier combien il est jeune.
Devant son absence de réaction, il titille Falcon en répétant qu’il va faire sa fête au lapin jusqu’à ce que Ryo s’y mette à son tour. Ce qui pousse Richard à lancer d’un ton sévère : « Ça suffit. » Lorsque je reviens les voir le lendemain matin, l’appentis tout comme le lapin ne sont plus là, et toute la famille est en train de charger la Toyota Tundra ainsi que sa remorque, en route pour le DeLandapalooza. Tous, sauf Falcon. Il avait 38,5°C de fièvre la veille et il est encore sous la douche. « Où est passé le lapin ? » demande-t-il une demi-heure plus tard tandis qu’il peine à mettre ses chaussettes. C’est un gamin d’un calme si inhabituel, si extraordinaire, qu’il est facile d’oublier combien il est jeune. « — À mon avis, il va bien, lui dis-je. C’est un petit lapin costaud. — Sa mère est revenue la nuit dernière, se convainc Falcon. Il lui a dit : “Hé, ces humains-là nous filent de la nourriture trop bonne.” Il reviendra. » Le GPS de la camionnette a rendu l’âme, Richard a bidouillé un système pour caler un ordinateur portable entre les sièges de devant pour naviguer jusqu’à DeLand, à 165 kilomètres au nord-est d’ici. « Si on tombe en panne, explique-t-il, je n’ai pas envie de me retrouver paumé sur une route de campagne. » Un point pour lui. Il semblerait que tous les trois ou quatre pâtés de maison soient marqués par le souvenir d’une panne. Richard fronce les sourcils tandis qu’ils atteignent la dernière intersection à la sortie de la ville. « Je devais aller pointer là une fois par mois quand j’étais en liberté conditionnelle », dit-il en montrant du doigt un petit groupe de bâtiments. Richard continue de payer les 36 000 dollars du canular du Balloon Boy et ne décolère pas au sujet des quatre années en liberté conditionnelle assorties de 100 heures de travaux d’intérêt général – avec lesquelles il en a enfin fini – et d’un contrôle anti-stupéfiants auquel il a dû se soumettre dans le Colorado. « Vous savez qu’ils vous taxent 10 dollars à chaque fois qu’on doit pisser dans leur fiole ? Il s’avère qu’un type impliqué dans cette conditionnelle se trouve être le patron du labo. Et c’est moi qu’on accuse de tromperie ? » Richard a une sainte horreur des mots « canular » et « ballon » – ou de n’importe quel terme qui relègue sa soucoupe volante au rang de machine d’amateur. « Elle a réussi à générer un million de volts sur sa surface extérieure, explique-t-il. Le papier alu avait été découpé pour créer une zone de résistance moindre. Vous voyez, tout est une question d’électromagnétisme. »
Falcon intervient depuis le siège arrière. Mais ce qu’il dit est inaudible. Il fait sa première crise d’asthme de la journée, et son visage poupin disparaît sous le masque de l’inhalateur alimenté par l’allume-cigare. Il l’enlève pour demander : « Combien a coûté cette soucoupe-ballon ? » Richard lui lance un regard noir dans le rétroviseur. Il a décidément une sainte horreur des mots soucoupe et ballon. « 700 dollars, répond-il. 500 pour l’hélium. » Richard insiste sur le fait que leur célébrité vient de leur participation à On a échangé nos mamans, et pas du canular. Il insiste aussi sur le fait qu’il ne veut pas évoquer ce jour maudit. Néanmoins, les 500 dollars d’hélium perdus dans l’histoire le poussent à embrayer : « Après des années passées à rester coincé dans les bouchons de L.A., je me suis dit : “Pourquoi ne pas utiliser les champs magnétiques générés par les nuages pour créer un véhicule qui servirait de transport jusqu’au boulot ?” Alors j’ai démonté un pistolet paralysant, trafiqué sa capacité pour qu’elle atteigne un million de volts à l’aide d’un minuteur de cuisine que je réenclenchais toutes les cinq minutes. Lorsque la charge se libère… » – il tape du poing dans ma direction – « comme ça ! que va faire le véhicule ? » Je n’en ai aucune