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Le début de la fin

Le soir des Golden Globes, en janvier 2011, Kavanaugh rayonnait tandis que lui et Harvey Weinstein – dont la Weinsten Company avait cofinancé Fighter – avaient organisé un after « à plusieurs millions de dollars », d’après un ancien employé de Relativity. Pendant que le Moët coulait à flots dans le jardin couvert du Beverly Hilton, un employé de Relativity a remarqué que Gordon Singer – l’un des fils du fondateur d’Elliott Management Paul Singer, qui venait de Londres – était laissé seul dans son coin. « Je savais que le type payait pour tout ça », raconte l’employé, « et je ne comprenais vraiment pas pourquoi on le laissait seul comme ça. Alors je suis allé le voir et nous avons pris un verre. Il m’a dit : « Je peux vous poser une question ? Est-ce que tout ça est bien nécessaire ?” »

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Les récentes couvertures de Variety sont moins sympas
Crédits : Variety

Au départ, l’investissement d’Elliott a porté ses fruits : il assurait une source continue de revenus pendant que Kavanaugh mettait sur pieds son nouveau studio. Kavanaugh n’hésitait d’ailleurs pas à clamer à tout va à quel point Relativity était une grosse affaire : Elliott avait misé « un milliard de dollars » dans Relativity. Relativity avait réalisé « deux milliards » de profits en 2009 et en 2010. Ce calcul procédait d’une logique particulière : si Relativity négociait un investissement de 500 millions entre des tiers, Kavanaugh ajoutait ces 500 millions aux revenus de Relativity. Ou bien il comptait des prévisions extrêmement optimistes pour des revenus réels. Il était aussi présent sur le marché de la presse : Variety l’a notamment mis en couverture à côté des mots « le producteur qui valait des milliards ». Cela ne faisait pas de mal à Elliott qu’un de ses actifs paraisse plus gros qu’il ne l’était en réalité, et le fonds tolérait aussi l’agitation qui l’entourait – comme quand, alors qu’il faisait du lobbying auprès de la Hollywood Foreign Press Association pour que Fighter décroche un Golden Globe, Kavanaugh a carrément proposé d’offrir à ses membres des lecteurs Blu-ray ; ou quand il a été arrêté pour la seconde fois pour conduite sous l’emprise de stupéfiants (la première fois, il aurait apparemment coupé la route à une voiture de police à Malibu avant de s’enfuir à plein gaz). Après ça, il a décidé d’utiliser un chauffeur. Lorsque Relativity a commencé à financer ses propres films et que la compagnie s’est mise à dépendre du talent réel de Kavanaugh pour prédire le succès des films, l’investissement d’Elliott est devenu subitement beaucoup plus risqué. Et la plupart des films de Relativity, dont aucun n’était à retenir (sinon certains car ils étaient franchement mauvais), ont réalisé des scores timides au box-office.

Vous vous rappelez de Kung Fu Nanny avec Jackie Chan ? Et d’Escapade fatale ? Dès le début de l’année 2010, il est devenu clair pour Elliott qu’il y avait une disparité considérable entre les prévisions du modèle de Kavanaugh et les performances réelles des films. Et les bombes continuaient de tomber. The Warrior’s Way, un western spaghetti d’arts martiaux qui avait coûté 42 millions de dollars à produire, a rapporté à peine 5,7 millions de dollars sur les écrans américains. Machine Gun, un projet qui tenait à cœur à l’ami de Kavanaugh Gerard Butler, n’a rapporté que 539 000 dollars aux États-Unis. Kavanaugh avait l’habitude de dire que 85 % des films de Relativity étaient rentables, mais la vérité, d’après une source proche d’Elliott, c’est que ces films-là « ne rapportaient pas d’argent ». Ses fonds d’investissements spéculatifs ne marchaient pas non plus. Gun Hill 1 a été un fiasco pour les porteurs de titre. À la fin de l’année 2012, d’après des états financiers vérifiés, le fonds a montré une perte nette de 315 millions de dollars. L’un des investisseurs de Gun Hill 2 a vu ses parts, qui s’élevaient à plus de 50 millions de dollars, se volatiliser complètement. Un troisième fonds, Beverly 1, a été fermé prématurément. Quant à Beverly 2, un fonds consacré exclusivement au cofinancement de films d’Universal par Elliott, ça a été un désastre. Pendant ce temps, Relativity est devenu gourmand. Chaque nouvel actif avait besoin de personnel supplémentaire. Kavanaugh avait trois assistants, l’habitude de se déplacer en jet privé, et celle d’offrir des cadeaux somptueux à des actrices – parmi lesquels une location de six mois d’un cheval pour Kate Bosworth, afin qu’ils puissent chevaucher ensemble, et l’achat d’une édition rare du Journal d’Anne Frank pour Natalie Portman, d’une valeur de 65 000 dollars. Lors d’un dîner, l’un des convives se rappelle que Kavanaugh a ajouté, en plus de l’addition de 3 500 dollars, un pourboire de 20 000 – ce que nie un porte-parole de Relativity. Les frais de Kavanaugh, qui passaient quand tout allait bien, sont devenus difficiles à justifier. Début 2010, Elliott a décidé de retirer son investissement peu après le financement du film de Relativity le plus coûteux en date : Les Immortels.

