Les scènes gravées sur un mur du temple égyptien de Deir el-Bahari racontent un incroyable voyage maritime. Une flotte de cargos transportant des plantes exotiques, des animaux et des essences précieuses, navigue sur de hautes vagues en revenant d’une terre mystérieuse appelée Pount, « la terre des dieux ». Les gravures furent commandées par Hatchepsout, la plus grande pharaonne de l’Égypte ancienne, qui régna pendant plus de vingt ans au XVe siècle avant J.-C.. Elle étendait son pouvoir sur quelques 2 millions de personnes et dirigeait l’un des empires les plus puissants de l’ancien monde. La signification exacte de ces gravures détaillées divise les égyptologues depuis leur découverte, à la moitié du XIXe siècle. « Certains affirment que le pays de Pount se trouvait sur le continent et non près de la mer, ou qu’elle était tout simplement un mythe », explique l’égyptologue d’Oxford John Baines. Cependant, une récente série d’incroyables découvertes sur une bande côtière désolée de la mer Rouge a relancé le débat, prouvant une fois pour toutes que les talents de bâtisseurs des anciens Égyptiens s’appliquaient aux navires autant qu’aux pyramides.
Une fabuleuse découverte
Des archéologues italiens, américains et égyptiens, qui fouillaient un lagon asséché connu sous le nom de Mersa Gawasis, ont mis à jour les vestiges d’un ancien port, d’où partirent naguère des expéditions océaniques comme celles d’Hatchepsout. Une partie des preuves les plus évocatrices des prouesses maritimes des anciens Égyptiens est dissimulée derrière une porte moderne en acier, insérée dans une falaise située à environ 200 mètres de la côte. À l’intérieur se trouve une grotte creusée par l’homme d’environ 20 mètres de profondeur. Des ampoules alimentées par un générateur au gaz vibrant à l’extérieur illuminent des poches de travail : un excavateur brosse prudemment le sable et les débris qui recouvrent un tapis de bambou vieux de 3 800 ans ; plus loin, des experts en conservation photographient des planches de bois, les préservent chimiquement et les emballent pour les stocker.
Au fond, une porte en contre-plaqué, cadenassée, protège une autre grotte. Aussitôt la porte ouverte, une senteur sucrée, lourde et grasse, qui évoque un peu le foin vieilli, envahit l’espace et l’emplit de l’odeur de milliers d’années de décomposition. Dans le mince faisceau lumineux d’une lampe frontale, on distingue des tas de rouleaux de corde brune, qui s’étalent dans l’obscurité de cette longue caverne étroite. Certains paquets sont aussi épais que le torse d’un homme, et le plus gros pourrait contenir jusqu’à 30 mètres de corde. La corde est faite de papyrus, indiquant qu’elle pourrait provenir de la vallée du Nil, où les matériaux de ce genre sont communs. Les archéologues l’ont découverte soigneusement enroulée et empilée, d’un geste professionnel probablement accompli par d’anciens marins avant de quitter la grotte pour la dernière fois. L’archéologue de l’université de Boston, Kathryn Bard, accompagnée d’une équipe internationale, ont découvert six autres cavernes à Mersa Gawasis. Les indices qu’ils ont mis à jour, qui comprennent les plus vieux restes de navires jamais découverts, prouvent l’étendue des connaissances nautiques des Égyptiens et fournissent des indications sur l’emplacement du pays de Pount. « Ces nouvelles trouvailles écartent tout doute quant au fait que Pount s’atteignait bien par voie maritime, dit Baines. Les Égyptiens devaient posséder une expérience de la mer considérable. »
Au matin de Noël 2004, alors que Bard nettoyait ce qu’elle pensait être le mur du fond d’un abri de pierre, sa main est passée au travers du sable.
