Je me suis toujours demandé pourquoi certaines histoires deviennent des légendes. Qu’est-ce qu’un Butch Cassidy ou un John Dillinger ont de si fascinant ? Cela vient sans doute de notre attirance pour les hors-la-loi, ces êtres marginaux qui méprisent les règles qui nous régissent. D’une certaine manière, nous aimons les personnages qui s’emparent de ce qu’ils n’ont pas. Mais malgré tout, ce sentiment a quelque chose d’insaisissable. Le hors-la-loi doit être rusé, fourbe, et maîtriser l’art du jeu du chat et de la souris. Toutes ces histoires doivent nous faire réfléchir et piéger notre jugement. Il faut qu’elles nous captivent. Une fois le puzzle reconstitué, nous devons avoir l’impression de faire partie de l’intrigue.

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Le couple meurtrier

J’ai songé la première fois à Bonnie et Clyde après m’être rendu compte que les séries télé n’étaient en noir et blanc qu’à cause de carences technologiques et non parce que le monde l’était lui-même – j’étais stupéfait de réaliser que ce dernier avait toujours été en couleur. Mais allez expliquer cela à un jeune garçon. Pour moi, l’Histoire avait toujours été en noir et blanc, peu importe les événements. Chaque dimanche après-midi, ma famille et moi allions déjeuner chez ma grand-mère. Je passais la majeure partie de temps dans la chambre de mon oncle, celle qu’il occupait étant enfant. Le temps n’avait eu aucune prise sur cette pièce, comme si elle avait été conservée dans du formol. Sur les étagères s’étalaient des figurines de cow-boys, d’Indiens et de soldats. Des avions bombardiers étaient suspendus au plafond. Deux affiches en noir et blanc étaient accrochées au mur : des avis de recherche pour Billy the Kid et Jesse James, morts ou vifs. Au fil du temps, j’ai développé le même attrait que mon oncle pour les hors-la-loi légendaires. À mesure que ma fascination grandissait, les hors-la-loi sont passés des braqueurs à la diligence à Warren Beatty et Faye Dunaway en technicolor. Lorsque j’avais douze ans, mon oncle m’a emmené à Dallas pour voir la tombe de Clyde Barrow, sur Fort Worth Avenue. Un panneau publicitaire situé au sud-est du cimetière Western Heights ombrageait la tombe. À quelques pas de là se trouvaient un hôtel bon marché et un concessionnaire de voitures d’occasion. Difficile d’imaginer que Clyde Barrow reposait ici, à quelques mètres de ces voitures. Un personnage mythique réduit à occuper un espace minuscule et isolé. Le progrès avait pris le pas sur l’Histoire. Sur sa tombe, on pouvait lire : « Disparu mais pas oublié. »

La visite du musée

La pluie s’abat sur le toit de ma voiture et j’aperçois la sortie 80 pour Gibsland, village de l’État de Louisiane. J’ai découvert en faisant des recherches sur Bonnie et Clyde que Gibsland est le lieu incontournable pour tous les aficionados du couple mythique. Il s’agit du dernier endroit où ils se sont rendus avant leur mort, et la ville leur a dédié un musée. À douze kilomètres plus au sud, là où ils sont tombés sous une pluie de balles, on trouve un tailleur de pierre.

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Le musée de Gibsland
Crédits : Bonnie & Clyde Ambush Museum