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Les bureaux de Relativity
Crédits : Relativity

En interne, Kavanaugh a fait passer le divorce d’avec Elliott comme un jalon important pour la compagnie. « “On passe à autre chose” », a-t-il dit d’après les souvenirs d’un cadre de Relativity. Mais en réalité, Relativity était à un tournant. Kavanaugh avait annoncé publiquement l’imminence d’un investissement de la part de JP Morgan Chase, mais le CEO Jamie Damon a dit à ses banquiers de Los Angeles que jamais JP Morgan Chase n’achèterait d’actions dans Relativity, étant donné qu’il ne jugeait pas le studio solvable, même pour une dette senior. En définitive, Relativity n’est parvenu à sortir que les films qui étaient déjà en stock, avec l’aide d’un fonds de prêt de Colbeck Capital, soutenu par l’investisseur Ron Burkle. Et ce qui est apparu en surface comme un simple mouvement de bailleurs camouflait un bouleversement profond de la santé économique de Relativity. Pour réussir à se passer d’Elliott, la compagnie avait dû contracter des centaines de millions de dollars de prêts aux intérêts élevés.

À présent, le studio avait besoin que son modèle fonctionne non seulement pour générer des retours sur investissement substantiels, mais aussi pour produire assez de cash afin d’éviter le défaut sur ses obligations. Après Les Immortels, Relativity a sorti une série de films – Limitless, Act of Valor, Un Havre de paix – aux bénéfices très corrects. Mais un nombre grandissant de gens puissants à Hollywood ne voulaient plus faire affaires avec Kavanaugh, qui s’était taillé parmi les producteurs la réputation de ne pas tenir ses promesses. Peu de temps avant que le film de Relativity Blanche-Neige n’entre en production, Kavanaugh a dit à Brett Ratner, qui lui avait apporté le film et s’était vu promettre un chèque d’1,5 million de dollars, que Relativity ne lui paierait que la moitié de cette somme. Ratner a accepté après que Kavanaugh l’a assuré que Relativity lui ferait signer un contrat de consultation globale d’une valeur de 5 millions de dollars, mais Ratner n’en a jamais vu la couleur.

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Kavanaugh et son helicopter pour Town & Country
Crédits : Max Vadukul

Kavanaugh était par ailleurs de plus en plus distrait par des problèmes qui n’étaient pas directement liés à la gestion de Relativity. Il y avait cette campagne donquichottesque pour la fondation d’un studio de tournage d’une valeur de 400 millions de dollars à Hawaï. Le projet est né après que Kavanaugh se soit vu refuser un permis de construire pour sa maison de vacances à Maui, à la suite de quoi il est allé trouver le maire pour tenter de parvenir un accord afin d’obtenir les autorisations nécessaires. À Los Angeles, il avait récemment obtenu son permis de pilote d’hélicoptère commercial (« le plus rapide de tous », aimait-il à dire, ce qui inquiétait beaucoup certains passagers), et il se rendait à sa maison de Malibu par les airs.