idée. « — Il va partir dans l’autre sens ! Le sens de moindre résistance ! — Mais si le vent se lève et vous emmène dans la mauvaise direction ? demandé-je. — Je comptais justement m’attaquer à ce problème. Ce jour-là, c’était juste un test. L’engin était censé être solidement attaché, et elle – dit-il à l’intention de Mayumi, compressée à l’arrière de la Tundra –, elle m’a juré qu’elle avait fait des nœuds dignes de ce nom. Mais moi, je n’en suis pas si sûr, vous savez, un peu comme avec les lacets de chaussure. — Pourquoi n’avez-vous pas immédiatement alerté les secours ? Pourquoi avoir appelé la télé locale ? — Les infos locales, c’est à cause de Mayumi. Sa langue maternelle étant le japonais, quand j’ai dit, façon de parler, qu’il fallait “activer les hélicos”, elle a cru que je parlais des hélicoptères de la télé locale. C’est pour elle que nous avons accepté la procédure judiciaire, pour qu’elle ne soit pas expulsée. — Vous n’êtes pas mariés ? — Si, depuis dix-sept ans, mais Mayumi a toujours une carte de séjour. » Il me confiera plus tard que la raison à cela, ce sont les 680 dollars de frais pour la demande de citoyenneté. Voilà comment les choses marchent chez les Heene, et c’est pour cette raison qu’on peut sans doute croire à certaines portions de leur improbable histoire du Balloon Boy. Aussi abracadabrant que cela puisse paraître, beaucoup des proches de la famille partagent cette vision. Un voisin de Fort Collins a affirmé avoir vu Bradford et Ryo sur le toit de la maison, en train de fixer le ciel en se demandant si Falcon était là-haut. Tout porte à croire que c’est Bradford qui, le premier, a suggéré que son frère s’était envolé.
« Vous vous imaginez grandir aux côtés d’un type aussi rempli d’énergie que Richard ? » — Sheree Silver
« Toute cette histoire, c’est simplement Richard qui a encore pété les plombs à cause de son insulinothérapie, croit Barber. J’ai passé deux jours avec lui pendant cette affaire, et il parlait en boucle de tout le cirque que ça a créé. C’était majoritairement dû aux médias eux-mêmes : pour eux, il s’agissait d’une vengeance contre l’aspirant à la télé-réalité qui s’était joué d’eux. » « L’incident de la soucoupe s’est produit quelques mois seulement après notre passage dans l’épisode d’On a échangé nos mamans », se souvient Sheree Silver, l’autre épouse qui avait fait l’échange avec les Heene. « Les producteurs ne vous laissent pas parler à la presse après le tournage. Je me demandais du coup si Richard n’était pas juste désespéré, et si tout cela n’était pas qu’un canular. Le truc, c’est que l’une de mes corvées ménagères lorsque j’ai vécu chez les Heene consistait justement à nettoyer cette soucoupe volante, et Falcon jouait tout le temps dedans, en se cachant à l’intérieur. Il était toujours en train de se cacher. Vous vous imaginez grandir aux côtés d’un type aussi rempli d’énergie que Richard ? » Lorsque je demande à Mayumi pourquoi elle a reconnu la supercherie, Richard répond à sa place en souriant. « — Croyez-le ou non, quand elle est rentrée à la maison et qu’elle a regardé dans un dictionnaire, c’est seulement là qu’elle s’est rendue compte que “canular” ne voulait pas dire “spectacle”. — Pourquoi Falcon a-t-il dit que vous aviez fait ça “pour le show” ? C’est à ce moment-là que ça s’est transformé en canular. — Exactement ! C’est à cause d’une équipe de télé japonaise. Ils ont braqué cette grosse caméra sur lui pour montrer comment il était monté au grenier. C’est ça qu’il a voulu dire par “show”. C’est dingue, non ? »
Mort de trouille
