Tout le monde ou presque connaît Confucius, le grand philosophe chinois. Son héritage, surtout palpable en Chine où la pratique de ses enseignements confine à la religion, a essaimé un peu partout, jusqu’aux confins de l’Occident. Mais l’homme ne se limite pas à ses paroles de sagesse, très appréciées au demeurant des recueils de citations. Certains critiques poussent le qualificatif jusqu’à celui de misogyne assoiffé de pouvoir ; comme je devais moi-même le découvrir lors d’un périple qui me mena de la demeure du penseur, à Qufu, vers le lieu de son repos éternel, un endroit à l’atmosphère unique en son genre : le Temple et Cimetière de Confucius. Confucius a vécu en Chine entre 551 et 479 av. J.-C., à l’époque désignée par les historiens chinois sous le nom des « Printemps et Automnes » de la nation. Ses parents, issus de la classe moyenne, résidaient à Qufu, une ville moderne de la province du Shandong, parfois appelée « Lu ». Le Sage se fit connaître en grande partie par ses enseignements philosophiques qui, avec les travaux de ses élèves et fidèles, devaient former après sa mort les préceptes confucéens. Confucius cumulait les titres honorifiques mais se faisait appeler par son nom de naissance : Kong Qiu. La forme latinisée « Confucius », création du XVIe siècle, dérive de son titre posthume de « Kong Fuzi », ou « Maître Kong ».

Kong Fuzi le philosophe

« Il n’est de réelle connaissance que celle de l’étendue de son ignorance. » Confucius fut un homme politique actif. Nommé Grand Ministre de la Justice, on le chargea de protéger Lu de l’influence étatique par l’établissement d’un gouvernement centralisé ayant un duc à sa tête. Celui-ci ne verra jamais le jour. L’échec poussa Confucius à un court exil qui s’acheva par son retour définitif à Lu (à 68 ans), où il se consacra, jusqu’à sa mort, à l’enseignement de sa philosophie. Ses enseignements reçurent, de son vivant, un accueil frileux. Ils ne durent leur survie – notamment lorsque fut prononcé, sous l’éphémère dynastie Qin, l’ordre de destruction totale de ses écrits, deux siècles après sa mort – qu’au travail de transmission orale de ses disciples. Ainsi sauvegardées, les graines de sa pensée finirent par éclore sous la dynastie Han. Inspiré par la sagesse sociale et politique de Confucius, l’Empereur Han Wudi déclara la Chine « État confucéen » et dissémina ses principes de moralité partout, des salles de classe aux tribunaux. L’histoire de la Chine leur doit son visage actuel… et ils continuent, aujourd’hui encore, à modeler la pensée de nombreux admirateurs, aux quatre coins de la Chine et d’ailleurs.

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« Trois chemins mènent à la sagesse. Le premier, le plus noble, est celui de la pensée. Le second, le plus aisé, celui de l’imitation. Le troisième, le plus amer, celui de l’expérience. »

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Confucius
The Granger Collection, New York

Le Confucianisme est considéré comme l’une des « Trois doctrines » ou « San Jiao » de la Chine ancienne – aux côtés du Bouddhisme et du Taoïsme. Si de nombreuses personnes voient dans le Confucianisme une manière de « religion », les universitaires l’apparentent plus volontiers à un système de philosophie. Et ses apôtres, à une fenêtre ouverte sur le monde. Mais les aspects surnaturels qui lui sont parfois associés ne découlent pas de la pensée initiale du Maître : ils sont le fruit d’un mélange savant entre Confucianisme, Taoïsme et Bouddhisme, le tout brassé au creuset des croyances folkloriques chinoises et de leurs riches univers mythologiques. Le penseur, pour sa part, occupait le plus clair de sa pensée à des questions de moralité, celles qui régissent aussi bien les relations humaines et familiales que les politiques gouvernementales. Le peu d’archives dont disposent les chercheurs sur sa vie et ses œuvres rend délicate la paternité des écrits du corpus confucéen. Une seule peut être attribuée avec certitude, c’est celle de la règle d’or de Confucius : « Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse. » De nombreux exégètes avancent néanmoins que le gros de ses enseignements se résume finalement à ceux de sa compilation de discours et de textes connue sous le nom d’Entretiens (ou Analectes), qui définit un système de révérences entre personnes sur fond de situations sociales du quotidien. D’autres thèmes, choquants au vu du progrès de nos sociétés, sont également prégnants dans ses écrits : l’autoritarisme et l’inégalité des sexes.