À l’automne 2010, d’après différentes sources au sein de Relativity, il a passé des mois à batailler pour préserver un accord qu’il avait passé avec le Sofitel d’à côté, sur le toit duquel il faisait atterrir son hélico – toit qui était normalement réservé aux secours.La liste des contreparties comprenait  notamment la location à long-terme par Relativity d’un panneau d’affichage de six étages fixé sur le côté de l’hôtel, ainsi que la location d’une suite permanente par Kavanaugh… tout cela avant que le département des Transports de Californie interdise les atterrissages. Kavanaugh ne venait pas tellement aux bureaux situés sur Beverly Boulevard, leur préférant un hangar de 6 000 m² à l’aéroport de Santa Monica que louait Relativity. En plus de servir de bureau à Kavanaugh, le hangar abritait un camping-car luxueux, des canapés à éléments faisant face à d’énormes écrans, des voitures exotiques, de vieilles bornes d’arcade, un ring de boxe, un mur d’escalade, ainsi qu’un stand de tir à l’arc. Le hangar était aussi très pratique, Kavanaugh passant alors la plupart de son temps à voler autour du monde pour chercher de nouveaux investisseurs, et libérer ainsi Relativity du fardeau de sa dette. Il a annoncé une joint-venture avec un distributeur chinois, mais il est resté plus longtemps pour chercher de l’argent. « Il habitait carrément là-bas, bossant comme un fou, rencontrant tout le monde, laissant le jet en Chine pendant six ou huit semaines », se souvient un collègue. « Il n’y avait pas une main en Chine qu’il n’avait pas serrée. C’était une conquête épique. »

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Le fameux Sofitel
Crédits : LA Times

En 2012, d’après des sources proches des créanciers de Relativity, la compagnie a perdu 85 millions de dollars sur 331 millions de revenus. En 2013, elle a perdu 135 millions de dollars sur 379 millions de revenus. En 2014, elle a perdu 118 millions de dollars sur 507 millions de revenus. Un cadre difficile pour lever de l’argent, mais qui importait peu pour Kavanaugh. Il offrait souvent aux investisseurs potentiels un accord connexe, comme les droits de distribution sur le territoire de l’investisseur, pour les pousser à investir sur une valorisation élevée. « Tous les accords s’accompagnaient d’un petit plus », se rappelle un cadre de l’entreprise. « On ne concluait jamais d’accords équitables et cleans, car personne n’en voulait. » Certaines offres ne se sont jamais vendues, comme la chance de participer à une levée d’un milliard de dollars dans le cadre de ce que Kavanaugh appelait un « placement pré-introduction en bourse », anticipant le futur proche dans lequel Relativity deviendrait une compagnie publique valorisée jusqu’à 10 milliards de dollars. La seule division vraiment rentable de Relativity était son département TV, largement improvisé.

En 2014, Kavanaugh a dit aux investisseurs qu’il avait reçu plusieurs offres supplémentaires de 100 millions de dollars pour l’acquisition du département, mais qu’il les avait toutes refusées car il était convaincu qu’il valait plusieurs fois cette somme. (Et rembourser ses traites aurait également été beaucoup plus difficile sans lui.) La pression financière allait crescendo, mais cela n’avait pas calmé l’instinct de Kavanaugh pour la croissance. Relativity continuait de lancer de nouveaux départements – Relativity Digital Studios, Relativity Middle East, une « agence de divertissement sponsorisée » appelée Madvine, et Relativity Education (une école). Au printemps 2014, Relativity a fait une offre d’ « un million de dollars » d’achat d’actions pour Maker Studios, un réseau de chaînes YouTube qui avaient déjà reçu une offre de 500 millions de dollars en liquidités de la part de Disney. « Tout cela avait l’air de sources additionnelles de revenus qui pourraient potentiellement sauver l’activité principale », raconte un ancien employé du département cinéma. « Mais si votre activité principale n’est pas fonctionnelle, rien ne pourra la sauver. » Et Kavanaugh avait une vision toujours plus grandiose de la position qu’il occupait à Hollywood. En accentuant son engagement philanthropique et celui de Relativity, Kavanaugh a été applaudi par un certain nombre d’organismes caritatifs, et il est devenu le président de The Art of Elysium, une organisation à but non lucratif populaire parmi les célébrités, qui dépêche des artistes dans les hôpitaux pour y passer du temps avec les enfants malades. Il a également commencé à donner plus de conférences. Dans un portrait de Variety datant de 2014, Kavanaugh se comparait à Mark Zuckerberg et Thomas Edison, répétant à nouveau que « 85 à 90 % de [ses] films [avaient] réalisé des bénéfices ». À un rythme de plus en plus fréquent, il s’inventait une vision « nouvelle génération », un « moteur de contenu à 360° », expliquant comment la somme de Relativity valait plus que la simple addition de ses parties.