Pour Bard et son partenaire de recherche de toujours, Rodolfo Fattovich, un archéologue de l’Université orientale de Naples, les fouilles en Égypte ne devaient être qu’un projet annexe. Les deux chercheurs ont passé la majeure partie de leur carrière à effectuer des fouilles bien loin au sud de Marsa Gawasis, découvrant les vestiges de l’ancienne Aksoum, siège d’un royaume qui connut son apogée aux alentours de 400 av. J.-C., dans ce qui est aujourd’hui le nord de l’Éthiopie et de l’Érythrée. Quand la guerre civile de dix-sept ans a pris fin en Éthiopie, au début des années 1990, Fattovich et Bard étaient parmi les premiers archéologues à reprendre les fouilles. Ils sont tous deux habitués aux situations délicates. Fattovich se trouvait en Éthiopie, à Addis-Abeba, quand un coup d’État a renversé la monarchie en 1974. Bard, qui est diplômé en art et en archéologie, a passé un an à faire le trajet par la terre entre le Caire et Capetown, un itinéraire parfois dangereux au milieu des années 1970. Elle arborait souvent un t-shirt rouge disant « Ne tirez pas – Je suis archéologue. » dans plus de douze langues différentes. Leur mission à Aksoum a pris fin avec une autre guerre. En 1998, les combats entre l’Éthiopie et l’Érythrée ont éclaté alors que Fattovich et Bard étaient en train de mettre à jour des tombes à seulement 50 km de la frontière. Les archéologue n’ont eu d’autre choix que de fuir, conduisant pendant plus de 300 km vers le sud sur une piste étroite, à travers les montagnes éthiopiennes du Simien. Avec l’instabilité de l’Éthiopie, Fattovich et Bard n’étaient pas sûrs de pouvoir revenir poursuivre les fouilles. Ils ont alors décidé de se rendre en Égypte, où les archéologues cherchaient depuis longtemps à prouver l’existence passée d’un commerce maritime dans le pays, et la possible existence du royaume mythique de Pount. Fattovich, un italien volubile au genou blessé, se souvient alors avoir lu quelque chose à propos de monticules de pierres découverts dans les années 1970, le long de la mer Rouge. « On a décidé d’enquêter, raconte-t-il. Mais en arrivant là-bas, le site s’est avéré très décevant. Il n’y avait que quelques sanctuaires, rien de plus. »
Depuis 2002, ils passaient plusieurs semaines, chaque année, à explorer les falaises de la côte et le lagon asséché, en quête d’un port qui aurait abrité des navires marchands comme ceux décrits sur les gravures murales d’Hatchepsout. Au matin de Noël 2004, alors que Bard nettoyait ce qu’elle pensait être le mur du fond d’un abri de pierre, sa main est passée au travers du sable, dans un espace vide. En dégageant les tas de sable et de pierres, elle a découvert une grotte hémisphérique d’environ 5 mètres de large sur 2 mètres de haut. L’entrée était taillée en rectangle, clairement aménagée par l’homme. À l’intérieur, les archéologues ont trouvé des débris de jarres, des boîtes en bois de cèdre brisées et cinq meules. Une poterie portant le nom d’Amenemhat III, un pharaon qui régna sur l’Égypte en 1800 av. J.-C., aida l’équipe à dater la caverne. Peu après, l’entrée d’une autre caverne a été dégagée du sable, sous un surplomb de corail. À l’intérieur se trouvait une pièce qui amoindrissait l’importance de la première découverte : une galerie de 4 m 50 de large et de 20 mètres de long, assez grande pour qu’un homme de petite taille s’y déplace sans difficulté. La charpente de l’entrée de la caverne était renforcée par le bois de vieux bateaux et d’ancres marines en pierre. Les scientifiques tenaient là la première preuve concrète et significative du passé maritime de l’Égypte.
L’expédition
D’autres planches avaient été recyclées en rampes, et le sol était couvert de copeaux de bois, laissés là par d’anciens constructeurs de navires. Les autres débris comprenaient des morceaux de tasses, d’assiettes, de moules à pain en céramique, ainsi que des arêtes de poissons. Les dimensions de la caverne étaient similaires à celles des baraques d’ouvriers standard, retrouvées près des pyramides de Gizeh.