Je suis la route jusqu’à l’artère principale de Gibsland. Cette ville est un vrai trou à rat. À l’époque, on y trouvait une gare et l’université Coleman. Mais aujourd’hui, on n’y voit que les signes d’une Louisiane en déclin et un tas de maisons décrépies. De l’autre côté du chemin de fer, j’aperçois des immeubles à l’horizon. J’ai l’impression que la civilisation ne s’est pas invitée dans cette ville depuis des années. Une fois sur Main Street, je réalise que la ville n’est rien de plus qu’une succession de magasins disposés les uns en face des autres. Le plus visible d’entre eux est peint en jaune et doté d’une marquise en métal vert. Le mot « ambush » (« embuscade ») y est écrit en grosse lettre. Une vieille voiture grise des années 1980 est stationnée juste en face – vu la manière dont elle est garée, le chauffeur doit être prêt à déguerpir en urgence. Au gré de mes recherches, j’ai trouvé une page Facebook consacrée à ce musée Bonnie et Clyde. J’y ai trouvé le nom du conservateur, un certain L. J. « Boots » Hinton. La page fournissait un numéro de téléphone ; j’ai appelé. J’ai passé les trois jours suivants à laisser des messages : je voulais rencontrer le conservateur afin que nous parlions de la fameuse embuscade et je lui ai laissé mon numéro.

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À gauche, Boots Hilton, le conservateur du musée
Crédits : Bonnie & Clyde Ambush Museum

J’ai commencé à m’inquiéter après avoir lu sur la page que le musée était fermé par intermittence, en raison des problèmes de santé de Boots. Le vendredi après-midi suivant, je n’avais toujours pas reçu de réponse. J’ai donc réservé une chambre à Shreveport et m’y suis rendu le soir même. En résumé, j’allais faire trois heures et demies de route sans savoir ce que j’allais trouver là-bas. J’ai demandé à mon amie de m’accompagner, dans l’espoir de faire passer cette expédition à l’aveugle pour un week-end romantique… Assis dans la voiture, le regard fixé sur les vitres embrumées du musée, elle me tire de mes pensées : « On est venus pour ça ? Je ne vois rien du tout. » Difficile de rater un endroit comme celui-ci, c’est le seul à être éclairé. Avant de descendre de voiture, je lui tends le parapluie. « Tu es sûr que c’est ouvert ? » me demande-t-elle. Une clochette tinte lorsque nous pénétrons dans le musée. À l’intérieur, un petit vestibule fait office de caisse et de boutique de souvenirs. Une poignée d’articles est proposée, seulement quelques livres et des t-shirts. Sur la gauche se tient un homme vêtu d’une combinaison ignifugée ornée d’un col en fourrure, une casquette de baseball de la Navy vissée sur la tête. Il porte des lunettes rondes et ses jambes sont croisées. Il lève les yeux vers moi et tire sur sa cigarette. Comme il ne dit rien, je ne suis pas sûr qu’il me voie. « Le film vient d’commencer, entrez », marmonne-t-il. Un panneau accroché sur la porte indique qu’il est interdit de prendre des photos ; j’ai l’air fin avec mon Nikon autour du cou… La porte est un peu branlante, et lorsque je l’ouvre, je m’aperçois que le vestibule n’est pas complètement séparé du reste du musée. Le mur ne touche pas le plafond : on dirait une cabine d’essayage géante. Quatre personnes sont déjà à l’intérieur, assises sur des chaises en velours semblables à celles qu’on trouve dans certaines églises. Je n’avais sans doute pas vu les deux autres voitures à cause de la pluie. Je m’assieds et tente de rassembler mes esprits. L’affiche du film sur Bonnie Parker, interprétée par Dorothy Provine, a pour légende « La fumeuse de cigares des Trente Glorieuses ». Les vitrines sont remplies d’objets dérivés de Bonnie et Clyde : bande-dessinées, cartes postales, livres, et même un menu de restaurant. Un combi-télé Panasonic est posé sur une table près du mur. La vidéo ne dure que quelques minutes et montre des images en noir et blanc de la voiture du couple. Pas de son. Au milieu de la pièce, un sceau en plastique accueille les gouttes d’eau qui tombent du plafond.

Boots me raconte qu’il est le fils de l’ancien shérif du comté de Dallas, Ted Hinton.