Travailler chez Relativity ces dernières années signifiait vivre dans le palais d’un roi du réalisme magique.

Kavanaugh, à ce moment-là, avait ouvert un bureau appelé Knight Global et dirigé par son frère, Matthew, dans le hangar. Il prenait des parts dans un vaste panel de compagnies, dont certaines fabriquaient des patchs anti-gueule de bois et des vapoteurs. Cet empire étendu a contribué à le faire atterrir dans la liste Forbes des milliardaires pour la première fois en 2013, avec des avoirs estimés à un milliard de dollars. Deux ans plus tard, le Business Journal de Los Angeles faisait grimper sa fortune à 1,6 milliard de dollars. En 2015, il a annoncé qu’un investissement dans une compagnie de biotechnologie réalisé par son père s’était transformé en une aubaine à 150 millions de dollars. Dans un entretien pour la revue Haute Living Los Angeles à propos de son investissement dans l’innovation et la philanthropie, Kavanaugh a déclaré qu’il s’était inscrit pour préparer un doctorat de physique à l’université de Californie du Sud. (Ce n’est pas le cas, bien que le doyen de l’école de cinéma reconnaisse que Kavanaugh faisait montre d’un grand intérêt pour la physique.)

En mars de l’année dernière, c’est un Kavanaugh plus épais et barbu qui s’est marié pour la troisième fois (il avait été brièvement l’époux d’une danseuse du nom de Britta Lazenga). Il a épousé une modèle de maillot de bain sud-africaine du nom de Jessica Roffey, au cours d’une petite cérémonie sur la plage de Malibu. Lors de la fête officielle, les convives devaient s’habiller en noir, et ils ont tous reçu des échantillons de patchs anti-gueule de bois et de vapoteurs. Steven Tyler, d’Aerosmith, le voisin de Kavanaugh à Maui, a chanté « I Dont’ Want to Miss a Thing » pour la première danse, et une barque stationnée au large a fait jaillir des feux d’artifice. Moins de deux mois plus tard, les lecteurs de Page Six ont appris que Ryan et Jessica Kavanaugh attendaient un enfant, qui serait nommé d’après le personnage de Russel Crowe dans Gladiator : Maximus.

Changer l’équation

Travailler chez Relativity ces dernières années signifiait vivre dans le palais d’un roi du réalisme magique. Ceux qui ont pu visiter les toilettes privées de Kavanaugh dans son bureau de Beverly Hills étaient souvent surpris de découvrir que le visage de Barack Obama ornait son papier toilette. On entendait Kavanaugh bourdonner dans les couloirs, juché sur sa patinette Razor, et plus tard sur un Segway. Et après ça, c’est un Segway sur lequel était monté un écran à transmission bidirectionnelle qui patrouillait dans les couloirs ; Kavanaugh pouvait le contrôler à distance pour communiquer avec ses employés lorsqu’il n’était pas au bureau. Après que Bradley Cooper lui a raconté qu’il avait travaillé avec un singe capucin sur la suite de Very Bad Trip, des employés de Relativity ont été mis sur le coup pour en trouver un à Kavanaugh, jusqu’à ce que leurs recherches révèlent qu’il était illégal de posséder un tel animal en Californie. À la place, Kavanaugh s’est amené au bureau avec un louveteau. « C’est le genre de choses qu’il faisait. Il amenait un loup au bureau pendant une semaine », dit un ancien cadre de la compagnie qui, comme la plupart des gens interviewés pour cet article, n’a accepté de se confier qu’à la condition de pouvoir conserver l’anonymat. Relativity a fait signer à ses employés des accords de non-divulgation. Durant mon enquête pour cet article, j’ai parlé à plus de deux douzaines d’anciens et d’actuels cadres et membres du conseil de la société. Plusieurs anciens cadres ont par la suite reçu des lettres de la compagnie leur rappelant les pénalités encourues pour la violation de ces accords.