Le peu d’archives dont disposent les chercheurs sur sa vie et ses œuvres rend délicate la paternité des écrits du corpus confucéen.

Ainsi, le Confucianisme exige non seulement le respect mais surtout l’obéissance absolue aux parents, en toutes choses. Au cours de la dynastie Han, ce principe a inspiré l’école obligatoire dès l’âge de six ans et le système des mariages forcés. Dès la naissance, les enfants sont traités différemment selon leur sexe. On peut lire, par exemple, dans un des textes attribués au sage, que « si un homme a un fils, il le met dans un lit, s’il a une fille, il la met par terre ». Dans ce modèle patriarcal archaïque, les femmes doivent obéissance aux hommes : les filles non mariées, à leur père, les femmes, à leurs maris et les veuves, à leurs fils. Confucius était également un fervent défenseur de l’ancienne tradition chinoise du bandage des pieds pour les femmes, pratique aujourd’hui dénoncée comme ni plus ni moins qu’un rite barbare de mutilation physique. Bien qu’entachée de ce machisme cruel, la pensée de Confucius continue à faire florès d’une frontière à l’autre de la Chine moderne – mais nulle part ailleurs autant que dans sa ville natale de Qufu.

Le Temple de Confucius

« La beauté est omniprésente à qui sait la percevoir. » En 1994, l’UNESCO a déclaré Patrimoine mondial trois sites de Qufu liés au philosophe : le Temple de Confucius, le Cimetière de Confucius et la résidence de la famille Kong. Nous avions voyagé en train de nuit, dans un compartiment bondé, et rejoint la ville du philosophe en milieu de matinée. À notre descente, une gare aux allures de temple grec nous attendait : colonnes de marbre, immenses plafonds voûtés, cours ouvertes en plein ciel. Comme un clin d’œil à l’histoire, ce fut en pousse-pousse que nous quittâmes cet écrin d’architecture résolument moderne pour nous faufiler dans les ruelles sans âge de Qufu, ville millénaire. Ou plutôt, avec quelque 60 000 habitants, village, à l’échelle des mégalopoles chinoises. Les rues y sont telles qu’on se les imagine : en effervescence, parcourues par un flot incessant de rickshaws et de vélos électriques, colorées par les étals des maraîchers débordant par-dessus les trottoirs jusque sur la chaussée. Notre chauffeur y louvoyait à son aise, crachant et maudissant la terre entière, le coup de pédale rageur.

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Le Temple de Confucius
Crédits : Darmon Richter

Dix minutes plus tard, nous arrivâmes à destination, au bout d’un pont décoré, à l’ombre des saules pleureurs, parmi les hordes de touristes jetés par pelletées à l’entrée du site sacré : le Temple de Confucius. Tout aussi courue que soit Qufu par les touristes chinois, notamment pour les adeptes du Confucianisme, la foule comptait peu de visages étrangers hormis les nôtres. Une bouquiniste ambulante nous pourchassa quelques minutes à l’extérieur du temple, sa pile d’ouvrages philosophiques sous le bras. Je finis par jeter l’éponge et mis la main à la poche. Malgré sa couverture en anglais, le contenu du livre était en chinois. Le Temple lui-même se montra plus qu’à la hauteur de nos espérances. Il ressemble à bien des égards à la Cité interdite de Pékin et, avec neuf cours pour une surface totale de près de 16 000 m², se positionne parmi les plus vastes de Chine. Passé le premier portail, il s’ouvre sur une cour emmurée de belles dimensions que verdissent ça et là de vieux pins. Face à nous se dressait une rangée de portails secondaires menant au Temple et pagodes intérieures. Deux ans tout juste après le décès du maître des lieux, l’ancienne demeure du sage se vit canonisée « Temple de Confucius » par le Prince de Lu lui-même. L’Empereur en personne vint la visiter en 205 av. J.-C., pour déposer des offrandes à la mémoire de Confucius, tradition perpétrée année après année par ses successeurs. Celle-ci perdura jusqu’en 611, date à laquelle la maison de trois pièces fut démantelée au profit d’un véritable temple. Au XIe siècle, la dynastie Song l’agrandit de quatre vastes cours entourées de pas moins de 400 pièces. Le Temple essuya un incendie et plusieurs actes de vandalisme en 1214 avant de connaître un relifting sous la dynastie Yuan, au XIVe siècle. Il fut à nouveau ravagé par les flammes en 1499 puis en 1724, mais à chaque fois reconstruit et enrichi de nouvelles cours et bâtiments. Lorsqu’éclata la Révolution culturelle de Mao, en 1966, le Temple de Confucius comptait déjà pas moins de quinze opérations majeures de rénovation.