Lorsque nous arrivons à DeLand, Richard gare la Tundra et sa remorque en marche arrière dans un parking, et les garçons commencent à se changer pour la première partie du travail de la journée : distribution de flyers à la foule agglutinée dans l’espace délimité pour le festival DeLandapalooza. Ce festival aux frais des artistes, l’un des plus importants de Floride, consiste en un rassemblement de 150 groupes se produisant pendant 12 heures sur 27 scènes. Les Heene Boyz ont le créneau de 18 h 10 sur la scène 15, à savoir le parking d’Issues, le plus trash des bars de ploucs du centre-ville de DeLand. Ensuite, ils prévoient une représentation à 21 h 30 à l’intérieur du bar. Grâce au système de navigation du savant fou, il nous a fallu quatre heures pour arriver ici et il reste moins d’une heure aux garçons pour distribuer les flyers avant de devoir se préparer à jouer. Ils peinent à se mettre en route. « Qu’est-ce qui se passe ? » s’enquiert Richard. Ryo refuse de mettre sa veste en cuir noir. « On crève de chaud », argumente-t-il. « Tu vas le payer cher, menace Richard. Pas de glace pendant un mois, Ryo. Dis-moi un peu : si tu paies pour voir des clowns et qu’ils se montrent en habits de tous les jours, qu’est-ce que tu vas penser ? »
Le fort caractère que Richard s’est efforcé de canaliser jusque-là commence à s’enflammer. « Je ferais mieux de vérifier mon insuline », dit-il en plongeant la tête dans la camionnette. Lorsqu’il en émerge à nouveau, il me raconte une fois où il s’est évanoui dans les toilettes d’un Burger King. « C’est là que j’ai compris que ces soucis liés à l’insulinothérapie pouvaient causer tous ces accès de colère. C’est aussi là que j’ai réalisé que mes vrais parents étaient des extraterrestres. J’ai fait une crise d’épilepsie et, allongé par terre, je les ai vus. » Je suis les garçons à travers la foule, dont une bonne partie est déjà bien imbibée. La grosse majorité des gens que j’interroge ne sait absolument pas que Falcon est le Balloon Boy. Plusieurs d’entre eux ont pourtant déjà vu les Heene Boyz. « Bon Dieu, je vous ai déjà vus les gamins, à Gainesville », déclare un homme aux cheveux roux qui transpire à grosses gouttes. Il arbore une coupe touffue à la André Agassi dans ses années folles, et un T-shirt avec un drapeau noir. « C’était un show à s’taper l’cul par terre ! » Tandis qu’ils distribuent leurs prospectus, impossible de manquer l’attirance de Falcon pour les jolies filles, vers lesquelles il se dirige avec un instinct infaillible. Bradford et Ryo rodent à quelques mètres derrière lui, jusqu’à ce que Falcon, tombé en pâmoison, atteigne un degré qu’ils ont appris à reconnaître. « — S’il arrive à leur donner envie de se faire signer un autographe sur les nichons, on peut signer aussi ! me dit Bradford. — Ou leur faire “pouet pouet” ! ajoute Ryo en imitant le geste. — D’habitude, on n’arrive pas à voir leurs nibards, dit Falcon, sauf quand il est tard et qu’elles sont suffisamment ivres. » J’interroge les garçons sur les objectifs de leur groupe. « — Crécher dans un hôtel avec piscine ! répond Bradford. — Slammer ? » dit Falcon l’air absent, ayant remarqué une Brésilienne en débardeur rose et jupe noire. Elle demeurera sa groupie toute la nuit, caressant son visage, jouant à tresser ses cheveux, et lui passant après le deuxième concert un collier en argent autour du cou. « T’as comblé ma putain de nuit », dira-t-elle rouge comme une tomate après qu’il l’a embrassée sur la bouche. « Ça marche à tous les coups ! » lance Richard, rayonnant, en nous rattrapant avant le premier concert. « Ce gamin est une putain de rock star. Il attire la plus jolie fille, les mecs la suivent, et puis les autres filles suivent les mecs. »