Durant les sept dernières années, Fattovich et Bard ont découvert les vestiges cachés de la vie quotidienne de cette communauté de marins, qui s’étalent sur 1 600 mètres autour du port. En plus de huit cavernes, ils ont trouvé les restes de cinq rampes en briques d’argile, qui ont pu servir à faciliter la mise à l’eau des bateaux ; Ils ont aussi trouvé un petit refuge de pierre utilisé pour le rangement et la cuisine. Ils travaillaient pendant l’hiver, quand les températures dans le désert ne dépassaient pas les 20 degrés et que les vipères venimeuses étaient en hibernation. Aucun des deux scientifiques n’avait vraiment envie de travailler dans ces grottes : Fattovich se dit claustrophobe et Bard a une sainte horreur des serpents. Les preuves liant Mersa Gawasis à Pount s’accumulent aussi bien en dehors qu’à l‘intérieur des cavernes. À quelques centaines de mètres des falaises, des piles de pierres fragmentées et de coquillage de quelques mètres de haut témoignent des autels construits au nord de l’entrée du port par les marins. On y trouve des pierres gravées d’inscriptions qui mentionnent des missions vers le pays de Pount. Du bois et des rames similaires à celle figurant sur les gravures murales d’Hatchepsout sont retrouvés dans le sable à l’intérieur et autour des cavernes. La plupart des objets sont criblés de trous faits par des tarets. L’équipe a même découvert des fragments d’ébène et de poteries qui proviendraient du sud de la mer Rouge, à plus de 1 600 km de là. Et comme si cela n’était pas suffisant, deux planches de sycomore portant les instructions pour assembler un navire ont été retrouvées parmi les restes de quarante caisses vides, abandonnées à l’extérieur de l’une des cavernes. L’une d’entre elles présente une inscription encore lisible après 3 800 ans : « 8e année sous le règne de Sa Majesté/ le roi de Basse et Haute Égypte … à la vie éternelle/…des merveilles du pays de Pount. » « Il est très rare de trouver tant de preuves qui s’assemblent aussi parfaitement », assure Bard. Si l’aubaine de la découverte des vestiges de Mersa Gawasis apporte des réponses, elle en soulève d’autres. Par exemple, comment fonctionnaient les expéditions vers Pount ? Et comment les égyptiens ont-ils réussi à construire des vaisseaux capables de faire des voyages aller-retour de plus de 3200 km ?
~
Dans la chaleur humide de l’une des grottes de Mersa Gawasis, Cheryl Ward déballe un morceau de bois de cèdre gros comme un parpaing. Les cristaux de sel incrustés dedans brillent dans la lumière de sa lampe frontale. Ward retourne le bloc dans ses mains et explique qu’il faisait partie de la charpente de la coque d’un bateau. D’après sa largeur et sa forme, elle estime que le navire devait mesurer presque 30 mètres de long. « Cette pièce est plus grande que tous les vestiges de bateau égyptien qu’on a trouvés jusque là, peu importe l’endroit », dit-elle.
« Les Égyptiens ont construit des navires qui pouvaient être démontés, et cela les rend uniques en leur genre. » – Cheryl Ward
Ward, une archéologue maritime de l’université Coastal Carolina à Conway, en Caroline du sud, a passé trois ans à construire la reproduction grandeur nature d’un des bateaux qui auraient pu séjourner dans le lagon de Mersa Gawasis. Ward est persuadée que contrairement aux navires modernes, qui sont construits autour d’un cadre intérieur solide, les vaisseaux égyptiens n’étaient formés que d’une seule gigantesque coque. Cette construction étrange implique que le bateau exigeait des planches beaucoup plus large pour se tenir. Le bois était taillé plus épais, avec suffisamment de largeur supplémentaire pour résister aux trous de tarets. Certains morceaux de navires conservés dans les grottes de Mersa Gawasis font plus de 30 cm d’épaisseur. « L’une des caractéristique de l’architecture égyptienne est le caractère excessif des dimensions, explique Ward. Ces mesures préventives ont aussi été prises lors de la construction de ces navires. » L’expérience archéologique de Ward a nécessité 60 tonnes de bois de sapin Douglas pour remplacer le cèdre du Liban utilisé par les anciens égyptiens. Les navires égyptiens étaient également particuliers car ils étaient tenus par des assemblages de tenons et mortaises, et des systèmes de languettes et de fentes qui ne nécessitaient pas de métal et pouvaient être montés et démontés facilement. Pour rendre le tout plus solide, chaque pan de bois était découpé avec des courbes qui s’emboîtaient dans celles du pan suivant, un peu comme des pièces de puzzle. « Depuis le départ, les Égyptiens ont construit des navires qui pouvaient être démontés, et cela les rend uniques en leur genre, dit Ward. Ils utilisaient la forme des planches pour maintenir chaque pièce en place. » Suivis de près par un bateau de secours, Ward et son équipe de vingt-quatre personnes – dont ses deux fils – ont navigué sur leur reproduction de 20 mètres de long, baptisée Min of the Desert, sur la mer Rouge. Ils ont pris la mer à Safaga, un port moderne situé non loin de Mersa Gawasis. L’équipe n’avait pas de grandes ambitions : la première fois qu’il a vu le bateau, le capitaine au long cours qui a pris le commandement de ce voyage de deux semaines a comparé cette large embarcation au fond plat à un « saladier en bois géant ».