Je me sentis soudain visité par l’image de ce que fut le Temple, et non de ce qu’il était devenu, un site touristique protégé : le lieu de paisibles contemplations.

De la première cour, nous remontâmes plein nord vers la Porte de Lingxing, nom chinois d’une des étoiles de la Grande Ourse, symbole de la descendance céleste supposée de Confucius – une sorte de déification dont plusieurs éléments du Temple portent la marque. En dépit de la surprenante rareté des représentations du sage (plus présentes en dehors du temple, dans les rues de la ville), entre ces murs, le philosophe multiplie les honneurs habituellement dus aux empereurs. Les cours centrales fourmillaient de touristes chinois circulant parmi les installations iconiques comme les pavillons de stèles, anciennes sculptures sur pierres de dragons et de tortues épiant les visiteurs à travers des volets de bois. À l’extérieur de la salle Dacheng – ou « Salle de la Grande Perfection », lieu d’offrandes principal du Temple depuis sa création sous la dynastie Qing – les touristes peuvent griller un encens à la mémoire du sage. Des piliers et colonnes où s’entortillent des dragons sculptés soutiennent le bâtiment sur ses 32 mètres de hauteur. De l’autre côté de la salle se dresse le pavillon Xing Tan, ou « autel de l’abricot », en référence à l’abricotier sous lequel aimait à s’asseoir le Sage pendant ses heures d’enseignement. Ce pavillon sert encore aujourd’hui à l’occasion d’un festival annuel dédié au maître. Malgré la foule, le lieu invite à la flânerie en solitaire dans le réseau labyrinthique de cours et d’allées accessibles depuis les cours principales. Nous franchîmes ensuite les portes Hongdao, Shengshi et Dazhong, série d’arches richement décorées, avant de nous perdre dans un imbroglio de cours en terre battue des plus simples, au nord de l’ensemble. Adossé à un mur, à l’un des angles reculés de l’enceinte, dormait un garde : l’épaisseur des briques veillait sur son sommeil en feutrant les nuisances de la rue. Je me sentis soudain visité par l’image de ce que fut le Temple, et non de ce qu’il était devenu, un site touristique protégé : le lieu de paisibles contemplations. Nous nous attardâmes, ici face à l’étrange silhouette gravée d’une créature mythique, là dans un magnifique couloir aux cloisons boisées ou autour de l’un des innombrables sanctuaires… mais l’après-midi était déjà bien avancé, il fallait nous hâter. Le clou de la visite nous attendait. Car s’il marque par son ampleur, le Temple de Confucius n’apporte par grand chose en comparaison des autres temples plus connus de Pékin ou Xi’an. La véritable attraction de Qufu est ailleurs : à la Tombe de Confucius. Nous prîmes sa direction sans plus tarder.