Une fois le film terminé, nous nous promenons dans ce musée de la taille d’un grand loft. Sur un des murs, on peut voir une frise chronologique de l’histoire du couple, qui part du lieu de naissance de Clyde (Telico, au Texas) jusqu’à leur funeste destin, un thème largement représenté dans le musée. Au cours de la visite, je découvre des faits nouveaux, des informations que je n’avais jamais lues auparavant – ni même oubliées sciemment pour ne conserver que les  aspects positifs du mythe. Je lis par exemple que Clyde avait un tatouage représentant un cœur transpercé d’une dague. Mais quelque chose cloche : ce tatouage ne colle pas avec le Clyde que je connais. Je ne peux pas m’empêcher de penser aux dessins de cœur présents dans tous les salons de tatouage du pays. J’en apprends davantage sur les membres de son gang. Il y a eu une courte période pendant laquelle le gang, tout comme la police, découpaient les corps des anciens membres comme des blocs de pierre. Un doigt par-ci, un orteil par-là… La littérature nous présente cette histoire comme une tentative de survie désespérée plutôt que comme un remake de Roméo et Juliette, avec des braquages sur fond de passion amoureuse. Je refais le tour du musée. Sur l’un des murs se trouvent des photos prises sur le lieu de leur mort, et d’autres illustrent les jours qui ont suivi. On y voit deux corps inertes dans une Ford V-8 volée ; les deux amants sont troués de balles de différents calibres et couverts de sang. Les corps ont ensuite été transportés à la morgue où on les a recouverts d’un drap blanc. Il y a également une réplique de la voiture au fond du musée, mais les faux impacts de balles en font une copie assez peu convaincante. Les toilettes se trouvent juste à côté de la voiture, et il n’y a qu’un seul WC. Je me demande comment cet endroit a fait pour rester à flot parmi tous les autres sanctuaires du monde.

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Clyde Champion Barrow

Boots

Une fois les deux derniers visiteurs partis, je retourne dans le vestibule. L’homme à la combinaison met la cendre de sa cigarette dans une bouteille de Frappuccino Starbucks. « C’est vous, Boots ? » Il lève les yeux vers moi et acquiesce. Je me présente et il me fixe du regard. « Un Cameron du Dallas Morning News doit venir aujourd’hui pour m’interviewer », dit-il en tirant à nouveau sur sa cigarette. Je sais que je ne suis pas le seul à vouloir entendre l’histoire de Boots, mais je doute qu’il y ait un reporter du Dallas Morning News qui porte le même nom que moi et qui vienne le même jour que moi. Ça ne peut pas être moi non plus, puisque je ne travaille pas pour eux. Boots me raconte qu’il est le fils de l’ancien shérif du comté de Dallas, Ted Hinton. Hinton aurait fait partie de l’équipe qui a ouvert le feu lors de l’embuscade du 23 mai 1934, peu après que Bonnie et Clyde ont quitté le Ma Canfield Café, depuis remplacé par le musée qui leur est consacré. Il commence à me raconter une histoire rocambolesque et si détaillée que seul le fils d’un des hommes ayant pris part au mythe pourrait connaître de cette façon. Il s’avère qu’un des membres de l’équipe qui a été envoyée aux trousses des deux amants a sombré dans l’alcoolisme.

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En haut à gauche, le shérif Ted Hinton, père de Boots

« Vous avez déjà été pris dans une fusillade ? » me demande-t-il. D’après ma tête, la réponse est évidente. « C’est comme être en enfer. Il a eu des troubles de stress post-traumatique, mais à l’époque, on n’avait pas de mots pour ça. » Il commence à me raconter l’histoire en détails, avant de s’assoupir un instant, perdant le fil de ses pensées. Il entend un petit bruit derrière lui qui le fait se retourner lentement, et fixe une pile de cahiers pendant quelques secondes. L’histoire semble parfois être prisonnière de son esprit, ne s’échappant que par intermittence, comme des averses. Il prend le temps de se reposer, et alors que je me remets à parler, il débute une nouvelle histoire. La cigarette se consume et la cendre tombe sur sa combinaison. Il jette le tout dans la bouteille de Frappuccino et en allume une autre. « Si vous avez déjà essayé de conduire une Ford V8 de 1934… », et ça continue pendant une heure et demie. Au terme de son récit, on a passé en revue toute l’histoire de Bonnie et Clyde – ce qu’ils ont mangé, où ils sont allés, qui les recherchait… Il m’a même raconté que son père et un homme du nom de Bob Alcorn les avaient croisés pendant leur chasse à l’homme, lorsqu’ils étaient sur Shoefly Road. Boots me tend un flyer et m’invite à revenir pour le festival commémorant le 80e anniversaire de leur mort. Il s’allume une nouvelle cigarette. La clochette tinte à nouveau.