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« Plus épais et barbu »
Crédits : Gregory P. Mango

Parfois, les personnes du cercle intime de Kavanaugh suspectaient que les décisions stratégiques étaient prises pour des raisons moins évidentes. Plusieurs cadres pensaient, par exemple, que l’offre d’un milliard de dollars pour l’achat de Maker Studios provenait d’un deal que Kavanaugh avait conclu avec Danny Zappin, le CEO déchu de Maker. « Si qui que ce soit avait accepté cette offre, Relativity n’aurait pas pu l’honorer, n’en voulait pas et n’aurait pas su quoi en faire », explique l’un de ces cadres. « Mais cela a permis à Danny d’aller voir ses anciens associés et de leur dire : “Je peux la faire disparaître si vous me faites une offre raisonnable.” Ryan a accepté d’aider à foutre en l’air l’offre de Disney afin que Danny soit payé et qu’il puisse investir dans Relativity. Il y avait beaucoup de choses comme ça. » Zappin et Relativity nient l’insinuation d’une contrepartie, et Zappin insiste sur le fait que ce n’est qu’après que l’offre faite à Maker a échoué qu’il a songé à investir dans Relativity (avant de se raviser). Il y avait aussi constamment du mouvement dans l’équipe de Relativity, car des vagues successives d’employés perdaient leur foi dans les calculs de Kavanaugh. « Il est juste ridicule d’imaginer que qui que ce soit y a cru », dit un autre cadre de Relativity. « Je me rappelle d’une réunion durant laquelle il parlait très vite, il sortait les chiffres comme des lapins d’un chapeau et a vendu l’affaire à un type. Puis le type a quitté la salle. Je lui ai dit : “Nom de Dieu, Ryan, c’était incroyable.” Et lui m’a répondu : “N’est-ce pas ?” C’est un gamin. Il est très persuasif sur le moment. Mais si vous l’avez en vidéo et que vous revisionnez la scène au ralenti, vous réaliserez que les chiffres ne correspondent pas. »

La performance des films de Relativity ne s’est pas améliorée. Paranoïa, un film au budget de 35 millions de dollars avec Liam Hemsworth, Gary Oldman et Harrison Ford, a réalisé un week-end d’ouverture à 3,5 millions de dollars. Les Brasiers de la colère, avec un budget de 22 millions de dollars, n’a fini par rapporter que 11 millions de dollars dans les cinémas américains. Relativity ne pouvait plus se permettre de faire assez de films pour respecter ses quotas de distribution, aussi ont-ils décidé de faire davantage d’acquisition. Mais la société n’avait pas assez d’argent pour se montrer compétitive sur le marché, et les distributeurs de Relativity se sont montrés de moins en moins agréables, tout comme les gens qui travaillaient au sein du département cinéma. « Nous avons réalisé qu’il n’y avait rien que nous puissions faire », se rappelle un directeur du département. « Tout est devenu négatif et sombre. On se demandait même pourquoi on perdait notre temps à lire des scénarios et à organiser des séances de pitching. » zNUeb91x_400x400Kavanaugh était toujours à deux doigts de récupérer l’argent dont Relativity avait besoin, et la vie au sein de la compagnie est devenue un grand huit fait d’accidents évités de justesse et d’économies de dernière minute.

Certaines fois, il y avait une injection de cash – IDG Capital a rejoint les investisseurs, tout comme l’ex-banquier de Goldman Sachs Steven Mnuchin –, mais la plupart du temps, ça ne marchait pas. À une occasion, « les Chinois ont signé des accords, ils ont organisé des cérémonies d’inauguration avec le directeur de la banque, mais ils n’ont jamais investi », raconte un cadre de la boîte. Kavanaugh attendait de ses responsables qu’ils le soutiennent dans son penchant pour ce que l’un d’eux décrit comme « ce qu’il voulait que soit la vérité ou ce qu’il croyait être en passe d’être avéré ». Pendant que les performances financières de la compagnie déclinaient et que les estimations de Kavanaugh ne cessaient d’augmenter, ses responsables grinçaient des dents dans leur coin. « Nous étions tous présents à la réunion où les chiffres sont sortis », dit l’un d’eux. « On se disait tous en silence : “Relativity Sports ne vaut pas 700 millions de dollars.” » La présentation qu’a faite Kavanaugh aux investisseurs en est même venue à inclure des bénéfices ajustés, comme si Relativity possédait toujours le catalogue de films qu’ils avaient cédé à Elliott. « Mais ils avaient bien cédé ce catalogue », fait remarquer un investisseur. « C’est comme de dire : “Si j’avais des ailes, je pourrais voler.” »