Pourtant, une fois sur l’eau, le bateau s’est révélé très manœuvrable et rapide. Pendant un orage inattendu, il a dû faire face à des vagues hautes de 3 mètres et affronter des vents de 40 km/h. Les deux énormes rames de direction à l’arrière de la coque l’ont aidé à maintenir le cap. « Pendant les tempêtes, le bateau surfe, tout simplement », se souvient Ward, mimant une planche avec sa main. À un moment donné, le bateau a atteint la vitesse de 9 nœuds, avec la plupart de ses voiles enroulées, ce qui est environ trois fois plus rapide qu’un bateau à voile moderne. Pas mal pour une embarcation taillée avec des outils de pierre et de cuivre. Malgré les preuves de talent et de savoir-faire trouvées dans les cavernes de Mersa Gawasis, les expéditions maritimes restaient un moyen exceptionnel de faire du commerce pour l’ancienne Égypte, né de la nécessité d’obtenir des matières premières exotiques. Durant la majeure partie de l’histoire égyptienne, les marchandises étaient importées du pays de Pount via des routes caravanières bien établies depuis le haut Nil et à travers le désert oriental, avant de passer par l’actuel Soudan. Le moment où le port de Mersa Gawasis commença à être utilisé correspond à la période durant laquelle un nouveau royaume hostile, situé au sud, coupa l’Égypte de ses réserves d’essences aromatiques et de résine. « S’ils avaient pu passer par la terre, cela aurait été beaucoup plus simple que de faire venir du bois du Liban, construire des bateaux dans le Haut Nil, les démonter et les transporter à travers le désert, explique Bard. Ils n’étaient pas idiots, personne ne cherche à choisir la solution la plus compliquée. Mais pour des raisons géopolitiques, ils n’avaient pas d’autre choix. »
Le pays de Pount
En se basant sur la vitesse atteinte par le Min of the Desert pendant son voyage expérimental, Ward estime que l’entreprise prenait au moins quatre mois, sinon plus : un mois pour assembler les bateaux, un mois pour voguer vers Pount, un mois et demi ou plus pour revenir avec des vents contraires, et un dernier mois pour démonter les bateaux et se préparer pour le trek de retour à travers le désert. Fattovich pense qu’il n’y a eu que quinze à vingt expéditions en 400 ans, soit une tous les vingt ans. Même pour une civilisation qui a construit les pyramides, ces expéditions représentaient un énorme challenge logistique. Le chantier naval le plus proche se trouvait à Qena, une cité sur le Nil située non loin des temples de Louxor, Karnak et Thèbes. À 650 km au sud du Caire actuel, Qena était le port du Nil le plus proche de la mer Rouge et probablement le point de départ des expéditions vers le pays de Pount.