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Une réplique de la voiture des gangsters
Crédits : Cameron Maynard

Le festival Bonnie & Clyde

Pour mon deuxième voyage, j’arrive en avance au festival. J’ai effectué toutes les recherches dont j’avais besoin, mais j’aimerais voir à quoi ressemble un festival qui rend hommage à deux meurtriers abattus dans des conditions si spectaculaires. Ah, et je veux aussi revoir Boots. En me garant, je remarque que la ville a changé de façon remarquable. Le soleil brille. Les voitures sont alignées autour d’un champ et quelques badauds se dirigent en direction du musée. Mon amie prend le punch que nous avons concocté spécialement pour l’occasion, direction le festival. Certaines personnes restent debout, d’autres sont assises sur les trottoirs qui bordent la rue principale. À gauche du musée, un immeuble se démarque des autres : lui aussi est consacré à Bonnie et Clyde. Après un rapide coup d’œil, on n’y trouve que quelques pièces remplies de magazines et d’objets kitsch. J’y achète un aimant en forme de voiture d’époque, sur lequel est écrit « Bonnie and Clyde Ambush. 80th Anniversary. Gibsland, LA ». Face au musée, des gens flânent autour d’une caravane convertie en food truck. Une voix s’élève des haut-parleurs et un vieil homme se tient devant la mairie, ses cheveux noirs de jet peignés cachant sa calvitie. Il porte un costume d’Elvis et se met à chanter un de ses tubes. « Je ne vois pas bien le rapport entre Elvis et Bonnie et Clyde », commente ma compagne. « Enfin pas immédiatement. »

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Une reconstitution musclée
Crédits : Shahn Dempsey Davenport / Ben Fallon

Une heure plus tard, nous assistons à une reconstitution du braquage de la banque par Bonnie et Clyde. C’est l’un des événements phares du festival. Un homme habillé en costume d’époque sort de la banque en courant, suivi par une femme en robe rouge avec un béret sur la tête. Quatre ou cinq hommes déguisés en shérifs des années 1930 et leurs adjoints, qui prenaient l’instant d’avant des photos avec les spectateurs et serraient la main des enfants, attirent soudain l’attention. Les deux camps sortent leurs armes. Après quelques cris savamment répétés, les balles à blanc commencent à claquer sur Main Street. L’un des shérifs est à terre. Bonnie lâche son sac et se retourne pour le rattraper. Les portières de la voiture s’ouvrent à la volée, les hommes tombent à terre pour plus de réalisme, et la fumée commence à envahir la rue. Les badauds applaudissent et un enfant agite le drapeau américain. La parade va démarrer dans une heure et demie, mais avant, il y aura un concours de sosies de Bonnie et Clyde. 50 dollars seront offerts au vainqueur de la catégorie adulte, et 25 iront au vainqueur de la catégorie enfant. Mon amie et moi nous dirigeons vers le champ pour y mettre une couverture et prendre un verre à l’ombre. Alors que nous nous baladons dans la rue, je remarque une caravane en tôle d’où s’échappe un panache de fumée. « Qu’est-ce que c’est ? » me demande-t-elle. « Je crois que c’est un food truck. Tu veux quelque chose ? » « Pourquoi pas. » Je m’approche et vois un menu accroché à une fenêtre à barreaux. Je jette un œil aux alentours et, ne voyant personne, je me dirige à l’arrière du truck. J’y trouve deux hommes, l’un s’occupant du barbecue, l’autre assis sur une chaise pliante. « Vous avez de la viande ? » L’un d’eux sourit ; l’autre crie en direction du truck.