Le scintillement du succès était essentiel au discours de Kavanaugh, et il avait travaillé dur pour le faire briller. D’après plusieurs personnes ayant examiné les comptes de Relativity, au moins 16 des 90 millions de dollars de coûts généraux de la compagnie atterrissaient directement dans les poches de Kavanaugh, qui en plus de recevoir 11,7 millions de dollars de compensation en 2014 a dépensé des millions de plus pour des choses diverses. Les remboursements de son jet privé et ses notes d’hôtel étaient légendaires, comme quand, d’après un ancien cadre de la compagnie, il a réservé la suite la plus chère de l’Hôtel du Cap-Eden-Roc pendant deux semaines durant le festival de Cannes, et ne l’a jamais utilisée. D’autres dépenses étaient moins flagrantes. « Pour Ryan, les rapports de dépenses étaient une forme d’art », dit un ancien membre de son équipe. « Il a vite réalisé que les nouvelles recrues faisaient payer un tas de frais à la compagnie. » Sa maison sur la plage à Malibu, pendant une période à laquelle il essayait de la vendre, a été louée à Relativity Sports pour loger des athlètes en visite. D’après un ancien cadre du département, Kavanaugh louait une voiture pour son utilisation personnelle sur le long-terme à un taux préférentiel, la conduisait pendant six mois, avant de « s’en lasser, de l’offrir à un de ses responsables et de faire assumer les coûts à Relativity. Mais c’étaient les voitures de Ryan. Personne n’en avait jamais voulu. » Tucker Tooley, à qui il a donné une McLaren, l’a conduite durant une journée avant de la ramener à Sports pour qu’elle soit utilisée par les clients. Robbie Brenner, mère de deux jeunes enfants, a reçu une Mercedes-Benz SLS deux places. Kavanaugh a continué à faire de gros dons caritatifs, les facturant souvent plus tard à la compagnie, d’après d’anciens responsables. Entre juillet 2014 et juin 2015, Relativity a fait plus de deux millions de dollars de dons à 35 œuvres de charités et à des fondations. « Dans les derniers jours, les investisseurs le suppliaient d’arrêter », affirme une personne au fait des conversations.

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Père et fils
Crédits : Brian Solis

Les estimations de la fortune de Kavanaugh lui-même ont été sapées par ses problèmes de liquidités apparents. L’équipe de The Art of Elysium a fini par s’agacer de ce président qui traînait des pieds pour honorer les promesses qu’il avait faites à l’organisation, et Variety a rapporté plus tard que Kavanaugh n’avait jamais tenu son engagement de verser un million de dollars à Habitat for Humanity. (Relativity a finalement fait deux donations pour un total de 35 000 dollars.) Dans un procès pour fraude en 2002, durant lequel Jack et Leslie Kavanaugh ont été reconnus coupables d’avoir vendu un faux Picasso pour deux millions de dollars à un ami (Jack avait accepté un pot-de-vin de 800 000 dollars de la part du galeriste qui avait commandé la pièce pour 1 000 dollars), Jack a reconnu que son fils Ryan avait récemment arrêté d’envoyer à ses parents des centaines de milliers de dollars par an. Au sein de Relativity, les problèmes de la compagnie se sont tellement amplifiés qu’il est devenu difficile de les ignorer.

En 2013 et 2014, les promesses de bonus de fin d’année ne se sont jamais réalisées. Les fournisseurs se sont plaints de plus en plus de n’être pas payés. Et, plus grave encore, le studio a cessé de faire des films. Les employés ont remarqué, durant le tournage des Cerveaux durant l’été 2014, que pour la première fois aucune nouvelle date n’avait été ajoutée au calendrier de tournages de Relativity. La compagnie n’avait plus d’issue. Une traite de 316 millions de dollars allait devoir être payée en mai 2015.