Depuis Qena, les expéditions devaient traverser 160 km de désert vers l’est, en suivant des canaux – ou wadis – creusés par de rares orages, avant d’arriver à la côte. Mersa Gawasis constituait un point d’arrêt intermédiaire où les voyageurs pouvaient assembler à nouveau les bateaux et se préparer pour le long périple vers le sud. De nos jours, la côte égyptienne de la mer Rouge est quasiment dénuée de vie, la plage n’étant qu’une extension du désert qui s’étend sur 160 km dans les terres jusqu’au Nil. « Nous voilà au milieu de nulle part, dit Fattovich. Pour les Égyptiens, c’était l’équivalent de ce que sera pour nous une base lunaire dans un siècle – très étrange, très difficile. » Le port, choisi avec précaution, présentait plusieurs atouts pour les anciens marins. Il se trouvait à l’abri du vent et des vagues, était assez profond pour éloigner le danger que représentaient les récifs qui bordent la côte de la mer Rouge, et ses barrières de corail fossilisé pouvaient être dégagées facilement. Pour parfaire le tout, Mersa Gawasis était une sorte d’oasis marine. Des débris organiques, retrouvés autour et à l’intérieur des grottes, permettent aux archéologues de reconstituer un environnement très différent des étendues de sable et de pierres qu’on peut observer de nos jours. L’entrée du bras de mer était autrefois bordée de mangroves et de roseaux. Ces eaux calmes étaient parfaites pour mettre les bateaux à l’eau. « Il y a 4 000 ans, c’était un port idéal. C’est un endroit rêvé pour construire des bateaux, explique Bard. Et c’est ici que la distance entre Qena et la mer Rouge est la plus courte. » Comme pour les missions spatiales actuelles, les expéditions devaient être entièrement autosuffisantes. Si les équipes avaient trouvé des sources d’eau fraîche proches des cavernes, tout le reste devait être acheminé par le désert. Les navires eux-mêmes devaient être démontés planche par planche et probablement chargés à dos d’âne pour ces longs voyages. Chaque expédition emportait avec elle non seulement les bateaux, mais aussi des réserves en nourriture, corde, outils et provisions suffisantes pour faire le voyage vers le sud. Tout ceci demandait des moyens humains faramineux. Une inscription retrouvée sur une pierre en haut de la falaise commémore une expédition lancée autour de 1950 av. J.-C.. Elle détaille une force de travail qui comprenait 3 756 hommes, dont 3 200 ouvriers enrôlés. « Ces opérations étaient chères et compliquées pour l’Égypte ancienne », commente Fattovich. Après 400 ans d’utilisation, Mersa Gawasis tomba en désuétude. Le port fut probablement abandonné faute d’un niveau d’eau suffisant dans le lagon pour porter les navires. Il est aussi possible que les routes terrestres se soient améliorées, ou que d’autres ports aient été utilisés. Les derniers marins à avoir utilisé ce lagon scellèrent leurs cordes et leurs abris derrière des murs de briques d’argile et de sable, en attendant de prochaines expéditions qui n’eurent jamais lieu. Ces cavernes sont restées intactes pendant 4 000 ans.
~
Cette année de fouille à Mersa Gawasis pourrait bien être la dernière. Le bois retrouvé dans les cavernes à été minutieusement photographié, nettoyé et conservé sous vide dans des sacs spéciaux, sur des étagères au fond des grottes. Sur les huit cavernes localisées par l’équipe, six ont été entièrement étudiées. Les entrées des deux dernières sont bloquées par des chutes de pierres et de sable. Tenter de les dégager pourrait causer l’effondrement de l’ensemble. Peu avant la fin de la saison de fouilles, l’équipe a déployé un bras robotique d’un mètre de long armé d’une caméra, construit par un groupe de l’université Carnegie Mellon, pour regarder à l’intérieur.
Malheureusement, une pile de gravas entassés juste après l’ouverture a empêché le robot de faire son travail ; il n’est pas parvenu à surmonter la pente de 45 degrés. Les concepteurs du robot espèrent pouvoir revenir et retenter leur chance avec un design différent. S’ils font une découverte importante, d’énormes pièces de bois ou même un navire entier, par exemple, il y a une chance pour que les cavernes soient explorées. Le site fait l’objet d’une surveillance 24 h/24 et Bard assure que les locaux savent qu’ils ne trouveront pas d’or à l’intérieur, rien d’autre que de vieux morceaux de bois. Malgré le chaos actuel en Égypte, il devrait donc rester à l’abri des pilleurs. Bard et Fattovich se dirigent maintenant vers le sud pour une dernière fouille : ils sont déterminés à découvrir la destination exacte des anciennes expéditions. « J’ai passé ma vie entière à chercher le pays de Pount, dit Fattovich. Je voudrais clôturer ma carrière par une dernière fouille qui permettrait de localiser le port de Pount. » Assise sur la plage, à quelques minutes à pieds des grottes, face à de petites vagues qui frappent doucement cette côte caillouteuse, Bard raconte qu’elle a étudié des images satellites du sud de la mer Rouge pour pointer les ports qui ont pu être utilisés par les marins égyptiens pour le commerce des « merveilles du pays de Pount ». « On réfléchit déjà à notre prochaine destination », dit-elle en regardant le large.
Traduit de l’anglais par Caroline Bourgeret et Arthur Scheuer d’après l’article « Egypt’s Ancient Fleet », paru dans Discover. Couverture : La côte est d’Oman, par Andries Oudshoorn.