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Le casting
Crédits : Gary Waller

Les côtes de porc sont recouvertes d’une épaisse sauce sucrée ; la viande est si fondante et caramélisée qu’elle se détache des os et croustille. J’avale tout en un temps record. J’ai mangé des côtes de porc au Texas, en Caroline du Nord, à Kansas City et dans toutes les villes situées entre ces États. Je n’y mettrais pas ma main au feu, mais il y a quelque chose d’unique dans cette ville. Nous restons assis un long moment. Deux chiens qui nous tournent autour depuis un moment finissent par comprendre qu’on a mangé toute la nourriture, et ils partent dans une autre direction. Un homme portant un grand chapeau passe à notre hauteur, juché sur un cheval blanc émacié. La parade commence et on entend des motos rugir au loin. Les enfants se lèvent des trottoirs et le petit cortège commence à descendre sur Main Street, avant de tourner juste devant nous et de s’aventurer dans le champ.

Le dernier événement du festival aura lieu dans quelques heures à l’endroit exact de l’embuscade.

Quelques vieilles voitures accompagnent la parade. Enfin, une vieille décapotable passe sous nos yeux, avec Boots à son bord. Il porte un chapeau de cow-boy blanc et une chemise à carreaux. Il regarde devant lui la plupart du temps, mais il salue l’assistance de temps à autre, comme un roi prenant un bain de foule. Alors que la dernière voiture passe devant nous, les haut-parleurs se remettent en route. Le dernier événement du festival aura lieu dans quelques heures à l’endroit exact de l’embuscade, à douze kilomètres d’ici. Ce sera le clou du spectacle. « Tu veux rester pour voir ça ? »

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Je reste assis là, et je ne peux pas m’empêcher de penser aux histoires que me racontait mon oncle. Il vénérait Bonnie et Clyde. Certes, ce n’étaient pas des enfants de cœur, mais c’étaient des légendes. Les braquages, les fusillades, les évasions… tout cela semblait tellement épique et héroïque, c’était sans doute trop beau pour être vrai. Je ne pense pas que Boots y voit quoi que ce soit d’héroïque, sinon du point de vue de son père et de ses hommes ; mais même lorsqu’il racontait son histoire, le mythe résonnait comme une malédiction.

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Une stèle est érigée à l’endroit où sont morts Bonnie & Clyde
Crédits : Cameron Maynard

Je n’aime pas la façon dont l’Histoire raconte ces événements ; ce qui était autrefois un mythe de mon enfance a été altéré par l’âge adulte – comme c’est souvent le cas. Je n’arrive pas à me l’expliquer. Des gens sont morts, des citoyens se sont battus pour survivre, mais l’Histoire n’a retenu que le récit d’un homme et d’une femme abattus dans leur voiture, faisant d’eux l’un des mythes les plus chers dans le cœur des Américains. J’imagine ce qu’il se passerait si leur histoire se déroulait aujourd’hui, et je me demande pourquoi les gens empruntent aujourd’hui cette route pour tirer des coups de feu à l’endroit même de l’embuscade. Est-ce une forme d’hommage ? Ma compagne me redemande si je veux rester. « Non, je peux imaginer comment les choses se sont passées. » Lors du 81e anniversaire, je suis allé sur la page Facebook du musée pour voir ce qu’il s’y passait. Un nouveau propriétaire a racheté les lieux et étendu la gamme des produits vendus dans la boutique de souvenirs. Il y a une photo récente de Boots ; il porte des jeans noirs et une chemise de costume. Je fais une ultime recherche Google sur Clyde Barrow, et je m’aperçois qu’il n’a pas sa propre page Wikipedia. Il y en a bien une, mais consacrée au couple Bonnie et Clyde. Certaines choses sont vraiment inséparables.


Traduit de l’anglais par Maureen Calaber d’après l’article « The Last Ride of Bonnie and Clyde », paru dans Roads and Kingdoms. Couverture : Une photographie de la voiture criblée de balles des fugitifs, par Cameron Maynard.