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Au printemps 2015, Relativity a implosé au ralenti. Tandis que la compagnie continuait à acquérir des films – un procès intenté par l’un de ses créanciers a révélé qu’ils avaient fait cela uniquement pour les utiliser comme des moyens secondaires de lever de l’argent, qui a ensuite été détourné pour payer des salaires –, Kavanaugh a annoncé une série de potentiels sauveurs : de l’argent de fonds de couverture, de l’argent indien, chinois, russe. Les conseillers financiers que les créanciers de Relativity ont installé dans les bureaux de la compagnie pour la préparer à la faillite ont été prévenus par un assistant de Kavanaugh de ne jamais employer ce mot-là au cours d’une conversation avec lui. Un autre responsable de Relativity se souvient d’un jour où Kavanaugh a amené un investisseur chinois au bureau : « Ryan a dit : “Je vous le dis tout de suite, nous allons redresser la barre de cette compagnie.” Il y a probablement cru jusqu’à ce qu’ils déposent une demande de Chapitre 11 », ce qu’a fait Relativity le 30 juillet dernier. ulyces-kavanaugh-13 Depuis, de nombreux employés de Relativity ont été licenciés ou ont quitté la compagnie. Le département mode a été fermé, le juge supervisant la faillite a ordonné à la compagnie de cesser de payer pour le hangar, et le salaire de Kavanaugh a été réduit à un dollar. Un certain nombre de films de Relativity dont la sortie était prévue, comme Les Cerveaux, avec Kristen Wiig, Owen Wilson et Zack Galafianakis, ont soudainement été gelés. Lorsqu’aucun enchérisseur ne s’est présenté pour racheter la totalité de la compagnie, un groupe formé par les plus gros créanciers de Relativity, menés par Anchorage Capital, a fait l’acquisition du département télévisuel, le seul actif convoité de la compagnie, pour 125 millions de dollars. Aux yeux des plus gros pontes d’Hollywood, la déclaration de faillite de Relativity s’est avérée moins intrigante que la façon dont Kavanaugh avait pu l’empêcher pendant si longtemps, en ramenant de l’argent encore et encore en dépit des montagnes de preuves que le produit qu’il vendait n’était pas ce qu’il disait être. « Il faut reconnaître qu’il a été très fort en réussissant à maintenir l’embarcation à flot pendant si longtemps », dit un vieil employé d’une agence d’artistes réputée. « Les gens du milieu plaisantaient souvent à ce sujet. » Le responsable d’un grand studio ajoute : « Ça m’a toujours étonné. Son palmarès n’aurait jamais laissé deviner qu’il générerait autant d’argent. »

Le 1er février 2016, Relativity a demandé à un juge de faillite du Lower Manhattan d’approuver le plan de réorganisation de Kavanaugh pour extraire le département cinéma et les autres actifs ayant survécu du Chapitre 11. Quand le plan a été déposé en novembre, il promettait que Relativity lèverait 100 millions de dollars de nouveaux capitaux, et s’assurerait un prêt de 250 millions de dollars pour financer la sortie des films restés dans les limbes. Pour y parvenir, Kavanaugh aura besoin de trouver des investisseurs peu au fait de son passif. Même si le juge approuve la sortie de la compagnie de la faillite, Kavanaugh aura peu de chances d’y arriver. Un Relativity post-faillite devrait payer plus que les autres, et d’avance, pour attirer des clients de première catégorie et des fournisseurs qui se sont déjà brûlés les doigts auparavant.

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Les déboires de Kavanaugh font régulièrement la une
Crédits : Variety

Le 21 janvier dernier, Netflix a demandé au tribunal de faillite d’être libéré de l’accord avec Relativity, ce qui privera Kavanaugh de l’un de ses meilleurs atouts. Kavanaugh aura également du mal à convaincre l’industrie que les récents procès auxquels a fait face sa compagnie l’ont converti en modèle d’intégrité fiscale et qu’il a cessé de se tirer des balles dans le pied. Quelques jours avant que Relativity ne mette à la porte 75 de ses employés en juillet dernier, sa femme a instagrammé une photo d’une nouvelle Mercedes entourée d’un gros ruban, que Kavanaugh venait tout juste de lui offrir. Et un mois après que Relativity a été déclaré en faillite, Kavanaugh s’est à nouveau mis dans le pétrin quand, comme il l’a plus tard expliqué à la police, il s’est accidentellement tiré dans le mollet gauche alors qu’il se préparait à huiler le revolver de calibre .44 qu’il possède. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne peut pas y arriver. Hollywood n’aime rien tant que nous vendre des histoires de réinvention, et n’aimerait rien tant que d’assister au retour d’un magnat du cinéma aux poches pleines. Dans un monde où les studios qui tournaient jadis 20 films par an n’en font à présent qu’une dizaine, un homme, même s’il s’appelle Kavanaugh, peut changer l’équation de toute une industrie. « C’est un jeune homme avec de l’ambition qui s’est fait botter le cul », dit Mark Canton, qui était au conseil de Relativity jusqu’à il y a quelques mois. « Les gens sont toujours heureux d’avoir un nouvel acheteur. »