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« Si tu ignores tout de la vie, comment prétendre connaître la mort ? »

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Dans le cimetière
Crédits : Darmon Richter

L’après-midi touchait à sa fin lorsqu’un second pousse-pousse nous déposa à l’entrée du cimetière. On attribue communément au Cimetière de Confucius le titre de champion des cimetières familiaux, en âge comme en taille. Ce terrain immense, qui s’étend à perte de vue, est le lieu de résidence éternel des seuls descendants de Confucius en personne. Soit deux millions, connus et enregistrés – pour loger tout ce monde, 4 000 sépultures réparties sur 200 hectares ne sont pas de trop. La rumeur court également qu’à Qufu, un tiers des habitants descendrait en ligne plus ou moins droite de Kong Qiu. La course réglée, nous passâmes sous une arche rouge gardée par de féroces dragons pétrifiés… et pénétrâmes dans une forêt. À l’entrée, une plaque nous informa que le cimetière hébergeait pas moins de 100 000 arbres, et 9 000 plantes d’espèces différentes. Quelques mètres plus loin, un pont décoré enjambait un ruisseau, dont les bras se perdaient en amont comme en aval dans une jungle verte. Une fine brume envahissait les lieux ; branches tortueuses et souches mortes se muaient sous nos yeux en de lugubres silhouettes. La Tombe du sage nous causa quelques soucis d’orientation. Avais-je loupé la dernière pancarte ? La direction était-elle écrite en chinois ? Sans plus d’indices, nous nous contentâmes de musarder en suivant l’un des chemins pierrés qui sillonnait à flanc de ruisseau, à travers le chaos de pierres tombales et de monuments épars. Les tombes jaillissaient de terre à des angles divers, au petit bonheur la chance ; leur distribution ne semblait suivre aucun schéma établi. Aux côtés de belles tombes carrées, à la taille nette, ornées de caractères ciselés de main de maître – représentant les noms des défunts – gisent des monuments décrépits, fissurés, en ruine. Les herbes hautes qui encerclent leur socle donnaient une impression d’affaissement : les tombeaux et mausolées sombraient peu à peu dans le sol.

Nous ne quittâmes pas le cimetière tout de suite, préférant pousser plus avant notre exploration de ses bois – avec 200 hectares, il y avait là de quoi faire.

Les années n’ont pas épargné les plus âgés. Des tombes béantes, pierres effondrées, et sarcophages éventrés jonchaient notre parcours. Nous découvrîmes bientôt qu’en fait, la Tombe du sage n’était pas loin de l’entrée, derrière un pavillon où des grappes de touristes écoutaient d’une oreille attentive l’histoire de sa vie et de sa philosophie. Notre chemin zigzaguait à travers divers monuments, le long d’une allée pavée que bordaient des stèles à la mémoire des plus illustres descendants de Confucius. Kong Ji était de ceux-là. Petit-fils de Confucius, celui que l’on nommait également « Zi Si » (483-402 av. J.-C.) fut l’un des plus influents philosophes confucéens de la Période des Royaumes combattants. Il repose à ce titre dans un tombeau de magnifique facture. Le chemin déboucha, passé un dernier virage, sur le lieu de sépulture de Confucius. Une estrade de marbre soutenait le monument. Quelques arbres noueux se penchaient sur la couche éternelle du sage, comme pour la protéger. De magnifiques bouquets de fleurs fraîches égayaient le périmètre. À notre arrivée, deux touristes rendaient hommage au défunt d’une nouvelle gerbe colorée.

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Le Tombeau de Confucius
Crédits : Darmon Richter

Le lieu impose le silence. À son approche, les éclats de voix des touristes s’estompent peu à peu en muette révérence. L’aura de cet homme, aujourd’hui encore, ne fait pas l’ombre d’un doute. Près de 2 500 ans après sa mort, face à la solennité du maintien de ses visiteurs, un observateur croirait au recueillement de parents devant le caveau familial, et non à une visite de mémorial. Quoi de surprenant après tout ? L’arbre généalogique de nombre d’entre eux prend racine ici-même. Il convient de préciser que la stèle érigée en ce lieu n’est ni plus ni moins qu’un mémorial. Le corps de Confucius repose ailleurs. Si les plus vieilles tombes du cimetière remontent à la dynastie Zhou (1046–256 BC), il a fallu attendre la période Han (206 BC – 220 AD) pour que leur usage se popularise en Chine. Lorsque Confucius mourut en 479 av. J.-C., il fut enterré sur la rive de la Si, sous une tombe en forme de hache, avec une plate-forme en brique pour les sacrifices. Le Cimetière de Confucius n’a pas toujours été traité avec les égards qu’on lui témoigne aujourd’hui. Le régime communiste de Mao, opposé au Confucianisme, avait envoyé en 1966, en pleine Révolution culturelle, une troupe de la Garde rouge profaner plusieurs tombes. Le corps du duc Yansheng, descendant de Confucius (76e génération), fut ainsi exhumé et pendu, nu, à la plus haute branche d’un arbre devant le temple. Plusieurs tombes croisées au hasard de notre visite doivent leur délabrement au vandalisme de cette époque.