Au moment où Falcon entame en hurlant « BIEN-venue au CA-rrefour du temps et de l’espace ! », la foule devant la scène 15 est déjà bien compacte, atteignant plus de deux cents personnes. Au milieu du spectacle, Falcon descend de la scène pour se déchaîner parmi les spectateurs, checkant leurs poings, échangeant des cornes du diable et exhortant un papy au look metal à se « lever ! », avec sa canne, sa crête mauve, son T-shirt des ALCOOLIQUES UNANIMES et sa cigarette électronique NJoy au bec. Il s’exécute, lentement mais sûrement, avec l’aide de sa canne, pour se joindre au headbanging frénétique de Falcon. Difficile de savoir comment réagir face à un tel « spectacle ». Appeler les services de protection de l’enfance ou Warner Music ? Il est certain que les garçons, eux, adorent ça. Quels pré-ados n’aimeraient pas rester debout jusqu’à pas d’heure, dormir tout habillés, passer leurs journées à tirer des feux d’artifice, à se déchaîner et à signer des autographes sur des poitrines généreuses ? Lorsque le deuxième concert est reporté à 23 h, la prudence, ainsi que la température de Falcon qui ne cesse de grimper, voudrait que l’on rentre au bercail. Il n’en est pas question : le désir compulsif de Richard de travailler la foule au corps, et les garçons avec, est sans fin. Quand leur concert à l’intérieur du bar débute enfin, treize heures après leur départ de la maison, le barman nettoie le vomi dans les toilettes des hommes qui jouxtent la scène, et le matériel du groupe commence à rendre l’âme. Richard passera le concert sur scène, à tout recâbler. L’asthme de Falcon atteint un point critique. Entre les couplets, il tourne le dos aux spectateurs pour utiliser son inhalateur. Après un très long solo de batterie de Ryo, rendu nécessaire lorsqu’une corde casse sur la guitare de Bradford, Falcon entame son solo de basse, frappant les notes de son inhalateur. La foule, réduite à une dizaine de secoueurs de tête, apprécie. « Je ne sais même plus de quelle chanson il s’agit ! s’écrie Falcon. Balancez-moi un : hey, hey, heyyy ! » Une heure plus tard, Bradford, Ryo et Mayumi chargent la remorque pendant que Richard parlemente avec un poivrot qui dit pouvoir les faire participer à un festival la semaine suivante. Je demande où est Falcon, et Bradford m’indique la Tundra d’un signe de la tête. Je le trouve assis à la place du conducteur, le visage enfoui dans son inhalateur, à mimer le jeu d’une basse de ses petits doigts avec la radio à fond. « L’air conditionné là-dedans, ça aide », dit-il en enlevant son masque. « Tu crois que le lapin est rentré ? »
« Je n’arrêtais pas d’entendre des rats. » — Falcon Heene
« Demain peut-être. » Cela paraît un peu cruel d’interviewer un garçon de 11 ans en pleine séance de ventilation, mais il y a quelque chose dans la contenance de Falcon, là, à la place du conducteur, qui m’y encourage. Entre la traque des tempêtes et les tournées, il a passé une grande partie de sa vie dans cette voiture et il semble s’y sentir comme chez lui, dans la cachette qu’il s’est choisie. « — Falcon, c’était comment, dans le grenier ? — Je n’arrêtais pas d’entendre des rats. Il n’y en avait pas beaucoup, corrige-t-il, mais je suis resté si longtemps là-haut que j’ai dû m’imaginer qu’il y en avait plein. — Combien de temps es-tu resté là-haut ? — Une… éternité ? Oui, ça m’a paru une éternité. J’avais super faim. — Est-ce que tu t’es caché parce que ton père criait lorsque la soucoupe s’est envolée ? — Elle était si grande et si belle, dit-il après avoir fait “oui” de la tête. J’ai rampé dedans ce matin-là. — Tu les as entendus t’appeler ? — Un paquet de fois. — Pourquoi tu n’es pas descendu, alors ? » Falcon se tait et m’observe avec une expression bizarre. Je ne saurais dire s’il s’agit de culpabilité ou de confusion, ou si c’est autre chose. Lorsqu’il reprend la parole, je ne peux pas plus affirmer que c’est une preuve de son trauma émotionnel, ou simplement les mots d’un enfant de 11 ans qui se souvient de ce qu’il est censé dire. « J’étais mort de trouille. »
Traduit de l’anglais par Céline Laurent Santran d’après l’article « The Heartbreaking Heavy-Metal Ballad of Balloon Boy », paru dans Details. Couverture : L’album Fingered It Out, des Heene Boyz.