Début janvier, Relativity a surpris Hollywood : Kevin Spacey et son associée de production Dana Brunetti ont accepté de devenir respectivement président et vice-présidente de la compagnie. Même si Spacey et Brunetti, qui ont annoncé la vente de leur société de production à Relativity comme faisant partie de l’accord, ont peut-être reçu des incitations financières, c’est exactement le genre de retournement de situation auxquels excelle Kavanaugh – un retournement qui, dans un moment désespéré, pourrait aider à attirer de nouveaux investisseurs. (Quelques semaines plus tard, Relativity a annoncé que le fonds du président exécutif d’Alphabet Inc. Eric Schmidt, TomorrowVentures, allait investir.) « Il a réussi son coup », m’a confié un ancien collègue de Kavanaugh au sujet de ces actualités. « Toute la ville en a parlé. Il est probable qu’on réinvite Ryan à la soirée des Oscar. »


Traduit de l’anglais par Caroline Bourgeret et Nicolas Prouillac d’après l’article « The Epic Fail of Hollywood’s Hottest Algorithm », paru dans New York Magazine. Couverture : Kavanaugh sur scène (Art for Elysium)


HOLLYWOOD HIGH la vie secrète des célébrités toxicomanes ↓

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À Hollywood, la consommation de drogues est chose courante. Enquête sur les raisons de l’addiction des stars et le monde opaque des cures de désintoxication.

Voici un lieu commun sur Hollywood : les gens là-bas se comportent mal, parfois tellement mal qu’ils en paient le prix fort. L’an passé, Cory Monteith, Chris Kelly (du duo Kriss Kross) et Philip Seymour Hoffman sont tous morts d’overdose ; et une flopée de célébrités – Josh Brolin, Zac Efron, Trace Adkins, David Cassidy, Chris Brown et Lindsay Lohan (encore elle !) – se sont faites soigner pour des problèmes de drogue ou d’alcool. Plus terrible encore, Robin Williams, qui se battait depuis des décennies contre son addiction à la drogue et à l’alcool, s’est suicidé en août dernier après un court séjour en centre de désintoxication, censé l’aider à rester sur le droit chemin. Il y a dix ans encore, on pouvait jouer à Qui est qui ? spécial Hollywood avec la liste des célébrités toxicomanes. Aujourd’hui, la chose est devenue banale, malgré de menus changements. Parfois, ce sont les barbituriques seuls – ou bien les barbituriques et l’alcool –, d’autres fois encore, comme pour Hoffman, il s’agit d’héroïne – bien que ce soit plutôt rare à Hollywood (les stars ont accès à de meilleures drogues, légales qui plus est), et encore plus à l’âge de 46 ans (l’héroïne vous tue généralement plus tôt). Mais il y a toujours les cures de désintoxications sans résultats, les conduites en état d’ivresse, les bagarres dans les bars, les clichés au poste de police, les chambres d’hôtel et les appartements vides.

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Coucher de soleil à Malibu
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Les experts américains en toxicomanie vous diront qu’il ne s’agit pas seulement d’un problème hollywoodien, mais d’un problème national. Selon une enquête de 2012 menée par l’administration des services en toxicomanie et santé mentale (SAMHSA), on estime qu’il y a 23,9 millions de toxicomanes aux États-Unis, soit une personne de plus de 12 ans sur dix, et environ une sur quatre si l’on prend en compte l’addiction à la nicotine. L’enquête nous apprend également que plus de personnes y meurent d’overdoses que d’accidents de voiture. Même au centre de désintoxication Tony de Malibu, qui accueille les plus grandes célébrités, les stars ne constituent que 15 % des clients, bien qu’elles soient les seules à faire les gros titres et que certaines d’entre elles, comme Lindsay Lohan, soient plus célèbres pour leurs déboires que pour leurs talents : elle est désormais toxicomane de métier. Selon les experts, cette soi-disant épidémie de toxicomanie à Hollywood n’est qu’une question de point de vue. Bien entendu, les magazines people comme TMZ ne s’intéressent pas aux problèmes d’addiction des camionneurs.

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