Maîtres des lieux

Nous ne quittâmes pas le cimetière tout de suite, préférant pousser plus avant notre exploration de ses bois – avec 200 hectares, il y avait là de quoi faire. Mais à la faible lumière de fin de journée, et avec l’épaisse brume qui s’installait, on s’égara rapidement.

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Confucius auprès de son abricotier
Kano Tan’yû, XVIIe siècle

À cette heure, nous étions seuls maîtres des lieux. Les autocars avaient refait le plein de touristes et déjà pris le chemin du retour. Nous nous écartâmes un peu du chemin tracé, distraits par quelques vieilles pierres. L’une d’elles, ouverte, révélait l’entrée d’un caveau sous-terrain. Le faisceau de ma lampe éclairait une chambre profonde et creuse, bordée de pierres. De son tapis de feuilles mortes s’échappait un membre desséché – os humain ou végétal pétrifié, je n’aurais su dire. Nous tentâmes de retrouver le chemin de la sortie mais butions face au paysage changeant d’arbres, de pierres tombales et de tumulus, qui faisait éclater tous nos repères. Le chemin semblait bien là, et pourtant… Nous optâmes pour la stratégie de la spirale : partant d’une des tombes, nous marchâmes en cercles concentriques de diamètre croissant. En vain. Il fallait se rendre à l’évidence : nous étions perdus. La nuit approchant à grands pas, nous décidâmes cette fois de tirer tout droit, dans n’importe quelle direction – en dépit des apparences, le cimetière n’était pas infini. Nous finirions bien par tomber sur l’un des murs du XIIe siècle qui l’encerclent. Si nécessaire, un petit pas d’escalade nous mènerait alors au-dehors. Après trente minutes de marche, une clairière s’ouvrit devant nous, peuplée d’étranges figures animales qui émergeaient de la brume : lions, tortues, chevaux et dragons, organisés par couple en une haie d’honneur, les pattes dans les feuilles mortes. Il s’agissait d’une « Voie de l’Esprit », chemin sacré matérialisant l’accès à la tombe d’un haut dignitaire, empereur ou membre du gouvernement. La plupart remontant à la dynastie Han, cela signifiait que nos curieux hôtes de pierre affichaient plus de 2 200 ans au compteur. Ces créatures mythiques gardaient-elles les tombes de Kong Zhengan, Kong Shangxian, Kong Shangtan ? Difficile à dire. Mais une chose était sûre, elles nous montraient la voie de la sortie. En les suivant à partir de la tombe de pierre, nous retrouvâmes le chemin principal. Notre errance touchait enfin à son terme. Nous parvînmes à choisir la bonne direction et bientôt, alors que le crépuscule s’éteignait, l’arche rouge marquant l’entrée du cimetière apparut. Après toutes mes lectures sur Confucius – Kong Fuzi, Le Grand Sage, Le Roi sans couronne de Qufu – je dois avouer qu’un certain scepticisme s’empara de moi sur le personnage en tant qu’homme. Ses penchants autoritaires et sexistes troublent l’image idéal-typique que nous avons de la sagesse asiatique. Et en effet, parti à la recherche du tombeau d’un grand homme, nous voilà bien loin de Siddhartha ou de Gandhi… Pourtant, les réformes qu’il mena, quoique limitées dans leur application, furent d’une valeur indiscutable pour ses contemporains. Ses enseignements, ou du moins ceux inspirés par sa vision des choses, lui ont survécu depuis maintenant 2 492 années et ses idées, autrefois partagées au pied d’un modeste abricotier de la province de Lu, trouvent aujourd’hui écho dans le monde entier.


Couverture : Confucius, par Kevin Smith.